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19/07/2024 | FRANCE | N°22/01780

France | France, Cour d'appel d'Orléans, Chambre sociale, 19 juillet 2024, 22/01780


C O U R D ' A P P E L D ' O R L É A N S

CHAMBRE SOCIALE - A -

Section 1

PRUD'HOMMES

Exp +GROSSES le 19 JUILLET 2024 à

la AARPI CABINET KBS AVOCATS

la SELARL LESIMPLE-COUTELIER & PIRES





FCG





ARRÊT du : 19 JUILLET 2024



MINUTE N° : - 24



N° RG 22/01780 - N° Portalis DBVN-V-B7G-GTZW



DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTARGIS en date du 12 Juillet 2022 - Section : ENCADREMENT







APPELANT

E :



S.E.L.A.S. PHARMACIE DE LA LOIRE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]





représentée p...

C O U R D ' A P P E L D ' O R L É A N S

CHAMBRE SOCIALE - A -

Section 1

PRUD'HOMMES

Exp +GROSSES le 19 JUILLET 2024 à

la AARPI CABINET KBS AVOCATS

la SELARL LESIMPLE-COUTELIER & PIRES

FCG

ARRÊT du : 19 JUILLET 2024

MINUTE N° : - 24

N° RG 22/01780 - N° Portalis DBVN-V-B7G-GTZW

DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTARGIS en date du 12 Juillet 2022 - Section : ENCADREMENT

APPELANTE :

S.E.L.A.S. PHARMACIE DE LA LOIRE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Géraldine KESPI-BUNAN de l'AARPI CABINET KBS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, Me Amelie TOTTEREAU - RETIF, avocat au barreau d'ORLEANS

ET

INTIMÉ :

Monsieur [T] [B]

né le 12 Novembre 1960 à [Localité 4]

[Adresse 3]

[Localité 2]

représenté par Me Catherine LESIMPLE-COUTELIER de la SELARL LESIMPLE-COUTELIER & PIRES, avocat au barreau de TOURS

Ordonnance de clôture : le 26 janvier 2024

Audience publique du 12 Mars 2024 tenue par Mme Florence CHOUVIN, Conseiller, et ce, en l'absence d'opposition des parties, assisté/e lors des débats de Monsieur Jean-Christophe ESTIOT, Greffier.

Après délibéré au cours duquel Mme Florence CHOUVIN, Conseiller a rendu compte des débats à la Cour composée de :

Monsieur Alexandre DAVID, président de chambre, président de la collégialité,

Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre,

Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, conseiller

Puis le 19 Juillet 2024, Monsieur Alexandre DAVID, président de Chambre, assisté de Jean-Christophe ESTIOT, greffier, a rendu l'arrêt par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

Suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps plein du 13 juin 2003, la SELAS Pharmacie de la Loire a engagé M. [T] [B] en qualité de pharmacien. La relation de travail était régie par la convention collective nationale de la pharmacie d'officine du 3 décembre 1997.

Par courrier du 2 décembre 2020, la SELAS Pharmacie de la Loire a convoqué M. [T] [B] à un entretien préalable à une éventuelle sanction pouvant aller jusqu'au licenciement.

Par courrier du 24 décembre 2020, la SELAS Pharmacie de la Loire a notifié à M. [T] [B] son licenciement pour faute grave.

Par requête du 27 janvier 2021, M. [T] [B] a saisi le conseil de prud'hommes de Montargis aux fins de voir reconnaître l'absence de faute grave, la nullité de son licenciement ou subsidiairement son absence de cause réelle et sérieuse et d'obtenir le paiement de diverses sommes en conséquence de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.

La SELAS Pharmacie de la Loire a demandé au conseil de prud'hommes de débouter M. [T] [B] de ses demandes et de le condamner aux dépens et au paiement de la somme de 5000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 12 juillet 2022, le conseil de prud'hommes de Montargis a rendu le jugement suivant auquel il est renvoyé pour plus ample exposé du litige:

Fixe la moyenne mensuelle des salaires à la somme de 4937,68 €

Condamne la SELAS Pharmacie de la Loire à verser à M. [T] [B] les sommes suivantes :

- 27 157,27 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement

- 14 813,04 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

- 1481,30 € au titre des congés payés afférents

- 3453,41 € au titre du rappel de salaire sur mise à pied conservatoire

- 345,34 € au titre des congés payés sur mise à pied conservatoire

- 44 232 € au titre des dommages subis pour licenciement nul

- 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Ordonne à la SELAS Pharmacie de la Loire de remettre à M. [T] [B] les documents de fin de contrat rectifiés à savoir bulletin de salaire, solde de tout compte, certificat de travail et attestation pôle emploi en conformité avec la présente décision dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement passer ce délai sous astreinte provisoire de 50 € par jour de retard.

