C O U R D ' A P P E L D ' O R L É A N S
CHAMBRE SOCIALE - A -
Section 1
PRUD'HOMMES
Exp +GROSSES le 19 juillet 2024 à
la SCP SCP WEDRYCHOWSKI ET ASSOCIES
la SELARL LESIMPLE-COUTELIER & PIRES
FCG
ARRÊT du : 19 juillet 2024
MINUTE N° : - 24
N° RG 22/01782 - N° Portalis DBVN-V-B7G-GTZ3
DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BLOIS en date du 23 Juin 2022 - Section : COMMERCE
APPELANTE :
S.A.S. SAMSIC II agissant poursuites et diligences de son représentant légal demeurant en cette qualité audit siège
[Adresse 7]
[Localité 2]
représentée par Me Ladislas WEDRYCHOWSKI de la SCP SCP WEDRYCHOWSKI ET ASSOCIES, avocat au barreau d'ORLEANS
ET
INTIMÉ :
Monsieur [T] [Y]
né le 13 Juillet 1961 à [Localité 8] (PORTUGAL)
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Me Catherine LESIMPLE-COUTELIER de la SELARL LESIMPLE-COUTELIER & PIRES, avocat au barreau de TOURS
Ordonnance de clôture :26 janvier 2024
Audience publique du 12 Mars 2024 tenue par Mme Florence CHOUVIN,, et ce, en l'absence d'opposition des parties, assisté/e lors des débats de Monsieur Jean-Christophe ESTIOT, Greffier.
Après délibéré au cours duquel Mme Florence CHOUVIN, a rendu compte des débats à la Cour composée de :
Monsieur Alexandre DAVID, président de chambre, président de la collégialité,
Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre,
Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, conseiller
Puis le 19 juillet 2024, Monsieur Alexandre DAVID, président de Chambre, assisté de Monsieur Jean-Christophe ESTIOT, Greffier a rendu l'arrêt par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
Selon contrat de travail à durée déterminée du 25 juin 2014 qui s'est poursuivi en contrat à durée indéterminée, la SAS SAMSIC II a engagé M. [T] [Y], en qualité de laveur de vitres. Un véhicule de service a été mis à sa disposition pour qu'il se rende sur ses différents sites d'intervention.
La convention collective applicable est la convention collective nationale des entreprises de propreté et des services associés.
Le 7 février 2020, M. [T] [Y] a été contrôlé par la gendarmerie nationale conduisant le véhicule de société à une vitesse de 140 km/h sur un axe limité à 80 km/h. Cela a entraîné le retrait immédiat de son permis de conduire ainsi que l'immobilisation du véhicule de l'entreprise.
Par courrier du 10 février 2020, la SAS SAMSIC II a convoqué M. [T] [Y] à un entretien préalable à une éventuelle sanction pouvant aller jusqu'au licenciement, lui notifiant une mise à pied conservatoire.
M. [T] [Y] ayant été placé en arrêt de travail jusqu'au 23 février 2020, l'entretien préalable a été reporté au 21 février 2020 puis au 27 février 2020. Chacun des courriers reportant l'entretien a confirmé la mise à pied conservatoire. M. [T] [Y] ne s'est pas présenté à cet entretien.
Par courrier du 16 mars 2020, la SAS SAMSIC II a notifié à M. [T] [Y] son licenciement pour faute grave.
Par requête du 27 janvier 2021, M. [T] [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de Blois aux fins de voir reconnaître l'absence de faute grave ou de cause réelle et sérieuse de son licenciement, le caractère abusif de celui-ci et obtenir le paiement de diverses sommes en conséquence de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.
Le 23 juin 2022, le conseil de prud'hommes de Tours a rendu le jugement suivant auquel il est renvoyé pour plus ample exposé du litige:
Condamne la SAS SAMSIC II à payer à M. [T] [Y] les sommes de :
- 12 146,88 € à titre de dommages intérêts pour licenciement abusif,
- 1811,06 € à titre d'indemnité légale de licenciement,
- 3748,08 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 374,80 € à titre d'indemnité de congés payés y afférents,
- 2218,45 € à titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire,
- 221,84 € à titre d'indemnité de congés payés y afférents,
- 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute M. [T] [Y] de ses plus amples demandes.
Déboute la SAS SAMSIC II de sa demande reconventionnelle.
