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19/07/2024 | FRANCE | N°22/02131

France | France, Cour d'appel d'Orléans, Chambre sociale, 19 juillet 2024, 22/02131


C O U R D ' A P P E L D ' O R L É A N S

CHAMBRE SOCIALE - A -

Section 1

PRUD'HOMMES

Exp +GROSSES le 19 juillet 2024 à

la SARL CDSL AVOCATS

la SELAS SELAS CAYOL CAHEN TREMBLAY & ASSOCIES



FCG





ARRÊT du : 19 JUILLET 2024



MINUTE N° : - 24



N° RG 22/02131 - N° Portalis DBVN-V-B7G-GUR5



DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE TOURS en date du 09 Août 2022 - Section : COMMERCE







APPELANT :


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né le 31 Mai 1975 à [Localité 9]

[Adresse 4]

[Localité 3]



représenté par Me Delphine LUÇON de la SARL CDSL AVOCATS, avocat au barreau de TOURS



ET



INTIMÉE :



S.A...

C O U R D ' A P P E L D ' O R L É A N S

CHAMBRE SOCIALE - A -

Section 1

PRUD'HOMMES

Exp +GROSSES le 19 juillet 2024 à

la SARL CDSL AVOCATS

la SELAS SELAS CAYOL CAHEN TREMBLAY & ASSOCIES

FCG

ARRÊT du : 19 JUILLET 2024

MINUTE N° : - 24

N° RG 22/02131 - N° Portalis DBVN-V-B7G-GUR5

DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE TOURS en date du 09 Août 2022 - Section : COMMERCE

APPELANT :

Monsieur [P] [X]

né le 31 Mai 1975 à [Localité 9]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représenté par Me Delphine LUÇON de la SARL CDSL AVOCATS, avocat au barreau de TOURS

ET

INTIMÉE :

S.A.S. DEPAN MOTO La société DEPAN MOTO, SAS au Capital de 3000€, immatriculée au RCS de PONTOISE sous le numéro 809 022 221, dont le siège social se situe [Adresse 1] et son établissement secondaire sis [Adresse 2] à [Localité 6], prise en la personne de son représentant légal.

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 5] / FRANCE

représentée par Me Sophie VINCENT de la SELAS SELAS CAYOL CAHEN TREMBLAY & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

Ordonnance de clôture : le 26 janvier 2024

Audience publique du 12 Mars 2024 tenue par Mme Florence CHOUVIN,, et ce, en l'absence d'opposition des parties, assisté/e lors des débats de Monsieur Jean-Christophe ESTIOT, Greffier.

Après délibéré au cours duquel Mme Florence CHOUVIN, a rendu compte des débats à la Cour composée de :

Monsieur Alexandre DAVID, président de chambre, président de la collégialité,

Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre,

Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, conseiller

Puis le 19 juillet 2024, Monsieur Alexandre DAVID, président de Chambre, assisté de Monsieur Jean-Christophe ESTIOT, Greffier a rendu l'arrêt par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

Selon contrat de travail à durée indéterminée non daté à effet du 1er septembre 2016, la SAS Depan Moto a engagé M. [P] [X] en qualité de dépanneur et chauffeur. La durée hebdomadaire de travail a été fixée à 39 heures, moyennant un salaire mensuel de 1690 € brut.

La SAS Depan Moto a pour activité le remorquage, le transport et la réparation de motocycles sur le territoire national et dans les pays limitrophes de la France en Europe. Elle applique la convention collective du commerce et de la réparation de l'automobile, du cycle et du motocycle et des activités connexes, ainsi que du contrôle technique automobile.

Par courrier du 1er avril 2019, M. [P] [X] a adressé à la SAS Depan Moto une lettre de démission.

Par requête du 4 novembre 2019, M. [P] [X] a saisi le conseil de prud'hommes de Tours aux fins de voir requalifier sa démission en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'obtenir le paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.

Le 9 août 2022, le conseil de prud'hommes de Tours a rendu le jugement suivant auquel il est renvoyé pour plus ample exposé du litige:

Déboute M. [P] [X] de l'intégralité de ses demandes.

Déboute la SAS Depan Moto de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Laisse aux parties la charge de leurs propres dépens.

