C O U R D ' A P P E L D ' O R L É A N S
CHAMBRE SOCIALE - A -
Section 1
PRUD'HOMMES
Exp + GROSSES le 19 juillet 2024 à
la SELARL KÆM'S AVOCATS
M. [R]
FCG
ARRÊT du : 19 JUILLET 2024
N° : - 24
N° RG 22/01927 - N° Portalis DBVN-V-B7G-GUDT
DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ORLEANS en date du 30 Juin 2022 - Section : INDUSTRIE
ENTRE
APPELANT :
Monsieur [E] [B]
né en à
[Adresse 3]
[Localité 2]
représenté par M. [K]-[G] [R] (Délégué syndical ouvrier)
ET
INTIMÉE :
S.A. PROXISERVE prise en la personne de son représentant légal domicilié en
cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Blandine DAVID de la SELARL KÆM'S AVOCATS, avocat au barreau de PARIS,
ayant pour avocat plaidant Me Sarah MUSTAPHA, avocat au barreau de PARIS
Ordonnance de clôture : 26 JANVIER 2024
Audience publique du 14 MARS 2024 tenue par M. Alexandre DAVID, Président de chambre, et par Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, conseiller, ce, en l'absence d'opposition des parties, assistés lors des débats de Mme Fanny ANDREJEWSKI-PICARD, Greffier.
Après délibéré au cours duquel M. Alexandre DAVID, Président de chambre et Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, conseiller, ont rendu compte des débats à la Cour composée de :
Monsieur Alexandre DAVID, président de chambre, président de la collégialité
Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre
Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, conseiller
Assistés lors des débats de Mme Fanny ANDREJEWSKI-PICARD, Greffier.
Puis le 19 juillet 2024, Monsieur Alexandre DAVID, président de Chambre, assisté de Monsieur Jean-Christophe ESTIOT, greffier, a rendu l'arrêt par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
FAITS ET PROCÉDURE
M. [E] [B] a été engagé à compter du 6 juillet 2015 par la S.A. Proxiserve en qualité de robinetier selon contrat à durée déterminée puis selon contrat à durée indéterminée.
La relation de travail était régie par la convention collective nationale des OETAM ouvriers, employés, techniciens et agents de maîtrise de l'exploitation d'équipements thermiques et de génie climatique du 7 février 1979.
Au titre de ses fonctions, M. [E] [B] se rendait avec un véhicule de service dans les logements de particuliers, propriété de bailleurs sociaux, afin de réparer robinets et sanitaires.
Le 12 octobre 2020, l'employeur a notifié à M. [B] un avertissement pour avoir utilisé durant ses congés payés le véhicule de service de la société, accompagné d'une personne étrangère à l'entreprise, en violation de l'article 9.2 du règlement intérieur.
M. [E] [B] a été placé en arrêt de travail du 14 octobre au 30 octobre 2020 puis du 3 décembre au 17 décembre 2020.
Le 28 décembre 2020, M. [E] [B] a démissionné de son poste de travail.
Par courrier du 30 décembre 2020, la S.A. Proxiserve a pris acte de la décision de M. [E] [B] et lui a demandé de prendre contact avec son responsable pour retirer son solde de tout compte et ses documents de fin de contrat.
Par requête reçue au greffe le 24 décembre 2021, M. [E] [B] a saisi le conseil de prud'hommes d'Orléans aux fins d'obtenir la requalification de sa démission en une prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur, produisant les effets d'un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, l'annulation de l'avertissement notifié le 12 octobre 2020 ainsi qu'afin d'obtenir le paiement de diverses sommes en conséquence de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.
En réplique, l'employeur a demandé in limine litis au conseil de prud'hommes de déclarer les actes introductifs d'instance nuls et de déclarer en conséquence irrecevables les demandes de M. [B]. À titre subsidiaire, il a demandé à la juridiction de débouter M. [B] de l'ensemble de ses demandes et de le condamner à lui verser sous astreinte de 100 € par jour de retard, la somme de 1683,38 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 5000 € à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail.
Par jugement du 30 juin 2022, auquel il est renvoyé pour un plus ample exposé du litige, le conseil de prud'hommes d'Orléans a :
Rejeté l'exception de nullité des actes introductifs d'instance,
Prononcé la jonction des procédures enregistrées sous les numéros 21/00574 et 21/00590,
Jugé que la prise d'acte de rupture du contrat de travail s'analysait en une démission de M. [E] [B] qui produit son plein et entier effet,
Condamné la société Proxiserve [Localité 6] à payer à M. [E] [B] la somme de 2370 euros au titre de l'indemnité-douche prévue par la convention collective.
Débouté les parties du surplus de leurs demandes,
Condamné la société Proxiserve [Localité 6] aux entiers dépens.