Déboute M. [T] [B] du surplus de ses demandes.

Déboute la SELAS Pharmacie de la Loire de toutes ses demandes et notamment de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la SELAS Pharmacie de la Loire aux entiers dépens, comprenant les frais d'exécution du présent jugement.

Par déclaration adressée par voie électronique au greffe de la cour le 21 juillet 2022, la SELAS Pharmacie de la Loire a relevé appel de cette décision.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions enregistrées au greffe le 4 avril 2023, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en application de l'article 455 du code de procédure civile, aux termes desquelles la SELAS Pharmacie de la Loire demande à la cour de:

Infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

fixé la moyenne mensuelle des salaires à la somme de 4937,68 € ;

condamné la SELAS Pharmacie de la Loire à verser à M. [T] [B] :

. 27 157,27 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;

. 14 813,04 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

. 1481,30 € au titre des congés payés afférents ;

. 3453,41 € au titre du rappel de salaire sur mise à pied conservatoire ;

. 345,34 € au titre des congés payés sur mise a pied conservatoire ;

. 44 232 € au titre des dommages subis pour licenciement nul ;

. 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

ordonné à la SELAS Pharmacie de la Loire de remettre à M. [T] [B] les documents de fin de contrat rectifiés à savoir bulletin de salaire, solde de tout compte, certificat de travail et attestation Pôle emploi en conformité avec la présente décision dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement passé ce délai sous astreinte provisoire de 50 € par jour de retard ;

débouté M. [T] [B] du surplus de ses demandes ;

débouté la SELAS Pharmacie de la Loire de toutes ses demandes et notamment de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné la SELAS Pharmacie de la Loire aux entiers dépens, comprenant les frais d'exécution du présent jugement.

Statuant à nouveau sur les chefs de jugement critiqués,

Débouter M. [T] [B] de l'ensemble de ses demandes ;

En tout état de cause :

Condamner M. [T] [B] à payer à la SELAS Pharmacie de la Loire la somme de 5000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner M. [T] [B] aux entiers dépens.

Vu les dernières conclusions enregistrées au greffe le 19 décembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en application de l'article 455 du code de procédure civile, aux termes desquelles M. [T] [B], formant appel incident, demande à la cour de:

Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Montargis le 12 juillet 2022 en toutes ses dispositions sauf :

En ce qu'il a limité à 44 232 € la somme allouée à M. [T] [B] au titre des dommages et intérêts pour licenciement nul

En ce qu'il a débouté M. [T] [B] du surplus de ses demandes.

L'infirmer de ces chefs

Statuant de nouveau:

Condamner la SELAS Pharmacie de la Loire à verser à M. [T] [B] les sommes suivantes :

- 66 000 € au titre des dommages et intérêts pour nullité du licenciement

- 10 000 € au titre des dommages et intérêts en raison de la discrimination

- 4937,68 € au titre du vice de forme en raison des griefs non évoqués lors de l'entretien préalable

Ordonner que les intérêts courent pour l'ensemble des condamnations à compter de la saisine du Conseil de prud'hommes conformément à l'article 1231-7 du code civil.

Subsidiairement, si la cour estimait le licenciement, non pas nul, mais sans cause réelle et sérieuse :

Condamner la SELAS Pharmacie de la Loire à verser à M. [T] [B] une somme de 66 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Dans tous les cas,

Condamner la SELAS Pharmacie de la Loire à verser à M. [T] [B] une somme complémentaire de 3000 € au titre des frais irrépétibles d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamner la SELAS Pharmacie de la Loire aux entiers dépens qui comprendront le cas échéant les frais d'exécution forcée .

L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 janvier 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de requalification de la mise à pied conservatoire en mise à pied disciplinaire

M. [T] [B] soutient qu'il a été mis à pied, mesure qualifiée par l'employeur de conservatoire, selon courrier remis en main propre le lundi 30 novembre 2020, sans aucune référence à une procédure de licenciement. Ce n'est que le vendredi 4 décembre 2020 qu'il a réceptionné sa convocation à un entretien préalable à licenciement qui ne faisait pas référence à la mise à pied. Selon lui, il s'ensuit que la mise à pied doit être qualifiée de mise à pied disciplinaire. En conséquence, il demande de voir déclarer le licenciement nul en application de la règle « non bis in idem » et de l'article L. 1333-1 du code du travail.

