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15/07/2024 | FRANCE | N°22/00869

France | France, Cour d'appel d'Orléans, Chambre civile, 15 juillet 2024, 22/00869


COUR D'APPEL D'ORLÉANS



C H A M B R E C I V I L E





GROSSES + EXPÉDITIONS : le 15/07/2024

la SCP LAVAL - FIRKOWSKI - DEVAUCHELLE AVOCATS ASSOCIES

la SELARL WALTER & GARANCE AVOCATS

la SCP THAUMAS AVOCATS ASSOCIES



ARRÊT du : 15 JUILLET 2024



N° : - 24



N° RG 22/00869 - N° Portalis DBVN-V-B7G-GRXW





DÉCISION ENTREPRISE : Jugement TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOURS en date du 24 Mars 2022



PARTIES EN CAUSE



APPELANTS :- Timbre fis

cal dématérialisé N°: 1265273282243350



Madame [H] [X]

[Adresse 1]

[Localité 4]



ayant pour avocat postulant Me Olivier LAVAL de la SCP LAVAL - FIRKOWSKI - DEVAUCHELLE AVOCAT...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

C H A M B R E C I V I L E

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 15/07/2024

la SCP LAVAL - FIRKOWSKI - DEVAUCHELLE AVOCATS ASSOCIES

la SELARL WALTER & GARANCE AVOCATS

la SCP THAUMAS AVOCATS ASSOCIES

ARRÊT du : 15 JUILLET 2024

N° : - 24

N° RG 22/00869 - N° Portalis DBVN-V-B7G-GRXW

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOURS en date du 24 Mars 2022

PARTIES EN CAUSE

APPELANTS :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265273282243350

Madame [H] [X]

[Adresse 1]

[Localité 4]

ayant pour avocat postulant Me Olivier LAVAL de la SCP LAVAL - FIRKOWSKI - DEVAUCHELLE AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d'ORLEANS,

ayant pour avocat plaidant Me Christophe MOYSAN, avocat au barreau de TOURS

Monsieur [C] [V]

né le 14 Mars 1960 à [Localité 14]

[Adresse 11]

[Localité 9]

ayant pour avocat postulant Me Olivier LAVAL de la SCP LAVAL - FIRKOWSKI - DEVAUCHELLE AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d'ORLEANS,

ayant pour avocat plaidant Me Christophe MOYSAN, avocat au barreau de TOURS

D'UNE PART

INTIMÉS : - Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265274991635647

Monsieur [J] [P]

né le 14 Juin 1973 à [Localité 15] (EU)

[Adresse 10]

[Localité 7]

représenté par Me Alexis LEPAGE de la SELARL WALTER & GARANCE AVOCATS, avocat au barreau de TOURS

Madame [S] [M] épouse [P]

née le 05 Août 1975 à [Localité 13]

[Adresse 10]

[Localité 7]

représentée par Me Alexis LEPAGE de la SELARL WALTER & GARANCE AVOCATS, avocat au barreau de TOURS

S.C.I. VICTORIA prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 3]

[Localité 8]

représentée par Me Alexis LEPAGE de la SELARL WALTER & GARANCE AVOCATS, avocat au barreau de TOURS

- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265282923111762

Maître [Z] [B]

Notaire associé de la S.E.L.A.R.L ALLIANCE NOTAIRES TOURAINE MONTBAZON,

[Adresse 5]

[Localité 6]

représenté par Me Sofia VIGNEUX de la SCP THAUMAS AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de TOURS

Société S.A. MMA (DIR AIS MMA- DIV PROFESSIONES LIBERALES) prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 2]

[Localité 12]

représentée par Me Sofia VIGNEUX de la SCP THAUMAS AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de TOURS

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du :11 Avril 2022

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 6 mai 2024

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats, du délibéré :

Mme Anne-Lise COLLOMP, Présidente de chambre, en charge du rapport,

Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller,

Mme Laure-Aimée GRUA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles.

Greffier :

Mme Fanny ANDREJEWSKI-PICARD, Greffier lors des débats

Mme Karine DUPONT, Greffier lors du prononcé.

