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23/07/2024 | FRANCE | N°21/02014

France | France, Cour d'appel d'Orléans, Chambre civile, 23 juillet 2024, 21/02014


COUR D'APPEL D'ORLÉANS



C H A M B R E C I V I L E





GROSSES + EXPÉDITIONS : le 23/07/2024

Me François-Xavier PELLETIER

la SCP WEDRYCHOWSKI ET ASSOCIES





ARRÊT du : 23 JUILLET 2024



N° : - 24



N° RG 21/02014 - N° Portalis DBVN-V-B7F-GM7O





DÉCISION ENTREPRISE : Jugement Tribunal de Grande Instance de BLOIS en date du 17 Juin 2021



PARTIES EN CAUSE



APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265270039226733



CAISSE RÉGIO

NALE D'ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES PARIS VAL DE LOIRE agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 1]

[Localité 5]



représentée par...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

C H A M B R E C I V I L E

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 23/07/2024

Me François-Xavier PELLETIER

la SCP WEDRYCHOWSKI ET ASSOCIES

ARRÊT du : 23 JUILLET 2024

N° : - 24

N° RG 21/02014 - N° Portalis DBVN-V-B7F-GM7O

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement Tribunal de Grande Instance de BLOIS en date du 17 Juin 2021

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265270039226733

CAISSE RÉGIONALE D'ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES PARIS VAL DE LOIRE agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me François-Xavier PELLETIER, avocat au barreau de TOURS

D'UNE PART

INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265268641756851

Madame [N] [L]

née le [Date naissance 3] 1971 à [Localité 7] (Portugal)

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Ladislas WEDRYCHOWSKI de la SCP WEDRYCHOWSKI ET ASSOCIES, avocat au barreau d'ORLEANS

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 13 Juillet 2021.

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 25 mars 2024

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats à l'audience publique du 28 Mai 2024 à 14h00, l'affaire a été plaidée devant Madame Laure- Aimée GRUA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, en l'absence d'opposition des parties ou de leurs représentants.

Lors du délibéré, au cours duquel Madame Laure- Aimée GRUA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, a rendu compte des débats à la collégialité, la Cour était composée de:

Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de chambre,

Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller,

Madame Laure- Aimée GRUA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

GREFFIER :

Mme Karine DUPONT, Greffier lors des débats et du prononcé.

ARRÊT :

Prononcé publiquement le 23 juillet 2024 (délibéré prorogé, initialement fixé au 9 juillet 2024) par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

***

FAITS ET PROCÉDURE

Le 13 octobre 2017, Mme [L] a été victime d'un accident de la circulation impliquant son seul véhicule terrestre à moteur assuré auprès de la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Paris Val de Loire (ci-après CRAMA).

Dans le cadre de la garantie 'Accident Corporel du Conducteur', elle a été soumise par son assureur à une expertise médicale confiée au docteur [I], lequel a rendu son rapport le 6 novembre 2018.

Par acte d'huissier en date du 20 décembre 2019, Mme [L] a fait assigner la CRAMA devant le tribunal de grande instance de Blois aux fins d'obtenir l'indemnisation de ses préjudices.

Par jugement en date du 17 juin 2021, le tribunal judiciaire de Blois a :

- condamné la CRAMA à payer à Mme [L] les sommes de :

- 8 877,03 euros au titre de l'incapacité temporaire,

- 71 596,40 euros au titre de l'incapacité permanente partielle,

- 84 595 euros au titre de l'assistance tierce personne,

- 9 000 euros au titre des souffrances endurées ;

- dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de ce jour ;

- ordonné que les intérêts des sommes dues soient capitalisés par périodes annuelles conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;

- dit que la provision de 2 000 euros versée par la CRAMA à Mme [L] sera déduite de ces sommes ;

- condamné la CRAMA à payer à Mme [L] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la CRAMA aux dépens ;

- accordé à Maître Wedrychowski de la société Wedrychowski et associés le droit prévu à l'article 699 du code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.

Par déclaration en date du 13 juillet 2021, la CRAMA a relevé appel de l'intégralité des chefs de ce jugement sauf en ce qu'il a condamné la CRAMA à payer à Mme [L] les sommes de 84 595 euros au titre de l'assistance tierce personne et 9 000 euros au titre des souffrances endurées ; dit que la provision de 2 000 euros versée par la CRAMA à Mme [L] sera déduite de ces sommes.

