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09/07/2024 | FRANCE | N°22/00545

France | France, Cour d'appel d'Orléans, Chambre sociale, 09 juillet 2024, 22/00545


C O U R D ' A P P E L D ' O R L É A N S

CHAMBRE SOCIALE - A -

Section 1

PRUD'HOMMES

Exp + GROSSES le 9 juillet 2024 à

la SELARL SAINT CRICQ & ASSOCIES

Me Alfred-roger MABOUANA-BOUNGOU



FC



ARRÊT du : 9 JUILLET 2024



N° : - 24



N° RG 22/00545 - N° Portalis DBVN-V-B7G-GRBJ



DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOURS en date du 15 Février 2022 - Section : COMMERCE



ENTRE



APPELANT :



Monsieu

r [D] [F]

né le 10 Septembre 1969 à [Localité 6]

[Adresse 4]

[Localité 3]





représenté par Me Stéphane RAIMBAULT de la SELARL SAINT CRICQ & ASSOCIES, avocat au barreau de TOURS





...

C O U R D ' A P P E L D ' O R L É A N S

CHAMBRE SOCIALE - A -

Section 1

PRUD'HOMMES

Exp + GROSSES le 9 juillet 2024 à

la SELARL SAINT CRICQ & ASSOCIES

Me Alfred-roger MABOUANA-BOUNGOU

FC

ARRÊT du : 9 JUILLET 2024

N° : - 24

N° RG 22/00545 - N° Portalis DBVN-V-B7G-GRBJ

DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOURS en date du 15 Février 2022 - Section : COMMERCE

ENTRE

APPELANT :

Monsieur [D] [F]

né le 10 Septembre 1969 à [Localité 6]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représenté par Me Stéphane RAIMBAULT de la SELARL SAINT CRICQ & ASSOCIES, avocat au barreau de TOURS

ET

INTIMÉE :

S.A.R.L. BRILLAULT HYGIENE & SERVICES

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Alfred-roger MABOUANA-BOUNGOU, avocat au barreau de TOURS

Ordonnance de clôture : 5 janvier 2024

Audience publique du 08 Février 2024 tenue par M. Alexandre DAVID, Président de chambre, et par Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, conseiller, ce, en l'absence d'opposition des parties, assistés lors des débats de Mme Fanny ANDREJEWSKI-PICARD, Greffier.

Après délibéré au cours duquel M. Alexandre DAVID, Président de chambre et Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, conseiller, ont rendu compte des débats à la Cour composée de :

Monsieur Alexandre DAVID, président de chambre, président de la collégialité

Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre

Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, conseiller

Assistés lors des débats de Mme Fanny ANDREJEWSKI-PICARD, Greffier.

Puis le 9 juillet 2024, Monsieur Alexandre DAVID, président de Chambre, assisté de M. Jean-Christophe ESTIOT a rendu l'arrêt par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

FAITS ET PROCÉDURE :

M. [D] [F] a été engagé à compter du 31 octobre 2014 par la S.A.R.L. Brillault Hygiène & Services en qualité d'agent de service sous la qualification AS2A, selon contrat de travail à temps partiel.

La relation de travail était régie par la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011.

Le 5 mai 2018, M. [F] a adressé à l'employeur une mise en demeure concernant le paiement d'indemnités kilométriques.

Le 17 mai 2018, M. [F] a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

Par requête du 3 mai 2019, M. [D] [F] a saisi le conseil de prud'hommes de Tours aux fins de voir juger que sa prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'obtenir le paiement de diverses sommes en conséquence outre le paiement d'heures supplémentaires, des frais de déplacement, d'une indemnité pour non-respect des amplitudes horaires, d'une indemnité pour travail de nuit, d'une indemnité pour travail dissimulé

Par jugement du 15 février 2022, auquel il est renvoyé pour un plus ample exposé du litige, le conseil de prud'hommes de Tours a :

Débouté M. [D] [F] de l'intégralité de ses demandes ;

Débouté la société Brillault Hygiène et Services de sa demande faite au titre de I'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamné M. [D] [F] à verser à la société Brillault Hygiène et Services la somme de 128,16 euros brut à titre d'indemnité compensatrice pour préavis non effectué ;

Condamné M. [D] [F] aux entiers dépens de I'instance.