DÉBATS :

A l'audience publique du 3 juin 2024

ARRÊT :

Prononcé le 15 juillet 2024 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

***

FAITS ET PROCEDURE :

Suivant promesse unilatérale de vente reçue le 25 juillet 2019 par Maître [B], notaire, M. [V] a promis de vendre à M. et Mme [P], bénéficiaires, avec faculté de substitution, un bien immobilier situé [Adresse 3], au prix de 230.000 euros. Cette promesse était consentie jusqu'au 25 octobre 2019 et une indemnité d'immobilisation d'un montant de 10% du prix de vente était prévue, le bénéficiaire étant dispensé de son versement immédiat.

Cette promesse de vente était assortie d'une condition suspensive d'obtention d'un prêt d'un montant maximum de 247 600 euros.

M. et Mme [P] ont créé, après la signature de la promesse, la SCI Victoria, qu'ils ont domiciliée chez Mme [X] et M. [V] avec leur accord.

Ces derniers ont reçu à leur domicile une offre de prèt en date du 5 novembre 2019, consentie à cette SCI par le Crédit Agricole, d'un montant de 246 200 euros.

L'acte authentique de vente n'a jamais été régularisé. Par mail en date du 15 janvier 2020, Maître [B] a expliqué à M. [V] et Mme [X] qu'il n'avait plus de nouvelle des acquéreurs depuis le 5 décembre 2019 et qu'il convenait de considérer la promesse comme caduque.

Par actes d'huissier en date des 22, 29 mai et 24 juin 2020, M. [C] [V] et Mme [H] [X] ont assigné devant le tribunal judiciaire de Tours M. et Mme [P], la SCI Victoria ainsi que Me [Z] [B] et les sociétés MMA, en leur qualité d'assureur du notaire, en paiement de l'indemnité d'immobilisation et en responsabilité.

Par jugement en date du 24 mars 2022, le tribunal judiciaire de Tours a :

- rejeté l'ensemble des demandes de M. [C] [V] et Mme [H] [X] à l'encontre de Me [Z] [B], des Mma, de M. [J] [P] et de Mme [S] [M] et de la société Victoria.

- rejeté les demandes reconventionnelles de Me [Z] [B], des Mma, de M. [J] [P] et de Mme [S] [M] et de la SCI Victoria.

- condamné M. [C] [V] et Mme [H] [X] aux dépens.

Par déclaration en date du 11 avril 2022, Mme [X] et M. [V] ont relevé appel de ce jugement en ce qu'il a rejeté l'ensemble des demandes de M. [C] [V] et [H] [X], à l'encontre de M. [Z] [B], de la compagnie d'assurances Mma ainsi que de M. [J] [P], Mme [S] [M] et de la société Victoria et a condamné M. [V] et Mme [X] aux dépens

Les parties ont constitué avocat et ont conclu.

Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 8 juillet 2022, Mme [X] et M. [V] demandent à la cour de :

- faire droit à l'appel de M. [V] et de Mme [X],

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes et statuant à nouveau,

- condamner Me [B] d'avoir à régler à M. et Mme [V] la somme de 235.000 euros à titre de doMmages et intérêts, et

- condamner la compagnie d'assurance Mma à garantir le règlement de cette somme.

À titre subsidiaire et si par impossible la cour venait à considérer que le notaire n'avait commis aucune faute dans la réalisation de sa mission :

- condamner solidairement M. et Mme [P] et la société Victoria à régler à M. et Mme [V] la somme de 23.000 euros à titre d'indemnité d'immobilisation.

En tout état de cause :

- condamner Me [B] ou solidairement M. et Mme [P] et la société Victoria à régler à M. et Mme [V] la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens.

Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 12 octobre 2022, M. et Mme [P] et la société Victoria demandent à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Tours du 24 mars 2022,

- débouter en conséquence M. [V] et Mme [X] de leur demande subsidiaire à l'encontre de M. [J] [P] et Mme [M] épouse [P],

- débouter M. [V] et Mme [X] de leur demande subsidiaire à l'encontre de la société Victoria,

Y ajoutant,

- condamner solidairement M. [V] et Mme [X] d'avoir à payer à M. [J] [P] et Mme [M] épouse [P] la somme de 4.000,00 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner toute partie succombante aux dépens.

Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 29 septembre 2022, Me [B] et la société Mma demande à la cour de :

- déclarer, irrecevable l'appel de M. [V] et Mme [X] épouse [V] ou à tout le moins mal fondé,

- débouter, M. [V] et Mme [X] épouse [V] de l'ensemble de leurs demandes,

En conséquence,

- confirmer, le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Tours en date du 24 mars 2022 en toutes ses dispositions.

Y ajoutant,

- débouter toute demande plus ample ou contraire à l'encontre de Me [B] et des Mma.

- condamner M. [V] et Mme [X] épouse [V] solidairement au paiement d'une somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner M. [V] et Mme [X] épouse [V] solidairement aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 6 mai 2024.

MOTIFS

Sur la responsabilité du notaire

Moyens des parties

M. [V] et Mme [X] entendent voir engager la responsabilité du notaire auquel ils reprochent d'avoir commis des fautes dans la réalisation de leur projet immobilier :

- il ne leur a jamais adressé spontanément les documents contractuels, et c'est seulement lorsque Mme [X] a sollicité une copie de la promesse de vente que celle-ci leur a été remise en décembre 2019 ;

- il ne les a pas tenus informés de l'ensemble des évènements affectant la réalisation de leur projet, et notamment tout ce qui concerne la constitution de la personne morale qui devait se substituer aux engagemetns des acquéreurs, alors même qu'il leur avait demandé de domicilier la SCI chez eux ;

- il n'a pas effectué la moindre démarche à l'égard de la SCI lorsqu'il était encore possible de le faire en novembre 2019, et notamment il n'a pas fait signer de compromis de vente entre cette SCI et les promettants ; en créant cette SCI, le notaire a multiplié les conflits d'intérêt entre les personnes concernées par la réalisation de cette vente et a fait obstacle à la possibilité pour les acquéreurs d'assigner la SCI en vente forcée ; il a ainsi failli à son obligation de conseil.

- il leur a opposé le secret professionnel alors qu'il était aussi leur notaire, et ils ont l'impression qu'il a pris fait et cause pour la SCI qu'il venait de créer ;

- il ne les a pas informés à la date d'expiration de la promesse, le 25 octobre 2019, que dès lors que les bénéficiaires n'avaient pas levé l'option, ils étaient libres de recouvrer leur liberté et de réclamer l'indemnité d'immobilisation ; il a donc fait preuve d'une légèreté blâmable dont il résulte que pendant deux ans, leur bien a été immobilisé pour rien.

Ils estiment que ces fautes ont fait obstacle à ce qu'ils puissent vendre leur maison au prix de 230 000 euros, perte de chance imputable au notaire.

Ils font valoir que Maître [B] doit être condamné à leur régler à titre de dommages et intérêts le montant du prix auquel ils auraient pu prétendre soit 235 000 euros, son assureur, la société MMA, devant garantir le paiement de cette somme.

M. [B] et la société MMA soutiennent au contraire que le notaire n'a pas commis de faute :

- il a adressé aux bénéficiaires la copie du compromis de vente quand la demande lui en a été faite, ainsi que le prouvent les pièces produites ;

- le compromis de vente comportait une clause de substitution de sorte que les acquéreurs étaient en droit de se faire substituer par une personne morale, en l'espèce la SCI Victoria ; qu'il n'y a là aucun conflit d'intérêt, le compromis prévoyant que le promettant doit être averti de cette substitution, ce qui a été le cas ; que le notaire, tenu au secret professionnel, n'avait pas à leur transmettre les documents relatifs à la création de la SCI, d'autant que ces documents étaient sans intérêt pour la vente ;

- il a réalisé toutes les démarches possibles en vue de la réalisation de la vente, contrairement à ce qui lui est reproché ;

- en outre, concernant la somme de 235 000 euros réclamée, elle est supérieure à celle du prix de vente alors même qu'elle représente la perte de chance de vendre leur bien aux époux [P].

Réponse de la cour

S'agissant en premier lieu de la substitution de la SCI Victoria à M. et Mme [P], il convient de relever que la promesse de vente comportait une clause intitulée 'Faculté de substitution' (page 26 de l'acte), stipulant que 'la réalisation de la présente promesse de vente pourra avoir lieu au profit du bénéficiaire ou au profit de toute autre personne physique ou morale qu'il substituera dans ses droits dans la présente promesse, mais dans le ce cas le bénéficiaire originaire restera tenu solidairement avec le bénéficiaire substitué au paiement du prix, des frais et à l'exécution des conditions et charges. (...).

