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12/07/2024 | FRANCE | N°24/01739

France | France, Cour d'appel d'Orléans, Chambre des rétentions, 12 juillet 2024, 24/01739


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

Rétention Administrative

des Ressortissants Étrangers



ORDONNANCE du 12 JUILLET 2024

Minute N°

N° RG 24/01739 - N° Portalis DBVN-V-B7I-HAXP

(1 pages)



Décision déférée : Juge des libertés et de la détention d'Orléans en date du 10 juillet 2024 à 11h32



Nous, Ferréole Delons, conseiller à la cour d'appel d'Orléans, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Hermine Bildstein, greffie

r, aux débats et au prononcé de l'ordonnance,



APPELANT :

M. [H] [J]

né le 18 janvier 1990 à [Localité 2] (Algérie), de nationalité algérienne,

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

Rétention Administrative

des Ressortissants Étrangers

ORDONNANCE du 12 JUILLET 2024

Minute N°

N° RG 24/01739 - N° Portalis DBVN-V-B7I-HAXP

(1 pages)

Décision déférée : Juge des libertés et de la détention d'Orléans en date du 10 juillet 2024 à 11h32

Nous, Ferréole Delons, conseiller à la cour d'appel d'Orléans, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Hermine Bildstein, greffier, aux débats et au prononcé de l'ordonnance,

APPELANT :

M. [H] [J]

né le 18 janvier 1990 à [Localité 2] (Algérie), de nationalité algérienne,

actuellement en rétention administrative dans des locaux ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire du centre de rétention administrative d'[Localité 3],

comparant par visioconférence, assisté de Me Mahamadou Kante, avocat au barreau d'Orléans,

en présence de Mme [X] [B], interpète en langue arabe, expert près la cour d'appel d'Orléans, qui a prêté son concours lors de l'audience et du prononcé ;

INTIMÉ :

LA PRÉFECTURE DE LA LOIRE-ATLANTIQUE

non comparante, non représentée ;

MINISTÈRE PUBLIC : avisé de la date et de l'heure de l'audience ;

À notre audience publique tenue en visioconférence au Palais de Justice d'Orléans, conformément à l'article L. 743-8 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), le 12 juillet 2024 à 14 heures ;

Statuant en application des articles L. 743-21 à L. 743-23 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), et des articles R. 743-10 à R. 743-20 du même code ;

Vu l'ordonnance rendue le 10 juillet 2024 à 11h32 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire d'Orléans ordonnant la jonction des procédures de demande de prolongation par la préfecture et de recours contre l'arrêté de placement en rétention administrative par le retenu, rejetant les exceptions de nullité soulevées, rejetant le recours formé contre l'arrêté de placement en rétention administrative, rejetant la demande d'assignation à résidence judiciaire et ordonnant la prolongation du maintien de M. [H] [J] dans les locaux non pénitentiaires pour une durée de vingt huit jours à compter du 9 juillet 2024 à 19h00 ;

Vu l'appel de ladite ordonnance interjeté le 11 juillet 2024 à 11h17 par M. [H] [J] ;

Vu les observations de la préfecture de la Loire-Atlantique reçues au greffe le 12 juillet 2024 à 9h20 ;

Après avoir entendu :

- Me Mahamadou Kante, en sa plaidoirie,

- M. [H] [J], en ses observations, ayant eu la parole en dernier ;

AVONS RENDU ce jour, publiquement et contradictoirement, l'ordonnance suivante :

Il résulte de l'article 66 de la Constitution et de l'article L. 743-9 du CESEDA que le juge des libertés doit s'assurer que l'étranger est pleinement informé de ses droits et placé en état de les faire valoir lorsqu'il se trouve placé en rétention administrative.

Aux termes de l'article L. 743-12 du CESEDA, en cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, toute juridiction, y compris la Cour de cassation, qui est saisie d'une demande d'annulation ou qui relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la main levée de la mesure de placement en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l'étranger.

