RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL D'ORLÉANS
Rétention Administrative
des Ressortissants Étrangers
ORDONNANCE du 12 JUILLET 2024
Minute N°
N° RG 24/01741 - N° Portalis DBVN-V-B7I-HAXT
(1 pages)
Décision déférée : Juge des libertés et de la détention d'Orléans en date du 10 juillet 2024 à 17h12
Nous, Ferréole Delons, conseiller à la cour d'appel d'Orléans, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Hermine Bildstein, greffier, aux débats et au prononcé de l'ordonnance,
APPELANT :
M. X se disant [E] [P]
né le 21 février 2004 à [Localité 1] (Maroc), de nationalité marocaine,
actuellement en rétention administrative dans des locaux ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire du centre de rétention administrative d'[Localité 2],
comparant par visioconférence, assisté de Me Corinne Champilou, avocat au barreau d'Orléans,
INTIMÉ :
LA PRÉFECTURE DU BAS-RHIN
représentée par Me Wiyao Kao du cabinet Actis Avocats, avocat au barreau du Val-de-Marne ;
MINISTÈRE PUBLIC : avisé de la date et de l'heure de l'audience ;
À notre audience publique tenue en visioconférence au Palais de Justice d'Orléans, conformément à l'article L. 743-8 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), le 12 juillet 2024 à 14 heures ;
Statuant en application des articles L. 743-21 à L. 743-23 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), et des articles R. 743-10 à R. 743-20 du même code ;
Vu l'ordonnance rendue le 10 juillet 2024 à 17h12 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire d'Orléans ordonnant la prolongation du maintien de M. X se disant [E] [P] dans les locaux non pénitentiaires pour un délai maximum de trente jours à compter du 9 juillet 2024 ;
Vu l'appel de ladite ordonnance interjeté le 11 juillet 2024 à 14h02 par M. X se disant [E] [P] ;
Après avoir entendu :
- Me Corinne Champilou, en sa plaidoirie,
- Me Wiyao Kao, en sa plaidoirie,
- M. X se disant [E] [P], en ses observations, ayant eu la parole en dernier ;
AVONS RENDU ce jour, publiquement et contradictoirement, l'ordonnance suivante :
Aux termes de l'article L. 742-4 du CESEDA : « Le juge des libertés et de la détention peut, dans les mêmes conditions qu'à l'article L. 742-1, être à nouveau saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de trente jours, dans les cas suivants :
1° En cas d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public ;
2° Lorsque l'impossibilité d'exécuter la décision d'éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l'intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l'obstruction volontaire faite à son éloignement ;
3° Lorsque la décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison :
a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l'exécution de la décision d'éloignement
b) de l'absence de moyens de transport.
L'étranger peut être maintenu à disposition de la justice dans les conditions prévues à l'article L. 742-2.
Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l'expiration de la précédente période de rétention et pour une nouvelle période d'une durée maximale de trente jours. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas soixante jours ».
Selon l'article L. 741-3 du CESEDA, « un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps nécessaire à son départ, l'administration étant tenue d'exercer toutes diligences à cet effet, dès le placement en rétention ».
Sur l'incompatibilité de la rétention de M. [E] [P] avec son état psychologique, le conseil de l'intéressé évoque les menaces de mort et les vols de vêtements et colis provenant de sa famille par les autres retenus. Cette condition au centre de rétention aurait affecté M. [E] [P] psychologiquement, au point de rendre son état de santé mentale incompatible avec un maintien en rétention.
S'agissant du traitement subis de la part des autres retenus, la Cour, sans remettre en question les difficultés que M. [E] [P] rencontre avec les autres retenus du centre, ne dispose d'aucun élément permettant de conclure à l'incapacité des agents de police du centre de rétention administrative d'assurer sa sécurité. Il lui sera alors rappelé que le règlement intérieur du centre accorde compétence au chef de ce dernier ou, en son absence, son adjoint ou les coordinateurs de la rétention, pour prendre toute mesure utile à la préservation de la sécurité et de l'ordre public, si besoin en plaçant à l'isolement les étrangers auteurs de troubles sur les autres retenus.
