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16/08/2024 | FRANCE | N°24/02057

France | France, Cour d'appel d'Orléans, Chambre des rétentions, 16 août 2024, 24/02057


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

Rétention Administrative

des Ressortissants Étrangers



ORDONNANCE du 16 AOÛT 2024

Minute N°

N° RG 24/02057 - N° Portalis DBVN-V-B7I-HBLW

(1 pages)



Décision déférée : Juge des libertés et de la détention d'Orléans en date du 14 août 2024 à 12h04



Nous, Nathalie Lauer, président de chambre à la cour d'appel d'Orléans, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Hermine Bildstein, gr

effier, aux débats et au prononcé de l'ordonnance,



APPELANT :

M. X se disant [V] [B]

né le 21 janvier 1999 à [Localité 1] (Irak), de nationalité i...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

Rétention Administrative

des Ressortissants Étrangers

ORDONNANCE du 16 AOÛT 2024

Minute N°

N° RG 24/02057 - N° Portalis DBVN-V-B7I-HBLW

(1 pages)

Décision déférée : Juge des libertés et de la détention d'Orléans en date du 14 août 2024 à 12h04

Nous, Nathalie Lauer, président de chambre à la cour d'appel d'Orléans, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Hermine Bildstein, greffier, aux débats et au prononcé de l'ordonnance,

APPELANT :

M. X se disant [V] [B]

né le 21 janvier 1999 à [Localité 1] (Irak), de nationalité irakienne,

actuellement en rétention administrative au centre de rétention administrative d'[Localité 2] dans des locaux ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire,

comparant par visioconférence, assisté de Me Karima Hajji, avocat au barreau d'Orléans,

INTIMÉ :

LA PRÉFECTURE DE L'INDRE

non comparante, non représentée ;

MINISTÈRE PUBLIC : avisé de la date et de l'heure de l'audience ;

À notre audience publique tenue en visioconférence au Palais de Justice d'Orléans, conformément à l'article L. 743-8 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), le 16 août 2024 à 14 heures ;

Statuant en application des articles L. 743-21 à L. 743-23 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), et des articles R. 743-10 à R. 743-20 du même code ;

Vu l'ordonnance rendue le 14 août 2024 à 12h04 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire d'Orléans ordonnant la prolongation du maintien de M. X se disant [V] [B] dans les locaux non pénitentiaires pour un délai maximum de quinze jours à compter du 13 août 2024 ;

Vu l'appel de ladite ordonnance interjeté le 14 août 2024 à 15h21 par M. X se disant [V] [B] ;

Vu les observations et pièces de la préfecture de l'Indre reçues au greffe le 14 août 2024 à 19h14 ;

Après avoir entendu :

- Me Karima Hajji, en sa plaidoirie,

- M. X se disant [V] [B], en ses observations, ayant eu la parole en dernier ;

AVONS RENDU ce jour, publiquement et contradictoirement, l'ordonnance suivante :

Aux termes de l'article L. 742-5 du CESEDA : « À titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l'article L. 742-4, lorsqu'une des situations suivantes apparait dans les quinze derniers jours :

1° L'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la décision d'éloignement ;

2° L'étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d'éloignement :

a) une demande de protection contre l'éloignement au titre du 5° de l'article L. 631-3 ;

b) ou une demande d'asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;

3° La décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé et qu'il est établi par l'autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.

Le juge peut également être saisi en cas d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public.

L'étranger est maintenu en rétention jusqu'à ce que le juge ait statué.

Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l'expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d'une durée maximale de quinze jours.

Si l'une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° ou au septième alinéa du présent article survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application de l'avant-dernier alinéa, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas quatre-vingt-dix jours ».

Selon les dispositions de l'article L. 741-3 du même code : « Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet ».

Il convient de considérer que c'est par une analyse circonstanciée et des motifs particulièrement pertinents qu'il y a lieu d'adopter que le premier juge a statué sur l'ensemble des moyens de fond soulevés devant lui et repris devant la cour, étant observé, au vu des termes de la déclaration d'appel du retenu du 14 août 2024 et des moyens repris lors des débats de ce jour :

M. [V] [B] rappelle les dispositions résultant de l'article L. 742-5 du CESEDA et conteste l'analyse retenue par le premier juge, qui a prolongé sa rétention pour une seconde période exceptionnelle de quinze jours. Il indique ne pas avoir fait obstruction à son départ dans les quinze derniers jours et affirme que la préfecture ne rapporte pas la preuve qu'un laissez-passer sera délivré à bref délai. Il précise en outre être irakien et non algérien, ce qui suppose que les diligences accomplies en l'espèce n'ont aucune chance d'aboutir.

En réponse à ce moyen, il convient donc de vérifier le bien-fondé de la requête en prolongation de la préfecture de l'Indre, étant précisé qu'il n'y a pas lieu de cumuler les situations prévues par les dispositions de l'article L. 742-5 du CESEDA.