Les parties ont constitué avocat et ont conclu.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 25 mars 2024.

Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 20 mars 2024, la CRAMA demande à la cour de :

- déclarer l'appel de la CRAMA recevable et bien fondé,

Y faisant droit,

Statuant de nouveau,

- mettre à néant le jugement numéro 21/00399 du 17 juin 2021 portant le numéro RG 19/02627 rendu par le tribunal judiciaire de Blois en ce qu'il a condamné la CRAMA à payer à Mme [L] les sommes de 8.877,03 euros au titre de l'incapacité temporaire et 71.596,40 euros au titre de l'incapacité permanente partielle ; dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de ce jour ; ordonné que les intérêts des sommes dues soient capitalisés par périodes annuelles conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil ; condamné la CRAMA à payer à Mme [L] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; condamné la CRAMA aux dépens ; accordé à Me Wedrychowski de la société Wedrychowski et associés le droit prévu à l'article 699 du code de procédure civile ;

- réformer et, en tant que de besoin, infirmer le jugement numéro 21/00399 du 17 juin 2021 portant le numéro RG 19/02627 rendu par le tribunal judiciaire de Blois en ce qu'il a condamné la CRAMA à payer à Mme [L] les sommes de 8.877,03 euros au titre de l'incapacité temporaire et 71.596,40 euros au titre de l'incapacité permanente partielle ; dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de ce jour ; ordonné que les intérêts des sommes dues soient capitalisés par périodes annuelles conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil ; condamné la CRAMA à payer à Mme [L] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; condamné la CRAMA aux dépens ; accordé à Me Wedrychowski de la société Wedrychowski et associés le droit prévu à l'article 699 du code de procédure civile ;

- dire n'y avoir lieu à faire droit à l'appel incident formé par Mme [L] ;

- déclarer ledit appel incident de Mme [L] non fondé ;

- rejeter ledit appel incident et les demandes de Mme [L] comme non fondés ;

- déclarer Mme [L] irrecevable et, en tout état de cause, non fondée en ce qu'elle sollicite la somme de 8.877 euros au titre de l'incapacité temporaire et la somme de 126.737,72 euros au titre de l'incapacité permanente ;

- débouter Mme [L] de ses demandes à ces 2 titres ;

- réduire, en tout état de cause, les demandes de Mme [L] à de plus justes proportions ;

- donner acte à la CRAMA et constater qu'elle propose les sommes suivantes :

- au titre de l'incapacité temporaire la somme de 5.164,53 euros,

- au titre de l'incapacité permanente la somme de 34.200 euros ;

- déclarer ces offres suffisantes et satisfactoires ;

- débouter Mme [L] de toutes demandes plus amples ou contraires ;

- ordonner que les intérêts ne courront qu'à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir ;

- déduire des indemnités allouées la provision de 2.000 euros d'ores et déjà versée à Mme [L] par la CRAMA ;

- condamner Mme [L] à rembourser à la CRAMA les sommes versées en trop au titre de l'exécution provisoire dont est assorti le jugement du tribunal judiciaire de Blois avec intérêts au taux légal à compter de la date du versement par la CRAMA de la somme en question ;

- débouter Mme [L] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure

civile ;

- condamner, en revanche, Mme [L] à payer à la CRAMA la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Maître François-Xavier Pelletier, avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 20 mars 2024, Mme [L] demande à la cour de :

- juger la CRAMA recevable mais mal fondée en son appel principal,

- juger Mme [N] [L] recevable et bien fondée en son appel incident,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Blois le 17 juin 2021 en ce qu'il a condamné la CRAMA à payer à Mme [L] les sommes de 8.877,03 euros au titre de l'incapacité temporaire, 84.595 euros au titre de l'assistance tierce personne et 9.000 euros au titre des souffrances endurées ; dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de ce jour ; ordonné que les intérêts des sommes dues soient capitalisés par périodes annuelles conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil ; dit que la provision de 2.000 euros versée par la CRAMA à Mme [L] sera déduite de ces sommes ; condamné la CRAMA à payer à Mme [L] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; condamné la CRAMA aux dépens ; accordé à Me Wedrychowski de la société Wedrychowski et associés le droit prévu à l'article 699 du code de procédure civile ; ordonné l'exécution provisoire de la présente décision,

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la CRAMA à payer à Mme [N] [L] la somme de 71.596,40 euros l'indemnisation de l'incapacité permanente partielle.