Par déclaration adressée par voie électronique au greffe de la cour le 7 septembre 2022, M. [P] [X] a relevé appel de cette décision.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions enregistrées au greffe le 4 janvier 2024, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en application de l'article 455 du code de procédure civile, aux termes desquelles M. [P] [X] demande à la cour de:

Juger recevable et bien fondé l'appel de M. [X] à l'encontre du jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Tours en date du 9 août 2022

Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Tours en date du 9 août 2022,

Et statuant de nouveau,

Dire et juger recevables et bien fondées les demandes de M. [X],

Condamner la société Depan Moto à payer à M. [P] [X] les sommes suivantes :

30 933,39 € à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires d'octobre 2016 à avril 2019,

3093,33 € au titre des congés payés y afférents,

660,16 € au titre des repos compensateurs obligatoires 2017 et 2018,

17 437,38 € de dommages intérêts au titre du travail dissimulé,

10 000 euros de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité en matière de santé et trouble dans la vie personnelle,

5000 euros de dommages et intérêts en réparation du trouble dans la vie personnelle,

Prononcer la requalification de la démission intervenue le 1er avril 2019 en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamner en conséquence la société Depan Moto à payer à M. [X] les sommes suivantes :

5812,46 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

581,46 € au titre des congés payés y afférents

1876,92 € au titre de l'indemnité de licenciement

8718 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Ordonner la remise des documents des fiches de paie rectifiées et de l'attestation Pôle emploi rectifiée.

Débouter la société Depan Moto de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions.

Voir condamner la société Depan Moto à payer à M. [P] [X] la somme de 4000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions enregistrées au greffe le 19 janvier 2024, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en application de l'article 455 du code de procédure civile, aux termes desquelles la SAS Depan Moto, formant appel incident, demande à la cour de:

- Confirmer l'effet libératoire du solde de tout compte du 30 avril 2019 pour la société Depan Moto ;

Par voie de conséquence :

- Confirmer que M. [P] [X] est forclos en ses demandes et juger que celles-ci sont irrecevables ;

- Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Tours du 9 août 2022 en toutes ses dispositions ;

- Débouter M. [P] [X] de toutes ses demandes.

En tout état de cause,

- Juger que la démission de M. [P] [X] du 1er avril 2019 est claire et non équivoque.

- Débouter M. [P] [X] de toutes ses demandes.

A titre subsidiaire, pour le cas où la Cour ne retiendrait pas l'effet libératoire du reçu pour solde de tout compte du 30 avril 2019 :

- Juger que M. [P] [X] a été rémunéré de toutes ses heures de travail effectuées au sein de la société Depan Moto ;

- Juger que la société Depan Moto n'a pas commis de travail dissimulé ;

- Juger que la société Depan Moto n'a pas violé ses obligations en termes de sécurité des salariés ;

Par voie de conséquence :

- Débouter M. [P] [X] de toutes ses demandes,

- Condamner M. [P] [X] au paiement d'une somme de 4 000 € en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ,

- Condamner M. [P] [X] aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 janvier 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la rupture du contrat de travail

La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail ; lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur et lorsqu'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, le juge doit l'analyser en une prise d'acte qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou, dans le cas contraire, d'une démission (Soc., 19 décembre 2007, pourvoi n° 06-42.550, Bull. 2007, V, n° 218).

En l'espèce, la lettre de démission de M. [X] est ainsi rédigée :

« Démission,

J'ai l'honneur de porter à votre connaissance que je suis démissionnaire de mes fonctions de chauffeur dépanneur que j'occupe depuis le 01 septembre 2016 au sein de votre société. Pour respecter le délai-congé d'une durée de 1 mois comme précisé dans mon contrat de travail, je quitterai l'entreprise le dimanche 31 avril 2019 au soir.

À ma demande, en plus du solde des congés payés et des heures de travail en cours, une prime de départ à hauteur d'un mois de salaire. Je reste à votre disposition, afin de convenir d'un rendez-vous à votre convenance. Je vous prie d'agréer, Madame, Monsieur, l'assurance de mes sentiments très distingués. ».

Cette lettre n'est assortie d'aucune réserve.

Il n'apparaît pas que la démission ait été donnée dans le contexte d'un litige entre le salarié et l'employeur. Il n'est établi l'existence d'aucune revendication du salarié qui n'ait pas été satisfaite ou de plainte formulée par le salarié pendant le cours de la relation de travail. A cet égard, la circonstance que l'employeur n'ait pas accordé de prime de départ au salarié, comme il en formulait la demande dans la lettre de démission, est sans incidence sur la qualification de l'acte de rupture.

En l'absence de litige antérieur ou contemporain à la rupture, la démission est claire et non équivoque. M. [P] [X] est débouté de sa demande de voir requalifier celle-ci en licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que de ses demandes subséquentes d'indemnité de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. 