En l'espèce, le délai de 5 jours entre la mise à pied conservatoire et la lettre de convocation à entretien préalable était nécessaire à l'employeur pour mener des investigations sur les faits reprochés et se déterminer sur la nécessité d'engager une procédure de licenciement pour faute grave, étant précisé à cet égard que le salarié avait 17 années d'ancienneté et qu'il avait toujours été apprécié et considéré comme compétent.

Il y a lieu de retenir que l'écoulement d'un délai de cinq jours entre la mise à pied et la convocation à l'entretien préalable à un éventuel licenciement ne fait pas obstacle à ce que la mise à pied soit qualifiée de conservatoire (en ce sens, Soc., 13 septembre 2012, pourvoi n° 11-16.434).

M. [T] [B] est débouté de sa demande tendant à voir déclarer la mise à pied du 30 novembre 2020 comme étant une mise à pied disciplinaire.

Le jugement du conseil de prud'hommes est infirmé de ce chef.

Sur la demande de voir juger le licenciement nul pour avoir été décidé avant l'envoi de la lettre de convocation à l'entretien préalable au licenciement

M. [T] [B] soutient que l'employeur a fait aveu judiciaire en écrivant dans ses conclusions « Rappelons que la Pharmacie n'a mis que 5 jours, délai très court pour procéder aux vérifications indispensables avant de prendre la décision de licencier le salarié. »

Il ne saurait être déduit de cette maladresse de rédaction que la décision de licencier a été prise au moment de la convocation à l'entretien préalable, aucun élément objectif du dossier ne permettant de corroborer cette thèse.

Sur le bien-fondé du licenciement pour faute grave

Il résulte des dispositions combinées des articles L. 1232-1, L. 1232-6, L. 1234-1 et L. 1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise.

Dans la lettre de licenciement du 24 décembre 2020, la SELAS Pharmacie de la Loire expose que M. [T] [B] a commis plusieurs manquements à ses obligations justifiant son licenciement pour faute grave.

M. [T] [B] conteste l'existence de la faute grave. Il soutient avoir été licencié, une année seulement après le changement de direction, car il était manifestement payé trop cher pour les repreneurs. Selon lui, l'employeur a souhaité réduire ses charges salariales en faisant l'économie d'un salarié « âgé » ayant une ancienneté de 17 ans et 3 mois.

Aux termes de cette lettre de licenciement pour faute grave, qui fixe les limites du litige, la SELAS Pharmacie de la Loire reproche à M. [B] :

- une indiscipline pour ne pas avoir respecté la distribution de vaccins anti grippaux pré réservés et ainsi avoir délivré des doses de vaccin à deux patients qui n'étaient pas prioritaires et qui n'étaient pas mentionnés sur la liste d'attente ; l'employeur ne produit aucune pièce qui justifierait du bien-fondé de ce grief d'autant qu'en sa qualité de docteur en pharmacie, M. [B] avait qualité pour décider d'administrer les vaccins à deux frères, M. [K], qu'il considérait comme des patients âgés, obèses, diabétiques, souffrant d'hypertension artérielle et donc comme à risque et par conséquent prioritaires ;

- une négligence en juillet 2020 dans la délivrance d'un fauteuil roulant électrique ; des négligences dans la gestion de la facturation des locations de matériel médical, matelas à air, mi-bas ; une erreur de commande sur des produits Longsurf ; les pièces versées aux débats ne permettent pas d'établir la matérialité de ces griefs ;

- une erreur dans la délivrance de médicaments le 21 novembre 2020 ; le salarié a délivré des opiacés et des hypnotiques à une patiente toxicomane le 21 novembre 2020 avec une ordonnance des urgences hospitalières, non conforme, voire falsifiée en date du 20 novembre 2020 alors que ces médicaments avaient déjà été délivrés à cette patiente pour une semaine le 17 novembre 2020 pour une période de 7 jours et ce malgré l'alerte donnée par le logiciel. M. [T] [B] dont il n'est pas contesté qu'il connaissait la situation de cette patiente n'aurait pas dû délivrer ces médicaments avant le 24 novembre suivant. Il lui est également reproché de ne pas avoir tenu compte du message d'alerte qui apparaît automatiquement sur le logiciel pour bloquer la délivrance.