Statuant à nouveau sur cette seule disposition du jugement,

- condamner la CRAMA à payer à Mme [L] une somme de 126.737,72 euros au titre de l'indemnisation de l'incapacité permanente partielle.

Y ajoutant,

- condamner la CRAMA à payer à Mme [L] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la CRAMA aux entiers dépens et dire que, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, Me Ladislas Wedrychowski de la société Wedrychowski & associés pourra recouvrer directement les frais dont il a fait l'avance sans en avoir reçu provision.

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions.

MOTIFS

Sur l'étendue du droit à indemnisation de Mme [L]

Moyens des parties

La CRAMA reproche au premier juge d'avoir commis une erreur de droit en dénaturant les clauses contractuelles qui font la loi des parties, alors que les définitions figurant dans les conditions générales sont claires et ne souffrent d'aucune interprétation.

Elle fait plaider que selon le contrat, en ce qui concerne l'incapacité temporaire,

la garantie couvre les préjudices et les frais suivants (') en cas de blessure de l'assuré : l'indemnisation de l'incapacité temporaire de travail ou d'activité à compter du premier jour d'interruption (pièce 2 - page 20) ; étant précisé que l'incapacité temporaire est définie comme « la perte limitée dans le temps de la capacité de travail ou d'activité. Cette définition concerne la garantie accidents corporels du conducteur (pièce 2 - page 10) ; cette perte dans le temps de l'incapacité de travail et d'activité correspond aux pertes de gains professionnels actuels subies par l'assurée ; rien ne permettant de soutenir que ladite notion de « perte limitée de la capacité d'activité » recouvre la sphère extra patrimoniale, le premier juge ayant considéré à tort et sans fondement que la perte d'activité s'apparente au déficit fonctionnel temporaire dans la mesure où le terme activité ne serait pas limité à la sphère professionnelle, dénaturant le mot 'perte' et ajoutant au texte alors que le déficit fonctionnel temporaire correspond, en effet, à des gênes ou à des troubles dans la vie courante mais pas à une perte, confondant ainsi les notions de DFT et de PGPA pour les confondre sous l'unique vocable d'incapacité temporaire.

Elle ajoute que si le contrat fait référence au terme « activité », toutefois cela ne peut laisser penser que le déficit fonctionnel temporaire est inclus dans la définition de l'incapacité temporaire. En effet, s'il était inclus, il aurait été explicitement mentionné dans la définition sous les termes « gênes dans les actes de la vie courante » ou « troubles dans les conditions d'existence » ; ce qui n'est pas le cas, le premier juge a ajouté au texte de la définition de l'incapacité temporaire ; ce qu'il ne peut juridiquement pas faire, les gênes se définissant comme étant une période pendant laquelle la victime a été dans l'impossibilité d'exercer ses activités personnelles ou a repris tout ou partie de ses activités personnelles, alors que dans le contrat, il n'est pas spécifié « activité personnelle » et elle considère que la notion est incluse dans l'incapacité de travail.

Pour ce qui concerne l'incapacité permanente, elle prétend que le premier juge a commis une erreur de droit en retenant qu'elle comprend là aussi la sphère patrimoniale et extra patrimoniale et pas seulement le déficit fonctionnel permanent mais également les pertes de gains professionnels futurs et l'incidence professionnelle alors que la définition de l'incapacité permanente, pièce 2 page 10, est « la perte définitive, partielle ou totale, de la capacité fonctionnelle d'une personne qui s'exprime en pourcentage et est établie par une expertise médicale », ce qui s'exprime en pourcentage ne pouvant être que le déficit fonctionnel permanent.