Le promettant devra être averti de cette substitution. (...)

Enfin, elle devra comporter de la part du bénéficiaire substitué la reconnaissance que substitution n'est pas novation et que la relation contractuelle entre promettant et bénéficiaire concernant la condition suspensive légale de l'article L313-41 du code de la consommation n'est modifiable qu'avec l'agrément du promettant. (...)'.

Le promettant avait donc accepté que M. et Mme [P] puissent être substitués par un tiers.

Il résulte des pièces produites que M. [V] et Mme [X] ont été informés de la création d'une SCI dénommée Victoria destinée à se substituer aux acquéreurs, dont ils ont même accepté qu'elle soit domiciliée chez eux. Le notaire n'était dès lors pas tenu de faire signer aux parties une nouvelle promesse de vente avec le bénéficiaire substitué puisque cette faculté de substitution avait été prévue par la promesse. Il n'est nullement établi en tout état de cause que cette SCI se soit effectivement substituée à M. et Mme [P], aucun acte n'ayant officialisé une telle substitution.

Il n'était pas non plus tenu de leur communiquer les statuts de cette SCI, une telle communication se heurtant au secret professionnel auquel il est tenu. Au demeurant, M. [V] et Mme [X] n'ont jamais réclamé au notaire communication de ces documents. ll ne saurait en être déduit que le notaire a pris 'fait et cause' pour cette SCI, ce qui ne résulte nullement des courriels versés aux débats, pas plus qu'il n'a créé un quelconque conflit d'intérêt en participant à la constitution de cette SCI, puisque la faculté de substitution était prévue par la promesse de vente.

Enfin, nul texte n'impose au notaire de remettre une copie de la promesse unilatérale de vente qu'il reçoit au promettant lors de la signature de celle-ci, et M. [B] en a adressé copie aux promettants dès qu'ils en ont fait la demande, soit le 5 décembre 2019.

Il n'était pas tenu de les informer à l'expiration du délai de validité de la promesse de la caducité de celle-ci, puisque cette caducité était automatique et s'évinçait des termes de l'acte signé par le promettant.

Enfin, le notaire n'est nullement responsable du fait que leur bien a été immobilisé deux ans, puisque le promettant avait connaissance de la durée de validité de la promesse et pouvait en tirer toute conséquence dès l'expiration des délais prévus dans la promesse. En outre, dès le 5 décembre 2019, M. [B] leur a indiqué qu'il n'arrivait pas à avoir de position claire des acquéreurs et a invité M. [V] et Mme [X] à leur envoyer une lettre recommandée, et le 27 décembre 2019, il a confirmé à leur avocat, ainsi qu'à eux-mêmes, qu'il n'avait plus de nouvelles de M. et Mme [P], et leur a indiqué qu'il y avait lieu de considérer la vente comme non aboutie et la promesse comme caduque, à charge pour eux de demander l'application de la clause d'indemnité d'immobilisation.

Dès la fin du mois de décembre 2019, M. [V] et Mme [X] avaient donc eu confirmation par le notaire que la vente n'aboutirait pas et que la promesse devait être considérée comme caduque. Il n'est donc pas établi que le notaire a fait preuve de légèreté blâmable comme soutenu par M. [V] et Mme [X].

Aucune faute n'est donc établie à l'encontre du notaire, dont la responsabilité n'est dès lors pas engagée et il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de M. [V] et Mme [X] à son égard.

