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09/07/2024 | FRANCE | N°21/01806

France | France, Cour d'appel d'Orléans, Chambre civile, 09 juillet 2024, 21/01806


COUR D'APPEL D'ORLÉANS

C H A M B R E C I V I L E



GROSSES + EXPÉDITIONS : le 09/07/2024

la SCP REFERENS

la SELARL CASADEI-JUNG





ARRÊT du : 9 JUILLET 2024



N° : - 24



N° RG 21/01806 - N° Portalis DBVN-V-B7F-GMRC





DÉCISION ENTREPRISE : Jugement TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BLOIS en date du 08 Avril 2021



PARTIES EN CAUSE



APPELANTS :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265269473175279



Monsieur [Y] [R]

né le 20 Août 19

87 à [Localité 15]

[Adresse 5]

[Localité 17]



représenté par Me Michel ARNOULT de la SCP REFERENS, avocat au barreau de TOURS



Madame [J] [D]

née le 15 Septembre 1988 à [Localité 15]

[...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

C H A M B R E C I V I L E

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 09/07/2024

la SCP REFERENS

la SELARL CASADEI-JUNG

ARRÊT du : 9 JUILLET 2024

N° : - 24

N° RG 21/01806 - N° Portalis DBVN-V-B7F-GMRC

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BLOIS en date du 08 Avril 2021

PARTIES EN CAUSE

APPELANTS :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265269473175279

Monsieur [Y] [R]

né le 20 Août 1987 à [Localité 15]

[Adresse 5]

[Localité 17]

représenté par Me Michel ARNOULT de la SCP REFERENS, avocat au barreau de TOURS

Madame [J] [D]

née le 15 Septembre 1988 à [Localité 15]

[Adresse 5]

[Localité 17]

représentée par Me Michel ARNOULT de la SCP REFERENS, avocat au barreau de TOURS

D'UNE PART

INTIMÉS : - Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265268615310965

Madame [N] [C] [M] veuve [T]

née le 08 Avril 1933 à [Localité 17]

[Adresse 6]

[Localité 17]

représentée par Me Emmanuel POTIER de la SELARL CASADEI-JUNG, avocat au barreau d'ORLEANS

Monsieur [G] [Z] [W] [T]

né le 05 Février 1955 à [Localité 17] (41) [Localité 15]

[Adresse 13]

[Localité 10]

représenté par Me Emmanuel POTIER de la SELARL CASADEI-JUNG, avocat au barreau D'ORLEANS

Monsieur [F] [S] [T]

né le 02 Mars 1962 à [Localité 15]

[Adresse 7]

[Localité 9]

représenté par Me Emmanuel POTIER de la SELARL CASADEI-JUNG, avocat au barreau d'ORLEANS

Madame [L] [N] [T] épouse [I]

née le 26 Janvier 1972 à [Localité 15]

[Adresse 16]

[Localité 8]

représentée par Me Emmanuel POTIER de la SELARL CASADEI-JUNG, avocat au barreau d'ORLEANS

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 30 Juin 2021.

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 19 février 2024

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats à l'audience publique du 16 Avril 2024 à 14h00, l'affaire a été plaidée devant Mme Laure-Aimée GRUA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, en l'absence d'opposition des parties ou de leurs représentants.

Lors du délibéré, au cours duquel Mme Laure-Aimée GRUA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles a rendu compte des débats à la collégialité, la Cour était composée de:

Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de chambre,

Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, Conseiller,

Madame Laure- Aimée GRUA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

GREFFIER :

Mme Karine DUPONT, Greffier lors des débats et du prononcé.

ARRÊT :

Prononcé publiquement le 9 juillet 2024 (délibéré prorogé, initialement fixé au 18 juin 2024) par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

***

FAITS ET PROCÉDURE

Selon acte authentique en date du 18 février 1974, Mme [N] [M] veuve [S] [T] et ses enfants, [G], [F] et [L] [T], les consorts [T], sont propriétaires d'une maison d'habitation comprenant trois corps de bâtiments, sise à [Localité 14], commune d'[Localité 17] (Loir et Cher), parcelles cadastrées section K n° [Cadastre 12] et [Cadastre 11].

M. [Y] [R] et Mme [J] [D] sont propriétaires de parcelles limitrophes cadastrées [Cadastre 4], [Cadastre 1] et [Cadastre 3].

Alléguant l'enclavement de leur parcelle n° [Cadastre 12], les consorts [T] ont, par acte d'huissier en date du 5 juin 2018, fait assigner M. [R] et Mme [D] devant le tribunal de grande instance de Blois en constatation par prescription acquisitive du droit de passage, cessation de l'empiétement de leur clôture et réparation de leur préjudice.