S'agissant de la perspective de délivrance à brève échéance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé, il convient de vérifier la réalité de cette situation en appliquant la méthode du faisceau d'indices. Partant, la Cour pourra notamment étudier les éléments suivants :

- L'absence de variation, s'agissant de la nationalité revendiquée par le retenu tout au long de sa rétention administrative ;

- La présence d'éléments d'identification, susceptibles de confirmer sa nationalité ;

- La présence d'anciens accords consulaires pour la délivrance d'un laissez-passer, ou d'un laissez-passer expiré ;

- Les échanges entre l'administration et les autorités consulaires, dont il pourrait résulter une volonté du consulat ou de l'ambassade de délivrer ce document de voyage ;

- Les procédures diligentées par les autorités consulaires en vue d'identifier l'étranger, et notamment la prévision d'auditions consulaires ;

Il convient également d'apprécier ces indices au regard de l'évolution, dans le temps, de la situation auprès du consulat ou de l'ambassade. Ainsi, des démarches figées, sans aucune évolution favorable auprès des autorités consulaires, auront nécessairement pour effet de durcir l'appréciation des conditions de l'article L. 742-5 3° du CESEDA.

En l'espèce, la Cour constate que dans le cas de M. [V] [B], les démarches consulaires ont été initiées auprès des autorités irakiennes par courriel du 16 mai 2024 (p. 43).

Par courriel du 28 mai 2024 (p.53), le consulat d'Irak a proposé un rendez-vous consulaire le 6 juin 2024 à midi. Cette audition s'est bien déroulée, mais M. [V] [B] a refusé « d'exprimer le moindre mot », pour reprendre les propos du représentant consulaire irakien dans ses courriels des 6 et 13 juin 2024 (p. 56 et 57).

En parallèle, un agent du centre de rétention administrative d'[Localité 2] a signalé le 11 juin 2024 aux services préfectoraux que d'après le son de la voix de l'intéressé et l'intonation qu'il utilise, il est probable qu'il soit de nationalité algérienne (p. 60).

Les autorités de ce pays étaient donc saisies à compter du 19 juin 2024, par courriel auquel étaient joints la lettre de saisine consulaire, les empreintes dématérialisées, la photographie et l'attestation de la cellule d'aide à l'éloignement du CRA d'[Localité 2]. Une relance était ensuite adressée le 27 juin 2024 (p. 62), puis le 22 juillet 2024 (p. 67), et un envoi du dossier complet par courrier recommandé avec accusé de réception était ensuite adressé le 23 juillet 2024 (p. 72 et 73).

Par ailleurs, la préfecture a également inscrit l'intéressé à une audition consulaire au CRA de [Localité 3] le 7 août 2024. Toutefois, M. [V] [B] a également refusé de s'exprimer au cours de cette dernière (p. 99).

Par conséquent, s'il n'est pas établi, au regard de l'ensemble de ces éléments, que les autorités consulaires algériennes soient disposées à délivrer un laissez-passer, force est de constater que cela résulte également du comportement de M. [V] [B], qui, une nouvelle fois, exactement comme lors de son audition auprès du consulat d'Irak le 6 juin 2024, a entravé les démarches consulaires et a, de ce fait, volontairement fait obstruction à l'exécution d'office de la décision d'éloignement dont il fait l'objet. Il s'en déduit que la situation prévue par l'article L. 742-5 1° du CESEDA est caractérisée au cours de la troisième prolongation.

De plus, contrairement à ce que soutient M. [V] [B], l'autorité administrative a effectué des diligences nécessaires et suffisantes, dans le respect de l'obligation de moyens s'imposant à elle, en application de l'article L. 741-3 du CESEDA.

Par ailleurs, la préfecture de l'Indre fonde également sa demande sur la menace que représente le comportement de M. [V] [B] pour l'ordre public.

Pour l'application de cet alinéa, créé par la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, il appartient à l'administration de caractériser l'urgence absolue ou la menace pour l'ordre public.

Dans le cadre adopté par le législateur, la notion de menace à l'ordre public a pour objectif manifeste de prévenir, pour l'avenir, les agissements dangereux commis par des personnes en situation irrégulière sur le territoire national.

Selon une jurisprudence constante fixée par le Conseil d'État, la notion d'ordre public ou de la présence en France constituant une menace pour l'ordre public donne lieu à un contrôle entier ou normal du juge administratif.

Il y a lieu de procéder à ce même contrôle lors de l'examen des conditions de troisième et quatrième prolongation telles que résultant de la loi n° 2024-42 précitée.

Ainsi, le juge doit apprécier in concreto la caractérisation de la menace pour l'ordre public, au regard d'un faisceau d'indices prenant en compte la réalité, la gravité, et l'actualité de la menace, au regard notamment de la récurrence ou de la réitération, et de l'ancienneté des faits reprochés.