Sur la demande en paiement de l'indemnité d'immobilisation dirigée contre M. et Mme [P]

Moyens des parties

M. [V] et Mme [X] sollicitent subsidiairement la condamnation de M. et Mme [P] et de la SCI Victoria à leur verser une somme de 23 000 euros au titre de l'indemnité d'immobilisation. Ils font valoir que :

- c'était aux époux [P] qu'il appartenait de justifier de la réalisation, ou non, de la condition suspensive inhérente à l'octroi de leur prêt ;

- qu'ils s'en sont abstenus et n'ont pas signé l'acte de vente, sans fournir la moindre explication ;

- que l'envoi d'une mise en demeure n'est qu'une faculté offerte au promettant ; qu'on ne peut leur reprocher de ne pas avoir mis en demeure les époux [P] alors qu'ils venaient de recevoir la preuve que la SCI Victoria, qui devait intervenir à leur place, venait d'avoir ce financement ;

- qu'en tout état de cause, les bénéficiaires n'ayant pas justifié avoir réclamé un prêt conforme ni avoir essuyé un refus dans les délais impartis, ils ont manifestement tenu en échec la réalisation de la condition suspensive de sorte qu'elle est réputée accomplie en application de l'article 1304-3 alinéa 1er du code civil.

M. et Mme [P] et la SCI Victoria répondent que :

- M. [V] et Mme [X] ne leur ont pas envoyé la mise en demeure prévue par la promesse, qui consittue le formalisme obligatoire pour demander au bénéficiaire de la promesse de vente de justifier de l'obtention ou de la non obtention de son prêt pour pouvoir ensuite, le cas échéant, se prévaloir de l'indemnité d'immobilisation ;

- la promesse de vente stipulait un certain nombre de conditions suspensives en faveur du bénéficiaire, dont M. [V] et Mme [X] ne justifient pas qu'elles auraient été accomplies :

- justification par le promettant d'une origine de propriété régulière remontant à un titre translatif d'au moins 30 ans ;

- obtention par le promettant d'un certificat d'urbanisme informatif.

Réponse de la cour

La promesse de vente comporte une clause intitulée 'Indemnité d'immobilisation', qui stipule que :

'Les parties conviennent de fixer le montant de l'indemnité d'immobilisation à la somme forfaitaire de 230 000 euros soit 10% du prix de vente. De convention expresse entre elles, le bénéficiaire est dispensé du versement immédiat de cette somme.

Toutefois, dans le cas où toutes les conditions suspensives ayant été réalisées, et faute par le bénéficiaire ou ses substitués d'avoir réalisé l'acquisition dans les délai et conditions ci-dessus, ce dernier s'oblige irrévocablement au versement de celle-ci, à première demande du promettant et à titre d'indemnité forfaitaire pour l'immobilisation entre ses mains du bien pendant la durée des présentes'.

L'acte comportait notamment une condition suspensive d'obtention d'un prêt, lequel devait répondre aux conditions suivantes :

- organisme prêteur : tout organisme ;

- montant maximal de la somme empruntée : 247 600 euros ;

- durée maximale de remboursement : 25 ans ;

- taux nominal d'intérêt maximal : 1,50% l'an.

L'acte prévoyait une clause stipulant que :

'L'obtention ou non obtention devra être notifiée par le bénéficiaire au promettant.

A défaut de cette notification, le promettant aura la faculté de mettre le bénéficiaire en demeure de lui justifier sous huitaine de la réalisation ou la défaillance de la condition.

Cette demande devra être faite par lettre recommandée avec avis de réception au domicile ci-après élu.

Passé ce délai de huit jours sans que le bénéficiaire ait apporté les justificatifs, la condition sera censée défaillie et les présentes seront donc caduques de plein droit. Dans ce cas, le bénéficiaire pourra recouvrer les fonds déposés, le cas échéant, en garantie de l'exécution des présentes en justifiant qu'il a accompli les démarches nécessaires pour l'obtention du prêt, et que la condition n'est pas défaillie de son fait. A défaut, ces fonds resteront acquis au promettant. (...)'.

En application de l'article 1304-3 du code civil, la condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l'accomplissement.

Aux termes de l'article 1304-3 du code civil, 'La condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l'accomplissement'.

C'est sur le débiteur que pèse l'obligation de prouver qu'il a accompli les diligences nécessaires à la réalisation de la condition suspensive : c'est donc à lui de prouver qu'il n'a pas commis de faute dans la mise en 'uvre de cette condition (Civ 1 13 novembre 1997 n°95-18.276 Bull 310 ; Civ 1 7 mai 2002 n 99-17.520 Bull 124 ; Civ 3 13 janvier 1999 n 97-14.349 Bull n 14, Civ 3 30 janvier 2008 n 06-21.117 Bull n 22, Civ 3 4 mars 2014 n 13-11.075).