Condamne la SAS SAMSIC II aux entiers dépens de l'instance y compris les frais d'exécution.
Par déclaration adressée par voie électronique au greffe de la cour le 22 juillet 2022, la SAS SAMSIC II a relevé appel de cette décision.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions enregistrées au greffe le 4 avril 2023, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en application de l'article 455 du code de procédure civile, aux termes desquelles la SAS SAMSIC II demande à la cour de:
Déclarer la SAS SAMSIC II recevable et bien fondée en son appel interjeté à l'encontre du jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Blois le 23 juin 2022.
Y faisant droit,
Il est demandé à la cour de :
infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Blois en date du 23 juin 2022 en ce qu'il a considéré que le licenciement de M. [Y] était sans cause réelle et sérieuse et l'a condamné au paiement des sommes suivantes :
- 12 146,88 € à titre de dommages intérêts pour licenciement abusif,
- 1811,06 € à titre d'indemnité légale de licenciement,
- 3748,08 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 374,80 € à titre d'indemnité de congés payés y afférents,
- 2218,45 € à titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire,
- 221,84 € à titre d'indemnité de congés payés y afférents,
- 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [Y] de ses autres demandes,
Et,
Statuant à nouveau,
À titre principal :
Juger que les manquements commis par M. [Y] sont constitutifs d'une faute grave.
Juger que le licenciement pour faute grave décidé par la SAS SAMSIC II est légitime et bien fondé.
En conséquence,
Débouter M. [Y] de l'ensemble de ses demandes à savoir :
- 14 000 € à titre de dommages intérêts pour licenciement abusif,
- 1811,06 € à titre d'indemnité de licenciement,
- 3748,08 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 374,80 € à titre d'indemnité de congés payés y afférents,
- 2218,45 € au titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire,
- 221,84 € à titre d'indemnité de congés payés y afférents,
À titre subsidiaire :
Si par extraordinaire la cour devait considérer que les manquements commis par M. [Y] ne constituent pas une faute grave,
Juger que les manquements de M. [Y] constituent une cause réelle et sérieuse.
Juger que le licenciement de M. [Y] repose sur une cause réelle et sérieuse.
En conséquence,
Limiter strictement l'indemnisation de M. [Y] au versement de son indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, au rappel de salaire afférent à la mise à pied conservatoire, ainsi qu'au versement de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
Débouter M. [Y] de toutes ses autres demandes, fins et conclusions contraires.
A titre infiniment subsidiaire :
Vu l'article L.1235-3 du code du travail,
Si par extraordinaire, le licenciement devait être déclaré sans cause réelle et sérieuse,
Juger que la demanderesse est défaillante dans la preuve du préjudice qu'elle allègue,
En conséquence,
Limiter strictement l'allocation de dommages intérêts éventuellement dus à M. [Y] à la somme de 4874,07 € soit l'équivalent de trois mois de salaire.
En tout état de cause :
Débouter M. [Y] de sa demande à hauteur de 11 244,24 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé.
Débouter M. [T] [Y] de sa demande à hauteur de 10 000 € au titre de dommages intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.
Débouter M. [Y] de sa demande à hauteur de 10 000 € au titre de la charge de travail excessive entraînant la violation de l'obligation de sécurité
Débouter M. [Y] de sa demande à hauteur de 3899,68 € au titre de rappel d'heures supplémentaires et de sa demande à hauteur de 389,96 € au titre de congés payés y afférents.
Débouter M. [Y] de sa demande à hauteur de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Débouter M. [Y] de ses autres demandes, fins et conclusions.
Vu les dernières conclusions enregistrées au greffe le 17 janvier 2024, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en application de l'article 455 du code de procédure civile, aux termes desquelles M. [T] [Y], formant appel incident, demande à la cour de:
Confirmer le jugement en ce qu'il a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse sauf à réévaluer le quantum des dommages et intérêts en intégrant les heures supplémentaires
Condamner la SAS SAMSIC à régler à M. [T] [Y], les sommes suivantes :
- dommages et intérêts pour licenciement abusif 14 000 €
- indemnité de licenciement 1811,06 €
- indemnité compensatrice de préavis 3748,08 €
- congés payés afférents 374,80 €
- rappel de salaire mise à pied 2218,45 €
- congés payés sur mise à pied 221,84 €
- article 700 du code de procédure civile 1500 €
Infirmer le jugement pour le surplus :
Déclarer recevables et bien fondées les demandes formées par M. [T] [Y]
Condamner la SAS SAMSIC à régler à M. [T] [Y], les sommes suivantes :
- rappel de salaire / heures supplémentaires 3899,68 €
- congés payés afférents 389,96 €
- dommages intérêts travail dissimulé 11 244,24 €
- au titre de la charge de travail excessive entraînant la violation de l'obligation de sécurité 10 000 €
- au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail 10 000 €
- article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés à hauteur d'appel 3000€
Débouter la SAS SAMSIC de sa demande reconventionnelle.
