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12/07/2024 | FRANCE | N°22/02437

France | France, Cour d'appel d'Orléans, Chambre sociale, 12 juillet 2024, 22/02437


C O U R D ' A P P E L D ' O R L É A N S

CHAMBRE SOCIALE - A -

Section 2

PRUD'HOMMES

Exp +GROSSES le 12 juillet 2024 à

la SELEURL FREDERIC GRAS SELARL

la SELARL O'DOHERTY & SCHMIT



ABL



ARRÊT du : 12 juillet 2024



MINUTE N° : - 24



N° RG 22/02437 - N° Portalis DBVN-V-B7G-GVHS



DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BLOIS en date du 27 Septembre 2022 - Section : INDUSTRIE







APPELANTE :



S.A.R.

L. SOCIÉTÉ METALLERIE INDUSTRIELLE

[Adresse 5]

[Localité 3]



représentée par Me Frédéric GRAS de la SELEURL FREDERIC GRAS SELARL, avocat au barreau de PARIS



ET



INTIMÉ :



Monsi...

C O U R D ' A P P E L D ' O R L É A N S

CHAMBRE SOCIALE - A -

Section 2

PRUD'HOMMES

Exp +GROSSES le 12 juillet 2024 à

la SELEURL FREDERIC GRAS SELARL

la SELARL O'DOHERTY & SCHMIT

ABL

ARRÊT du : 12 juillet 2024

MINUTE N° : - 24

N° RG 22/02437 - N° Portalis DBVN-V-B7G-GVHS

DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BLOIS en date du 27 Septembre 2022 - Section : INDUSTRIE

APPELANTE :

S.A.R.L. SOCIÉTÉ METALLERIE INDUSTRIELLE

[Adresse 5]

[Localité 3]

représentée par Me Frédéric GRAS de la SELEURL FREDERIC GRAS SELARL, avocat au barreau de PARIS

ET

INTIMÉ :

Monsieur [G] [O]

né le 13 Janvier 1973 à [Localité 4] (37) (37)

[Adresse 2]

[Localité 1]

représenté par Me Suzanne O'DOHERTY de la SELARL O'DOHERTY & SCHMIT, avocat au barreau de BLOIS

Ordonnance de clôture : le 15 mars 2024

Audience publique du 16 Avril 2024 tenue par Madame Anabelle BRASSAT-LAPEYRIERE, et ce, en l'absence d'opposition des parties, assistée lors des débats de Monsieur Jean-Christophe ESTIOT, Greffier,

Après délibéré au cours duquel Madame Anabelle BRASSAT-LAPEYRIERE, a rendu compte des débats à la Cour composée de :

Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre, présidente de la collégialité,

Monsieur Xavier AUGIRON, conseiller,

Madame Anabelle BRASSAT-LAPEYRIERE, conseiller,

Puis le 12 juillet 2024, Mme Laurence DUVALLET, présidente de Chambre, présidente de la collégialité, assistée de Monsieur Jean-Christophe ESTIOT, Greffier a rendu l'arrêt par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

M. [G] [O], né en 1973, a été engagé à compter du 4 janvier 2016 par la SARL SMI (Société Métallerie Industrielle) en qualité de polyvalent tourneur fraiseur/soudeur P1 niveau II échelon 1 coefficient 170 suivant contrat de travail à durée déterminée modifié en contrat à durée indéterminée par avenant du 16 décembre 2016.

La société emploie plus de 11 salariés et relève de la convention collective de la métallurgie du Loir et Cher.

A partir du 22 mars 2019, M. [O] a connu plusieurs arrêts maladie.

Par avenant du 2 septembre 2019, il a occupé un poste de soudage, perçage ou fraisage à mi-temps thérapeutique selon recommandation de la médecine du travail.

Au cours de l'année 2019/2020, M. [O] a été régulièrement placé en arrêt maladie.

Le 17 juin 2000, il s'est vu reconnaître la qualité de travailleur handicapé.

Un nouveau temps partiel pour raison médicale a été prescrit par le Docteur [J], médecin traitant du salarié à compter du 7 septembre 2020.