Le 29 juillet 2022, M. [E] [B] a relevé appel de cette décision.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les conclusions n° 1 remises au greffe par lettre recommandée avec demande d'avis de réception envoyée le 25 octobre 2022 et reçue le 26 octobre 2022 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du Code de procédure civile et aux termes desquelles M. [E] [B] demande à la cour de :
Infirmer, dans les limites de la déclaration d'appel, le jugement rendu entre les parties le 30 juin 2022 par le conseil de prud'hommes d'Orléans.
Et, statuant à nouveau en y ajoutant,
Annuler l'avertissement disciplinaire du 12 octobre 2020.
Dire et juger que la prise d'acte de la rupture par M. [B] de son contrat de travail est justifiée par les manquements de la société Proxiserve et produit les effets d'un licenciement nul, ou subsidiairement d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Condamner la S. A. Proxiserve à payer à M. [E] [B] les sommes suivantes:
2874 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,
3832 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
383,20 euros à titre de congés payés afférents,
25 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, ou subsidiairement pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
5000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,
10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,
5000 euros à titre de dommages-intérêts pour violation des durées maximales de travail,
5000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect des temps de pause,
2500 euros à titre de dommages-intérêts pour dénonciation injustifiée et perte de points,
1000 euros à titre de dommages-intérêts pour avertissement injustifié,
3000 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, les intérêts moratoires sur ces condamnations, au taux légal à compter de la date de saisine du Conseil de Prud'hommes, et ce avec capitalisation annuelle desdits intérêts.
Ordonner à la S. A. Proxiserve d'adresser à M. [E] [B], dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt à venir et sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document : un bulletin de paie afférent aux condamnations salariales, un certificat de travail rectifié, une attestation Pôle Emploi rectifiée.
Ordonner à la S.A. Proxiserve d'adresser aux services judiciaires et administratifs concernés une lettre indiquant que M. [B] n'était pas le conducteur du véhicule immatriculé [Immatriculation 5] le 4 novembre 2020 et annulant de ce fait sa dénonciation, et ce dans un délai de huit jours suivant la signification de l'arrêt à venir et sous astreinte de 200 euros par jour de retard.
Confirmer le jugement attaqué en tant qu'il a rejeté l'exception de nullité, a condamné la société Proxiserve de toutes ses demandes et l'a condamnée à payer un rappel d'indemnité conventionnelle de douche ainsi qu'aux dépens.
Condamner la S. A. Proxiserve aux entiers dépens d'appel.
Vu les dernières conclusions remises au greffe le 11 janvier 2023 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du Code de procédure civile et aux termes desquelles la S.A. Proxiserve demande à la cour de :
A titre principal :
Annuler ou, à tout le moins, infirmer le jugement du conseil de prud'hommes d'Orléans du 30 juin 2022 en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité des actes introductifs d'instance de M. [B] soulevée in limine litis par la société Proxiserve ;
Annuler les actes introductifs d'instance de M. [B] en date des 15 et 20 décembre 2021 et annuler le jugement subséquent rendu le 30 juin 2022 par le conseil de prud'hommes d'Orléans ;
Dire n'y avoir lieu de statuer sur le fond en l'absence d'effet dévolutif de l'appel.
A titre subsidiaire, si la cour écarte l'exception de nullité des actes introductifs d'instance et la demande d'annulation du jugement :
Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes d'Orléans du 30 juin 2022 en ce qu'il a :
jugé dans son dispositif que la rupture du contrat s'analyse en une « prise d'acte de rupture du contrat qui doit s'analyser en une démission» alors qu'il a retenu dans sa motivation qu'il s'agit d'une « démission » qui « produit son plein et entier effet » ;
condamné la société Proxiserve à régler à M. [B] la somme de 2370 euros à titre d'indemnité de douche ;
débouté la société Proxiserve de ses demandes reconventionnelles à savoir le paiement de M. [B] de 1683,38 euros d'indemnité compensatrice de préavis, 5000 euros de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail sur le fondement de l'article L.1237-2 du code du travail et 3500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société Proxiserve aux entiers dépens ;
Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant :
Juger que la démission de M. [B] doit produire son plein effet ;
Débouter M. [B] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
A titre infiniment subsidiaire : si par extraordinaire la Cour devait requalifier la démission de M. [B] en une prise d'acte de rupture, il sera dans cette hypothèse demandé à la Cour de :
Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes d'Orléans du 30 juin 2022 en ce qu'il a jugé que la prise d'acte de rupture du contrat de travail doit s'analyser en une démission qui produit son plein et entier effet.
Condamner M. [B] à régler à la société Proxiserve la somme de 1683,38 euros d'indemnité compensatrice de préavis ;
Condamner M. [B] à régler à la société Proxiserve la somme de 5000 euros de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail sur le fondement de l'article L.1237-2 du code du travail sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir.
