RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL D'ORLÉANS
Rétention Administrative
des Ressortissants Étrangers
ORDONNANCE du 30 JUILLET 2024
Minute N° 289/2024
N° RG 24/01832 - N° Portalis DBVN-V-B7I-HA6I
(4 pages)
Décision déférée : Juge des libertés et de la détention d'ORLÉANS en date du 27 juillet 2024 à 17h45
Nous, Carole Chegaray, à la cour d'appel d'Orléans, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Fanny Andrejewski-picard, greffier, aux débats et au prononcé de l'ordonnance,
APPELANT :
M. [T] [D]
né le 29 Avril 2000 à [Localité 5] (TUNISIE), de nationalité tunisienne,
actuellement en rétention administrative au centre de rétention administrative d'[Localité 3] dans des locaux ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire,
comparant par visioconférence assisté de Me Mathurin HOCHART, avocat au barreau de PARIS,
INTIMÉ :
LA PRÉFECTURE D'EURE-ET-LOIR
non comparante, non représentée
MINISTÈRE PUBLIC : avisé de la date et de l'heure de l'audience ;
À notre audience publique tenue en visioconférence au Palais de Justice d'Orléans, conformément à l'article L. 743-8 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), le 30 juillet 2024 à 10 H 00 heures ;
Statuant en application des articles L. 743-21 à L. 743-23 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), et des articles R. 743-10 à R. 743-20 du même code ;
Vu l'ordonnance rendue le 27 juillet 2024 à 17h45 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire d'Orléans ordonnant la jonction des procédures de demande de prolongation par la préfecture et de recours contre l'arrêté de placement en rétention administrative par le retenu, rejetant le recours formé contre l'arrêté de placement en rétention administrative, et ordonnant la prolongation du maintien de M. [T] [D] dans les locaux non pénitentiaires pour une durée de vingt six jours à compter du 26 juillet 2024 ;
Vu l'appel de ladite ordonnance interjeté le 28 juillet 2024 à 17h33 par M. [T] [D] ;
Après avoir entendu :
- Me Mathurin HOCHART, en sa plaidoirie,
- M. [T] [D], en ses observations, ayant eu la parole en dernier ;
AVONS RENDU ce jour, publiquement et contradictoirement, l'ordonnance suivante :
Vu l'obligation de quitter le territoire français sans délai assortie d'une interdiction de retour prise pour une durée de 3 ans à l'encontre de M. [T] [D], édictée et notifiée le 22 juillet 2024 par la préfecture d'Eure-et-Loir,
Vu l'arrêté du préfet d'Eure-et-Loir portant placement en rétention administrative de M. [T] [D], notifié le 22 juillet 2024 de 19h à 19h10,
Vu la requête introduite par M. [T] [D] le 24 juillet 2024 à l'encontre de l'arrêté de placement en rétention administrative,
Vu la requête adressée par la préfecture d'Eure-et-Loir le 26 juillet à 9 h 23,
Vu l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire d'Orléans rendue le 27 juillet 2024 ayant ordonné la prolongation du maintien en rétention administrative de M. [T] [D] dans les locaux non pénitentiaires pour un délai maximum de 26 jours à compter du 26 juillet 2024, notifiée à 17 h 45,
Vu l'appel motivé interjeté par M. [T] [D] à l'encontre de cette décision le 28 juillet 2024 à 17h33,
Vu le mémoire complémentaire transmis au greffe de la cour d'appel par l'intéressé, le 29 juillet 2024 à 10h42,
Vu le procès-verbal de ce jour,
MOTIFS
Sur la recevabilité de l'appel:
L'appel de M.[T] [D], relevé dans les formes et délais légaux prévus par les dispositions des articles L. 743-21, R. 743-10 et R. 743-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), est déclaré recevable.
En revanche, le mémoire complémentaire de l'intéressé adressé à la cour le 29 juillet 2024 à 19 h 59, au-delà du délai d'appel expirant le 29 juillet à 17 h 45, est irrecevable.
Il sera donc statué sur les seuls moyens développés dans la déclaration d'appel et le premier mémoire complémentaire susvisés.
Sur le fond :
1. Sur la régularité de la procédure
Sur les conditions d'interpellation, M. [K] [D] reprend les dispositions de l'article 78-2-1 du code de procédure pénale et conteste la régularité du contrôle dont il a fait l'objet le 22 juillet 2024, alors qu'il était en train de livrer un colis dans le cadre de son travail. Selon lui, la police ne pouvait pas savoir qu'il était en situation d'occupation à ce moment.
En l'espèce, il résulte du procès-verbal d'interpellation du 22 juillet 2024 que les gendarmes agissaient dans le cadre d'une procédure ouverte pour conduite d'un véhicule sans permis de conduire et ont ainsi procédé au contrôle du véhicule de M. [K] [D], qui leur a déclaré verbalement son identité.