M. [O] s'est alors trouvé en arrêt maladie à deux reprises.

A la suite d'une visite médicale le 26 avril 2021, il a été convenu d'une reprise progressive à temps plein selon nouvel avenant, le salarié étant alors affecté à l'atelier mécanique pour traçage de petites pièces et sur fraiseuse.

Du 3 au 18 mai 2021, le salarié a de nouveau été placé en arrêt maladie.

Par courrier du 19 mai 2021, M. [O] a été convoqué à un entretien préalable prévu le 28 mai 2021, avec dispense de présence ; il a été licencié le 2 juin 2021 pour faute grave.

Contestant son licenciement, M. [O] a saisi le 2 août 2021 le conseil de prud'hommes de Blois, qui par jugement du 27 septembre 2022 a :

$gt; Dit que le licenciement intervenu à l'encontre de M. [O] est sans cause réelle et sérieuse;$gt; Dit que la SARL SMI est à l'origine de la situation de harcèlement à l'encontre de M. [O]

$gt; Condamné la SARL SMI, prise en la personne de son représentant légal, à verser à M. [O] les sommes suivantes :

- 7.500 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1.235,97 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 630 euros au titre des congés payés,

- 5.535,02 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 7.500 euros au titre des dommages et intérêts pour harcèlement ;

$gt; Débouté M. [O] de sa demande d'indemnité au titre de la carence de l'employeur pour l'abondement du CPF ;

$gt; Condamné la SARL SMI à verser 1.500 euros à M. [O] au titre de l'article 700 du

code de procédure civile.

$gt; Condamné la SARL SMI aux entiers dépens.

Par déclaration du 19 octobre 2022, la SARL SMI a interjeté appel de la décision prud'homale en ce qu'elle a :

- considéré le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné la SARL SMI à verser à M. [O] 7 500 euros à titre indemnitaire ;

- condamné la SARL SMI à verser à M. [O] 7500 euros à titre indemnitaire pour harcèlement.

PRÉTENTIONS et MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique 3 janvier 2023, la SARL SMI demande à la cour de :

$gt; Relever le caractère réel et sérieux du licenciement de l'intimé ;

En conséquence,

$gt; Infirmer le jugement du Conseil des Prud'hommes de Blois en ce qu'il a considéré le licenciement comme sans cause réelle et sérieuse et l'a condamnée par

à verser à M. [O] 7500 euros à titre de dommages-intérêts ;

$gt; Relever qu'à raison du caractère réel et sérieux du licenciement, il n'y a pas lieu à application de l'article L. 1235-3 du code du travail et à versement de dommages-intérêts à M. [O] par la société ;

$gt; Relever qu'aucun harcèlement moral ne lui est imputable à l'encontre de M. [O];

Partant,

$gt; Infirmer le jugement du Conseil des Prud'hommes de Blois en ce qu'il l' a condamnée à verser à M. [O] 7500 euros à titre indemnitaire pour harcèlement ;

$gt; Le confirmer pour le surplus ;

$gt; Condamner M. [O] aux dépens en application de l'article 696 du Code de

procédure civile, celui-ci ne s'étant volontairement pas constitué sur la déclaration

d'appel.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 3 avril 2023, M. [O] demande à la cour de :

$gt; Confirmer les dispositions du jugement rendu le 27 septembre 2022 par la section Industrie du Conseil de prud'homrnes de Blois, en ce qu'il a :

- Considéré son licenciement comme sans cause réelle et sérieuse et condamné la SARL SMI à lui verser 7.500 euros à titre d'indemnité,

- Condamné la SARL SMI à lui verser à 7.500 euros à titre d'indemnité pour harcèlement ;

$gt; Confirmer le jugement pour le surplus ;

$gt; Débouter la SARL SMI de sa demande de condamnation aux dépens au titre de l'article 696 du code de procédure civile ;

$gt; Condamner la SARL SMI à la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

$gt; Condamner la SARL SMI à tous dépens, en ce compris les frais éventuels d'exécution de la présente décision.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 15 mars 2024.