En tout état de cause :
- Débouter M. [B] de sa demande de 2370 euros à titre d'indemnité de douche.
- Condamner M. [B] à payer à la société Proxiserve la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel.
- Condamner M. [B] aux entiers dépens de la procédure dont distraction au profit de la SELARL Kaem's avocats agissant par Maître David Blandine, avocat conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 26 janvier 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité des conclusions n° 2 de M. [B]
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 26 janvier 2024. Les conclusions n° 2 remises au greffe le 13 mars 2024 par M. [B], dont il n'est de surcroît pas justifié qu'elles aient été communiquées à la partie adverse, sont irrecevables en application des articles 802 et 907 du code de procédure civile.
Sur l'exception de nullité
Sur la requête introductive d'instance
La S.A. Proxiserve a conclu à titre principal à la nullité des actes introductifs d'instance, à l'annulation du jugement subséquent et à n'y avoir lieu à statuer sur le fond en l'absence d'effet dévolutif de l'appel. Elle soutient que les requêtes introductives d'instance de M. [E] [B] ne respectent pas les impératifs légaux. Selon l'employeur, elles sont intervenues sans tentative de résolution amiable du litige par saisine directe du bureau de jugement. Le préjudice en résultant pour l'employeur réside notamment dans la perte d'une chance d'éviter l'introduction d'une instance prud'homale à son encontre et ses conséquences.
Selon la S.A. Proxiserve, la requête déposée au greffe le 15 décembre 2021 n'indique pas l'adresse du siège social de la société, ni sa forme, ni l'organe qui la représente également. Elle ne précise pas la profession, la nationalité, la date et le lieu de naissance du demandeur. Elle n'est ni datée ni signée. Cette requête est donc nulle. Quant à la requête du 28 décembre 2021, elle ne contient aucun exposé, même sommaire des motifs de la demande.
M. [E] [B] réplique que la requête est conforme aux dispositions de l'article R. 1452-2 du code du travail qui prévoit une simple motivation sommaire qui en outre n'est pas prescrite à peine de nullité. L'employeur ne justifie d'aucun préjudice.
L'article R. 1452-2 du code du travail dispose que « la requête est faite, remise ou adressée au greffe du conseil de prud'hommes. Elle comporte les mentions prescrites à peine de nullité à l'article 57 du code de procédure civile. En outre, elle contient un exposé sommaire des motifs de la demande et mentionne chacun des chefs de celle-ci. Elle est accompagnée des pièces que le demandeur souhaite invoquer à l'appui de ses prétentions. Ces pièces sont énumérées sur un bordereau qui lui est annexé. La requête et le bordereau sont établis en autant d'exemplaires qu'il existe de défendeurs, outre l'exemplaire destiné à la juridiction. »
Aux termes de l'article 114 du code de procédure civile, la nullité d'un acte pour une vice de forme ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.
Par ailleurs l'article 115 de ce même code dispose que la nullité est couverte par la régularisation ultérieure de l'acte si aucune forclusion n'est intervenue et si la régularisation ne laisse subsister aucun grief.
L'article 57 du code de procédure civile précise que « lorsqu'elle est formée par le demandeur, la requête saisit la juridiction sans que son adversaire en ait été préalablement informé. Lorsqu'elle est remise ou adressée conjointement par les parties, elle soumet au juge leurs prétentions respectives, les points sur lesquels elles sont en désaccord ainsi que leurs moyens respectifs.
Elle contient, outre les mentions énoncées à l'article 54, également à peine de nullité :
-lorsqu'elle est formée par une seule partie, l'indication des nom, prénoms et domicile de la personne contre laquelle la demande est formée ou s'il s'agit d'une personne morale, de sa dénomination et de son siège social ;
- dans tous les cas, l'indication des pièces sur lesquelles la demande est fondée ».
Enfin l'article 54 du code de procédure civile dispose que « la demande initiale est formée par assignation ou par requête remise ou adressée au greffe de la juridiction. La requête peut être formée conjointement par les parties.
A peine de nullité, la demande initiale mentionne :
1° L'indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée ;
2° L'objet de la demande ;
3° a) Pour les personnes physiques, les nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance de chacun des demandeurs ;
b) Pour les personnes morales, leur forme, leur dénomination, leur siège social et l'organe qui les représente légalement ;
4° Le cas échéant, les mentions relatives à la désignation des immeubles exigées pour la publication au fichier immobilier ;
5° Lorsqu'elle doit être précédée d'une tentative de conciliation, de médiation ou de procédure participative, les diligences entreprises en vue d'une résolution amiable du litige ou la justification de la dispense d'une telle tentative. ».
