RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL D'ORLÉANS
Rétention Administrative
des Ressortissants Étrangers
ORDONNANCE du 06 AOUT 2024
Minute N° 304/2024
N° RG 24/01941 - N° Portalis DBVN-V-B7I-HBEU
(4 pages)
Décision déférée : Juge des libertés et de la détention d'ORLÉANS en date du 04 août 2024 à 15h00
Nous, Claire Girard, président de chambre à la cour d'appel d'Orléans, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Fanny Andrejewski-picard, greffier, aux débats et au prononcé de l'ordonnance,
APPELANT :
M. [P] [R]
né le 07 Janvier 1995 à [Localité 3] (TUNISIE), de nationalité tunisienne,
actuellement en rétention administrative au centre de rétention administrative d'[Localité 4] dans des locaux ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire,
comparant par visioconférence, assisté de Me Karima HAJJI, avocat au barreau d'ORLEANS,
en présence de M. [L] [V], interprète en langue arabe, expert près la cour d'appel d'Orléans, qui a prêté son concours lors de l'audience et du prononcé ;
INTIMÉ :
LA PRÉFECTURE DE MAINE-ET-LOIRE
non comparante, non représentée ;
MINISTÈRE PUBLIC : avisé de la date et de l'heure de l'audience ;
À notre audience publique tenue en visioconférence au Palais de Justice d'Orléans, conformément à l'article L. 743-8 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), le 06 août 2024 à 10 H 00 heures ;
Statuant en application des articles L. 743-21 à L. 743-23 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), et des articles R. 743-10 à R. 743-20 du même code ;
Vu l'ordonnance rendue le 04 août 2024 à 15h00 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire d'Orléans ordonnant la jonction des procédures de demande de prolongation par la préfecture et de recours contre l'arrêté de placement en rétention administrative par le retenu, rejetant le recours formé contre l'arrêté de placement en rétention administrative, et ordonnant la prolongation du maintien de M. [P] [R] dans les locaux non pénitentiaires pour une durée de vingt six jours à compter du 04 août 2024 ;
Vu l'appel de ladite ordonnance interjeté le 05 août 2024 à 10h29 par M. [P] [R] ;
Après avoir entendu :
- Me Karima HAJJI, en sa plaidoirie,
- M. [P] [R], en ses observations, ayant eu la parole en dernier ;
AVONS RENDU ce jour, publiquement et contradictoirement, l'ordonnance suivante :
Il résulte de l'article 66 de la Constitution et de l'article L. 743-9 du CESEDA que le juge des libertés doit s'assurer que l'étranger est pleinement informé de ses droits et placé en état de les faire valoir lorsqu'il se trouve placé en rétention administrative.
Aux termes de l'article L. 743-12 du CESEDA, en cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, toute juridiction, y compris la Cour de cassation, qui est saisie d'une demande d'annulation ou qui relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la main levée de la mesure de placement en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l'étranger.
Selon l'article L. 741-3 du CESEDA, un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps nécessaire à son départ, l'administration étant tenue d'exercer toutes diligences à cet effet, dès le placement en rétention.
Il convient de considérer que c'est par une analyse circonstanciée et des motifs particulièrement pertinents qu'il y a lieu d'adopter que le premier juge a statué sur l'ensemble des moyens de nullité et de fond soulevés devant lui et repris devant la cour, étant observé, au vu des termes de la déclaration d'appel du retenu du 5 août 2024 et des moyens repris lors des débats de ce jour :
1. Sur la procédure antérieure au placement en rétention
Sur les conditions d'interpellation, les dispositions de l'article 78-2 du code de procédure pénale permettent aux officiers de police judiciaire et, sur l'ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, aux agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionnés aux articles 20 et 21-1 du même code d'inviter à justifier, par tout moyen, de son identité toute personne à l'égard de laquelle existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction.
Il n'existe aucune condition quant à la nature de l'infraction envisagée. Ainsi, contrairement à ce que soutient le conseil de M. [P] [R] dans son mémoire, une contravention peut justifier un contrôle fondé sur les dispositions de l'article 78-2 du code de procédure pénale.