Le 3 mars 2022, M. [D] [F] a relevé appel de cette décision.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions remises au greffe le 18 décembre 2023 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du Code de procédure civile et aux termes desquelles M. [D] [F] demande à la cour de :

Réformer la décision entreprise du Conseil de Prud'hommes en date du 15 février 2022,

Et statuant à nouveau :

S'entendre condamner la SARL Brillault Hygiène et Services à payer à M. [D] [F] :

- La somme de 11 591 euros en raison des frais de déplacement exposés au regard des directives de l'employeur,

- A titre principal, la somme de 11 034 euros au titre de la rémunération des temps de trajet, à titre principal,

- A titre principal, la somme de 1103 euros au titre des congés payés afférents à cette rémunération, à titre principal,

-A titre subsidiaire, la somme de 11 000 euros à titre de provision au titre de la rémunération des temps de trajet et surseoir à statuer pour permettre la détermination exhaustive de la créance après réouverture des débats.

- La somme de 1000 euros au titre des congés payés à titre provisionnel et dans cette hypothèse rouvrir les débats pour permettre la détermination exhaustive de la créance,

- La somme de 1000 euros au titre de l'indemnisation du dépassement de l'amplitude quotidienne,

- La somme de 1000 euros au titre de l'indemnisation du travail de nuit,

Dire et juger que la prise d'acte de la rupture notifiée par M. [D] [F] est justifiée.

En conséquence, condamner la SARL Brillault Hygiène et Services à lui payer :

- la somme de 1098,55 euros à titre de préavis

- la somme de 109,85 euros à titre de congés payés sur l'indemnité de préavis

- la somme de 406,46 euros à titre d'indemnité de licenciement

- la somme de 4394,24 euros à titre de dommages-intérêts.

Condamner encore la SARL Brillault Hygiène et Services à payer à M. [D] [F] la somme de 3295,68 euros à titre d'indemnité de travail dissimulé.

Enjoindre à peine d'astreinte, à la SARL Brillault Hygiène et Services de remettre à M. [D] [F] :

- une attestation Pôle-Emploi rectifiée

- les bulletins de paye rectifiés pour la période du 1er février 2016 au 22 mai 2018.

Condamner la SARL Brillault Hygiène et Services à payer à M. [D] [F] une indemnité d'un montant de 4000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Condamner la SARL Brillault Hygiène et Services aux dépens et frais d'exécution.

Vu les dernières conclusions remises au greffe le 11 août 2022 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du Code de procédure civile et aux termes desquelles la S.A.R.L. Brillault Hygiène & Services demande à la cour de :

Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes

de Tours le 15 février 2022.

Y ajoutant,

Condamner M. [D] [F] à payer à la SARL Brillault Hygiène et Services la somme de 2000 euros à titre de dommages et intérêts pour recours abusif.

Rejeter toutes demandes plus amples ou contraires aux présentes.

Condamner M. [D] [F] à payer à la SARL Brillault Hygiène et Services la somme de 2500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Condamner le même aux entiers dépens de première instance et d'appel.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 5 janvier 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les demandes liées aux trajets

M. [D] [F] se plaint de ce que les déplacements opérés avec son véhicule n'étaient pas pris en compte au titre du temps de travail et que de surcroît les frais liés à l'utilisation de ce véhicule ne lui étaient pas remboursés.

Sur la demande de rémunération des temps de trajet

Aux termes de l'article L. 3121-1 du code du travail, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles.

Aux termes de l'article L. 3121-4 du même code, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif. Toutefois, s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos, soit financière. Cette contrepartie est déterminée par convention ou accord collectif de travail ou, à défaut, par décision unilatérale de l'employeur prise après consultation du comité d'entreprise ou des délégués du personnel, s'il en existe. La part de ce temps de déplacement professionnel coïncidant avec l'horaire de travail n'entraîne aucune perte de salaire.