Selon l'article L. 741-3 du CESEDA , « un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps nécessaire à son départ, l'administration étant tenue d'exercer toutes diligences à cet effet, dès le placement en rétention »,

Il convient de considérer que c'est par une analyse circonstanciée et des motifs pertinents qu'il y a lieu d'adopter que le premier juge a statué sur l'ensemble des moyens de nullité et de fond soulevés devant lui et repris devant la cour, étant observé, au vu des termes de la déclaration d'appel du retenu du 11 juillet 2024 et des moyens repris lors des débats de ce jour :

1. Sur la régularité de la procédure

Sur le défaut d'habilitation des agents ayant consulté le Fichier Automatisé des Empreintes Digitales (FAED), la Cour rappelle qu'en matière de rétention administrative d'étrangers, le contrôle du juge des libertés et de la détention ne porte que sur les procédures ayant immédiatement précédé le placement en rétention (1ère Civ. 14 février 2006, pourvoi n° 05-12.641).

En l'espèce, le rapport dactyloscopique du FAED figurant en procédure est daté du 29 mai 2024. La Cour n'a donc aucune compétence pour contrôler l'habilitation des agents ayant effectué ces consultations. Le moyen est rejeté.

Sur les conditions d'interpellation, M. [J] [H] allègue avoir fait l'objet d'un contrôle de son droit au séjour sur le fondement de l'article L. 812-2 du CESEDA alors qu'il n'existait en l'espèce aucune élément déduit de circonstances extérieures à sa personne permettant de présumer de son extranéité.

Cet argument est dépourvu de toute pertinence puisqu'il ressort du procès-verbal d'interpellation du 7 juillet 2024 que l'intéressé a été contrôlé sur le fondement de l'article 78-2 du code de procédure pénale. Les dispositions de ce dernier permettent notamment à un officier de police judiciaire ou, sous son contrôle, un agent de police judiciaire, de contrôler toute personne à l'égard de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle se prépare à commettre un crime ou un délit.

En l'espèce, il résulte des mentions du procès-verbal d'interpellation du 6 juillet 2024 que les gendarmes de la compagnie de [Localité 4] ont été requis pour se transporter au [Adresse 1] à [Localité 4] suite au signalement d'une requérante ayant déclaré avoir été suivie, avec une amie, par un individu les regardant désormais avec insistance à travers la fenêtre de leur domicile. Ce dernier les aurait suivies depuis le bar Le Corner en les fixant sans leur adresser la parole. Une fois les jeunes femmes rentrées à leur domicile, il serait resté plusieurs minutes devant leur habitation en regardant à l'intérieur de la maison.

Au moment où les gendarmes sont arrivés sur place et après avoir pris attache avec les requérantes, ils ont remarqué la présence d'une personne correspondant en tout point à la description de l'individu : M. [J] [H] en l'espèce.

Dans ces conditions, les raisons plausibles de soupçonner que l'intéressé se préparait, avant l'arrivée des gendarmes, à commettre un crime ou un délit, étaient caractérisées et justifiaient de procéder à un contrôle d'identité. Le moyen est donc rejeté.

Sur l'impossibilité de s'alimenter, la Cour constate que l'intéressé a été placé en garde à vue du 6 juillet 2024 à 23h35 jusqu'au 7 juillet 2024 à 18h20. Durant cette période, il lui a été proposé de s'alimenter le 7 juillet 2024 à 9h, 12h et 16h55, ce qu'il a refusé à chaque fois. Ces informations ont été retranscrites dans le procès-verbal de notification, d'exercice des droits et de déroulement de garde à vue, dont les mentions font foi jusqu'à preuve du contraire. Il ne peut donc être retenu une quelconque atteinte aux droits de M. [H] [J]. Le moyen est donc rejeté.