C'est ensuite la consultation du Fichier des Personnes Recherchées (FPR) qui a permis de révéler que l'intéressé devait recevoir une notification d'un jugement du tribunal judiciaire de Paris pour une peine de quatre mois d'emprisonnement à exécuter avec opposition recevable. Dès lors, la poursuite du contrôle était possible dans le cadre de l'article 78-2 du code de procédure pénale, qui permet aux officiers de police judiciaire et, sur l'ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, aux agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionnés aux articles 20 et 21-1 du même code, de contrôler l'identité d'une personne faisant l'objet de recherches ordonnées par une autorité judiciaire.
Par ailleurs, l'article L. 812-2 du CESEDA permet le contrôle des obligations de détention, de port et de présentation des pièces et documents sous le couvert desquels un étranger est autorisé à circuler ou à séjourner en France, à la suite d'un contrôle d'identité effectué en application des articles 78-1 à 78-2-2 du code de procédure pénale, ce qui était effectivement le cas de M. [K] [D]. Par conséquent, le contrôle de l'intéressé s'inscrit dans un cadre légal respecté par les agents de la gendarmerie.
Sur la notification des droits en rétention, M. [K] [D] soulève la nullité de la procédure au motif que les différents documents d'information remis lors de la notification du placement en rétention du 22 juillet 2024 de 19h à 19h10 ne sont ni signés, ni horodatés. Selon lui, il serait donc impossible de déterminer à quel moment les droits en rétention ont été notifiés.
Il résulte de l'article L. 744-4 du CESEDA que l'étranger placé en rétention doit être informé dans les meilleurs délais qu'il bénéficie, dans le lieu de rétention, du droit de demander l'assistance d'un interprète, d'un conseil et d'un médecin, et qu'il peut communiquer avec son consulat et toute personne de son choix.
Lors de l'arrivée au lieu de rétention, les dispositions de l'article R. 744-16 du CESEDA prévoient également qu'il soit remis au retenu un procès-verbal de notification des droits en rétention. Le document est signé par l'intéressé qui en reçoit un exemplaire, le fonctionnaire qui en est l'auteur et, le cas échéant, l'interprète. Mention de cette notification est ensuite reportée sur le registre prévu à l'article L. 744-2 du CESEDA.
En l'espèce, M. [K] [D] s'est vu notifier une obligation de quitter le territoire français à l'issue d'une mesure de retenue administrative pour vérification du droit au séjour et de circulation sur le territoire français le 22 juillet 2024 de 18h50 à 19h.
Par la suite, il s'est vu notifier un arrêté de placement en rétention de 19h à 19h10 et l'acte dressé en ce sens fait état de la remise d'un exemplaire de la fiche de notification, d'une copie de l'arrêté ordonnant le placement en rétention, du document d'information sur les voies et délais de recours, du procès-verbal de notification des droits en rétention, et du règlement intérieur du CRA d'[Localité 3].
Le procès-verbal de notification des droits en rétention mentionne effectivement le droit pour l'étranger en rétention de bénéficier de l'assistance d'un conseil, d'un médecin et d'un interprète, et de communiquer avec son consulat et toute personne de son choix. De plus, les coordonnées des associations habilitées à intervenir dans les centres de rétention administrative sont renseignées, et il en est de même pour le numéro de permanence du barreau d'Orléans. Ainsi, M. [K] [D] a bénéficié d'informations effectives sur ses droits.
Par ailleurs, grâce aux mentions portées sur l'acte de notification, signé par l'intéressé, la cour peut constater que ces documents ont été remis entre 19h et 19h10, et en déduit que les droits ont été correctement notifiés, dans le respect des exigences fixées à l'article L. 744-4 du CESEDA.
A titre surabondant, il est constaté que M. [K] [D] est arrivé au CRA d'[Localité 3] le 22 juillet 2024 à 20h35 et qu'une nouvelle notification de ses droits est intervenue à 20h40, avec remise du procès-verbal prévu à l'article R. 744-16 susmentionné. Dans ces conditions, la cour ne relève aucune irrégularité.
2. Sur la contestation de l'arrêté de placement
Sur l'erreur d'appréciation de la situation de M. [K] [D], l'intéressé estime que la motivation de l'arrêté de placement du 22 juillet 2024 est stéréotypée, dépourvue de personnalisation, ce qui lui a nécessairement causé grief.
Il conteste également la menace qu'il pourrait représenter pour l'ordre public évoquée par le préfet et rappelle les éléments tenant à son intégration socio-professionnelle sur le territoire français, à savoir notamment la présence de sa partenaire, Mme [Z] [G], de nationalité française, qui l'héberge, et avec laquelle il s'est pacsé le 24 avril 2024, ainsi que l'emploi qu'il occupe pour subvenir aux besoins de son ménage.
En réponse, la cour rappelle au préalable que le préfet n'est pas tenu, dans sa décision, de faire état de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé dès lors que les motifs positifs qu'il retient suffisent à justifier le placement en rétention, qui est la date à laquelle le juge doit se placer pour apprécier la légalité de la décision de placement.
