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17/07/2024 | FRANCE | N°24/01750

France | France, Cour d'appel d'Orléans, Chambre des rétentions, 17 juillet 2024, 24/01750


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

Rétention Administrative

des Ressortissants Étrangers



ORDONNANCE du 17 JUILLET 2024

Minute N°

N° RG 24/01750 - N° Portalis DBVN-V-B7I-HAYC

(4 pages)



Décision déférée : Juge des libertés et de la détention d'Orléans en date du 15 juillet 2024 à 15h07



Nous, Anne-Lise Collomp, présidente de chambre à la cour d'appel d'Orléans, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Hermine Bilds

tein, greffier, aux débats et au prononcé de l'ordonnance,



APPELANT :

M. [G] [E]

né le 5 juin 1989 à [Localité 3] (Sénégal), de nationalité séné...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

Rétention Administrative

des Ressortissants Étrangers

ORDONNANCE du 17 JUILLET 2024

Minute N°

N° RG 24/01750 - N° Portalis DBVN-V-B7I-HAYC

(4 pages)

Décision déférée : Juge des libertés et de la détention d'Orléans en date du 15 juillet 2024 à 15h07

Nous, Anne-Lise Collomp, présidente de chambre à la cour d'appel d'Orléans, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Hermine Bildstein, greffier, aux débats et au prononcé de l'ordonnance,

APPELANT :

M. [G] [E]

né le 5 juin 1989 à [Localité 3] (Sénégal), de nationalité sénégalaise,

actuellement en rétention administrative au centre de rétention administrative d'[Localité 2] dans des locaux ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire,

comparant par visioconférence, assisté de Me Karima Hajji, avocat au barreau d'Orléans,

INTIMÉ :

LA PRÉFECTURE DU FINISTÈRE

non comparante, non représentée ;

MINISTÈRE PUBLIC : avisé de la date et de l'heure de l'audience ;

À notre audience publique tenue en visioconférence au Palais de Justice d'Orléans, conformément à l'article L. 743-8 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), le 17 juillet 2024 à 14 heures ;

Statuant en application des articles L. 743-21 à L. 743-23 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), et des articles R. 743-10 à R. 743-20 du même code ;

Vu l'ordonnance rendue le 15 juillet 2024 à 15h07 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire d'Orléans ordonnant la prolongation du maintien de M. [G] [E] dans les locaux non pénitentiaires pour un délai maximum de trente jours à compter du 15 juillet 2024 ;

Vu l'appel de ladite ordonnance interjeté le 15 juillet 2024 à 18h14 par M. [G] [E] ;

Après avoir entendu :

- Me Karima Hajji, en sa plaidoirie,

- M. [G] [E], en ses observations, ayant eu la parole en dernier ;

AVONS RENDU ce jour, publiquement et contradictoirement, l'ordonnance suivante :

Aux termes de l'article L. 742-5 du CESEDA : « À titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l'article L. 742-4, lorsqu'une des situations suivantes apparait dans les quinze derniers jours :

1° L'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la décision d'éloignement ;

2° L'étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d'éloignement :

a) une demande de protection contre l'éloignement au titre du 5° de l'article L. 631-3 ;

b) ou une demande d'asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;

3° La décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé et qu'il est établi par l'autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.

Le juge peut également être saisi en cas d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public.

L'étranger est maintenu en rétention jusqu'à ce que le juge ait statué.

Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l'expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d'une durée maximale de quinze jours.

Si l'une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° ou au septième alinéa du présent article survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application de l'avant-dernier alinéa, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas quatre-vingt-dix jours ».

Selon les dispositions de l'article L. 741-3 du même code : « Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet ».

Il convient de considérer que c'est par une analyse circonstanciée et des motifs particulièrement pertinents qu'il y a lieu d'adopter que le premier juge a statué sur l'ensemble des moyens de nullité et de fond soulevés devant lui et repris devant la cour, étant observé, au vu des termes de la déclaration d'appel du retenu du 16 juillet 2024 et des moyens repris lors des débats de ce jour :

Sur la violation de l'article L. 742-5 du CESEDA, M. [G] [E], rappelle les dispositions résultant de ce dernier et conteste l'analyse retenue par le premier juge, qui a prolongé sa rétention pour une durée exceptionnelle de 15 jours au motif qu'il représente une grave menace pour l'ordre public. Il soulève l'absence des conditions formelles posées par l'article L. 742-5 du CESEDA.