Mme [L] répond que les conditions générales du contrat souscrit (référence 1001802B) définissent l'objet de sa garantie Protection du Conducteur et précise que sont garantis « les atteintes corporelles et le décès consécutifs à un accident de la circulation dont l'assuré est responsable ou non » et que la garantie couvre en cas de blessures les préjudices suivants (pièce n°2 - page 21) : - l'indemnisation de l'incapacité temporaire de travail ou d'activité à compter du premier jour d'interruption, - les frais de traitement médicaux, chirurgicaux et pharmaceutiques y compris les frais de rééducation, de prothèse ou d'appareillage, - l'indemnisation de l'incapacité permanente partielle ou totale selon le barème du Droit Commun correspondant aux dommages physiologiques subsistant après que l'état de la victime a été consolidé, - les frais d'assistance de tierce personne, - l'indemnisation des souffrances endurées et le préjudice esthétique ; dans le paragraphe consacré à la détermination de l'indemnité (pièce n°2 - page 22), il est précisé que celle-ci se fait, dans la limite du plafond de garantie choisi, en fonction des préjudices effectivement subis, évalués selon les règles du Droit Commun c'est à dire selon les règles utilisées par les tribunaux, sous déduction des prestations à caractère indemnitaire versées par tout organisme social ou de prévoyance ou par l'employeur et elle considère donc à la lecture de ces conditions générales que son contrat prévoit l'indemnisation de son déficit fonctionnel temporaire et de ses pertes de gains professionnels futurs et de son incidence professionnelle ; en effet, en l'absence d'indications plus précises sur l'indemnisation de l'incapacité temporaire de travail ou d'activité, ce poste de préjudice doit être entendu dans un sens permettant de prendre en compte sa dimension patrimoniale et extra-patrimoniale.

Elle ajoute qu'il convient de se reporter à la page 11 des conditions générales du contrat pour prendre connaissance de la définition donnée des termes « incapacité temporaire » : « Pertes limitées dans le temps de la capacité de travail ou d'activité » ; il est évoqué la diminution de capacité de travail ou d'activité sans plus de précisions ; cette notion d'incapacité temporaire telle que définie dans les conditions générales du contrat recouvre tant la sphère patrimoniale (capacité de travail) que la sphère extra-patrimoniale (capacité d'activité). Elle considère, en tout cas, qu'il doit être fait application de l'article 1190 du code civil qui dispose qu'en cas de doute, « le contrat d'adhésion s'interprète contre celui qui l'a proposé », le contrat d'assurance devant s'interpréter en faveur de l'assuré, en cas d'ambiguïté des termes ou des expressions contenues dans le contrat et elle conclut que l'indemnisation des pertes de gains professionnels actuels et du déficit fonctionnel temporaire dans le cadre du poste consacré à l'indemnisation de l'incapacité temporaire de travail ne peut qu'être validée.

Elle fait plaider qu'il en est de même concernant l'indemnisation de l'incapacité permanente qui doit prendre en compte sa dimension patrimoniale (pertes de gains professionnels futures et incidence professionnelle) et extra-patrimoniale (déficit fonctionnel permanent), les conditions générales faisant référence à la déduction des prestations à caractère indemnitaire versées par tout organisme social ou de prévoyance ou par l'employeur au paragraphe intitulé « détermination de l'indemnité » ; ces prestations versées notamment par les organismes sociaux s'imputent sur les pertes de gains professionnels futurs, puis sur l'incidence professionnelle et enfin s'il subsiste un solde sur le déficit fonctionnel permanent, ce qui ne pourrait se faire s'il n'était pas versé une indemnité au titre de ces trois postes de préjudice différents ; s'il est fait référence à l'imputation de la rente ou du capital invalidité c'est que l'indemnisation de l'incapacité permanente prend bien en compte les composantes patrimoniales et extrapatrimoniales ; le pourcentage se rattache à la capacité fonctionnelle mais il n'en est pas de même pour les conséquences de la « perte définitive, partielle ou totale, de la capacité fonctionnelle d'une personne » qui s'indemnise sans référence exclusive à un pourcentage mais bien à travers les pertes de gains professionnels futurs, l'incidence professionnelle et le déficit fonctionnel permanent.

Réponse de la cour

Le contrat d'assurance couvre l'indemnisation de l'incapacité temporaire de travail ou d'activité.

Il n'est pas contesté que l'incapacité temporaire de travail couvre la sphère patrimoniale, c'est à dire la perte de gains professionnels, mais le terme activité, ajouté, ne peut concerner que la sphère non patrimoniale, l'aspect non économique de l'incapacité temporaire, c'est à dire l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle que va subir la victime jusqu'à sa consolidation, qui correspond au préjudice résultant de la gêne dans les actes de la vie courante qu'elle rencontre pendant la maladie traumatique

(séparation familiale pendant l'hospitalisation et privation temporaire de qualité de vie).

Le contrat, qui est un contrat d'adhésion, ne définissant pas le terme activité, doit être, en tout cas, en application de l'article 1190 du code civil, interprété contre celui qui l'a proposé. La décision est donc confirmée.