En outre, les éléments tenant à la vie privée et familiale et à l'intégration sur le territoire français sont inopérants en ce qu'ils reviennent en réalité à contester la mesure d'éloignement dont M. [K] [D] fait l'objet, ce contentieux relevant de la seule compétence du juge administratif.
Ainsi, le préfet d'Eure-et-Loir a notamment motivé sa décision de placement en rétention du 22 juillet 2024 par le défaut de document de voyage ou d'identité en cours de validité présenté par l'intéressé, par la non-justification de son adresse déclarée au [Adresse 1] à [Localité 4] (91), et par l'impossibilité pour lui d'acquérir légalement les moyens de quitter le territoire français dans la mesure où il ne bénéficie pas de droit au travail en raison de l'irrégularité de son séjour en France.
A cet égard, la cour relève que les déclarations de M. [T] [D] lors de son audition du 22 juillet 2024 ont été prises en compte, étant précisé que les justificatifs produits par ce dernier n'ont été soulevés qu'à l'occasion des débats devant le juge des libertés et de la détention et la cour. Il ne peut donc être reproché au préfet de ne pas en avoir tenu compte puisqu'il ne les avait pas à sa disposition à date d'édiction de l'arrêté de placement en rétention.
Par ailleurs, si M. [K] [D] est effectivement locataire à l'adresse [Adresse 2] à [Localité 4], adresse occupée avec sa partenaire, et justifie être en mesure de verser les loyers, il n'en demeure pas moins en situation irrégulière sur le territoire français depuis le 5 avril 2022, date de notification de sa première obligation de quitter le territoire français, soit depuis plus de deux ans. Etant en outre dépourvu de documents de voyage, rien ne garantit qu'il prendra lui-même attache avec le consulat dont il a la nationalité afin d'obtenir un laissez-passer. Enfin, dans la mesure où il est dépourvu de droit au travail sur le territoire français, il ne peut être considéré qu'il sera en mesure d'obtenir les ressources suffisantes pour acquérir un titre de transport lui permettant de quitter le territoire français et l'espace Schengen.
Ainsi, le préfet d'Eure-et-Loir a motivé sa décision et n'a commis aucune erreur d'appréciation. Sans qu'il y ait à se prononcer sur la menace à l'ordre public à ce stade de la procédure administrative de rétention, les éléments produits par la préfecture caractérisent le risque de fuite au sens de l'article L. 741-1 du CESEDA, de sorte que l'assignation à résidence est une mesure insuffisante.
3. Sur la requête en prolongation
Sur les diligences de l'administration, M. [K] [D] reprend les dispositions de l'article L. 741-3 du CESEDA et estime ces dernières insuffisantes. Toutefois, la cour constate que parmi les pièces associées à la requête préfectorale du 26 juillet 2024 figure la saisine des autorités consulaires tunisiennes en date du 23 juillet 2024. Ainsi, l'autorité administrative a effectué des diligences nécessaires et suffisantes à ce stade de la procédure, s'agissant d'une première demande de prolongation de la rétention, étant rappelé qu'elle ne détient aucun pouvoir de contrainte ou d'instruction sur les autorités consulaires, de sorte qu'il ne peut lui être reproché le défaut de réponse du consulat.
En l'absence de toute illégalité susceptible d'affecter les conditions, découlant du droit de l'Union, de la légalité de la rétention et à défaut d'autres moyens recevables présentés en appel, il y a lieu de confirmer l'ordonnance attaquée.
PAR CES MOTIFS,
DÉCLARONS recevable l'appel de M. [K] [D],
Confirmons l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 27 juillet 2024 ayant ordonné la prolongation de la rétention administrative de M. [K] [D] pour une durée de 26 jours à compter du 26 juillet 2024.
LAISSONS les dépens à la charge du Trésor ;
ORDONNONS la remise immédiate d'une expédition de la présente ordonnance à LA PRÉFECTURE D'EURE-ET-LOIR, à M. [T] [D] et son conseil, et au procureur général près la cour d'appel d'Orléans ;
Et la présente ordonnance a été signée par Carole Chegaray,Présidente de chambre , et Fanny Andrejewski-picard, greffier présent lors du prononcé.
Fait à Orléans le TRENTE JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE, à heures
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Fanny ANDREJEWSKI-PICARD Carole CHEGARAY
Pour information : l'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien la rétention et au ministère public. Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification. Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
NOTIFICATIONS, le 30 juillet 2024 :
LA PRÉFECTURE D'EURE-ET-LOIR, par courriel
Monsieur le procureur général près la cour d'appel d'Orléans, par courriel
M. [T] [D] , copie remise par transmission au greffe du CRA
Me Mathurin HOCHART, avocat au barreau de PARIS, copie remise en main propre contre récépissé / par PLEX
L'avocat de la préfecture L'avocat de l'intéressé