Selon note en délibéré du 27 juin 2024, les parties ont été invitées à faire connaître leurs observations sur les points suivants : dans l'hypothèse où la cour retiendrait que le licenciement de M. [O] est prononcé pour des faits en lien avec l'usage non abusif de sa liberté d'expression, y aurait-il lieu de considérer que le licenciement est nul '

La société SMI a répondu par courrier du 2 juillet 2024, et M. [O] par courrier du 1er juillet 2024, dont copies ont été régulièrement adressées à leur contradicteur respectif.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières conclusions conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

- Sur les demandes au titre du harcèlement moral

Aux termes des articles L. 1152-1 et L. 1152-2 du code du travail le harcèlement moral d'un salarié se définit par des agissements répétés, ayant pour objet ou effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale, ou de compromettre son avenir professionnel et aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral, ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

En application de l'article L. 1154-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, il incombe au salarié de présenter des éléments de faits laissant supposer l'existence d'un tel harcèlement, éléments au vu desquels la partie défenderesse doit prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs de harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il résulte de ces dispositions que pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux, éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

L'article L.1152-3 du code du travail ajoute que toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissances des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2 est nulle.

En l'espèce, M. [O] sollicite la somme de 7 500 euros en réparation du harcèlement moral qu'il dit avoir subi de la part de son employeur.

Il invoque des remarques déplacées d'un salarié, M. [U] ou [W] à son égard entre le 11 et le 12 septembre 2019 ainsi qu'un sentiment d'exclusion lié au fait que son employeur ne lui donnait pas de travail. Il appuie ses prétentions sur des correspondances de sa part à son employeur notamment les 21 août 2019, juin 2020, 29 janvier 2021 ainsi que sur le planning du mois d'octobre 2020. Il s'avère toutefois que ces courriers, ne sont corroborés par aucun élément tangible de la même façon que le planning du mois d'octobre réalisé par ses soins.

Il se plaint également du vol d'effets personnels à sa reprise le 7 septembre 2020 mais justifie également que l'employeur lui a remis en remplacement ce qui lui avait été dérobé, en lui rappelant que les effets personnels ne doivent pas être entreposés dans des rangements communs mais dans les vestiaires individuels.

Il invoque encore un mail de sa part à l'inspection du travail le 15 octobre 2020, affirmant que la situation se dégrade au niveau de son travail et qu'il est au placard outre qu'il a eu un problème sur sa fiche de paie comme en octobre/novembre 2019. Aucune pièce extrinsèque ne vient étayer ces faits.

Il rassemble l'ensemble de ses griefs dans un courrier du 7 juin 2021 à son employeur en lui demandant des précisions sur les termes de son licenciement. Il dit en justifier par les écrits précédemment cités ainsi que des photographies du parking et de son espace de travail prétendument inadaptés. Ces dernières pièces permettent de constater la présence d'un siège assis-debout à une hauteur de travail à mi-bassin comme préconisé par la médecine du travail ; quant à l'emplacement de stationnement pour les personnes à mobilité réduite, il est effectivement occupé par des matériaux mais M. [O] ne justifie pas être titulaire d'une carte de stationnement.

Quant aux éléments médicaux communiqués, ils ont trait à la pathologie dont souffre M. [O] à savoir une tendinopathie significative du moyen fessier droit dont il n'est pas démontré le lien avec les griefs avancés au titre du harcèlement moral invoqué.

Il s'ensuit que ces éléments, pris dans leur ensemble, ne peuvent laisser supposer l'existence d'un harcèlement moral, ainsi que M. [O] le prétend, dans la mesure où il n'est pas permis à la cour de s'assurer de la matérialité des faits dénoncés.

La décision déférée sera donc infirmée de ce chef.

- Sur les demandes au titre du licenciement

En application de l'article L. 1232-6 du code du travail, lorsque l'employeur décide de licencier un salarié il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec accusé réception comportant l'exposé du ou des motifs de rupture du contrat de travail.

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige opposant les parties énonce les griefs qui seront examinés au visa de l'article L. 1235-1 du code du travail, le doute profitant au salarié.