Condamner la SAS SAMSIC aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 janvier 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande de requalification de la mise à pied conservatoire en mise à pied disciplinaire
M. [T] [Y] indique qu'il a été mis à pied, mesure qualifiée par l'employeur de conservatoire, selon courrier du 10 février 2020. Il fait valoir que l'employeur a annulé cette mise à pied par courrier du 11 février 2020 et l'a convoqué à un nouvel entretien préalable. Le 14 février 2020, l'employeur l'a, pour la troisième fois, convoqué à un entretien préalable avec mise à pied conservatoire, étant précisé que le salarié était placé en arrêt maladie. Or l'arrêt maladie n'interdit pas la procédure disciplinaire. Les nouvelles convocations sont à l'initiative exclusive de l'employeur et ne sont pas la conséquence de nouveaux faits portés à sa connaissance. Selon lui, l'employeur a épuisé son pouvoir disciplinaire en prononçant une mise à pied.
L'écoulement d'un délai entre la mise à pied et la convocation à l'entretien préalable à un éventuel licenciement ne fait pas obstacle à ce que la mise à pied soit qualifiée de conservatoire dès lors que ce délai était nécessaire à l'employeur pour mener des investigations sur les faits reprochés et de se déterminer sur la nécessité d'engager une procédure de licenciement pour faute grave (Soc., 13 septembre 2012, pourvoi n° 11-16.434).
En l'espèce, la mise à pied, qualifiée de conservatoire par l'employeur, a été notifiée le jour de la première convocation à l'entretien préalable à un éventuel licenciement soit le 10 février 2020. Les deux courriers suivants se bornent à reporter la date de l'entretien préalable et ne manifestent aucune volonté de l'employeur d'annuler la mise à pied. Dans chacun de ces courriers, il est rappelé au salarié que la mise à pied est confirmée à compter du 10 février 2020 jusqu'à la décision définitive qui découlera de l'entretien. Le premier report a pour motif le respect du délai de 5 jours ouvrables entre la date de la convocation et la date de l'entretien. Le second report a pour motif de permettre au salarié d'être présent pour s'expliquer sur les faits reprochés, l'intéressé étant en arrêt maladie.
Il en résulte que la procédure de licenciement a été engagée dans le même temps que la mise à pied conservatoire et que les reports de la date de l'entretien préalable étaient justifiés. M. [T] [Y] est débouté de sa demande tendant à voir déclarer la mise à pied du 10 février 2020 comme étant une mise à pied disciplinaire.
Sur le licenciement pour faute grave
Il résulte des dispositions combinées des articles L. 1232-1, L. 1232-6, L. 1234-1 et L. 1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise.
La lettre de licenciement du 16 mars 2020, qui fixe les limites du litige, énonce :
« ['] Il ressort de votre dossier que le 7 février 2020, au cours d'un contrôle de la gendarmerie nationale basé à [Localité 5] (41), et alors que vous conduisiez le véhicule de la société immatriculée [Immatriculation 6] sur l'axe routier D 765 dans le sens [Localité 9] (41) [Localité 4] (41), il a été constaté une vitesse de 140 km/h sur cet axe pourtant limité à 80 km/h. Cette constatation par les forces de l'ordre a ainsi entraîné la rétention de votre permis de conduire ainsi que l'immobilisation du véhicule.
Vous avez, suite aux mesures prises par la gendarmerie, contacté par téléphone M. [J] [D], animateur de secteur et votre supérieur hiérarchique, afin de l'informer de la situation, qui, en raison de la gravité des faits, en a référé immédiatement à M. [R] [Z], directeur d'agence.
