COUR D'APPEL D'ORLÉANS
Chambre des référés - Première Présidence
Ordonnance de référé du 21 AOUT 2024
/ 2024
N° RG 24/01210 - N° Portalis DBVN-V-B7I-G7YN
S.A.R.L. CARD TECHNOLOGIES
C/
SOCIÉTÉ SCCV DE L'ANGUILLE
Expéditions le : 21 AOUT 2024
Me Ludivine CASTAGNOLI
la SELARL BOURILLON AVOCAT CONSEIL
chambre commerciale
O R D O N N A N C E
Le vingt et un août deux mille vingt quatre,
Nous, Catherine GAY-VANDAME, première présidente de la Cour d'appel, assistée de Marie-Claude DONNAT, greffier lors des débats et de Fatima HAJBI, greffier lors du prononcé,
Statuant en référé dans la cause opposant :
I - S.A.R.L. CARD TECHNOLOGIES, immatriculée au RCS d'ORLEANS sous le n° 452 960 974, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentée par Me Sandra DE BARROS substituant Me Ludivine CASTAGNOLI, avocat postulant au barreau d'ORLEANS et ayant pour avocat plaidant Me Dikpeu-Eric BALE de la SELARL BALE & KOUDOYOR du barreau de PARIS,
Demanderesse, suivant exploit de la SELARL LEGAHUIS CONSEILS, commissaires de justice associés à [Localité 6] en date du 24 mai 2024,
d'une part
II - SOCIÉTÉ SCCV DE L'ANGUILLE immatriculée au RCS d'ORLEANS sous le n° 853 933 810, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Delphine BOURILLON de la SELARL BOURILLON AVOCAT CONSEIL, avocat au barreau d'ORLEANS
d'autre part
Après avoir entendu les conseils des parties à notre audience publique du 24 juillet 2024, il leur a été indiqué que l'ordonnance serait prononcée, par mise à disposition au greffe le 21 août 2024 .
Suivant acte sous seing privé en date du 1er février 2004, Monsieur [Y] [E] a donné à bail commercial à la SARL CARD TECHNOLOGIES, pour une durée de 9 années, un local commercial situé dans un ensemble immobilier situé [Adresse 4] à [Localité 5].
Le loyer mensuel convenu était de 2 470 € en principal outre la TVA, payable par avance chaque mois. Un dépôt de garantie de 4 940 € était également prévu.
Ce bail s'est poursuivi par tacite reconduction.
L'ensemble des lieux loués ont été vendus par Monsieur [E] à la SCCV de l'ANGUILLE suivant acte notarié en date du 5 mars 2020.
La vente a été régulièrement publiée. Le changement de propriétaire a été notifié au locataire par acte d'huissier du 25 mars 2020.
Par courrier recommandé du 1er juin 2020, la SCCV DE L'ANGUILLE a mis en demeure la SARL CARD TECHNOLOGIES d'avoir à régler les loyers des mois d'avril et mai 2020 ainsi que le dépôt de garantie prévu au bail et d'avoir à transmettre une attestation d'assurance en cours de validité.
Une mise en demeure était notifiée par acte d'huissier du 22 octobre 2020 aux mêmes fins.
Par acte du 20 janvier 2021, la SCCV DE L'ANGUILLE a fait délivrer à la SARL CARD TECHNOLOGIE un commandement de payer les loyers des mois de décembre 2020 et janvier 2021.
Par acte du 12 mai 2021, la SCCV DE L'ANGUILLE a fait délivrer à la SARL CARD TECHNOLOGIE un second commandement de payer le dépôt de garantie visé au contrat de bail, commandement visant la clause résolutoire en matière de bail commercial.
Par exploit introductif d'instance en date du 11 mai 2021 la SARL CARD TECHNOLOGIES a saisi le tribunal judiciaire d'Orléans aux fins notamment de dire nul et de nul effet le commandement du 12 avril 2021 en ce qu'il vise le paiement d'un dépôt de garantie de 6 000 € qui n'est pas dû et dire nul et de nul effet le commandement de payer du 12 avril 2021 en ce qu'il vise le paiement du loyer du mois de décembre 2021 d'un montant de 3 600 € déjà réglé.