Cette erreur est établie et a fait l'objet d'un blâme par le conseil de l'ordre des pharmaciens en date du 2 décembre 2021 suite à la plainte déposée le 23 février 2021 par la SELAS Pharmacie de la Loire. Le conseil de l'ordre des pharmaciens a précisé que si cette erreur de délivrance est fautive et révèle un manque de vigilance de la part du pharmacien poursuivi, elle n'a pas été de nature à entraîner de graves conséquences sur la santé de la patiente. Il a retenu que si ce manquement était de nature à engager la responsabilité disciplinaire de M. [B], elle a été commise un samedi pendant la période de pandémie de la Covid 19, ce qui est de nature à atténuer la responsabilité du pharmacien.

Il s'agit d'une négligence fautive, le salarié n'ayant pas pris contact avec le prescripteur afin de vérifier l'absence de « chevauchement » entre cette ordonnance et la précédente. Elle a été jugée par le conseil de l'ordre des pharmaciens comme ne justifiant pas d'autre sanction disciplinaire que le blâme. Cette erreur a été commise en période de crise sanitaire, un samedi d'affluence et sans mise en danger de la patiente par un pharmacien dont le sérieux et les compétences n'avaient jamais fait l'objet du moindre reproche durant 17 ans de collaboration.

Cette négligence fautive ne peut, dans ces conditions, caractériser une faute rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. La faute grave n'est pas caractérisée. Cette négligence fautive ne peut justifier le prononcé de la mesure de licenciement.

Sur la demande voir juger le licenciement nul pour discrimination

M. [T] [B] soutient avoir victime d'une discrimination en raison du sexe et de l'âge. Il allègue qu'il y a une disparité de traitement qui démontre une volonté expresse de se séparer de lui en raison de son coût salarial, de son âge et de son sexe.

Il apparaît que la salariée avec laquelle M. [T] [B] se compare a 18 années d'ancienneté et perçoit un salaire de 4189,13 euros alors que sa rémunération est de 4156,97 euros pour 17 années d'ancienneté, soit une différence de 32,16 € par mois.

Il n'en résulte pas que l'employeur aurait pris la décision de licencier M. [T] [B] en raison du coût de son salaire. De même, aucun élément du dossier ne permet de retenir que la mesure de licenciement a été prise à raison du sexe et de l'âge du salarié. Il apparaît que le licenciement a été décidé en raison des erreurs et négligences énoncées dans la lettre de licenciement, fussent-elles infondées.

Le fait que l'employeur n'ait pas licencié une préparatrice en pharmacie qui a délivré traitement pour un mois au lieu d'une semaine s'explique par la différence d'ancienneté et de qualification, la prestation de travail attendue de M. [T] [B], pharmacien, n'étant pas la même que celle d'une préparatrice en pharmacie.

La mesure de licenciement, si elle est illicite, ne procède pas d'une discrimination. La demande de nullité du licenciement sera en conséquence rejetée.

Il y a lieu de dire le licenciement de M. [T] [B] sans cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences pécuniaires du licenciement

Dès lors que la faute grave n'est pas retenue, la mise à pied conservatoire n'est pas justifiée de sorte que M. [T] [B] a droit au paiement du salaire indûment retenu pendant cette période. Il sera fait droit à la demande en paiement du salaire durant la mise à pied soit la somme de 3453,41 € brut et les congés payés afférents soit la somme de 345,34 € brut.

En application de la convention collective nationale de la pharmacie d'officine du 3 décembre 1997, la durée du préavis est de 3 mois. Le salarié peut prétendre au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis qu'il y a lieu de fixer en considération de la rémunération qu'il aurait perçue s'il avait travaillé durant le préavis. Il y a lieu de lui allouer les sommes de 14'813,04 € brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de 1481,30 € brut au titre des congés payés afférents.

M. [T] [B] est fondé à solliciter une indemnité de licenciement. La SELAS Pharmacie de la Loire est condamnée à lui payer la somme de 27 157,27 € net.

Les dispositions des articles L. 1235-3 et L. 1235-3-1 du code du travail, qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l'ancienneté du salarié et qui prévoient que, dans les cas de licenciements nuls, le barème ainsi institué n'est pas applicable, permettent raisonnablement l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi.

Le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l'employeur est également assuré par l'application, d'office par le juge, des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail.

M. [T] [B] a acquis une ancienneté de 17 années complètes au moment de la rupture. Le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est compris entre 3 et 14 mois de salaire.

Les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail sont ainsi de nature à permettre le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'OIT (Soc., 11 mai 2022, pourvoi n° 21-14.490, FP-B+R).