Sur l'effet libératoire du solde de tout compte

Au soutien de son appel, M. [P] [X] fait valoir que le solde de tout compte ne produit aucun effet libératoire car :

- il n'est pas conforme à la loi en ce qu'il renvoie à une annexe détaillant les sommes versées et qu'il n'est pas revêtu de la mention manuscrite pour solde de tout compte ;

- le document n'a pas date certaine : la date mentionnée, qui est dactylographiée, est la date d'établissement du reçu et non pas la date de la signature de celui-ci ;

- il ne fait pas mention des heures supplémentaires.

En réponse, la SAS Depan Moto fait valoir que le salarié a dénoncé le solde de tout compte au-delà du délai de 6 mois de la date de réception de la convocation devant le bureau de conciliation par l'employeur, ce qui exclut toute réclamation relative au paiement d'heures supplémentaires celles-ci étant de nature salariale comme les sommes inscrites dans le reçu. Le reçu, revêtu de la signature du salarié, mentionne la date du 30 avril 2019. M. [X] n'a jamais dénoncé ce reçu. La société a reçu la convocation devant le conseil de prud'hommes le 7 novembre 2019, soit plus de 6 mois après cette signature. M. [X] est donc forclos à demander des rappels de salaires et toutes autres demandes s'y rapportant y compris des indemnités et rappel d'heures supplémentaires. Elle soutient que le reçu pour solde de tout compte est conforme, que la date de signature est certaine et qu'il emporte renonciation aux sommes de même nature que celles visées dans le reçu.

L'article L. 1234-20 du code du travail dispose :

« Le solde de tout compte, établi par l'employeur et dont le salarié lui donne reçu, fait l'inventaire des sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail.

Le reçu pour solde de tout compte peut être dénoncé dans les six mois qui suivent sa signature, délai au-delà duquel il devient libératoire pour l'employeur pour les sommes qui y sont mentionnées ».

Le reçu pour solde de tout compte est établi sur deux pages, l'une intitulée « reçu pour solde de tout compte » et la seconde « annexe au solde de tout compte ». La première page indique la somme globale qui est versée au salarié soit 2 732,79 € et la seconde donne le détail de ce montant. Ces deux pages sont signées par les parties et portent la même date dactylographiée. Elles constituent un document unique et indivisible. Il y a lieu de retenir que le reçu pour solde de tout compte contient l'inventaire des sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail (en ce sens, Soc., 4 novembre 2015, pourvoi n° 14-10.657, Bull. 2015, V, n° 218 et Soc., 13 mars 2019, pourvoi n° 17-31.514).

Pour faire courir le délai de six mois à l'expiration duquel le salarié ne peut plus dénoncer le reçu pour solde de tout compte, ce dernier doit comporter la date de sa signature, peu important que celle-ci ne soit pas écrite de la main du salarié dès l'instant qu'elle est certaine (Soc., 20 février 2019, pourvoi n°17- 27.600, publié).

Ces deux pages portent la date dactylographiée du 30 avril 2019 qui précèdent la signature du salarié.

M. [P] [X] soutient avoir signé ce reçu dans le courant du mois de mai.

Le reçu pour solde de tout compte mentionne que le salarié reconnaît avoir reçu la somme de 2732,79 euros « par chèque bancaire ».

La date figurant sur le chèque de règlement de cette somme est le 4 mai 2019.

Il en résulte que le reçu pour solde de tout compte, s'il a été établi par l'employeur le 30 avril 2019, a été signé à une date postérieure par le salarié.

Il se déduit de ces éléments que le reçu a été rédigé au siège de la société à [Localité 7] le 30 avril 2019, qu'un chèque a été établi par le service comptabilité à [Localité 7] le 4 mai 2019 et que l'ensemble a été adressé à l'établissement secondaire de [Localité 6] (Indre-et-Loire), lieu d'exécution du contrat de travail pour être remis au salarié lorsque celui-ci signerait le reçu.

La date du 4 mai 2019 (qui est un samedi) figurant sur le chèque et la mention portée sur le reçu pour solde de tout compte selon laquelle le salarié reconnaît avoir reçu le chèque en paiement pour solde de tout compte rend la date du 30 avril 2019 incertaine.

La cour a donc la conviction que le reçu pour solde de tout compte a été signé courant mai 2019. En conséquence, le délai de contestation de six mois n'a pas commencé à courir le 30 avril 2019.