Vous avez manqué à des obligations professionnelles.
Nous vous rappelons que la charte d'utilisation des véhicules de l'entreprise stipule, en son article 3.1, que « l'utilisateur doit disposer d'un permis de conduire valide et adapté au véhicule qui lui est confié. L'utilisateur doit respecter le code de la route ainsi que les normes du constructeur. Il doit veiller à protéger sa sécurité et celle des tiers ». De surcroît, le 25 novembre 2014 vous avait signé votre attestation de remise du livret conducteur de SAMSIC. Livret qui vous rappelle les principes de base de la conduite sur route, et notamment qui vous informe des risques tant matériels que réglementaires des excès de vitesse. En signant cette attestation, vous vous êtes engagé à accepter les obligations quant à la bonne utilisation du véhicule d'entreprise qui vous est confié dont le respect du code de la route en fait partie intégrante .
Tenu d'une obligation de sécurité de résultat envers chacun de nos collaborateurs, nos véhicules sont équipés de tous les éléments de sécurité propres à assurer l'exécution de leurs obligations contractuelles en toute sécurité. Compte tenu de l'importance du dépassement dont vous vous êtes rendu coupable, il nous est impossible d'attribuer ce cas de dépassement à un moment d'inattention et ce, d'autant plus que votre véhicule est équipé, d'un limitateur/régulateur de vitesse. Nous ne pouvons donc que déplorer une volonté manifeste de votre part de dépasser la vitesse autorisée sur les voies publiques, ce qui, en termes de sécurité routière est inexcusable. Nous vous rappelons que vous êtes également tenu d'une obligation de sécurité. Vous vous devez ainsi de prendre soin de votre propre sécurité et de votre santé mais aussi de celle des personnes concernées par vos actes ou omissions au travail. Il vous appartenait ainsi d'adopter une conduite sans risque en toutes circonstances, en circulation et en man'uvre sur voies ouvertes ou non à la circulation publique, d'exécuter les missions qui vous sont confiées dans le souci constant de la sécurité des personnes et des biens, impératifs auxquels vous êtes personnellement tenus tant dans l'exécution de votre mission principale de nettoyage que dans l'exécution des tâches annexes en rapport avec celle-ci.
De plus, vous êtes au sein de notre société, depuis le 30 juin 2014, laveur de vitres avec la classification d'agent très qualifié de service de niveau 2. Vous avez, ainsi la responsabilité d'organiser le travail qui vous est confié. Vous ne pouviez donc ignorer les conséquences qui découleraient de cette suspension de permis. Votre secteur d'activité recouvre l'ensemble du département du Loir-et-Cher (41). Nous vous rappelons que vous seul êtes affecté sur ce périmètre. L'usage d'un véhicule est ainsi nécessaire et, la validité du permis de conduire, un élément essentiel dans l'exécution de votre contrat de travail. Par ailleurs la suspension de votre permis vous place ainsi dans l'impossibilité d'exécuter votre contrat et ne nous permet plus de compter sur votre collaboration.
Au vu de ces éléments, nous avons donc pris la décision de vous licencier pour faute grave sans préavis, votre licenciement prendra effet dès l'envoi en LRAR de la présente, la mise à pied à titre conservatoire notifiée à compter du 11 février 2020 étant par ailleurs confirmée. ['] ».
Le salarié ne conteste pas les faits reprochés mais les explique par la tolérance et les manquements de l'employeur qui en sont à l'origine, ce qui leur ôterait tout caractère fautif.
M. [T] [Y] a commis une faute en conduisant à une vitesse excessive durant le temps de travail, avec le véhicule de service, ce qui a conduit au retrait de son permis de conduire et à l'immobilisation du véhicule.
Le salarié produit plusieurs contraventions pour excès de vitesse commis avec le véhicule de la société sans qu'aucune mise en garde ne lui ait été faite par l'employeur. Il ne saurait en être déduit que l'employeur tolérait ce type de comportement et n'y voyait pas matière à sanction.
Certes, s'il est nécessaire d'être titulaire d'un permis de conduire pour faire usage d'un véhicule de la société, ainsi que la rappelle la charte d'utilisation des véhicules de l'entreprise, aucune clause du contrat de travail n'impose au salarié d'avoir un permis de conduire valide pour accomplir la prestation attendue de lui.