M. [E] [B] a déposé une « requête aux fins de saisine du conseil de prud'hommes par un salarié » sur l'imprimé Cerfa numéro 15 586 09, reçue au greffe le 24 décembre 2021. Celle-ci est datée et signée. Elle porte toutes les mentions requises aux articles 54 et 57 du code de procédure civile. Elle précise au paragraphe « exposé sommaire des motifs de votre demande » qu'il a été déposé des conclusions introductives ainsi que les pièces du dossier à l'accueil du tribunal d'Orléans le 15 décembre 2021 et renvoie, s'agissant du bordereau de pièces, aux pièces déposées au tribunal le 15 décembre 2021. Le 15 décembre 2021, des « conclusions introductives » ont été déposées par M. [B] ayant pour conseil M. [Z], défenseur syndical. Il y figure un exposé des faits et de la procédure ainsi qu'une longue motivation de la demande.
La requête reçue au greffe le 24 décembre 2021, avec laquelle les conclusions du 15 décembre 2021 forme un tout indissociable, respecte les dispositions légales et réglementaires.
La S.A. Proxiserve ne fait état d'aucun grief qui lui aurait été causé par l'absence, dans les conclusions du 15 décembre 2021, de certaines mentions prescrites aux articles 54 et 57 du code de procédure civile. Par ces conclusions, elle avait une parfaite connaissance de la motivation du salarié à laquelle elle a pu répondre dans ses écritures et à l'audience du bueau de jugement.
Le moyen est rejeté.
Sur l'absence de tentative de conciliation
L'article L. 1411-1 du code du travail dispose que « le conseil de prud'hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient. Il juge les litiges lorsque la conciliation n'a pas abouti. ».
Cependant, en application de l'article L. 1451-1 du code du travail, lorsque le conseil de prud'hommes est saisi d'une demande de requalification de la rupture du contrat de travail à l'initiative du salarié, en raison de faits que celui-ci reproche à son employeur, l'affaire est directement portée devant le bureau de jugement qui statue au fond dans le délai d'un mois suivant sa saisine.
En l'espèce, il ressort de la requête introductive d'instance enregistrée le 24 décembre 2021 par le greffe du conseil de prud'hommes d'Orléans, que le salarié a sollicité auprès du conseil de prud'hommes la convocation des parties devant le bureau de jugement, en cochant dans la rubrique « demandes » les cases relatives à « requalification de la prise d'acte de la rupture en licenciement », « démission » et « nullité du licenciement ».
Le salarié, qui demandait que sa démission soit requalifiée en prise d'acte aux torts de l'employeur, était donc fondé à saisir directement le bureau de jugement du conseil de prud'hommes.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité des actes introductifs d'instance. Dès lors, il n'y a pas lieu d'annuler le jugement déféré. L'effet dévolutif de l'appel opère par conséquent.
Sur la nature de la démission
M. [E] [B] expose avoir dû donner sa démission en raison de l'inexécution par l'employeur de ses obligations. Il analyse sa démission comme équivoque et demande à ce qu'elle soit requalifiée en prise d'acte aux torts de l'employeur.
L'employeur réplique que la démission de M. [E] [B] n'est pas équivoque, qu'elle doit produire son plein effet n'ayant jamais en outre, été contestée avant une saisine tardive du conseil de prud'hommes.
Une démission ne se présume pas et ne peut résulter que d'une manifestation de volonté claire et non équivoque du salarié de mettre un terme à la relation contractuelle.
En l'espèce, la lettre de démission de M. [E] [B] est ainsi rédigée : « Monsieur, Par la présente je vous informe de ma démission. À ce titre le 4 janvier 2021 je ne ferai plus partie de votre personnel (qui correspond à sept jours de préavis cachet de la poste faisant foi) Trouvez ci-dessous les raisons de mon départ. En effet la dégradation de mes conditions de travail a fini par me rendre malade. Je suis épuisé de devoir courir toute la journée à cause des tournées irréalisables. Depuis des mois, je ne peux plus prendre mes pauses pour manger le midi sans quoi je serais obligé de débaucher trop tard. Malgré tous mes efforts pour finir à l'heure j'ai réalisé de nombreuses heures supplémentaires qui n'ont pas été payées. Devant mon épuisement, mon médecin a décidé de me mettre en arrêt et mes amis et ma famille m'ont conseillé de chercher du travail ailleurs pour ma santé. J'ai trouvé un CDI dans une autre entreprise et c'est pourquoi je vous présente ma démission. Cependant, je veux que vous sachiez Monsieur que je suis particulièrement déçu de cette situation dont je vous tiens seul responsable car lorsque j'ai rejoint Proxiserve, j'espérais trouver une certaine stabilité dans une grande entreprise et pouvoir évoluer et faire une carrière. Au lieu de cela, je me suis épuisé sans aucune écoute de ma hiérarchie. Pire encore, on m'a reproché d'avoir témoigné lors de l'enquête de la CPAM pour le compte de mon collègue M. [X], alors que je n'ai pourtant rien dit d'autre que la vérité. Recevez Monsieur' ».
