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16/08/2024 | FRANCE | N°24/02064

France | France, Cour d'appel d'Orléans, Chambre des rétentions, 16 août 2024, 24/02064


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

Rétention Administrative

des Ressortissants Étrangers



ORDONNANCE du 16 AOÛT 2024

Minute N°

N° RG 24/02064 - N° Portalis DBVN-V-B7I-HBMA

(1 pages)



Décision déférée : Juge des libertés et de la détention d'Orléans en date du 14 août 2024 à 11h09



Nous, Nathalie Lauer, président de chambre à la cour d'appel d'Orléans, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Hermine Bildstein, gr

effier aux débats et au prononcé de l'ordonnance,





APPELANTS :

1) LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE PRÈS LE TRIBUNAL JUDICIAIRE D'ORLÉANS,





2) LA...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

Rétention Administrative

des Ressortissants Étrangers

ORDONNANCE du 16 AOÛT 2024

Minute N°

N° RG 24/02064 - N° Portalis DBVN-V-B7I-HBMA

(1 pages)

Décision déférée : Juge des libertés et de la détention d'Orléans en date du 14 août 2024 à 11h09

Nous, Nathalie Lauer, président de chambre à la cour d'appel d'Orléans, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Hermine Bildstein, greffier aux débats et au prononcé de l'ordonnance,

APPELANTS :

1) LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE PRÈS LE TRIBUNAL JUDICIAIRE D'ORLÉANS,

2) LA PRÉFECTURE DE LA SARTHE,

non comparante, non représentée

INTIMÉ :

M. [N] [F]

né le 5 avril 2006 à [Localité 3] (Tunisie), de nationalité tunisienne

actuellement en rétention administrative au centre de rétention administrative d'[Localité 1] dans des locaux ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire

comparant par visioconférence, assisté de Me Karima Hajji, avocat au barreau d'Orléans

en présence de M. [M] [I], interprète en langue arabe, expert près la cour d'appel d'Orléans, qui a prêté son concours lors de l'audience et du prononcé ;

MINISTÈRE PUBLIC, en la personne de M. Luc Belan, avocat général,

À notre audience publique tenue en visioconférence au Palais de Justice d'Orléans, conformément à l'article L. 743-8 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), le 16 août 2024 à 14 heures,

Statuant publiquement et contradictoirement en application des articles L. 743-21 à L. 743-23 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), et des articles R. 743-10 à R. 743-20 du même code,

Vu l'ordonnance rendue le 14 août 2024 à 11h09 par le juge de la liberté et de la détention du tribunal judiciaire d'Orléans disant n'y avoir lieu à prolongation de la rétention administrative de M. [N] [F] et ordonnant sa remise en liberté ;

Vu l'appel de ladite ordonnance interjeté le 14 août 2024 à 17h36 par le procureur de la République près le tribunal judiciaire d'Orléans, avec demande d'effet suspensif ;

Vu l'appel de ladite ordonnance, interjeté le 15 août 2024, à 12h49, par la préfecture de la Sarthe ;

Vu l'ordonnance du 15 août 2024 conférant un caractère suspensif au recours du procureur de la République ;

Vu les conclusions du conseil de M. [N] [F], reçues au greffe le 16 août 2024 à 11h16 ;

Vu les réquisitions du ministère public, reçues au greffe le 16 août 2024 à 11h39 ;

- Vu les observations :

- de l'avocat général tendant à l'infirmation de l'ordonnance ;

- de M. [N] [F], assisté de son conseil, qui demande la confirmation de l'ordonnance ;

AVONS RENDU ce jour, publiquement et contradictoirement, l'ordonnance suivante :

Aux termes de l'article L. 742-5 du CESEDA : « À titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l'article L. 742-4, lorsqu'une des situations suivantes apparait dans les quinze derniers jours :

1° L'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la décision d'éloignement ;

2° L'étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d'éloignement :

a) une demande de protection contre l'éloignement au titre du 5° de l'article L. 631-3 ;

b) ou une demande d'asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;

3° La décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé et qu'il est établi par l'autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.

Le juge peut également être saisi en cas d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public.

L'étranger est maintenu en rétention jusqu'à ce que le juge ait statué.

Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l'expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d'une durée maximale de quinze jours.

Si l'une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° ou au septième alinéa du présent article survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application de l'avant-dernier alinéa, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas quatre-vingt-dix jours ».

Selon les dispositions de l'article L. 741-3 du même code : « Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet ».

Le premier juge a conclu à l'absence des conditions légales de la troisième prolongation de la rétention administrative de M. [N] [F], faute de prouver une menace à l'ordre public par la production de pièces caractérisant la commission d'infractions pénales, et de justifier de la délivrance d'un laissez-passer consulaire à brève échéance puisque, nonobstant la prévision d'une audition consulaire le 23 août 2024, la nationalité de l'intéressé n'est toujours pas établie.

En cause d'appel, il convient donc de vérifier le bien-fondé de la requête en prolongation de la préfecture de la Sarthe face aux compléments d'informations délivrés par le ministère public, étant précisé qu'il n'y a pas lieu de cumuler les situations prévues par les dispositions de l'article L. 742-5 du CESEDA.

S'agissant de la perspective de délivrance à brève échéance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé, il convient de vérifier la réalité de cette situation en appliquant la méthode du faisceau d'indices. Ainsi, la Cour pourra notamment étudier les éléments suivants :

- L'absence de variation, s'agissant de la nationalité revendiquée par le retenu ;

- La présence d'éléments d'identification, susceptibles de confirmer sa nationalité ;

- La présence d'anciens accords consulaires pour la délivrance d'un laissez-passer, ou d'un laissez-passer expiré ;

- Les échanges entre l'administration et les autorités consulaires, dont il pourrait résulter une volonté du consulat ou de l'ambassade de délivrer ce document de voyage ;

- Les procédures diligentées par les autorités consulaires en vue d'identifier l'étranger, et notamment la prévision d'auditions consulaires ;

Il convient également d'apprécier ces indices au regard de l'évolution, dans le temps, de la situation auprès du consulat ou de l'ambassade. Ainsi, des démarches figées, sans aucune évolution favorable auprès des autorités consulaires, auront nécessairement pour effet de durcir l'appréciation des conditions de l'article L. 742-5 3° du CESEDA.

En l'espèce, la Cour constate que l'intéressé a toujours revendiqué la même identité, à savoir celle de [N] [F] né le 5 avril 2006 à [Localité 3] (Tunisie), ce qui ressort également du Fichier Automatisé des Empreintes digitales.

L'autorité administrative détient également une copie de son passeport tunisien n° I682725 valide du 10 janvier 2023 au 9 janvier 2028, et ce document a été transmis aux autorités consulaires tunisiennes par courriel du 5 juillet 2024.

Enfin, la Cour observe qu'une audition consulaire est prévue au Centre de Rétention Administrative de [Localité 2] le 23 août 2024 à 10 heures.

Par conséquent, c'est à tort que le premier juge que la préfecture n'établit pas que le consulat de Tunisie délivrera un laissez-passer consulaire à bref délai, compte-tenu de la procédure actuellement diligentée auprès de celui-ci et des éléments tendant à confirmer la nationalité tunisienne de M. [N] [F]. La prolongation peut donc être autorisée au visa de l'article L. 742-5 3° du CESEDA.

Sur la menace à l'ordre public, pour l'application du septième alinéa de l'article L. 742-5 du CESEDA, créé par la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, il appartient à l'administration de caractériser l'urgence absolue ou la menace pour l'ordre public.

Dans le cadre adopté par le législateur, la notion de menace à l'ordre public a pour objectif manifeste de prévenir, pour l'avenir, les agissements dangereux commis par des personnes en situation irrégulière sur le territoire national.

Selon une jurisprudence constante fixée par le Conseil d'État, la notion d'ordre public ou de la présence en France constituant une menace pour l'ordre public donne lieu à un contrôle entier ou normal du juge administratif.

Il y a lieu de procéder à ce même contrôle lors de l'examen des conditions de troisième et quatrième prolongation telles que résultant de la loi n° 2024-42 précitée.

Ainsi, le juge doit apprécier in concreto la caractérisation de la menace pour l'ordre public, au regard d'un faisceau d'indices prenant en compte la réalité, la gravité, et l'actualité de la menace, au regard notamment de la récurrence ou de la réitération, et de l'ancienneté des faits reprochés.