Compte tenu notamment des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à retrouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'elles résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de condamner l'employeur à payer à M. [T] [B] la somme de 50 000 euros brut à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. 

La rupture ne procédant pas d'une discrimination, il y a lieu de débouter le salarié de sa demande d'allocation d'une somme de 10 000 euros de dommages-intérêts à ce titre.

Sur la demande au titre du vice de forme

M. [T] [B] se plaint de ce que tous les griefs mentionnés dans la lettre de licenciement ne lui auraient pas été soumis lors de l'entretien préalable.

Aux termes de l'article L. 1232-3 du code du travail, au cours de l'entretien préalable, l'employeur est tenu d'indiquer les motifs de la décision envisagée est de recueillir les explications du salarié.

En application de l'article L. 1235-2 du code du travail, l'indemnité pour irrégularité de procédure ne se cumule pas avec l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le salarié est débouté de sa demande à ce titre.

Sur les intérêts moratoires

Les condamnations relatives à des créances de nature salariale (indemnité de licenciement, indemnité compensatrice de préavis, rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire) prononcées par le conseil de prud'hommes porteront intérêts au taux légal à compter du 28 janvier 2021, date de réception par l'employeur de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation et d'orientation.

La somme de 50 000 euros allouée à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse porte intérêts au taux légal à compter du 12 juillet 2022, date du jugement entrepris, sur la somme de 44 232 euros, et à compter du prononcé du présent arrêt pour le surplus.

Sur la demande de remise des documents de fin de contrat

Il convient d'ordonner à la SELAS Pharmacie de la Loire de remettre à M. [T] [B] une attestation Pôle emploi, devenu France travail, un certificat de travail et un bulletin de paie conformes aux dispositions du présent arrêt et ce dans un délai d'un mois à compter de sa signification.

Aucune circonstance ne justifie d'assortir ce chef de décision d'une mesure d'astreinte pour en garantir l'exécution.

Sur l'article L. 1235-4 du code du travail

En application de l'article L.1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner le remboursement par la SELAS Pharmacie de la Loire aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à M. [T] [B] du jour de son licenciement au jour du présent arrêt dans la limite de 6 mois d'indemnités.

Sur les dépens et frais irrépétibles

Les dépens de première instance et d'appel sont à la charge de l'employeur, partie succombante. Il y a lieu de préciser que le sort des éventuels frais d'exécution forcée sera réglé dans le cadre des procédures civiles d'exécution mises en oeuvre.

Il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a alloué au salarié la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il y a lieu d'allouer au salarié la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles de la procédure d'appel et de débouter l'employeur de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :

Infirme le jugement rendu le 12 juillet 2022, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Montargis mais seulement en ce qu'il a condamné la SELAS Pharmacie de la Loire à verser à M. [T] [B] la somme de 44 232 euros au titre des dommages subis pour licenciement nul et en ce qu'il a assorti la remise des documents de fin de contrat d'une astreinte ;

Statuant des chefs infirmés et y ajoutant :

Dit que le licenciement de M. [T] [B] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Condamne la SELAS Pharmacie de la Loire à payer à M. [T] [B] la somme de 50 000 euros brut à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du 12 juillet 2022 sur la somme de 44 232 euros et à compter du prononcé du présent arrêt pour le surplus ;

Dit que les condamnations relatives à des créances de nature salariale (indemnité de licenciement, indemnité compensatrice de préavis, rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire) prononcées par le conseil de prud'hommes porteront intérêts au taux légal à compter du 28 janvier 2021 ;

Ordonne à la SELAS Pharmacie de la Loire de remettre à M. [T] [B] une attestation Pôle emploi, devenu France travail, un certificat de travail et un bulletin de paie conformes aux dispositions du présent arrêt et ce dans un délai d'un mois à compter de sa signification ;

Dit n'y avoir lieu à assortir la remise des documents de fin de contrat d'une astreinte ;

Ordonne le remboursement par la SELAS Pharmacie de la Loire aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à M. [T] [B] du jour de son licenciement au jour du présent arrêt dans la limite de six mois d'indemnités ;

Condamne la SELAS Pharmacie de la Loire à payer à M. [T] [B] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et la déboute de sa demande à ce titre ;

Condamne la SELAS Pharmacie de la Loire aux dépens de l'instance d'appel.

Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre et par le greffier

Jean-Christophe ESTIOT Alexandre DAVID


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22/01780
Date de la décision : 19/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 27/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-19;22.01780 ?
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