Il résulte des articles L.1121-1 du code du travail et 10§1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que, sauf abus, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression, à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées.Le licenciement prononcé par l'employeur pour un motif lié à l'exercice non abusif par le salarié de sa liberté d'expression est nul (Soc., 16 février 2022 pourvoi n°19-17.871).

Le caractère illicite du motif du licenciement prononcé, même en partie, en raison de l'exercice, par le salarié de sa liberté d'expression, liberté fondamentale entraîne à lui seul la nullité du licenciement (Soc., 29 juin 2022 pourvoi n° 20-16.060).

En l'espèce, aux termes de sa lettre de licenciement, il est reproché à M. [O] :

- d'avoir, entre le 26 et le 29 avril 2021, volontairement réalisé une série de 20 pièces impropres à la commercialisation, et accusé son supérieur hiérarchique de l'avoir invité à poursuivre ces malfaçons ;

- de faire preuve de dilettantisme et de ne pas tenir compte des efforts de suivi de ses collègues et de sa hiérarchie, ce qui les oblige à rattaper ses erreurs ;

- d'avoir proféré des allégations diffamatoires à l'égard de son employeur dans une lettre du 30 avril 2021.

Au préalable, il sera rappelé que l'employeur a limité son appel au caractère réel et sérieux du licenciement, admettant de facto que la faute grave ne pouvait être retenue à l'encontre du salarié pour les motifs invoqués.

Par ailleurs, il doit être constaté que la lettre de licenciement articule trois griefs envers le salarié dont le dernier relatif à la liberté d'expression du salarié , ce qui commande de l'examiner en premier lieu au regard de son effet contaminant.

C'est donc de manière inopérante que l'employeur fait valoir, dans la note en délibéré sollicitée par la cour, que ce n'est pas à raison de l'exercice d'une liberté fondamentale que M. [O] a été licencié mais à raison de l'exécution de mauvaise foi de son contrat de travail.

L'employeur voit dans le courrier querellé du salarié une attitude vindicative et pernicieuse qui ne vise qu'à se construire une image de victime alors que son attitude génère incompréhension et tensions. Il invoque l'obligation de sécurité qui lui incombe à l'adresse de ses collègues face au comportement déloyal et délétère de M. [O] et conclut que la mesure de licenciement ne saurait être frappée de nullité.

Le salarié lui oppose que ses propos ne sont pas diffamatoires et ressortent de sa liberté d'expression pour n'avoir fait que dénoncer le comportement de son employeur à son encontre, qui relève du harcèlement moral. Il rappelle ne pas avoir usé de termes injurieux ou excessifs et en déduit la nullité de son licenciement en sollicitant d'écarter le barème de l'article L. 1235-3 du code du travail, l'indemnité à laquelle il peut prétendre, ne pouvant être inférieure au salaire des six derniers mois.

Il s'avère que la lettre de licenciement est ainsi rédigée s'agissant du grief querellé : 'Par ailleurs, les allégations que vous portez à mon encontre dans votre lettre du 30 avril inversent les rôles...il en ressort que vos accusations de discrimination à mon égard sont infondées. Il en va de même de vos accusations injustifiées de 'menaces à répétitions' ce qui caractérise, ici encore, une diffamation. De tels faits rendent impossible votre maintien dans l'entreprise.'

Sur les termes du courrier critiqué, versé aux débats, il apparait qu'il est intervenu ensuite d'un entretien entre les deux hommes à propos de pièces défectueuses. Le salarié y évoque la jalousie de ses collègues ; les hurlements de son employeur à propos de la mauvaise qualité de son travail ; des menaces également de sa part 'tu vas me le payer' ; une nouvelle difficulté de paiement de ses IJ faute des bonnes déclarations de l'employeur lequel lui aurait répondu 'j'en ai rien à foutre' ; la demande d'attestations en sa défaveur à ses collègues ; l'utilisation d'une fraise de finition pour une tâche d'ébauche ; des problèmes administratifs récurrents, la comptable externe ne lui répondant plus ; la place réservée aux personnes PMR sans marquage au sol, sur un terrain caillouteux et glissant, signalé par un simple piquet; des menaces à répétition à son encontre et son handicap souvent pointé.