La saisine du conseil de prud'hommes, par requête formée au greffe le 4 novembre 2019 suivie d'une convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation et d'orientation par lettre recommandée reçue le 7 novembre 2019, emporte dénonciation du solde de tout compte.

Il y a lieu de rejeter la fin de non-recevoir tirée de l'effet libératoire du reçu pour solde de tout compte soulevée par la SAS Depan Moto.

Sur la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires

Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments (en ce sens, Soc., 18 mars 2020, pourvoi n° 18-10.919, PBRI).

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant (Soc., 27 janvier 2021, pourvoi n°17-31.046, publié).

Le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l'accord au moins implicite de l'employeur, soit s'il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées (en ce sens, Soc., 14 novembre 2018, pourvoi n° 17-16.959, FS, P + B).

Le contrat de travail de M. [P] [X] prévoyait une rémunération mensuelle « forfaitaire » de 1690 € brut par mois « rémunérant les heures normales ». La durée de travail convenue était de 39 heures de travail par semaine. La rémunération a été portée à 1840 € mensuels bruts à compter de mai 2017.

A l'appui de sa demande, M. [P] [X] produit :

- ses bulletins de paie,

- le récapitulatif des heures supplémentaires qu'il prétend avoir accomplies entre 2016 et 2019 ;

- les exemples de planning qui lui étaient remis pour ses tournées ;

- les comparatifs de planning de l'employeur et ses justificatifs ;

- les relevés de compte bancaire afférents à ses frais professionnels de juin 2007 à mars 2019 ;

- le comparatif mois par mois entre les heures mentionnées par l'employeur, les estimations de route, et les heures effectives réalisées ;

- des exemples de notes de frais ;

- des exemples de relevés d'heures avec les photos du camion et de son attelage, les plans des trajets effectués extraits de Google Maps.

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre en produisant ses propres éléments.

La cour relève que les bulletins de salaire produits aux débats mentionnent un taux horaire de 10 € pour 169 heures et un salaire mensuel de 1690 € jusqu'en avril 2017. À compter de mai 2017, le salaire est porté à 1840 € pour 169 heures au taux horaire de 10,88 €.

Les bulletins de paie ne portent mention d'aucune majoration pour heures supplémentaires et ne font état d'aucune heure supplémentaire au-delà de la 169ème heure de travail.

La SAS Depan Moto produit aux débats les plannings des relevés de temps de travail du salarié pour l'année 2018. Rien n'est produit pour les autres périodes.

M. [P] [X] ne justifie pas de ce qu'il lui était fait interdiction de prendre l'autoroute ce qui rallongeait considérablement ses temps de trajet avec son camion et son attelage. L'employeur produit quelques notes de frais, concernant 16 journées mentionnant des dépenses de péage ainsi que 34 tickets de péage dont il n'est pas justifié qu'ils doivent être reliés au véhicule de M. [P] [X], plusieurs chauffeurs travaillant dans la société. Ces pièces ne sont pas de nature à modifier l'appréciation de la cour quant aux horaires effectués par le salarié.

La cour considère au vu des pièces versées aux débats par l'une et l'autre des parties, que la créance salariale se rapportant aux heures supplémentaires que M. [P] [X] effectuait s'élève à un montant total de 15 000 euros brut sur la période considérée d'octobre 2016 à avril 2019. Il sera également fait droit à sa demande au titre des congés payés afférents pour un montant de 1 500 euros brut.

Sur la demande au titre de la contrepartie obligatoire en repos

L'employeur a l'obligation d'accorder au salarié une contrepartie obligatoire en repos pour les heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel soit en l'espèce 220 heures.

Au regard des heures supplémentaires retenues, il y a lieu de retenir que le contingent annuel d'heures supplémentaires a été dépassé en 2017 et 2018. Il y a lieu de condamner l'employeur à payer au salarié la somme de 3 000 euros brut au titre de la contrepartie obligatoire en repos.

Sur la demande d'indemnité pour travail dissimulé

L'article L.8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l'article L.8221-3 du même code relatif à la dissimulation d'activité ou exercé dans les conditions de l'article L.8221-5 du même code relatif à la dissimulation d'emploi salarié.

Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.

Il a été retenu que le salarié avait effectué des heures supplémentaires n'ayant pas donné lieu à rémunération.

Les bulletins de salaire ne mentionnent pas de majoration pour les quatre heures supplémentaires prévues au contrat.

L'employeur recevait les relevés hebdomadaires des heures accomplies par son salarié ainsi que les notes de frais qui nécessairement portaient à sa connaissance un dépassement de la durée de travail convenue, fixée à 39 heures par semaine.