Dans sa lettre de démission, le salarié fait état de plusieurs manquements de l'employeur à ses obligations contractuelles antérieures à ce courrier. Il en résulte que la démission était équivoque.
Contrairement à ce que soutient l'employeur, il importe peu que le salarié ait saisi le conseil des prud'hommes près d'un an après la rupture.
En conséquence, la démission s'analyse en une prise d'acte qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou, dans le cas contraire, d'une démission (Soc., 19 décembre 2007, pourvoi n° 06-42.550, Bull. 2007, V, n° 218).
Sur les griefs allégués
Dans ses conclusions, M. [E] [B] invoque les manquements suivants :
-1) d'avoir été la cible d'un probable licenciement économique, suite à la perte d'un contrat. Il n'est pas matériellement établi qu'il ait été la cible d'un licenciement économique. Aucun courrier ne lui a été adressé qui démontrerait que son licenciement était envisagé. Il ne s'agit que d'une supposition de sa part qu'aucun élément du dossier n'est de nature à conforter. Le grief n'est pas retenu.
- 2) une surcharge de travail, l'absence de possibilité de prendre ses pauses, l'absence de mise en place par l'employeur d'un décompte des heures de travail, l'absence de règlement des heures supplémentaires, le non-octroi des repos compensateurs, l'absence de paiement des temps passés au téléphone pendant les périodes d'astreinte, l'absence de paiement des temps de trajet.
Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne qu'afin d'assurer l'effet utile des droits prévus par la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et du droit fondamental consacré à l'article 31, § 2, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les Etats membres doivent imposer aux employeurs l'obligation de mettre en place un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur (Soc., 5 juillet 2023, pourvoi n° 21-24.122, publié).
La S.A. Proxiserve établit que les techniciens de son agence d'[Localité 6], dont M. [E] [B], étaient soumis à un horaire collectif de travail dont ils avaient connaissance (pièce n° 14). Les salariés concernés étaient donc réputés se conformer à cet horaire.
Il ressort du bulletin de paie de novembre 2020 de M. [E] [B] que trois heures supplémentaires ont été payées au salarié. Il en ressort la prise en compte par l'employeur d'heures de travail accomplies au-delà de l'horaire collectif. La lettre de l'inspecteur du travail du 3 décembre 2020 ne permet pas d'établir que tel n'était pas le cas pour M. [E] [B]. A cet égard, l'inspecteur du travail n'a relevé aucune irrégularité concernant le paiement d'heures supplémentaires dues à ce salarié (pièce n° 5 du salarié) .
M. [E] [B] ne sollicite le paiement d'aucune heure supplémentaire. Il ne s'explique pas sur les raisons qui l'auraient empêché de décompter les heures de travail qu'il allègue avoir accomplies.
L'exécution déloyale du contrat de travail, alléguée en raison d'un comportement volontaire de l'employeur consistant à empêcher le salarié de décompter son temps de travail (conclusions du salarié, p. 10), n'est pas caractérisée. M. [E] [B] est débouté de sa demande de dommages-intérêts à ce titre.
Le salarié produit 11 feuilles d'un agenda, détaillant son emploi du temps du 2 novembre 2020 au 2 décembre 2020. Ces documents laissent apparaître un non-respect des temps de pause à plusieurs reprises sur cette période ainsi que le dépassement de la durée maximale quotidienne de travail les 2 et 30 novembre 2020 (conclusions du salarié, p. 11).
Il appartient à l'employeur de démontrer qu'il a respecté ses obligations en la matière.
Or, la S.A. Proxiserve ne verse aux débats aucun élément de nature à permettre de déterminer le nombre d'heures de travail effectivement accomplies sur cette période et à établir que le salarié a été mise en mesure de bénéficier de la pause à laquelle il avait droit. En l'absence de tout élément produit par l'employeur pour contredire ceux versés aux débats par le salarié, ce manquement est établi.
La S.A. Proxiserve est condamnée en conséquence à payer à M. [E] [B] les sommes de 500 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect des temps de pause et de 500 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de la durée maximale de travail.
En revanche, en dehors de cette période du 2 novembre 2020 au 2 décembre 2020, il ne résulte d'aucun élément du dossier que les durées maximales de travail n'aient pas été respectées, que le salarié n'ait pas bénéficié des temps de pause, que des heures de travail accomplies en dehors de l'horaire collectif ou pendant les périodes d'astreinte n'aient pas été réglées, que des heures de trajet effectuées entre deux lieux de travail ou devant être considérées comme des heures de travail effectif n'aient pas été prises en compte et que les dispositions relatives à la contrepartie obligatoire en repos n'aient pas été respectées. Ces griefs ne sont pas établis.