Par ailleurs, selon les dispositions de l'article 78-6, alinéa premier du code de procédure pénale : « Les agents de police judiciaire adjoints mentionnés aux 1° bis, 1° ter, 1° quater et 2° de l'article 21 sont habilités à relever l'identité des contrevenants pour dresser les procès-verbaux concernant des contraventions aux arrêtés de police du maire, des contraventions au code de la route que la loi et les règlements les autorisent à verbaliser ou des contraventions qu'ils peuvent constater en vertu d'une disposition législative expresse ».
Pour ce qui est de l'infraction envisagée, l'article R. 412-1 du code de la route prévoit qu'en circulation, tout conducteur ou passager d'un véhicule à moteur doit porter une ceinture de sécurité homologuée dès lors que le siège qu'il occupe en est équipé. Le fait de contrevenir à ces dispositions est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe.
En l'espèce, le rapport de mise à disposition de la police municipale d'[Localité 1] indique que les policiers municipaux ont repéré un véhicule Renault Clio en circulation avec deux individus à bord dont le passager, M. [P] [R], ne portait pas de ceinture de sécurité. Par conséquent, au vu de l'infraction commise par l'intéressé, les policiers municipaux avaient tout à fait le droit de relever son identité.
A la suite de ce premier contact avec M. [P] [R], les agents de police municipale ont sollicité leur station directrice pour vérifier l'identité fournie par celui-ci au Fichier des Personnes Recherchées, ce qui a révélé l'existence d'une fiche de recherche. Dès lors, les policiers municipaux recevaient l'instruction de présenter le mis en cause à l'officier de police judiciaire sans délai.
La fiche de recherche portait plus précisément sur une soustraction à une obligation de quitter le territoire et à une assignation à résidence. S'agissant de deux délits punis par les dispositions des articles L. 824-9 et L. 824-4 du CESEDA d'une peine de trois ans d'emprisonnement, l'enquête était alors initiée sous le régime de la flagrance.
Dans ces conditions, l'interpellation et la remise de l'intéressé à un OPJ s'inscrit dans un cadre légal parfaitement déterminé et respecté par les policiers municipaux. Le moyen est donc rejeté.
2. Sur la contestation de l'arrêté de placement
Sur l'application de l'article L. 722-7 du CESEDA, [P] [R] estime que le recours présenté devant le tribunal administratif contre l'obligation de quitter le territoire dont il fait l'objet depuis le 17 juin 2024 a pour objet de priver de base légale l'arrêté de placement en rétention du 31 juillet 2024.
La Cour constate que la déclaration d'appel cite les dispositions de l'article L. 722-7 du CESEDA aux termes duquel « L'éloignement effectif de l'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut intervenir avant l'expiration du délai ouvert pour contester, devant le tribunal administratif, cette décision et la décision fixant le pays de renvoi qui l'accompagne, ni avant que ce même tribunal n'ait statué sur ces décisions s'il a été saisi ».
Toutefois, pour une correcte application de cet article du CESEDA, encore faut-il citer ses dispositions dans leur totalité, et notamment son dernier alinéa, qui prévoit que « les dispositions du présent article s'appliquent sans préjudice des possibilités d'assignation à résidence et de placement en rétention prévues au présent livre ». L'acte d'appel se garde bien de mentionner ce dernier alinéa.
Par conséquent, le recours de M. [P] [R] contre la décision d'éloignement dont il fait l'objet ne fait pas obstacle à son placement en rétention.
En tout état de cause, la préfecture de Maine-et-Loire a informé le tribunal administratif de Nantes de la présente mesure de placement en rétention. Ainsi, par ordonnance du 2 août 2024, le tribunal administratif de Nantes a transmis la requête de M. [P] [R] au tribunal administratif d'Orléans.
Par conséquent, et conformément à l'article L. 921-4 du CESEDA, la juridiction administrative dispose d'un délai de cent quarante quatre heures à compter de la date à laquelle la décision de placement en rétention lui a été notifiée par l'autorité administrative. La suspension de l'éloignement effectif de M. [P] [R], du fait de son recours devant le tribunal administratif, est donc un obstacle qui sera surmonté à brève échéance. Le moyen est rejeté.