Reconventionnellement, la SCCV DE L'ANGUILLE a demandé notamment de voir constater l'acquisition de la clause résolutoire contenue au bail du 1er février 2004 et de condamner la SARL CARD TECHNOLOGIES, ainsi que tous occupant de son chef, à quitter immédiatement et sans délai les lieux loués.
Par jugement rendu le 23 février 2024, le tribunal judiciaire d'Orléans :
- Constate l'acquisition des effets de la clause résolutoire insérée au bail commercial du 1er février 2004 portant sur un local situé [Adresse 7] à [Localité 5], à la date du 12 mai 2021 ;
- Autorise la SCCV de l'ANGUILLE à défaut de départ volontaire des lieux dans les deux mois de la délivrance d'un commandement d'avoir à quitter les lieux, à faire procéder à l'expulsion de la SARL CARD TECHNOLOGIES et à celle de tous occupants de son chef, au besoin avec le concours de la force publique et d'un serrurier ;
- Dit n'y avoir lieu à astreinte ;
- Condamne la SARL CARD TECHNOLOGIES à payer à la SCCV de l'ANGUILLE, à compter du 12 mai 2021, une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du loyer et des charges qui auraient été contractuellement dus en cas de poursuite du bail ;
- Déboute la SARL CARD TECHNOLOGUES de ses demandes devenues sans objet, relatives à la remise des clés des cadenas d allégué et aux loyers ;
- Déboute la SCCV de l'ANGUILLE de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
- Déboute les parties du surplus de leurs prétentions ;
- Constate que l'exécution provisoire de la décision est de droit ;
- Condamne la SARL CARD TECHNOLOGIES à payer à la SCCV de l'ANGUILLE la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Laisse les dépens à la charge de la SARL CARD TECHNOLOGIES.
La SARL CARD TECHNOLOGIE a interjeté appel de cette décision le 8 mars 2024.
Par exploits du 24 mai 2024, la SARL CARD TECHNOLOGIES a fait assigner la société SCCV de l'ANGUILLE afin de voir arrêter l'exécution provisoire attachée à la décision attaquée.
Elle fonde ses demandes sur les dispositions de l'article 514-3 alinéa 2 du code de procédure civile et développe les conséquences manifestement excessives que risquent d'entrainer l'exécution provisoire révélées postérieurement à la décision de première instance du fait :
- D'une analyse née du jugement de 1ère instance et d'un chef de dispositif subséquent qui ne pouvait pas être anticipés par la SARL CARD TECHNOLOGIES puisqu'elle était à jour de ses loyers et du prétendu dépôt de garantie d'un montant de 4 940 € exigible 16 ans auparavant ;
- Des difficultés éprouvées par la société CARD TECHNOLOGIES pour trouver des locaux commerciaux, malgré ses recherches et ce postérieurement au jugement du 23 février 2024.
Elle sollicite également la condamnation de la SCCV de l'ANGUILLE à lui verser la somme de 2 500 € en application des dispositions de l'article 700 du CPC.
La SCCV de l'ANGUILLE s'oppose à l'ensemble des demandes. Par la voix de son conseil, elle rappelle que la SARL CARD TECHNOLOGIES n'a formulé aucune observation sur l'exécution provisoire devant le juge de première instance.
Elle soutient que cette société ne fait pas la démonstration de l'existence de conséquences manifestement excessives qu'entrainerait l'exécution provisoire et doit de ce fait être déclarée irrecevable à solliciter l'arrêt de l'exécution provisoire.
Elle rappelle que la difficulté à trouver des locaux n'est pas démontrée et ajoute que les locaux actuels sont inoccupés depuis plusieurs années et que les recherches très récemment effectuées sont inadaptées.
La société SCCV de l'ANGUILLE sollicite la condamnation de la SARL CARD TECHNOLOGIES à lui verser la somme de 1 000 € en application des dispositions de l'article 700 du CPC.
SUR QUOI :
L'article 514-3 du code de procédure civile prévoit qu'en cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entrainer des conséquences manifestement excessives.
Par ailleurs, la demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.
Les deux conditions posées par le texte sont cumulatives et non alternatives. En conséquence dès lors que l'une des conditions est absente, le rejet de la demande s'impose.
S'agissant de l'existence de conséquences manifestement excessives, il convient de rappeler qu'il appartient seulement au premier président de prendre en compte les risques générés par la mise à exécution de la décision rendue en fonction de la situation personnelle et financière du débiteur, ainsi que des facultés de remboursement du créancier si la décision devait être infirmée par la cour statuant au fond.