Le salarié écrit en termes courtois : 'Je me permets de vous écrire', 'Je profite de ce courrier pour vous faire remarquer...', 'je souhaiterais aussi vous faire part de mon incompréhension', 'Je tiens également à vous signaler' et termine ses propos ainsi 'En tout cas je n'ai rien fait pour mériter cela et souhaite, comme je vous l'ai déjà dit durant la médiation avec l'inspecteur du travail le 1 décembre 2020, pouvoir travailler dans de bonnes conditions. Souhaitant que tout cela s'arrange. Veuillez agréer, Monsieur, mes sincères salutations.'

Les pièces versées aux débats attestent de ses revendications, à tout le moins administratives, sa situation médicale étant source de complexité.

Par ailleurs, les propos tenus dans la lettre du 30 avril ne relèvent pas d'une diffamation mais de l'expression d'un conflit et d'une dénégation de ses manquements et fautes dans l'exécution de son travail qui lui sont reprochés. 

La cour relève enfin qu'aucune publicité n'a été donnée à cette lettre par le salarié qui l'a exclusivement adressé à son employeur.

ll s'en déduit que les termes employés par M. [O] ne sont ni injurieux, ni excessifs, ni diffamatoires à l'endroit de son employeur et qu'il n'y a pas d'abus dans l'exercice de sa liberté d'expression. Dès lors, M. [O] ayant été licencié notamment en raison de l' exercice non abusif de sa liberté d'expression et sans avoir à examiner les autres griefs invoqués dans la lettre de licenciement, son licenciement doit être déclaré nul.

Le salarié est donc bien fondé à solliciter l'application des dispositions de l'article L. 1235-3-1 du code du travail en réparation de son préjudice découlant de la nullité de son licenciement à savoir le versement d'une indemnité à la charge de son employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois ; il sera toutefois noté qu'il ne chiffre pas sa demande et qu'à défaut, la cour s'en tiendra à ses dernières conclusions sollicitant la confirmation du jugement déféré.

En considération de sa situation particulière, notamment de son âge, de son ancienneté au moment de la rupture, des circonstances de celle-ci, de sa capacité à retrouver un emploi compte tenu de sa formation et en l'état des éléments soumis à l'appréciation de la cour, il lui sera alloué la somme de 7 500 euros en réparation de la perte injustifiée de son emploi.

- Sur les autres demandes, les dépens et les frais irrépétibles :

En application des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail, la société sera condamnée d'office à rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à M. [O] du jour de son licenciement au jour de l'arrêt, ce, dans la limite de trois mois d'indemnités.

Le jugement querellé est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

La société qui succombe principalement sera condamné aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à M. [O] la somme complémentaire de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Elle sera en conséquence déboutée de sa propre demande d'indemnité de procédure.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, statuant dans les limites de l'appel, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe et en dernier ressort :

Infirme la décision déférée sauf en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

Dit que le licenciement de M. [G] [O] est nul ;

Condamne la SARL Société Métallerie Industrielle à payer à M. [G] [O] la somme de 7 500 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul ;

Déboute M. [G] [O] de ses demandes au titre d'un harcèlement moral ;

Condamne la SARL Société Métallerie Industrielle à rembourser à Pôle emploi des indemnités de chômage versées à M. [G] [O], du jour de son licenciement au jour de l'arrêt, ce, dans la limite de trois mois d'indemnités ;

Condamne la SARL Société Métallerie Industrielle à payer à M. [G] [O] une somme complémentaire de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties du surplus de leurs prétentions ;

Condamne la SARL Société Métallerie Industrielle aux dépens d'appel et la déboute de sa propre demande d'indemnité de procédure ;

Et le présent arrêt a été signé par la présidente de chambre, président de la collégialité, et par le greffier

Jean-Christophe ESTIOT Laurence DUVALLET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22/02437
Date de la décision : 12/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-12;22.02437 ?
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