Dans le dispositif de ses conclusions, M. [E] [B] ne forme aucune demande d'indemnité pour travail dissimulé. La cour n'est donc saisie d'aucune demande de ce chef.
- 3) un avertissement injustifié
M. [E] [B] soutient avoir été injustement sanctionné le 12 octobre 2020 pour avoir témoigné sur la surcharge du travail, les temps de pause non respectés etc. lors d'une enquête menée en raison d'un accident du travail d'un collègue par la CPAM. Selon lui, l'employeur aurait inventé le fait qu'il avait été vu conduisant son véhicule de service accompagné d'un tiers alors qu'il était en congé, ce qui a servi de motif à l'avertissement notifié.
Lors de l'entretien préalable à sanction, M. [E] [B] était assisté d'un conseil. Le salarié n'a jamais contesté cette sanction, la lettre d'avertissement mentionnant qu'il avait reconnu les faits (pièce n° 7 de l'employeur). Ce grief d'une sanction injustifiée ne figure pas parmi ceux visés dans la lettre de démission du 28 décembre 2020.
Cette sanction repose sur un courriel du 4 septembre 2020 du chef d'agence au responsable régional d'exploitation relatant l'usage par M. [B] du véhicule de service à des fins personnelles alors qu'il était en congé. Aucun élément du dossier ne permet de mettre en doute ce qui est rapporté par le rédacteur de ce courriel.
Le règlement intérieur en son article 9.1 précise qu'en aucun cas un salarié ne peut utiliser le véhicule de société pour convenances personnelles, ni transporter dans le véhicule, une personne étrangère à la société, ce qui serait constitutif d'une faute pouvant entraîner le licenciement immédiat et sans préavis.
Le contrat de travail dispose que l'usage du véhicule mis à disposition est strictement professionnel et que le salarié s'engage à ne pas s'en servir en dehors de ses heures de travail.
Les faits sont établis. L'avertissement est une sanction proportionnée à la faute commise.
Il n'est aucunement établi que le salarié aurait été sanctionné pour avoir témoigné dans le cadre d'une enquête sur un accident du travail, étant relevé à cet égard que le compte-rendu d'enquête a été rédigé le 17 septembre 2020 soit après le courriel du chef d'agence demandant le prononcé d'une sanction (conclusions du salarié, p. 12). Le grief n'est pas établi.
M. [E] [B] est débouté de sa demande d'annulation de la sanction notifiée le 12 octobre 2020 et de sa demande de dommages-intérêts subséquente.
- 4) perte de points sur son permis de conduire pour une infraction qu'il n'a pas commise
M. [E] [B] s'est vu infliger une amende de 166 € et perdu quatre points pour une infraction commise le 4 novembre 2020 à 8h35 (franchissement d'un feu rouge), concernant le véhicule [Immatriculation 5]. Il conteste avoir été le conducteur de ce véhicule, ce jour-là.
Le 4 novembre 2020, date de l'infraction, M. [E] [B] travaillait. Il a été en arrêt de travail du 14 octobre 2020 au 30 octobre 2020 puis à compter du 3 décembre 2020. Il est établi par le courriel du 7 janvier 2021 du conseil ayant assisté M. [E] [B] lors de son entretien préalable, qu'il disposait toujours de son véhicule de service à son domicile le 7 janvier 2021. En tout état de cause, dans ses écritures ( page 17), M. [E] [B] indique avoir remis les clés du véhicule dans la boîte aux lettres de l'agence le 17 décembre 2020.
Le courriel du 4 janvier 2021 décrit l'infraction comme suit : « le véhicule a été flashé début novembre par un radar automatique de feux tricolores ». Il ressort de la lettre de notification de retrait de points adressée à M. [E] [B] le 27 août 2021 qu'il a été déclaré coupable de cette infraction par jugement prononcé le 28 juin 2021 par le tribunal de police d'Orléans et que cette condamnation est devenue définitive.
Le grief n'est pas fondé et M. [E] [B] est débouté de sa demande de dommages-intérêts pour dénonciation injustifiée et perte de points. Il est également débouté de sa demande tendant à ce qu'il soit ordonné à la S.A. Proxiserve d'adresser aux services judiciaires et administratifs concernés une lettre indiquant qu'il n'était pas le conducteur du véhicule immatriculé [Immatriculation 5] le 4 novembre 2020.