Or, le conseil de M. [E] [P] ne précise pas que l'intéressé ait tenté vainement de solliciter l'aide des agents de police du centre pour assurer sa sécurité, ou en tant que de besoin, demandé à changer d'unité de vie pour empêcher les contacts avec les retenus maltraitants.
L'administration est toutefois invitée à tirer toute conséquence des déclarations de M. [E] [P] et à prendre toute mesure nécessaire à la préservation de ses droits face aux autres retenus.
Sur la question de l'incompatibilité de l'état de santé mentale du retenu avec son maintien en rétention, force est de constater que l'intéressé ne produit aucun certificat médical et ne fait état d'aucun suivi psychologique, même antérieur à sa rétention administrative, de nature à démontrer sa fragilité émotionnelle.
Dans ces conditions, la Cour ne peut ordonner la main levée de sa rétention sur ce motif, mais lui rappellera que l'unité médicale du centre de rétention administrative (UMCRA) dispose d'un psychologue disponible les mardi, jeudi et vendredi, à qui il peut s'adresser. Par ailleurs, il peut également solliciter, dans les conditions fixées par l'instruction du Gouvernement du 11 février 2022 relative à la prise en charge sanitaire des personnes retenues dans les centres de rétention administrative, une évaluation de son état de santé, dans le but de vérifier la compatibilité de ce dernier avec un maintien en rétention. Le moyen est rejeté.
Sur les conditions de l'article L. 742-4 du CESEDA, le conseil de M. [E] [P] rappelle les situations de nature à faire droit à une seconde prolongation de rétention, et estime que l'administration ne se trouve dans aucune d'entre elles, faute de démontrer l'existence d'une urgence absolue ou menace à l'ordre public, une obstruction de l'étranger faite à la mise en 'uvre de son éloignement, ou le défaut de délivrance de documents de voyage par le consulat dont il a nationalité, estimant que ce dernier point ne peut être invoqué par la préfecture du Bas-Rhin en raison d'une carence dans ses diligences.
En effet, il sera retenu que l'autorité préfectorale s'est rapprochée des autorité consulaires marocaines par le biais de la DGEF le 10 juin 2024 sur la base d'une « demande de reconnaissance » . Il leur appartenait de transmettre les informations et documents utiles à l'identification de l'étranger, or force est de constater qu'il ne leur transmettait pas, à cet instant, la copie de passeport n° AV8295648 de M. [E] [P] en cours de validité jusqu'au 30 juin 2026.
En agissant ainsi, la cour considère que l'autorité prefectorale n'a pas répondu à son obligation de moyen découlant de l'article L741-3 du CESEDA repris ci-dessus, raison pour laquelle le défaut de diligence est caractérisé,emportant ainsi la mainlevée de la mesure.
PAR CES MOTIFS,
ACCORDONS l'aide juridictionnelle provisoire ;
DÉCLARONS recevable l'appel de M. [E] [P] ;
INFIRMONS l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 10 juillet 2024 ayant ordonné la prolongation de la rétention administrative pour une durée de trente jours ;
STATUANT À NOUVEAU
DISONS n'y avoir lieu à prolonger la mesure de rétention pour une durée de trente jours;
ORDONNONS en conséquence la remise en liberté de M. [E] [P];
LAISSONS les dépens à la charge du Trésor ;
ORDONNONS la remise immédiate d'une expédition de la présente ordonnance à la préfecture du Bas-Rhin, à M. X se disant [E] [P] et son conseil, et au procureur général près la cour d'appel d'Orléans ;
Et la présente ordonnance a été signée par Ferréole Delons, conseiller, et Hermine Bildstein, greffier présent lors du prononcé.
Fait à Orléans le DOUZE JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE, à heures
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Hermine BILDSTEIN Ferréole DELONS
Pour information : l'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien la rétention et au ministère public. Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification. Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
NOTIFICATIONS, le 12 juillet 2024 :
La préfecture du Bas-Rhin, par courriel
Monsieur le procureur général près la cour d'appel d'Orléans, par courriel
M. X se disant [E] [P] , copie remise par transmission au greffe du CRA
Me Corinne Champilou, avocat au barreau d'Orléans, copie remise en main propre contre récépissé
le cabinet Actis Avocats, avocats au barreau du Val-de-Marne, par PLEX
L'interprète L'avocat de l'intéressé