Pour ce qui concerne l'incapacité permanente, le contrat prévoit, en ses conditions générales, page 9, 10 et 20, que,

« La garantie couvre les préjudices (') en cas de blessures de l'assuré : l'indemnisation de l'incapacité permanente, partielle ou totale selon le barème Droit commun correspondant aux dommages physiologiques subsistant après que l'état de la victime ait été consolidé, c'est-à-dire au moment où les lésions ont cessé d'évoluer et où il n'est plus possible d'attendre des soins, une amélioration notable, de sorte que les conséquences de l'accident pourront être fixées d'une façon certaine ».

L'incapacité permanente se définit comme « la perte définitive, partielle ou totale, de la capacité fonctionnelle d'une personne qui s'exprime en pourcentage et est établie par une expertise médicale ». (pièce 2 - page 10).

Il est certain que le pourcentage se rattache à la seule capacité fonctionnelle, mais il faut relever, page 22 des conditions générales, sous la rubrique 2. Détermination de l'indemnité, que 'L'indemnité est déterminée, dans la limite du plafond de garantie que vous avez choisi, en fonction des préjudices effectivement subis. Ils sont évalués suivant les règles du Droit Commun, c'est à dire selon les règles utilisées par les tribunaux, sous déduction des prestations à caractère indemnitaires versées par tout organisme social ou de prévoyance ou par l'employeur' ; page 48 des conditions générales, sous la rubrique 3/3/3. Accidents corporels du conducteur, que 'L'indemnité est calculée en fonction du préjudice déterminé selon la règle du Droit Commun et dans la limite du montant global de garantie figurant dans vos conditions personnelles.'

L'expert désigné par la CRAMA ayant d'ailleurs déterminé les préjudices de Mme [L] en application des règles du Droit commun, tous ses préjudices doivent être indemnisés.

Sur l'indemnisation du préjudice de Mme [L]

Il ressort du rapport d'expertise que du fait de l'accident, Mme [L] a subi, - une contusion du genou gauche.

Elle ne sera pas hospitalisée. Présentant des douleurs rachidiennes de la charnière dorsolombaire, elle a consulté son médecin généraliste qui a demandé une IRM dorsolombaire qui va mettre en évidence une importante hernie discale non calcifiée (c'est à dire récente) en T2-L1. Elle sera dirigée vers le docteur [Z] à [Localité 6] qui, après appréciation de l'imagerie, confirmera la gravité de la situation herniaire dans une zone de vascularisation très précaire et susceptible de générer des complications neurologiques extrêmement sévères. Il a récusé à 2 reprises toute chirurgie.

L'expert a fixé au 30 septembre 2018 la date de consolidation de l'état de Mme [L].

1 - L'incapacité temporaire de travail et les gênes dans les actes de la vie courante

Mme [L] était artisan-coiffeuse depuis 25 ans, exerçait son activité tant à son domicile qu'à celui de ses clients et, à côté, occupait un emploi de vendeuse lui procurant des revenus salariés.

L'indemnité de 5 164,53 euros allouée par le premier juge, n'étant pas litigieuse, la décision sera confirmée.

Pour ce qui concerne les gênes dans les actes de la vie courante, le premier juge a alloué à Mme [L] une indemnité de 3 712,50 euros.

La CRAMA s'y oppose en prétendant que le déficit fonctionnel temporaire n'est pas contractuellement prévu dans les dispositions contractuelles.

Il a été répondu ci-dessus à ce moyen et il convient de s'y référer.

L'expert a retenu que le déficit fonctionnel a été :

- total du 13 octobre au 1er décembre 2017,

- partiel à 50 % du 2 décembre 2017 au 2 mars 2018,

- partiel à 25 % du 3 mars au 30 septembre 2018.

La décision sera confirmée en ce qu'elle a indemnisé Mme [L] sur une base horaire de 25 euros pour un déficit de 100% et lui a alloué une somme de 3 712,50 euros.

La totalité de ce préjudice est donc d'un montant de 8 877,03 euros.

2 - L'incapacité permanente partielle

Ce préjudice comprend les pertes de gains professionnels futures, l'incidence professionnelle et le déficit fonctionnel permanent.

- Les pertes de gains professionnels futures

Elles résultent de la perte de l'emploi ou du changement d'emploi. Ce préjudice est évalué à partir des revenus antérieurs afin de déterminer la perte annuelle, le revenu de référence étant toujours le revenu net annuel imposable avant l'accident.