En réponse à ce moyen, la Cour est tenue d'analyser les motifs sur lesquels le préfet du Finistère se fonde pour justifier une troisième prolongation de rétention administrative, étant rappelé au demeurant que les situations prévues par l'article L. 742-5 n'ont pas besoin d'être cumulées.

En l'espèce, il n'est pas établi que M. [G] [E] ait, dans les quinze derniers jours de sa rétention, fait obstruction à l'exécution d'office de la mesure d'éloignement dont il fait l'objet, ou qu'il ait dans ce même dessein présenté une demande de protection contre l'éloignement ou une demande d'asile.

S'agissant des perspectives de délivrance à brève échéance d'un document de voyage par le consulat dont M. [G] [E] relève, la préfecture du Finistère justifie de plusieurs diligences accomplies auprès des autorités consulaires sénégalaises et guinéennes. Ainsi, l'intéressé a été auditionné par les autorités sénégalaises le 28 mai 2024 mais ces dernières ne l'ont pas reconnu, alors même qu'il avait constamment revendiqué cette nationalité, ce qui ressort notamment de l'audition administrative du 7 mai 2024.

Par suite, M. [G] [E] a déclaré être ressortissant guinéen né à [Localité 1] et c'est pourquoi l'ambassade de Guinée et l'Unité Centrale d'Identification ont été saisies par courriels du 21 juin 2024, auxquels sont joints les photographies, les empreintes dématérialisées, et l'audition du 28 mai 2024 de M. [G] [E], ainsi que l'arrêté de placement et l'arrêté fixant le pays de renvoi lui ayant été notifiés.

Dans ces conditions, la Cour constate que la préfecture du Finistère a réalisé les diligences qui s'imposaient à elles. Il est par ailleurs rappelé qu'elle ne dispose d'aucun pouvoir de contrainte ou d'instruction sur les autorités consulaires, de sorte qu'il ne peut lui être reproché le défaut de délivrance de laissez-passer.

Pour ces mêmes raisons, il n'y a pas lieu non plus de lui imposer des actes sans réelle effectivité, tels que des relances consulaires, (1ère Civ., 9 juin 2010, pourvoi n° 09-12.165).

Nonobstant l'absence de carence dans les diligences de l'administration, il n'est pas démontré, à défaut de réponse des autorités guinéennes, que la délivrance d'un laissez-passer puisse survenir à brève échéance. C'est pourquoi il ne saurait être fait droit à la demande de prolongation sur le fondement de l'article L. 742-5 3° du CESEDA.

Sur la menace que représente le comportement de M. [G] [E] pour l'ordre public, au visa du septième alinéa de l'article L. 742-5 du CESEDA, invoqué par la préfecture du Finistère dans sa requête en prolongation.

Pour l'application de cet alinéa, créé par la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, il appartient à l'administration de caractériser l'urgence absolue ou la menace pour l'ordre public.

Dans le cadre adopté par le législateur, la notion de menace à l'ordre public a pour objectif manifeste de prévenir, pour l'avenir, les agissements dangereux commis par des personnes en situation irrégulières sur le territoire national.

Selon une jurisprudence constante fixée par le Conseil d'Etat, la notion d'ordre public ou de la présence en France constituant une menace pour l'ordre public donnent lieu à un contrôle entier ou normal du juge administratif ; celui de l'erreur d'appréciation. Ce contrôle se situe entre celui de l'erreur manifeste d'appréciation, et celui du contrôle de proportionnalité résultant de la jurisprudence Benjamin (CE, 19 mai 1933, n° 17413-17250).

Il y a lieu de procéder à ce même contrôle lors de l'examen des conditions de troisième et quatrième prolongation telles que résultant de la loi n° 2024-42 précitée.

Ainsi, le juge doit apprécier in concreto la caractérisation de la menace pour l'ordre public, au regard d'un faisceau d'indices prenant en compte la réalité, la gravité, et l'actualité de la menace, compte tenu notamment de la récurrence ou la réitération, et de l'ancienneté des faits reprochés. Ces éléments doivent également être mis balance avec l'attitude positive de l'intéressé, traduisible notamment par son positionnement sur les faits, son comportement en détention, sa volonté d'indemniser les victimes ou encore ses projets de réinsertion ou de réhabilitation.