Force est en l'état de constater que M. et Mme [P], sur qui pèse la charge de prouver qu'ils ont accompli les diligences nécessaires à la réalisation de la condition suspensive, ne justifient d'aucune démarche que ce soit en vue de l'obtention d'un prêt à leur profit, ni dans le délai de la promesse ni même postérieurement à celui-ci, de sorte que la condition suspensive doit être réputée accomplie à leur égard.

Ils invoquent vainement le défaut d'envoi par le promettant d'une mise en demeure de justifier de la réalisation ou non de la condition suspensive, dès lors qu'il leur appartient en tout état de cause de prouver qu'ils ont accompli les diligences nécessaires à l'obtention d'un prêt, ce qu'ils ne justifient pas avoir fait.

Il résulte en effet des termes de cette clause que cette mise en demeure est une simple faculté destinée à contraindre les bénéficiaires à justifier de leurs démarches dans un certain délai, sous peine de caducité de la promesse dont peut alors se prévaloir le promettant dans le délai indiqué. Il n'en résulte nullement en revanche que le défaut d'envoi d'une mise en demeure interdirait au promettant de se prévaloir, après l'expiration de la durée de validité de la promesse, de la caducité de celle-ci et de solliciter le paiement de l'indemnité d'immobilisation prévue à l'acte en l'absence de toute justification par le bénéficiaire de démarches en vue de l'obtention d'un prêt à son profit, comme c'est le cas en l'espèce.

Il sera surabondamment relevé qu'ayant été destinataires, à leur domicile, de l'offre de prêt accordée à la SCI Victoria par le Crédit Agricole en vue de l'acquisition de leur bien immobilier situé [Adresse 3], pour un montant de 246 520 euros, à un taux 1,07% pour une durée de 300 mois, donc à des conditions répondant aux prévisions contractuelles, M. [V] et Mme [X] savaient que cette SCI, dont il leur avait été indiquée qu'elle devait se substituer aux bénéficiaires, avait obtenu un prêt répondant aux exigences de la promesse de vente et était donc en mesure de se substituer à eux et de signer l'acte de vente définitif.

Or il est établi qu'en dépit des demandes des vendeurs, qui ont adressé les 14 et 19 novembre 2019 des courriels au notaire sollicitant la fixation de la date de signature de l'acte authentique, et des démarches du notaire à l'égard de M. et Mme [P] à cette même fin, l'acte de vente n'a finalement pas été signé, ni au profit de la SCI Victoria, ni au profit de M. et Mme [P] qui ont cessé à compter du 5 décembre 2019 de répondre aux sollicitations du notaire.

M. et Mme [P] et la SCI Victoria se prévalent, pour s'opposer au paiement de l'indemnité d'immobilisation, de l'absence de réalisation par le promettant des conditions suspensives mises à sa charge.

La promesse unilatérale de vente comportait également les conditions suspensives suivantes, stipulées en faveur du bénéficiaire :

- conditions suspensives de 'droit commun' : 'les titres de propriété antérieurs, les pièces d'urbanisme ou autres, ne doivent pas révéler de servitudes, de charges, ni de vices non indiqués dans la promesse pouvant grevér l'immeuble et en diminuer sensisblement la valeur ou le rendre impropre à la destination que le bénéficiaire entend donner. Le promettant devra justifier d'une origine de propriété régulière remontant à un titre translatif d'au moins trente ans'.

- conditions suspensives 'particulières : obtention d'un certificat d'urbanisme informatif ne révélant aucune contrainte ou servitude suspectible de déprécier la valeur de l'immeuble, devant être obtenu au plus tard le jour de la réitération authentique de la vente.

Toutefois, ces conditions suspensives n'étaient assorties d'aucun délai de sorte qu'elles pouvaient être levées jusqu'au jour de signature de l'acte authentique, ce qui est d'ailleurs expressément indiqué s'agissant de la condition suspensive relative à l'obtention d'un certificat d'urbanisme informatif.