Cependant, le licenciement n'est pas motivé par le trouble objectif causé à l'entreprise par la perte du permis de conduire. Le salarié a manqué à son obligation de sécurité en dépassant, de manière très importante, la vitesse autorisée alors qu'il conduisait, dans l'exécution de son travail, un véhicule de la société. Ce faisant, il a créé un danger pour sa propre sécurité, pour celle des autres usagers de la route ainsi que pour les biens de la société.
Ce comportement fautif justifie le prononcé du licenciement.
M. [T] [Y] justifie par l'attestation d'un ancien responsable d'exploitation dont il fut le collaborateur de juillet 2016 à mars 2019 et par celle d'une ancienne collègue, qu'il était un salarié impliqué, rigoureux, toujours disponible y compris le samedi en cas de surcroît d'activité. Ces éléments ne sont pas utilement contestés par l'employeur.
Compte tenu de ces éléments, au regard de l'ancienneté et de l'absence d'antécédent disciplinaire, il y a lieu de dire que la faute commise ne rendait pas impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et, par conséquent, que la faute grave n'est pas caractérisée. Par voie d'infirmation du jugement du conseil de prud'hommes, il y a lieu de dire que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse.
Sur la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et congés payés afférents
Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.
Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments (en ce sens, Soc., 18 mars 2020, pourvoi n° 18-10.919, PBRI).
Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant (Soc., 27 janvier 2021, pourvoi n° 17-31.046, publié).
M. [T] [Y] sollicite le paiement de la somme de 3899,68 € à titre de rappel d'heures supplémentaires et celle de 389,96 € au titre des congés payés afférents pour la période de septembre 2019 à février 2020.
La SAS SAMSIC II conteste devoir quelque somme que ce soit, ayant toujours, selon elle, rémunéré l'intégralité des heures supplémentaires réalisées. Elle fait valoir que le salarié n'a formé une telle demande ni au cours de la relation de travail ni dans sa requête déposée devant le conseil de prud'hommes.
Au soutien de ses prétentions, M. [T] [Y] produit des attestations de personnes l'ayant vu travailler le samedi matin, ses relevés d'horaires, ses plannings, le récapitulatif des heures effectuées pour la période de septembre 2019 à février 2020 dont il réclame le paiement. Il a fait également sommation à l'employeur de produire les bons d'intervention pour cette période permettant à la cour de vérifier la réalité et le bien-fondé de sa demande.
Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre en produisant ses propres éléments.
La SAS SAMSIC II ne produit aucune pièce de nature à permettre de déterminer les horaires de travail effectivement accomplis par M. [T] [Y]. Elle renvoie aux bulletins de salaire produits par le salarié sur lesquels figure en novembre et décembre 2019 le paiement d'heures supplémentaires.
L'employeur doit être en mesure de produire les éléments de contrôle de la durée du travail accomplie par le salarié (Soc., 27 janvier 2021, pourvoi n°17-31.046, publié, précité et, dans le même sens, Soc., 13 septembre 2023, pourvoi n° 21-23.445 et s.).
Le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l'accord au moins implicite de l'employeur, soit s'il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées (en ce sens, Soc., 14 novembre 2018, pourvoi n° 17-16.959, FS, P + B).
Le fait que les heures supplémentaires n'aient pas été effectuées à la demande explicite de l'employeur n'est donc, contrairement à ce qu'invoque la SAS SAMSIC II, pas de nature à faire échec à la demande de M. [T] [Y]. Il importe peu également que le salarié n'ait pas formulé cette demande dans sa requête devant le conseil de prud'hommes mais ait saisi les premiers juges d'une demande additionnelle sur ce point.
Au regard des éléments versés aux débats, la SAS SAMSIC II est condamnée à payer à M. [T] [Y] les sommes de 3899,68 € brut à titre de rappel d'heures supplémentaires et de 389,96 € brut au titre des congés payés afférents pour la période de septembre 2019 à février 2020.
Sur la demande d'indemnité pour travail dissimulé
L'article L. 8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l'article L. 8221-3 du même code relatif à la dissimulation d'activité ou exercé dans les conditions de l'article L. 8221-5 du même code relatif à la dissimulation d'emploi salarié.
Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.
Le caractère intentionnel de la dissimulation d'emploi ne peut se déduire du seul accomplissement d'heures supplémentaires non rémunérées.