Dans sa rédaction postérieure à la loi du 8 août 2016 précitée, l'article L. 3121-4 du code du travail prévoit : « Le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif. Toutefois, s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos, soit sous forme financière. La part de ce temps de déplacement professionnel coïncidant avec l'horaire de travail n'entraîne aucune perte de salaire.»

Il résulte des articles L. 3121-1 et L. 3121-4 du code du travail, interprétés à la lumière de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, que lorsque les temps de déplacements accomplis par un salarié itinérant entre son domicile et les sites des premier et dernier clients répondent à la définition du temps de travail effectif telle qu'elle est fixée par l'article L. 3121-1 du code du travail, ces temps ne relèvent pas du champ d'application de l'article L. 3121-4 du même code (Soc., 25 octobre 2023, pourvoi n° 20-22.800, publié).

M. [D] [F], dans ses dernières conclusions, soutient que les temps de trajet dont il sollicite le paiement sont afférents à des trajets entre les sites de ses interventions dans la journée. Il indique que l'employeur a régularisé les sommes dues uniquement pour le mois de mars 2016 mais s'en est abstenu par la suite. Il soutient qu'il passait systématiquement au siège de la société pour récupérer le matériel pour pouvoir intervenir sur les différents chantiers.

L'employeur conteste cette position, faisant valoir en substance que le salarié entend obtenir le paiement de temps de trajet entre son domicile et son lieu de travail.

M. [D] [F] produit aux débats un listing des chantiers effectués quotidiennement de février 2016 à mai 2018, les fiches horaires hebdomadaires par chantier du 1er février 2016 au 22 mai 2018 ainsi qu'un tableau des kilomètres parcourus. Il produit également la copie de la carte grise d'un véhicule à son nom ainsi que les différents barèmes fiscaux pour ce type de véhicule.

Il convient de relever que les prétentions du salarié reposent sur le calcul d'une durée moyenne de trajet sur une période de trois ans et sept mois, déduction faite des congés payés (conclusions, p. 13).

Il ne ressort d'aucun élément du débat que pendant les trajets entre son domicile et le lieu d'exécution du contrat de travail, le salarié avait à se tenir à disposition de l'employeur et avait à se conformer aux directives de celui-ci. Ces temps ne sauraient donc être considérés comme du temps de travail effectif.

Il ressort des pièces versées aux débats par l'une et l'autre des parties que dans le courant de l'année 2016, M. [D] [F] a, à plusieurs reprises, effectué successivement des chantiers sur une même journée sans retourner à son domicile entre les chantiers. Durant les temps de trajet entre ces chantiers, le salarié se tenait à la disposition de son employeur. Ces temps doivent être considérés comme des temps de travail effectif et doivent être rémunérés comme tels.

En revanche, en 2017 et 2018, le salarié partait de son domicile pour se rendre sur un chantier, revenait ensuite à son domicile dont il repartait pour un second chantier avant de regagner son domicile. M. [D] [F] disposait d'un planning mentionnant les heures à laquelle il devait se rendre sur le chantier pour son nettoyage. Quand il terminait son travail sur un chantier, il rentrait chez lui. Il ne passait jamais par l'entreprise, ce qui confirme l'affirmation de l'employeur selon lequel ses outils de travail se trouvaient sur ses lieux de travail. Pendant les temps de trajet ou de déplacement entre son domicile et les chantiers en 2017 et 2018, le salarié ne devait pas se tenir à la disposition de l'employeur et se conformer à ses directives. Il pouvait vaquer à des occupations personnelles.

Après examen des pièces versées par l'une et l'autre des parties, notamment des fiches horaires produites et des bulletins de salaire, il sera alloué à M. [D] [F] la somme de 3000 euros brut outre 300 euros de congés payés afférents à titre de rappel de salaire.

Sur la demande d'indemnisation des frais de déplacement

Les frais qu'un salarié expose pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent être supportés par ce dernier, sans qu'ils puissent être imputés sur la rémunération qui lui est due (Soc., 14 janvier 2015, pourvoi n°13-16.229).