M. et Mme [P] ou la SCI Victoria ne justifient pas avoir sollicité du promettant la production de ce certificat d'urbanisme avant la signature de l'acte authentique, ni conditionné la signature de l'acte à la production préalable de ce document, de sorte qu'ils se prévalent vainement du défaut de réalisation de cette condition suspensive pour justifier leur refus de finalisation de la vente puisque le promettant pouvait produire ce document jusqu'à la signature de l'acte de vente. Il en est de même de la condition suspensive tenant à la justification par le promettant d'une origine de propriété régulière remontant à un titre translatif d'au moins 30 ans, qui n'était enfermée dans aucun délai, et qui pouvait donc être réalisée par le promettant jusqu'à la date de signature de l'acte authentique, étant là encore observé que M. et Mme [P], ou la SCI Victoria ne justifient pas avoir sollicité du promettant la production de ces justificatifs avant la signature de l'acte authentique et avoir subordonné la réitération de la vente à la production, avant celle-ci, de ces justificatifs.

La condition suspensive d'obtention d'un prêt est donc, par application de l'article 1304-3 du code civil, réputée accomplie à l'égard de M. et Mme [P], seuls tenus par les termes de la promesse de vente puisqu'aucun acte ne permet d'établir que la SCI Victoria s'est substituée à eux dans l'exécution de ce contrat.

Faute par M. et Mme [P] d'avoir réalisé l'acquisition prévue par la promesse de vente, l'indemnité d'immobilisation, d'un montant de 23 000 euros puisqu'égale à 10% du prix de vente - la somme de 230 000 euros ayant été mentionnée par erreur - est due au promettant. La SCI Victoria, qui n'est nullement tenue par les termes de la promesse de vente, ne sera pas en revanche condamnée au paiement de cette somme de sorte que la demande sera rejetée en ce qu'elle est dirigée contre elle.

La promesse de vente a été consentie par un seul promettant, M. [V] [C]. Il résulte en effet de la lecture de cet acte que Mme [X] n'est pas partie à cet acte, étant mentionnée seulement en tant qu'elle est l'épouse de M. [V]. Elle ne l'a pas signé.

Il convient dès lors d'accueillir la demande de M. [V] et de condamner in solidum M. et Mme [P] au paiement de la somme de 23 000 euros correspondant au montant de l'indemnité d'immobilisation.

En revanche, Mme [X], qui n'était pas partie à la promesse de vente, n'a pas vocation à percevoir cette somme de sorte que sa demande sera rejetée.

Sur les demandes accessoires

M. et Mme [P] seront tenus aux dépens de première instance et d'appel, à l'exception des dépens relatifs à l'instance dirigée contre M. [B] et la société MMA qui seront supportés par M. [V] et Mme [X].

Les circonstances de la cause justifient de condamner in solidum M. et Mme [P] à payer à M. [V] et à Mme [X] une somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, de condamner M. [V] et Mme [X] à verser une somme de 1500 euros à M. [Z] [B] et à la société MMA, et de rejeter les autres demandes à ce titre.

PAR CES MOTIFS

Statuant par mise à disposition au greffe, publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

INFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

REJETTE les demandes de M. [V] [C] et de Mme [X] [H] dirigées contre M. [Z] [B] et la société Mutuelles du Mans Assurances ;

CONDAMNE in solidum M. [R] [P] et Mme [S] [M] épouse [P] à payer à M. [V] [C] une somme de 23 000 euros au titre de l'indemnité d'immobilisation ;

REJETTE la demande de M. [V] en ce qu'elle est dirigée contre la SCI Victoria;

REJETTE la demande de Mme [X] [H] au titre de l'indemnité d'immobilisation ;

CONDAMNE in solidum M. et Mme [P] à payer à M. [V] et à Mme [X] une somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum M. [V] et Mme [X] à verser une somme de 1500 euros M. [Z] [B] et à la société MMA ;

REJETTE les autres demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum M. et Mme [P] aux dépens de première instance et d'appel, à l'exception des dépens relatifs à l'instance dirigée, en première instance et en appel, contre M. [B] et la société MMA qui seront supportés in solidum par M. [V] et Mme [X].

Arrêt signé par Madame Anne-Lise COLLOMP, Présidente de Chambre et Mme Karine DUPONT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/00869
Date de la décision : 15/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 22/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-15;22.00869 ?
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