Ces éléments doivent également être mis balance avec l'attitude positive de l'intéressé, traduisible notamment par son positionnement sur les faits, son comportement en détention, sa volonté d'indemniser les victimes ou encore ses projets de réinsertion ou de réhabilitation.

Enfin, le comportement du retenu dans le cadre de sa rétention administrative doit également être pris en compte avec le cas échéant, une analyse des circonstances ayant mené à un placement à l'isolement, ou à toute autre remontée d'incident le concernant.

En l'espèce, le premier juge a retenu à juste titre que les six signalisations résultant de la consultation du Fichier Automatisé des Empreintes Digitales pour M. [N] [F] n'étaient pas suffisantes pour caractériser une menace à l'ordre public. Toutefois, le ministère public a produit, en cause d'appel, un complément d'information dont la Cour doit tenir compte.

Il ressort ainsi du bulletin judiciaire n°1 de l'intéressé qu'il a été condamné par le tribunal pour enfants d'Angers à deux avertissements judiciaires le 15 novembre 2021, pour des faits de port sans motif légitime d'arme blanche ou incapacitante de catégorie D et de violence commise en réunion suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours, et le 14 avril 2023, à l'accomplissement d'un stage de citoyenneté pour des faits d'usage d'illicite de stupéfiants et de port sans motif légitime d'arme blanche ou incapacitante de catégorie D.

À cela s'ajoutent les différents jugements du tribunal pour enfant d'Angers prononçant sa culpabilité :

- Le 6 septembre 2023, pour des faits de vol par effraction dans un local d'habitation ou un lieu d'entrepôt ;

- Le 6 septembre 2023, pour des faits d'extorsion par violence, menace ou contrainte de signature, promesse, secret, fonds, valeur ou bien ;

- Le 8 novembre 2023), pour des faits de détention, de transport, et d'offre ou cession non autorisée de stupéfiants ;

- Le 6 décembre 2023, pour des faits de tentative d'offre ou cession non autorisée de stupéfiants ;

- Le 17 janvier 2024, pour des faits de détention et d'offre ou cession non autorisée de stupéfiants ;

- Le 27 mars 2024, pour des faits de transport, détention et d'offre ou cession non autorisée de stupéfiants.

La réitération d'actes délictueux, dont plusieurs atteintes aux personnes, dans un temps rapproché et particulièrement récent, permet de caractériser une menace grave et actuelle pour l'ordre public.

La Cour constaté également, outre la commission de multiples infractions en quelques années, que le comportement de l'intéressé ne traduit aucune évolution positive ; ce dernier, loin de préparer un projet professionnel stable, semble d'ailleurs s'être tourné vers le trafic de stupéfiants comme activité lucrative.

La prolongation de sa rétention administrative peut donc également être autorisée sur le fondement du septième alinéa de l'article L. 742-5 du CESEDA.

PAR CES MOTIFS,

DÉCLARONS recevable l'appel du ministère public ;

INFIRMONS l'ordonnance ;

STATUANT À NOUVEAU,

DÉCLARONS recevable la requête en prolongation du préfet de la Sarthe ;

ORDONNONS la prolongation de la rétention de M. [N] [F] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée de quinze jours à compter du 14 août 2024 ;

ORDONNONS la remise immédiate au procureur général d'une expédition de la présente ordonnance ;

LAISSONS les dépens à la charge du Trésor.

Le SEIZE AOÛT DEUX MILLE VINGT QUATRE, à Orléans, à heures

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Hermine BILDSTEIN Nathalie LAUER

Pour information : L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien la rétention et au ministère public. Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification. Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.

L'avocat de l'intéressé L'interprète

NOTIFICATIONS, le 16 août 2024 :

La préfecture de la Sarthe, par courriel

Monsieur le procureur général, par courriel

M. [N] [F] , copie remise par transmission au greffe du CRA

Me Karima Hajji, avocat au barreau d'Orléans, copie remise en main propre contre récépissé


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : Chambre des rétentions
Numéro d'arrêt : 24/02064
Date de la décision : 16/08/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 24/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-08-16;24.02064 ?
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