M. [D] [F] demande à la cour l'indemnisation des frais qu'il prétend avoir exposés dans le cadre de son activité professionnelle, utilisant son véhicule personnel pour se rendre du siège de l'entreprise jusqu'à son premier chantier puis d'un chantier à un autre chantier (page 8 de ses conclusions).

L'employeur réplique que le salarié était indemnisé de ses frais de déplacement par la prime de trajet prévue par la convention collective qui couvre les frais exposés par les salariés qui utilisent pour se rendre sur leur(s) lieu(x) de travail, un service public de transport ou un véhicule personnel lorsqu'il n'existe pas de service public de transport.

Le contrat de travail de M. [D] [F] stipulait que son horaire de travail et son lieu de travail étaient les suivants: « sites de [Localité 6] et sa banlieue, à raison de 30 heures par semaine, du lundi au samedi selon planning. ».

S'agissant des trajets effectués entre le domicile et le lieu d'exécution du contrat de travail, l'article L. 3261-3 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable, dispose que l'employeur peut prendre en charge, dans les conditions prévues à l'article L. 3261-4, tout ou partie des frais de carburant engagés pour leurs déplacements entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail par ceux de ses salariés :

1° Dont la résidence habituelle ou le lieu de travail est situé en dehors de la région Ile-de-France et d'un périmètre de transports urbains défini par l'article 27 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs ;

2° Ou pour lesquels l'utilisation d'un véhicule personnel est rendue indispensable par des conditions d'horaires de travail particuliers ne permettant pas d'emprunter un mode collectif de transport. [...].

Il ressort des listings produits qu'en 2017 et 2018 M. [D] [F] partait de chez lui pour se rendre sur le site de son intervention et regagnait son domicile sans jamais passer par l'entreprise. Il apparaît à cet égard que le salarié, qui percevait la prime de transport, a toujours été affecté à des sites dont la distance était comparable à la distance entre son domicile et le siège de la société. Le salarié ne produit aucun justificatif de paiement de frais d'essence, ni de l'absence de transport collectif nécessitant l'utilisation d'un véhicule personnel alors qu'il n'avait pas de matériel à transporter, celui-ci se trouvant sur les sites de ses interventions.

L'employeur doit prendre en charge les frais de déplacement exposés entre deux missions par le salarié avec son véhicule personnel dont il produit le certificat médical d'immatriculation. Il apparaît que le salarié n'a jamais perçu de remboursement à ce titre.

M. [D] [F] produit des décomptes de ses frais réels de déplacement. Ces documents incluent les frais engagés entre le domicile et le premier lieu de travail de la journée ou entre le dernier lieu de travail de la journée et le domicile. Or, ces déplacements doivent être assimilés à des trajets habituels domicile-travail, que l'employeur n'est pas tenu de prendre en charge (Soc., 23 janvier 2019, pourvoi n° 17-19.779 et Soc., 6 janvier 2021, pourvoi n° 19-18.168).

Il est donc alloué à M. [D] [F], au vu des pièces produites, la somme de 1000 euros en remboursement de ses frais de déplacement entre deux chantiers.

Sur l'indemnisation du dépassement de l'amplitude quotidienne

Le salarié doit bénéficier d'un repos quotidien d'au moins 11 heures consécutives.

Le 16 mars 2016, la SARL Brillault Hygiène et Services a reconnu un dépassement exceptionnel de l'amplitude quotidienne de travail. Ce dépassement s'est produit en février 2016, le salarié ayant accepté de remplacer un collègue. Il a été rémunéré pour la totalité des heures effectuées.

M. [D] [F] soutient, sans donner le moindre exemple, qu'il y a eu un dépassement de l'amplitude sur l'ensemble de la durée du contrat. Il ajoute « au regard de la difficulté matérielle procédant de la nécessité de reconstituer les amplitudes quotidiennes sur toute la durée du contrat de travail , il s'en tient pour le principe à une demande d'indemnisation forfaitaire à hauteur de 1000 euros ».