Sur l'intervention de l'interprète par voie téléphonique, M. [J] [H] reproche à l'administration de ne pas avoir justifié de l'impossibilité pour ce dernier de se déplacer. De plus, les coordonnées de l'interprète ne lui ont pas été communiquées.

Selon l'article L. 141-2 du CESEDA : « Lorsqu'un étranger fait l'objet d'une décision de refus d'entrée en France, de placement en rétention ou en zone d'attente, de retenue pour vérification du droit de circulation ou de séjour ou de transfert vers l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et qu'il ne parle pas le français, il indique au début de la procédure une langue qu'il comprend. Il indique également s'il sait lire.

Ces informations sont mentionnées sur la décision de refus d'entrée, de placement ou de transfert ou dans le procès-verbal prévu au premier alinéa de l'article L. 813-13. Ces mentions font foi sauf preuve contraire. La langue que l'étranger a déclaré comprendre est utilisée jusqu'à la fin de la procédure.

Si l'étranger refuse d'indiquer une langue qu'il comprend, la langue utilisée est le français ».

Aux termes de l'article L. 141-3 du CESEDA : « Lorsque les dispositions du présent code prévoient qu'une information ou qu'une décision doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits dans cette langue, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire.

En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. Dans une telle hypothèse, il ne peut être fait appel qu'à un interprète inscrit sur une liste établie par le procureur de la République ou à un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration. Le nom et les coordonnées de l'interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l'étranger ».

En l'espèce, M. [J] [H] ayant demandé l'assistance d'un interprète dans le cadre de sa garde à vue, les gendarmes ont requis Mme [O] [F], experte - interprète en langue arabe de la Cour d'appel de Rennes, ce qui ressort du procès-verbal de réquisition édicté le 7 juillet 2024 à 1h.

L'interprète a été contactée le 7 juillet 2024 à 00h34 pour procéder à la notification des droits de M. [H] [J], puis le même jour à 10h. Le procès-verbal de notification, d'exercice des droits et de déroulement de garde à vue volet n° 2 constate qu'elle pourra alors être disponible pour les auditions de M. [H] [J] mais ne pourra pas être présente physiquement.

Il n'est pas démontré que l'interprétariat téléphonique ait porté atteinte aux droits de l'intéressé. Cette circonstance ne saurait donc entraîner la main levée de la rétention, en application de l'article L. 743-12 du CESEDA.

Il en est de même pour le défaut de renseignement des coordonnées de Mme [O] [F]. Cette interprète est inscrite sur la liste de la Cour d'appel de Rennes, de sorte que ses coordonnées peuvent être connues du grand public. Le moyen est rejeté.

2. Sur le placement en rétention

Sur l'insuffisance de motivation, M. [H] [J], se fondant sur les dispositions combinées des articles L.741-6 du CESEDA, reproche à l'administration d'avoir privilégié la décision de placement sans prendre en considération sa situation familiale avec sa femme, enceinte de son premier enfant. Il produit également une attestation d'hébergement du 7 juillet 2024.

Sur ce point, la cour rappelle au préalable que le préfet n'est pas tenu, dans sa décision, de faire état de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé dès lors que les motifs positifs qu'il retient suffisent à justifier le placement en rétention, qui est la date à laquelle le juge doit se placer pour apprécier la légalité de la décision de placement.

En l'espèce, le préfet de la Loire-Atlantique a notamment justifié sa décision de placement en rétention du 7 juillet 2024 par l'absence de domicile stable et personnel, par le fait qu'il soit démuni de ressources légales et de titre de circulation transfrontière, par la dissimulation volontaire d'éléments de son identité, par la soustraction à la mesure d'éloignement dont il a fait l'objet le 7 décembre 2022, et par le non-respect d'une assignation à résidence du 25 avril 2023.