3. Sur la requête en prolongation
Sur les diligences de l'administration, M. [P] [R] estime ces dernières insuffisantes en l'espèce, sans plus de précisions. La Cour constate toutefois que parmi les pièces associées à la requête préfectorale du 3 août 2024 figure la saisine des autorités consulaires tunisiennes par courrier du 24 juin 2024.
Par courrier du 2 juillet 2024 réceptionné le 8 juillet 2024, le consulat a accusé réception du dossier de M. [P] [R] et informé de la transmission de ce dernier aux autorités centrales tunisiennes.
Enfin, la préfecture a informé les autorités consulaires du placement en rétention administrative de l'intéressé par courriel du 1er août 2024.
Ainsi, l'autorité administrative a effectué des diligences nécessaires et suffisantes à ce stade de la procédure administrative de rétention, s'agissant d'une première demande de prolongation. Il est également rappelé qu'elle ne dispose d'aucun pouvoir de contrainte sur les autorités consulaires, de sorte qu'il ne peut lui être reproché le défaut de délivrance de laissez-passer. Le moyen est rejeté.
Sur la demande d'assignation à résidence judiciaire, l'article L. 743-13 du CESEDA prévoit que « Le juge des libertés et de la détention peut ordonner l'assignation à résidence de l'étranger lorsque celui-ci dispose de garanties de représentation effectives.
L'assignation à résidence ne peut être ordonnée par le juge qu'après remise à un service de police ou à une unité de gendarmerie de l'original du passeport et de tout document justificatif de son identité, en échange d'un récépissé valant justification de l'identité et sur lequel est portée la mention de la décision d'éloignement en instance d'exécution ».
Aux termes des dispositions précitées, l'assignation à résidence judiciaire est un choix discrétionnaire opéré par le juge, si ce dernier estime que l'étranger dispose de garanties de représentation effectives, et après remise préalable de l'original de son passeport et de tout document justificatif de son identité à un service de police ou à une unité de gendarmerie en échange d'un récépissé.
En l'espèce, M. [P] [R] ne justifie pas avoir remis l'original de son passeport, ni d'aucun autre document prouvant son identité. La préfecture ne dispose que d'une photographie d'un téléphone contenant lui-même la photographie de son passeport tunisien n° [Numéro identifiant 2]. Par conséquent, l'intéressé ne remplit pas les conditions préalables permettant de faire droit à sa demande d'assignation à résidence judiciaire. Le moyen est donc rejeté.
En l'absence de toute illégalité susceptible d'affecter les conditions, découlant du droit de l'Union, de la légalité de la rétention et à défaut d'autres moyens présentés en appel, il y a lieu de confirmer l'ordonnance attaquée.
Par ces motifs,
DÉCLARONS recevable l'appel de M. [P] [R] ;
DÉCLARONS non fondés l'ensemble des moyens et les rejetons ;
CONFIRMONS l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 4 août 2024 ayant ordonné la prolongation de la rétention administrative pour une durée de 26 jours.
LAISSONS les dépens à la charge du Trésor ;
ORDONNONS la remise immédiate d'une expédition de la présente ordonnance à LA PRÉFECTURE DE MAINE-ET-LOIRE, à M. [P] [R] et son conseil, et au procureur général près la cour d'appel d'Orléans;
Et la présente ordonnance a été signée par Claire Girard, président de chambre, et Fanny Andrejewski-picard, greffier présent lors du prononcé.
Fait à Orléans le SIX AOUT DEUX MILLE VINGT QUATRE, à heures
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Fanny ANDREJEWSKI-PICARD Claire GIRARD
Pour information : l'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien la rétention et au ministère public. Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification. Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
NOTIFICATIONS, le 06 août 2024 :
LA PRÉFECTURE DE MAINE-ET-LOIRE, par courriel
Monsieur le procureur général près la cour d'appel d'Orléans, par courriel
M. [P] [R] , copie remise par transmission au greffe du CRA
Me Karima HAJJI, avocat au barreau d'ORLEANS, copie remise en main propre contre récépissé + afm
L'interprète L'avocat de l'intéressé