Il ressort de l'examen des pièces produites et notamment de l'examen des fiches horaires que M. [D] [F] a toujours bénéficié d'un repos quotidien de 11 heures minimum à l'exception du mois de février 2016 au cours duquel il a remplacé un salarié absent.

Il y a lieu d'allouer au salarié la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect du droit au repos.

Sur l'indemnisation du travail de nuit.

M. [D] [F] sollicite une indemnisation à hauteur de 1000 euros en alléguant qu'il : « est en butte à la difficulté de la reconstitution intégrale des horaires de travail accomplis sous le régime ' nuit' durant toute l'exécution du contrat de travail. ».

Au regard de son contrat de travail et des fiches horaires, M. [D] [F] n'était pas un travailleur de nuit tel que le définit la convention collective des entreprises de propreté en son article 6. 3. 1 comme étant celui « qui accomplit au moins 2 fois par semaine, selon son horaire habituel, au moins 3 heures de son temps de travail quotidien inscrit au contrat durant la période comprise entre 21 heures et 6 heures » ou « qui accomplit pendant une période de 12 mois consécutifs, 270 heures de travail pendant la plage horaire de nuit ».

Il ne peut prétendre qu'à une majoration pour les heures effectuées entre 21 heures et 5 heures.

Les bulletins de paie de janvier à mai 2016 mentionnent bien une majoration pour les heures de nuit. Le salarié n'a pas perçu cette majoration au mois de juin 2016 alors qu'il a travaillé le mardi et le vendredi de 4 h à 8 h au gymnase, ni au mois de juillet 2016 durant lequel il a travaillé le vendredi 1er juillet de 4 h à 8 h au gymnase et le lundi 4 juillet de 4h30 à 5h30 à [Localité 5].

En ne lui versant pas la majoration qui lui était due, l'employeur a manqué à ses obligations. Il y a lieu d'allouer au salarié la somme de 321,88 euros net au titre du travail de nuit.

Sur le bien-fondé de la prise d'acte

La prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués à son appui sont établis, la charge de cette preuve incombant au salarié, et s'ils constituent un manquement de l'employeur de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.

Ont notamment été reconnus comme fondés l'absence de prise en charge des frais de déplacement et le non-paiement de l'intégralité des heures de travail et majoration pour travail de nuit. Il s'agit de manquements suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail. Il y a lieu de dire que la prise d'acte du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences pécuniaires de la rupture

Le salarié peut prétendre au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis qu'il y a lieu de fixer en considération de la rémunération qu'il aurait perçue s'il avait travaillé durant le préavis d'une durée de deux mois. Il y a lieu de lui allouer les sommes de 1098,55 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de 109,85 euros brut au titre des congés payés afférents.

Par voie d'infirmation du jugement, la SARL Brillault Hygiène et Services est déboutée de sa demande au titre du préavis.

M. [D] [F] est fondé à solliciter une indemnité de licenciement. La SARL Brillault Hygiène et Services est condamnée à lui payer la somme de 406,46 euros net à ce titre.

Les dispositions des articles L. 1235-3 et L. 1235-3-1 du code du travail, qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l'ancienneté du salarié et qui prévoient que, dans les cas de licenciements nuls, le barème ainsi institué n'est pas applicable, permettent raisonnablement l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi.

Le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l'employeur est également assuré par l'application, d'office par le juge, des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail.      

En ce qui concerne les conditions d'ancienneté, la durée du préavis ne sera pas intégrée. Pour la fixation de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse l'ancienneté s'apprécie à la date de notification de la rupture et ne prend pas en compte la durée du préavis (Soc., 26 septembre 2006, pourvoi n° 05-43.841, Bull. 2006, V, n° 288).

M. [D] [F] a été engagé le 31 octobre 2014 et la rupture est intervenue le 17 mai 2018. Il a acquis une ancienneté de trois années complètes au moment de la rupture dans la société employant habituellement au moins onze salariés. Le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est compris entre 3 et 4 mois de salaire.