Ces éléments doivent également être mis balance avec l'attitude positive de l'intéressé, traduisible notamment par son positionnement sur les faits, son comportement en détention, sa volonté d'indemniser les victimes ou encore ses projets de réinsertion ou de réhabilitation.

Enfin, le comportement du retenu dans le cadre de sa rétention administrative doit également être pris en compte avec le cas échéant, une analyse des circonstances ayant mené à un placement à l'isolement, ou à toute autre remontée d'incident le concernant.

En l'espèce, il résulte de la fiche pénale transmise par la préfecture de l'Indre (p. 113 et s.) que M. [V] [B] a été écroué le 25 mars 2018, par mandat de dépôt émis par le juge des libertés et de la détention du TGI de Tours, dans le cadre d'une instruction diligentée pour des faits de vol avec violence ayant entraîné une incapacité totale de travail n'excédant pas huit jours aggravé par une autre circonstance et de viol commis en réunion. Sa détention provisoire de 12 mois a été prolongée pour une durée de six mois, par ordonnance du juge des libertés et de la détention en date du 20 mars 2019, avant que les faits ne soient requalifiés en délit par ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel par ordonnance de règlement du 27 mai 2019, puis retombent sous la qualification criminelle par ordonnance de mise en accusation de la chambre de l'instruction du 1er août 2019 l'ayant également remis en détention pour 12 mois. La détention provisoire s'est donc prolongée, avec un autre renouvellement de six mois le 9 juillet 2020, avant que la Cour d'assise d'Indre-et-Loire ne le condamne à une peine de huit ans d'emprisonnement et d'interdiction définitive du territoire français.

En parallèle, l'intéressé a également été condamné à quatre mois d'emprisonnement avec maintien en détention pour des faits de recel de bien provenant d'un vol et d'usage illicite de stupéfiants, par jugement du tribunal correctionnel de Tours du 8 mars 2021.

La Cour relève ainsi en premier lieu la gravité des faits commis, de nature criminelle, ayant justifié l'interdiction définitive du territoire française et huit ans de réclusion criminelle, en partie annexés grâce à l'imputation de la durée de la détention provisoire sur le quantum de la peine.

En second lieu, il est constaté que M. [V] [B] s'est également vu retirer, à plusieurs reprises, des crédits de réduction de peine durant son incarcération, par décisions du 6 avril 2021, du 3 février 2022, du 17 novembre 2022, du 9 février 2023, et du 6 juillet 2023, ce qui témoigne de son inconstance quant à sa capacité à adopter un comportement respectueux des règles.

Enfin, il convient de constater que M. [V] [B] a continué de troubler l'ordre public dans le cadre de sa rétention administrative, puisqu'il a été placé en chambre de mise à l'écart le 19 juillet 2024 après avoir arraché un robinet et menacé de violences un autre retenu (p. 39), puis le 8 août 2024 en raison d'une altercation avec un autre retenu, M. [I] [H] (p. 41).

Au regard de l'ensemble de ces éléments, sur lesquels M. [V] [B] s'est gardé de revenir dans son acte d'appel, la menace à l'ordre public doit être considérée comme réelle, grave et actuelle, de sorte que la prolongation de la rétention administrative peut également être autorisée sur le fondement de l'article L. 742-5 alinéa 7 du CESEDA, situation également caractérisée au cours de la troisième prolongation.

En l'absence de toute illégalité susceptible d'affecter les conditions découlant du droit de l'Union, de la légalité de la rétention et à défaut d'autres moyens présentés en appel, il y a lieu de confirmer l'ordonnance attaquée.

PAR CES MOTIFS,

DÉCLARONS recevable l'appel de M. [V] [B] ;

CONFIRMONS l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 14 août 2024 ayant ordonné la prolongation de la rétention administrative pour une durée de quinze jours ;

LAISSONS les dépens à la charge du Trésor ;

ORDONNONS la remise immédiate d'une expédition de la présente ordonnance à la préfecture de l'Indre, à M. X se disant [V] [B] et son conseil, et au procureur général près la cour d'appel d'Orléans ;

Et la présente ordonnance a été signée par Nathalie Lauer, président de chambre, et Hermine Bildstein, greffier présent lors du prononcé.

Fait à Orléans le SEIZE AOÛT DEUX MILLE VINGT QUATRE, à heures

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Hermine BILDSTEIN Nathalie LAUER

Pour information : l'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien la rétention et au ministère public. Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification. Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.

NOTIFICATIONS, le 16 août 2024 :

La préfecture de l'Indre, par courriel

Monsieur le procureur général près la cour d'appel d'Orléans, par courriel

M. X se disant [V] [B] , copie remise par transmission au greffe du CRA

Me Karima Hajji, avocat au barreau d'Orléans, copie remise en main propre contre récépissé

L'avocat de l'intéressé


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : Chambre des rétentions
Numéro d'arrêt : 24/02057
Date de la décision : 16/08/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 24/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-08-16;24.02057 ?
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