Il résulte de ces éléments du dossier que l'employeur s'est volontairement soustrait à ses obligations déclaratives et a sciemment omis de rémunérer des heures de travail dont il avait connaissance qu'elles avaient été accomplies. L'élément intentionnel de la dissimulation d'activité est caractérisé.

La SAS Depan Moto est condamnée à payer à M. [P] [X] la somme de 17'437,38 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé.

Sur les demandes indemnitaires au titre du trouble dans la vie personnelle et de la violation de l'obligation de sécurité En application de l'article L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

M. [P] [X] fonde sa demande à ce titre sur le manquement de l'employeur qui aurait enfreint les règles relatives au temps de travail et lui aurait imposé un rythme de travail épuisant, sans repos compensateur.

L'exemple donné par le salarié concernant les journées du 18, 19 et 20 octobre 2017 est particulièrement significatif. Son véhicule était en panne au Puy-en-Velay. Il a dû rentrer en train, puis se rendre à moto à [Localité 8] pour aller chercher une dépanneuse louée par son employeur puis aller chercher un autre véhicule en panne avec son chauffeur, le ramener à l'établissement puis repartir avec la dépanneuse pour aller chercher son propre camion puis repartir pour rendre la dépanneuse et enfin revenir avec son propre véhicule.

Les décomptes du salarié font état d'amplitudes horaires importantes et du dépassement des durées maximales de travail. L'employeur ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, d'avoir respecté ses obligations en la matière.

Le nombre d'heures supplémentaires effectuées et les conditions de travail imposées au salarié permettent de retenir un manquement de l'employeur à ses obligations en matière de santé et de sécurité au travail.

Il y a lieu d'allouer à M. [P] [X] la somme de 2500 euros en réparation de son préjudice consécutif au manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et au trouble dans la vie personnelle du salarié, étant précisé que la somme allouée l'est au titre des deux demandes formées par le salarié dans le dispositif de ses conclusions (« 10 000 euros de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité en matière de santé et trouble dans la vie personnelle » et « 5 000 euros de dommages et intérêts en réparation du trouble dans la vie personnelle »).

Sur la remise des documents de fin de contrat

Aux termes de l'article R. 1234-9 du code du travail, l'employeur doit délivrer au salarié au moment de l'expiration ou de la rupture du contrat de travail, les attestations et justifications lui permettant d'exercer son droit aux prestations sociales.

Il convient en conséquence d'ordonner à la SAS Depan Moto de délivrer à M. [P] [X] une attestation Pôle emploi, devenu France travail, et un bulletin de salaire conformes aux dispositions de l'arrêt et ce dans un délai d'un mois à compter de sa signification.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Il y a lieu d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [P] [X] de sa demande relative aux frais irrépétibles et l'a condamné aux dépens.

Il y a lieu de condamner la SAS Depan Moto aux dépens de première instance et d'appel, de la débouter de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et de la condamner à payer à M. [P] [X] la somme de 3000 euros à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe;

Infirme le jugement rendu le 9 août 2022, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Tours sauf en ce qu'il a débouté M. [X] de sa demande de requalification de sa démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse, de ses demandes d'indemnité de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a débouté la SAS Depan Moto de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

Rejette la fin de non-recevoir tirée de l'effet libératoire du reçu pour solde de tout compte soulevée par la SAS Depan Moto ;

Condamne la SAS Depan Moto à payer à M. [P] [X] les sommes suivantes :

- 15 000 euros brut à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires ;

- 1 500 euros brut au titre des congés payés afférents ;

- 3 000 euros brut au titre de la contrepartie obligatoire en repos ;

- 17'437,38 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé ;

- 2 500 euros de dommages-intérêts au titre de la violation de l'obligation de sécurité et des troubles dans la vie personnelle du salarié ;

Ordonne à la SAS Depan Moto de délivrer à M. [P] [X] une attestation Pôle emploi, devenu France travail, et un bulletin de salaire conformes aux dispositions de l'arrêt et ce dans un délai d'un mois à compter de sa signification ;

Condamne la SAS Depan Moto à payer à M. [P] [X] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et la déboute de sa demande à ce titre ;

Condamne la SAS Depan Moto aux dépens de première instance et d'appel.

Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre et par le greffier

Jean-Christophe ESTIOT Alexandre DAVID


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22/02131
Date de la décision : 19/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 27/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-19;22.02131 ?
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