Dans ces conditions, la seule présence d'une attestation d'hébergement est insuffisante pour considérer qu'une assignation à résidence serait de nature à garantir la mise à exécution de la décision d'éloignement dont l'intéressé fait l'objet. La Cour observe également que la nature stable de ce logement est remise en question par les déclarations de M. [H] [J] lui-même, dans le cadre de son audition du 7 juillet 2024, lorsqu'il évoque sa vie commune avec sa compagne, elle-même logée par une amie : « Des fois on vit ensemble des fois non. Parce que elle elle habite avec sa copine. Parfois je dors avec mon pote, parfois non ça dépend en fait ».

Ainsi, le préfet a motivé sa décision au regard de la situation de M. [H] [J] et n'a commis aucune erreur d'appréciation, l'intéressé étant en l'espèce dépourvu de garanties effectives de représentation propres à prévenir le risque de soustraction à la mesure d'éloignement dont il fait l'objet. Le moyen est rejeté.

Sur la demande d'assignation à résidence judiciaire, la demande est insusceptible de prospérer, l'intéressé étant dépourvu de document de voyage en cours de validité et ne disposant pas de garanties effectives de représentation propres à prévenir le risque de soustraction à la mesure d'éloignement dont il fait l'objet, ce qui a déjà été développé ci-dessus. Il ne répond donc pas aux exigences de l'article L. 743-13 du CESEDA. Le moyen est rejeté.

3. Sur la requête en prolongation

S'agissant des diligences de l'administration, le retenu, se fondant sur les dispositions de l'article L. 741-3 du CESEDA, soutient qu'elles sont insuffisantes.

Toutefois, la cour constate que parmi les pièces associées à la requête préfectorale du 9 juillet 2024 figure la saisine des autorités consulaires algériennes par courriel du 8 juillet 2024, et la demande de routing adressée à la Direction Nationale de la Police Aux Frontières le même jour. Ainsi, l'autorité administrative a effectué des diligences nécessaires et suffisantes à ce stade de la procédure administrative de rétention, étant rappelé qu'elle ne détient aucun pouvoir d'instruction ou de contraintes sur les autorités consulaires, de sorte qu'il ne peut lui être reproché le défaut de réponse du consulat. Le moyen est rejeté.

Étant observé qu'en cause d'appel, la requête du préfet tendant à la prolongation motivée tant en droit qu'en fait a été réitérée et en l'absence de toute illégalité susceptible d'affecter les conditions, découlant du droit de l'Union, de la légalité de la rétention et à défaut d'autres moyens présentés en appel, il y a lieu de confirmer l'ordonnance attaquée.

PAR CES MOTIFS,

DÉCLARONS recevable l'appel de M. [H] [J] ;

DÉCLARONS non fondés l'ensemble des moyens et les rejetons ;

CONFIRMONS l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 10 juillet 2024 ayant ordonné la prolongation de la rétention administrative pour une durée de vingt-huit jours ;

LAISSONS les dépens à la charge du Trésor ;

ORDONNONS la remise immédiate d'une expédition de la présente ordonnance à la préfecture de la Loire-Atlantique, à M. [H] [J] et son conseil, et au procureur général près la cour d'appel d'Orléans ;

Et la présente ordonnance a été signée par Ferréole Delons, conseiller, et Hermine Bildstein, greffier présent lors du prononcé.

Fait à Orléans le DOUZE JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE, à heures

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Hermine BILDSTEIN Ferréole DELONS

Pour information : l'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien la rétention et au ministère public. Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification. Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.

NOTIFICATIONS, le 12 juillet 2024 :

La préfecture de la Loire-Atlantique, par courriel

Monsieur le procureur général près la cour d'appel d'Orléans, par courriel

M. [H] [J] , copie remise par transmission au greffe du CRA

Me Mahamadou Kante, avocat au barreau d'Orléans, copie remise en main propre contre récépissé

L'interprète L'avocat de l'intéressé


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : Chambre des rétentions
Numéro d'arrêt : 24/01739
Date de la décision : 12/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-12;24.01739 ?
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