Enfin, le comportement du retenu dans le cadre de sa rétention administrative doit également être pris en compte avec le cas échéant, une analyse des circonstances ayant mené à un placement à l'isolement, ou à toute autre remontée d'incident le concernant.

En l'espèce, il résulte des pièces transmises par la préfecture du Finistère que l'intéressé a été condamné le 15 septembre 2023 par le tribunal judiciaire de Quimper pour des faits de soustraction à l'exécution d'une OQTF et de violences par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, à une peine de six mois d'emprisonnement avec maintien en détention, de trois ans d'interdiction d'entrer en relation avec la victime de l'infraction avec exécution provisoire, de cinq ans d'interdiction de détenir ou de porter une arme soumise à autorisation, et de dix ans d'interdiction du territoire français avec exécution provisoire.

S'agissant de l'interdiction du territoire français et de l'interdiction d'entrer en contact avec la victime des faits de violences conjugales, le premier juge a relevé à juste titre l'incapacité de M. [G] [E] à s'y conformer, puisqu'il a été condamné le 26 mars 2024 par le tribunal judiciaire de Quimper pour des faits de rencontre d'une personne malgré interdiction judiciaire prononcée à titre de peine commis le 24 janvier 2024 et de maintien irrégulier sur le territoire français après placement en rétention ou d'assignation à résidence d'un étranger ayant fait l'objet d'une interdiction judiciaire du territoire commis courant janvier 2024 et jusqu'au 10 mars 2024.

Or, la commission de ces infractions, environ quatre mois après sa condamnation par le tribunal judiciaire de Quimper du 15 septembre 2023, caractérise une volonté de ne pas se conformer aux décisions judiciaires dont il fait l'objet et laisse craindre une réitération du passage à l'acte, M. [G] [E] étant notamment susceptible de reprendre contact avec la victime des faits de violences conjugales dont il a été l'auteur.

Enfin, la seule justification de 54 jours de réductions de peines obtenus par ordonnance du juge de l'application des peines en date du 5 mai 2024 ne suffit pas à caractériser une attitude positive remettant en cause l'actualité et la gravité de la menace à l'ordre public. Aucun projet de réinsertion n'est justifié par ailleurs, et ce dernier serait en tout état de cause compromis, compte tenu de l'interdiction judiciaire du territoire dont le retenu fait l'objet.

Dans ces conditions, il y a lieu de retenir qu'est caractérisée une menace à l'ordre public justifiant de faire droit à une troisième prolongation de la rétention administrative au sens des dispositions de l'article L. 742-5 du CESEDA.

En l'absence de toute illégalité susceptible d'affecter les conditions, découlant du droit de l'Union, de la légalité de la rétention et à défaut d'autres moyens présentés en appel, il y a lieu de confirmer l'ordonnance attaquée.

PAR CES MOTIFS,

DÉCLARONS recevable l'appel de M. [G] [E] ;

DÉCLARONS non fondés l'ensemble des moyens et les rejetons ;

CONFIRMONS l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 15 juillet 2024 ayant ordonné la prolongation de la rétention administrative pour une durée de 15 jours ;

LAISSONS les dépens à la charge du Trésor ;

ORDONNONS la remise immédiate d'une expédition de la présente ordonnance à la préfecture du Finistère, à M. [G] [E] et son conseil, et au procureur général près la cour d'appel d'Orléans ;

Et la présente ordonnance a été signée par Anne-Lise Collomp, présidente de chambre, et Hermine Bildstein, greffier présent lors du prononcé.

Fait à Orléans le DIX SEPT JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE, à heures

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Hermine BILDSTEIN Anne-Lise COLLOMP

Pour information : l'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien la rétention et au ministère public. Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification. Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.

NOTIFICATIONS, le 17 juillet 2024 :

La préfecture du Finistère, par courriel

Monsieur le procureur général près la cour d'appel d'Orléans, par courriel

M. [G] [E] , copie remise par transmission au greffe du CRA

Me Karima Hajji, avocat au barreau d'Orléans, copie remise en main propre contre récépissé

L'avocat de l'intéressé


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : Chambre des rétentions
Numéro d'arrêt : 24/01750
Date de la décision : 17/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-17;24.01750 ?
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