Les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail sont ainsi de nature à permettre le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'OIT (Soc., 11 mai 2022, pourvoi n° 21-14.490, FP-B+R).

Compte tenu notamment des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à retrouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'elles résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de condamner l'employeur à payer à M. [D] [F] la somme de 1800 euros brut à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. 

Sur la demande de dommages-intérêts pour travail dissimulé.

L'article L.8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l'article L.8221-3 du même code relatif à la dissimulation d'activité ou exercé dans les conditions de l'article L.8221-5 du même code relatif à la dissimulation d'emploi salarié.

Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.

M. [D] [F] ne caractérise aucune intention de dissimulation de la part de la SARL Brillault Hygiène et Services.

Il est débouté de sa demande en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

Dès lors qu'il a été partiellement fait droit aux demandes de M. [D] [F], la SARL Brillault Hygiène et Services est mal fondée à soutenir qu'il aurait agi de manière abusive.

La SARL Brillault Hygiène et Services est déboutée de sa demande par ajout au jugement du conseil de prud'hommes.

Sur la demande de remise des documents de fin de contrat

Il convient d'ordonner à la SARL Brillault Hygiène et Services de remettre à M. [D] [F] une attestation Pôle emploi devenu France travail et un bulletin de paie conformes aux dispositions du présent arrêt, et ce dans un délai d'un mois à compter de sa signification.

Aucune circonstance ne justifie d'assortir ce chef de décision d'une mesure d'astreinte pour en garantir l'exécution.

Sur l'article L. 1235-4 du code du travail:

La prise d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail qui l'imposent et sont donc dans le débat, d'ordonner d'office à l'employeur de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées au salarié, dans la limite de six mois d'indemnités.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Il y a lieu d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [D] [F] de sa demande relative aux frais irrépétibles et l'a condamnée aux dépens.

Il y a lieu de condamner la SARL Brillault Hygiène et Services aux dépens de première instance et d'appel, de la débouter de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et de la condamner à payer à M. [D] [F] la somme de 2000 euros à ce titre. Il y a lieu de préciser que le sort des éventuels frais d'exécution forcée sera réglé dans le cadre des procédures civiles d'exécution mises en oeuvre.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe;

Infirme le jugement rendu le 15 février 2022, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Tours sauf en ce qu'il a débouté M. [D] [F] de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé et en ce qu'il a débouté la SARL Brillault Hygiène et Services de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

Dit que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par M. [D] [F] produit les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Condamne la SARL Brillault Hygiène et Services à payer à M. [D] [F] les sommes suivantes :

- 1098,55 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 109,85 euros brut au titre des congés payés afférents ;

- 406,46 euros net à titre d'indemnité légale de licenciement ;

- 1800 euros brut à titre de dommages et intérêts pour rupture du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 381,88 euros net au titre du travail de nuit ;

- 3000 euros brut à titre de rappel de salaire ;

- 300 euros brut au titre des congés payés afférents ;

- 1000 euros net au titre des frais professionnels ;

- 500 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect du droit au repos ;

Déboute la SARL Brillault Hygiène et Services de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Déboute la SARL Brillault Hygiène et Services à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

Ordonne à la SARL Brillault Hygiène et Services de remettre à M. [D] [F] une attestation Pôle emploi devenu France travail et un bulletin de paie conformes aux dispositions du présent arrêt, et ce dans un délai d'un mois à compter de sa signification ;

Dit n'y avoir lieu à assortir la remise des documents de fin de contrat d'une astreinte ;

Ordonne à la SARL Brillault Hygiène et Services de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées à M. [D] [F], dans la limite de six mois d'indemnités ;

Condamne la SARL Brillault Hygiène et Services à payer à M. [D] [F] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et la déboute de sa demande à ce titre ;

Condamne la SARL Brillault Hygiène et Services aux dépens de première instance et d'appel.

Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre et par le greffier

Jean-Christophe ESTIOT Alexandre DAVID


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22/00545
Date de la décision : 09/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 15/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-09;22.00545 ?
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