- 5) non-paiement de l'indemnité de douche
L'article 25-3 de la convention collective nationale des OETAM ouvriers, employés, techniciens et agents de maîtrise de l'exploitation d'équipements thermiques et de génie climatique du 7 février 1979 prévoit que le personnel qui exécute des travaux insalubres et salissants figurant sur une liste établie par arrêté doit pouvoir prendre une douche. S'il intervient sur des sites non pourvus de douches, le salarié perçoit « une indemnité de douche, journalière et forfaitaire destinée à le dédommager des conséquences de cet état de fait ». Cette indemnité est fixée à 2,31 euros.
M. [E] [B] demande le paiement de la somme de 2370 € à titre d'indemnité conventionnelle de douche.
Le salarié était affecté à la réparation des sanitaires, activité figurant dans la liste des travaux insalubres et salissants de l'article 25.3.3. de la convention collective. Il s'en déduit qu'il peut prétendre à cette indemnité pour chaque journée de travail effectuée.
Les bulletins de paie de M. [E] [B] font apparaître le versement de cette indemnité, ainsi qu'une régularisation partielle, à compter de septembre 2020.
Contrairement à ce que soutient l'employeur, le salarié fonde sa demande sur les jours travaillés à compter du 7 juin 2016 (conclusions p. 15). Aucune fin de non-recevoir tirée de la prescription n'est opposée au salarié et l'employeur ne propose pas d'autre mode de calcul que celui résultant des conclusions de son adversaire.
Par voie de confirmation du jugement, il y a lieu de condamner la S.A. Proxiserve au paiement de la somme de 2370 € au titre des indemnités de douche.
La S.A. Proxiserve est déboutée de sa demande de se voir restituer la somme payée en exécution du jugement.
- 6) avoir vu sa santé altérée et son avenir professionnel compromis puisqu'il a démissionné
M. [E] [B] ne produit aucune pièce concernant son état de santé. Il ne verse aux débats aucune pièce permettant de caractériser une absence d'écoute de sa hiérarchie. Il ne saurait être retenu une dégradation de son état de santé ou une détérioration de ses conditions de travail et a fortiori un lien entre les deux. Les seuls non-respect des temps de pause et dépassements de la durée maximale quotidienne de travail, sur une période d'un mois, ne suffisent pas à établir une telle dégradation.
M. [E] [B] indique dans sa lettre de démission qu'il a « trouvé un CDI dans une autre entreprise ». Il ne produit aucune pièce de nature à justifier un préjudice sur sa carrière.
Le grief allégué n'est pas établi.
- 7) Sur le non-respect de l'obligation de sécurité
En application de l'article L.4121-1 du Code du travail, l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
M. [E] [B] fonde sa demande sur un dépassement de la durée maximale de travail, le non-respect des temps de pause ainsi que sur l'indemnité de douche non versée.
Les manquements aux dispositions relatives à la durée maximale du travail et au temps de pause constituent, pour chacune de ces infractions, un manquement à l'obligation de sécurité.
L'absence de versement d'une indemnité destinée à dédommager les conséquences de l'accomplissement de travaux salissants sur des sites non pourvus de douches ne s'analyse pas comme un manquement à l'obligation de sécurité.
La S.A. Proxiserve est condamnée à payer à M. [E] [B] les sommes de 500 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité.
Sur le harcèlement moral
Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En application de l'article L. 1154-1 du code du travail, dans sa rédaction postérieure à la loi n° 2018-1088 du 8 août 2016, lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.
Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral , il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer ou laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
A l'appui du harcèlement moral qu'il invoque, M. [E] [B] invoque les mêmes griefs que ceux qu'il invoque au soutien de sa demande de requalification de sa démission en prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur.
Il a été retenu que l'employeur avait manqué à son obligation de respecter les temps de pause et les durées maximales de travail entre le 2 novembre 2020 et le 2 décembre 2020 et donc, sur cette période d'un mois, à son obligation de sécurité. Il a été retenu également l'absence de paiement des indemnités de douche prévues par la convention collective, étant précisé à cet égard qu'aucune indemnité n'était versée aux salariés de la S.A. Proxiserve.
Ces manquements sont étrangers à tout harcèlement moral.
M. [E] [B] invoque la remise tardive par l'employeur du solde de tout compte, du permis de conduire et de son carnet de santé.
Le salarié a démissionné par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 28 décembre 2020, précisant qu'elle serait effective au 4 janvier 2021. Par lettre du 30 décembre 2020, l'employeur l'a invité à prendre contact avec son supérieur hiérarchique pour venir retirer le solde de tout compte. M. [E] [B] ne justifie d'aucune démarche en ce sens. Le solde de tout compte étant quérable, il ne peut être reproché à l'employeur de ne l'avoir pas adressé au salarié. Il ressort des échanges de courriels versés aux débats par M. [E] [B] (pièce n° 28) qu'il a refusé de se déplacer à l'agence pour venir chercher son permis de conduire et son carnet de santé oubliés dans le véhicule mis à sa disposition et pour se voir remettre le solde de tout compte. Dans ces conditions, l'attitude de l'employeur relative à des faits postérieurs à la cessation des relations contractuelles est exclusive de tout harcèlement moral.