Certes, l'employeur n'a pas opéré de contrôle suffisant sur les heures de travail effectivement réalisées par le salarié.
Pour autant, il n'apparaît pas qu'il ait entendu sciemment se soustraire à ses obligations déclaratives ou se soit, en toute connaissance de cause, abstenu de rémunérer des heures de travail dont il savait qu'elles avaient été accomplies.
L'élément intentionnel du travail dissimulé n'est pas caractérisé.
M. [T] [Y] est débouté de sa demande en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé.
Sur les demandes de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et pour violation de l'obligation de sécurité
En application de l'article L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Aux termes de l'article L. 1221-1 du code du travail, le contrat de travail s'exécute de bonne foi.
M. [T] [Y] fonde sa demande à ce titre sur une surcharge de travail et sur une incitation à tout faire très rapidement le mettant dans « l'impérieuse nécessité de se mettre en danger ».
Certes, l'employeur s'est révélé défaillant dans l'exécution de son obligation de contrôle du temps de travail de son salarié. Pour autant, il n'apparaît pas que les dispositions relatives aux durées maximales du travail et aux temps de repos n'aient pas été respectées. Il n'apparaît pas davantage que l'employeur ait soumis le salarié à des cadences de travail épuisantes. Les pièces versées aux débats ne permettent pas d'établir que le salarié se soit vu confier un nombre excessif de chantiers et que, sur ceux-ci, les règles de sécurité n'aient pas été respectées. Le nombre d'heures supplémentaires retenues sur une période de 6 mois ne permet pas de retenir un manquement de l'employeur à ses obligations en matière de santé et de sécurité au travail.
Il ne saurait être fait grief à l'employeur de n'avoir pas réagi aux contraventions pour excès de vitesse en mettant en garde le salarié. Cette absence de sanction ne saurait constituer un manquement à l'obligation de sécurité.
Aucune faute de l'employeur de nature à caractériser un manquement à l'obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail n'est caractérisée.
Il y a lieu de débouter M. [T] [Y] de ses demandes de dommages-intérêts au titre de la charge de travail excessive entraînant la violation de l'obligation de sécurité et au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail.
Sur les conséquences pécuniaires du licenciement
Dès lors que la faute grave n'est pas retenue, la mise à pied conservatoire n'est pas justifiée de sorte que M. [T] [Y] a droit au paiement du salaire indûment retenu pendant cette période. Il sera fait droit à la demande de paiement du salaire durant la mise à pied soit la somme de 2218,45 € brut et les congés payés afférents soit la somme de 221,84 € brut.
M. [T] [Y] peut prétendre au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis qu'il y a lieu de fixer en considération de la rémunération qu'il aurait perçue s'il avait travaillé durant le préavis d'une durée de deux mois. Il y a lieu de lui allouer les sommes de 3748,08 € brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de 374,80 € brut au titre des congés payés afférents.
M. [T] [Y] est fondé à solliciter une indemnité de licenciement d'un montant de 1 811,06 € net. La SAS SAMSIC II est donc condamnée au paiement de cette somme.
Le jugement est confirmé de ces chefs.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Il y a lieu de condamner la SAS SAMSIC II aux dépens de première instance et d'appel.
Il y a lieu de confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles.
L'équité ne recommande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile s'agissant des frais irrépétibles de l'instance d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :
Infirme le jugement rendu le 23 juin 2022, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Blois mais seulement en ce qu'il a condamné la SAS SAMSIC II à payer à M. [T] [Y] la sommes de 12 146,88 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif et en ce qu'il a débouté M. [T] [Y] de sa demande de rappel d'heures supplémentaires et de congés payés afférents ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :
Dit que le licenciement de M. [T] [Y] repose sur une cause réelle et sérieuse ;
Condamne la SAS SAMSIC II à payer à M. [T] [Y] les sommes suivantes :
- 3899,68 euros brut à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires ;
- 389,96 euros brut au titre des congés payés afférents ;
Déboute M. [T] [Y] de ses demandes de dommages-intérêts au titre du licenciement abusif et de la charge de travail excessive entraînant la violation de l'obligation de sécurité ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SAS SAMSIC II aux dépens de l'instance d'appel.
Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre et par le greffier
Jean-Christophe ESTIOT Alexandre DAVID