Ainsi les conséquences manifestement excessives doivent être examinées notamment au regard de leur caractère disproportionné ou irréversible.
Il est constant que la SARL CARD TECHNOLOGIES n'a émis aucune observation sur l'exécution provisoire de la décision lors de l'examen du litige par la juridiction de première instance.
Il lui appartient en conséquence de rapporter la preuve des conséquences manifestement excessives révélées postérieurement à la décision de première instance que l'exécution provisoire risque d'entraîner.
La SARL CARD TECHNOLOGIES affirme que seule une analyse du jugement et d'un chef de dispositif subséquent lui a permis de constater les effets possibles de la décision rendue ; qu'elle a été surprise par les conséquences d'une analyse née du jugement qu'elle ne pouvait anticiper, s'agissant du non-paiement du dépôt de garantie, dans la mesure où elle avait dûment procédé au règlement de ce dépôt de garantie lors de la signature du bail.
La SARL CARD TECHNOLOGIES explique que cette décision qu'elle ne pouvait anticiper a entrainé pour elle des conséquences manifestement excessives par le fait qu'elle se trouve dans l'impossibilité de trouver des locaux commerciaux pour lui permettre de délocaliser ses équipements et son activité.
Cette affirmation apparaît infondée dans la mesure où le sujet du non-paiement du dépôt de garantie par la bailleresse a été évoqué dès le mois d'août 2020 à travers des échanges de courrier entre la SARL CARD TECHNOLOGIES et la SCCV de l'ANGUILLE ; que la SARL CARD TECHNOLOGIES ne peut décemment aujourd'hui insister sur son incapacité à anticiper les conséquences de la décision rendue par le TJ d'Orléans le 23 février 2024 alors que la demande de la SCCV DE L'ANGUILLE de voir constater l'acquisition de la clause résolutoire contenue au bail du 1er février 2004 et de condamner la SARL CARD TECHNOLOGIES, ainsi que tous occupant de son chef, à quitter immédiatement et sans délai les lieux loués, résultent de demandes reconventionnelles de la SCCV DE L'ANGUILLE formalisées dans une instance que la SARL CARD TECHNOLOGIES avait elle-même engagée le 11 mai 2021 ; que l'objet du litige constituait pour l'essentiel le paiement ou non du dépôt de garanties et ses conséquences.
Il apparait dans ces conditions peu envisageables que la SARL CARD TECHNOLOGIES ne se soit pas inquiétée avant le 23 février 2024 de trouver des locaux nécessaires au déplacement de son activité.
Il ne résulte par ailleurs d'aucun des documents produits par la SARL CARD TECHNOLOGIE de ses besoins en la matière qui pourrait justifier le sérieux de ses recherches, les principaux critères présentés semblant être la proximité de l'accès à l'autoroute A10 évalué à 10 mn et du domicile de son gérant évaluée à 15 mn, aucun critère technique n'étant développé dans les demandes de locaux.
La SARL CARD TECHNOLOGIES ne rapporte pas de preuves suffisantes établissant en l'espèce des conséquences manifestement excessives générées par l'exécution provisoire de la décision attaquée qui se seraient révélées postérieurement à la décision de première instance justifiant la suspension de celle-ci, au sens des dispositions de l'article 514-3 du code de procédure civile.
La SARL CARD TECHNOLOGIES sera déboutée de l'intégralité de ses demandes.
Il n'apparaît pas équitable au vu des circonstances de la cause de faire supporter à la SCCV DE L'ANGUILLE les frais engagés par elle dans la présente procédure et non compris dans les dépens, il convient de lui allouer à ce titre la somme de 1 000 € en application des dispositions de l'article 700 du CPC.
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, contradictoirement et en matière de référé et en dernier ressort,
DEBOUTONS la SARL CARD TECHNOLOGIES de l'ensemble de ses demandes ;
CONDAMNONS la SARL CARD TECHNOLOGIES à verser à la SCCV DE L'ANGUILLE la somme de 1 000 € en application des dispositions de l'article 700 du CPC.
Et la présente ordonnance a été signée par Madame Catherine GAY-VANDAME, première présidente et Madame Fatima HAJBI, greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LA PREMIERE PRÉSIDENTE
Fatima HAJBI Catherine GAY-VANDAME