M. [E] [B] n'établit pas l'existence de faits laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral. Il est débouté de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.
Sur la demande de requalification de la démission en prise d'acte de la rupture du contrat de travail
L'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison des faits qu'il reproche à l'employeur ne fixe pas les limites du litige. Dès lors le juge est tenu d'examiner les manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit.
Il a été retenu que la démission de M. [E] [B] s'analysait en une prise d'acte.
M. [E] [B] soutient que sa prise d'acte était justifiée par le harcèlement moral qu'il a subi et qu'en conséquence la prise d'acte produit les effets d'un licenciement nul.
Aucun fait de harcèlement moral n'ayant été retenu, M. [E] [B] est débouté de ses demandes à ce titre.
Subsidiairement, M. [E] [B] soutient que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse. Il a été retenu que l'employeur avait manqué à son obligation de respecter les temps de pause et les durées maximales de travail entre le 2 novembre 2020 et le 2 décembre 2020 et donc, sur cette période d'un mois, à son obligation de sécurité. Il a été retenu également l'absence de paiement des indemnités de douche, d'un montant de 2,31 euros par jour.
Ces manquements n'étaient pas de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail. Il y a lieu de dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'une démission.
M. [E] [B] est débouté de ses demandes au titre de la rupture (indemnité de licenciement, indemnité compensatrice de préavis et indemnité pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse).
Le salarié doit à l'employeur le montant de l'indemnité compensatrice de préavis résultant de l'application de l'article L. 1237-1 du code du travail (Soc., 10 avril 2013, pourvoi n° 10-13.614). Il y a lieu de condamner M. [E] [B] à payer à la S.A. Proxiserve la somme de 1683,38 euros à ce titre.
La S.A. Proxiserve ne démontrant pas l'existence d'une faute commise par le salarié à l'occasion de la rupture, il y a lieu de la débouter de sa demande de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail.
Sur les intérêts de retard et la demande de capitalisation des intérêts
Les condamnations prononcées par la présente juridiction, de nature indemnitaire, porteront intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt.
Il y a lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts, dans les conditions de l'article 1343-2 du Code civil (1ère Civ., 5 avril 2023, pourvoi n° 21-19.870).
Sur la demande de remise des documents de fin de contrat
Il convient d'ordonner à la S.A. Proxiserve de remettre à M. [E] [B] une attestation Pôle emploi devenu France travail et un bulletin de paie conformes aux dispositions du présent arrêt, et ce dans un délai d'un mois à compter de sa signification.
Aucune circonstance ne justifie d'assortir ce chef de décision d'une mesure d'astreinte pour en garantir l'exécution.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.
L'équité ne recommande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe;
Déclare irrecevables les conclusions n° 2 remises au greffe le 13 mars 2024 par M. [E] [B] ;
Dit n'y avoir lieu à annuler le jugement rendu 30 juin 2022, entre les parties, par le conseil de prud'hommes d'Orléans ;
Infirme le jugement rendu 30 juin 2022, entre les parties, par le conseil de prud'hommes d'Orléans mais seulement en ce qu'il a débouté M. [E] [B] de ses demandes de dommages et intérêts pour non-respect des temps de pause, pour non-respect de la durée maximale de travail et pour manquement à l'obligation de sécurité et en ce qu'il a débouté la S.A. Proxiserve de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :
Dit que la démission de M. [E] [B] s'analyse en une prise d'acte produisant les effets d'une démission ;
Condamne la S.A. Proxiserve à payer à M. [E] [B] les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt :
- 500 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect des temps de pause ;
- 500 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de la durée maximale de travail ;
- 500 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité;
Ordonne la capitalisation des intérêts, dans les conditions de l'article 1343-2 du Code civil ;
Condamne M. [E] [B] à payer à la S.A. Proxiserve la somme de 1 683,38 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;
Déboute M. [E] [B] de sa demande tendant à ce qu'il soit ordonné à la S.A. Proxiserve d'adresser aux services judiciaires et administratifs concernés une lettre indiquant qu'il n'était pas le conducteur du véhicule immatriculé [Immatriculation 5] le 4 novembre 2020 ;
Ordonne à la S.A. Proxiserve de remettre à M. [E] [B] une attestation Pôle emploi devenu France travail et un bulletin de paie conformes aux dispositions du présent arrêt, et ce dans un délai d'un mois à compter de sa signification ;
Dit n'y avoir lieu à assortir la remise des documents de fin de contrat d'une astreinte;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la S.A. Proxiserve aux dépens de l'instance d'appel.
Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre et par le greffier
Jean-Christophe ESTIOT Alexandre DAVID