Mme [L] fait valoir que dans le cadre de sa profession d'artisan coiffeur, elle percevait 100 euros mensuellement ; qu'ayant travaillé de septembre 2014 à avril 2015 pour la société Commedia en qualité de serveuse, elle a perçu un revenu moyen de 250 euros mensuel ; de décembre 2015 à juillet 2016 pour la société Savedis en qualité de vendeuse, ce qui lui procurait un complément de revenus moyen de 340 euros. Elle demande que la somme mensuelle de 367 euros soit retenue comme base de son indemnisation.

La CRAMA s'y oppose en soutenant que, malgré l'attestation produite par l'employeur, M. [V] [P], rien ne permet de penser que ce contrat aurait été renouvelé et elle considère qu'il s'agit d'un projet hypothétique.

Il faut relever que pour l'indemnisation de la perte de gains professionnels actuels, la CRAMA n'a pas contesté la double activité de Mme [L] et a accepté de l'indemniser de sa perte.

Mme [L] demande que son préjudice de 367 euros mensuel soit capitalisé temporairement jusqu'à son départ à la retraite à l'âge de 62 ans sur la base du barème publié par la Gazette du Palais en septembre 2022 (taux d'intérêt - 1%).

La CRAMA s'oppose à l'utilisation de ce barème.

Cependant, d'une part, le juge n'a pas à s'expliquer sur le barème qu'il utilise, d'autre part, il ne peut être demandé à l'assurée de faire plaisir à son assureur en minorant sa demande d'indemnisation.

Il convient de l'indemniser comme suit, en tenant compte du fait que le 1er mars 2023, elle était âgée de 51 ans,

- les arrérages échus du 30/09/2018 au 28/02/2023 : 53 mois x 367 € = 19 451 euros,

- les arrérages à échoir à compter du 1er mars 2023 :

367 € x 12 mois x 11,482 (prix de rente jusqu'à 62 ans) = 50 566,72 euros.

Le montant global des pertes de gains professionnels futures est donc de 70 017,72 euros.

- L'incidence professionnelle

Il s'agit d'indemniser la victime de la dévalorisation sur le marché du travail, laquelle peut se traduire par une augmentation de la fatigabilité au travail fragilisant la permanence de l'emploi et la concrétisation d'un nouvel emploi éventuel.

Mme [L] indique que l'expert a décrit l'incidence professionnelle, à savoir, diminution de l'activité future avec une perte de capacité avec des désordres séquellaires dans ce métier de coiffeuse artisane à domicile donc non seulement orthostatique mais impliquant des déplacements en voiture et le port de charge. Elle sollicite une indemnité de 20 000 euros.

Il sera alloué à Mme [L] une indemnité de 18 000 euros.

- Le déficit fonctionnel permanent

L'expert a estimé le déficit fonctionnel permanent à 18%.

Mme [L] demande la confirmation de la décision qui lui a alloué une indemnité de 36 720 euros.

Le premier juge ayant fait une juste appréciation de ce préjudice, sa décision sera confirmée.

Le montant total du préjudice résultant de l'incapacité permanente partielle est de 124 737,72 euros.

Sur les demandes annexes

Il convient de confirmer la décision en ce qu'elle statue sur les intérêts des sommes dues.

La CRAMA qui succombe sera condamnée au paiement des entiers dépens d'appel, distraits à Maître Ladislas Wedrychowski de la société Wedrychowski & associés au titre de l'article 699 du code de procédure civile, et d'une indemnité de procédure de 3 000 euros à Mme [L] au titre de l'article 700 de ce code.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par décision contradictoire, mise à disposition au greffe, en dernier ressort ;

Infirme la décision, uniquement en ce qu'elle statue sur l'indemnisation de l'incapacité permanente partielle ;

Statuant à nouveau et y ajoutant ;

Condamne la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Paris Val de Loire à payer à Mme [N] [L] une indemnité de 124 737,72 euros au titre de l'incapacité permanente partielle ;

Condamne la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Paris Val de Loire au paiement des entiers dépens d'appel, distraits à Maître Ladislas Wedrychowski de la société Wedrychowski & associés et d'une indemnité de procédure de 3 000 euros à Mme [N] [L].

Arrêt signé par Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de Chambre et Mme Karine DUPONT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/02014
Date de la décision : 23/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-23;21.02014 ?
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