Par jugement en date du 8 avril 2021, le tribunal judiciaire de Blois a :

- déclaré recevables les demandes des consorts [T] ;

- débouté M. [R] et Mme [D] de leur demande tendant à voir dire et juger qu'il résulte de la situation révélée tant par titre que par constat d'huissier que la parcelle cadastrée K n°[Cadastre 12] dispose d'une sortie tant sur le chemin rural n°87 qu'à partir de la parcelle cadastrée K n°[Cadastre 11] sur le chemin rural n°89 ;

- débouté les consorts [T] de leurs demandes tendant à voir dire et juger que l'assiette et le mode de passage pour cause d'enclave pour accéder à la parcelle section K n°[Cadastre 12] sont prescrits par trente ans d'usage continu et à voir dire et juger, en conséquence, les demandeurs recevables et bien fondés à réclamer sur le fonds de M. [R] et Mme [D] un passage suffisant pour assurer la desserte complète de leur fonds sans aucune entrave de quelque nature qu'elle soit ;

- débouté les consorts [T] de leur demande subsidiaire de transport sur les lieux ;

- enjoint à M. [R] et Mme [D] de supprimer la clôture édifiée sur la parcelle des consorts [T] située à [Localité 14], commune d'[Localité 17] (Loir et Cher), cadastrée section K n°[Cadastre 12], dans un délai de deux mois à compter de la signification qui leur sera faite de la présente décision, à peine d'astreinte de 100 euros par jour de retard ;

- condamné M. [R] et Mme [D] à payer à Mmes [N], [L] et MM. [G] et [F] [T] la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et du trouble de jouissance subi par ceux-ci ;

- débouté M. [R] et Mme [D] de leur demande subsidiaire d'expertise ;

- condamné M. [R] et Mme [D] à payer à Mmes [N], [L] et MM. [G] et [F] [T] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit des défendeurs ;

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision ;

- débouté les parties de toutes leurs autres demandes plus amples ou contraires ;

- condamné M. [R] et Mme [D] aux dépens, en ce compris le coût du procès-verbal de constat de la société Petit- Roca en date du 8 février 2018 ;

- accordé à la société d'avocats Hervouet - Chevallier - Godeau le droit prévu à l'article 699 du code de procédure civile.

Par déclaration en date du 30 juin 2021, M. [R] et Mme [D] ont relevé appel de l'intégralité des chefs de ce jugement sauf en ce qu'il a débouté les consorts [T] de leurs demandes tendant à voir dire et juger que l'assiette et le mode de passage pour cause d'enclave pour accéder à la parcelle section K n°[Cadastre 12] sont prescrits par trente ans d'usage continu et à voir dire et juger, en conséquence, les demandeurs recevables et bien fondés à réclamer sur le fonds de M. [R] et Mme [D] un passage suffisant pour assurer la desserte complète de leur fonds sans aucune entrave de quelque nature qu'elle soit ; débouté les consorts [T] de leur demande subsidiaire de transport sur les lieux.

Les parties ont constitué avocat et ont conclu.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 19 février 2024.

Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 18 mars 2022, M. [R] et Mme [D] demandent à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [R] et Mme [D] de leur demande tendant à voir dire et juger qu'il résulte de la situation révélée tant par titre que par constat d'huissier que la parcelle cadastrée K n°[Cadastre 12] dispose d'une sortie tant sur le chemin rural n°87 qu'à partir de la parcelle cadastrée K n°[Cadastre 11] sur le chemin rural n°89 ; enjoint à M. [R] et Mme [D] de supprimer la clôture édifiée sur la parcelle des consorts [T] située à [Localité 14], commune d'[Localité 17] (Loir et Cher), cadastrée section K n°[Cadastre 12], dans un délai de deux mois à compter de la signification qui leur sera faite de la présente décision, à peine d'astreinte de 100 euros par jour de retard ; condamné M. [R] et Mme [D] à payer à Mmes [N], [L] et MM. [G] et [F] [T] la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et du trouble de jouissance subi par ceux-ci ; débouté M. [R] et Mme [D] de leur demande subsidiaire d'expertise ; condamné M. [R] et Mme [D] à payer à Mmes [N], [L] et MM. [G] et [F] [T] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Et statuant à nouveau :

- dire et juger Mmes [N], [L] et MM. [G] et [F] [T] mal fondés en leurs demandes, fins et prétentions, faute de rapporter la preuve d'une servitude de passage sur les parcelles cadastrée K n° [Cadastre 1] et K n° [Cadastre 4] de M. [R] et Mme [D],

- dire et juger pareillement qu'il résulte de la situation révélée tant par titre que par constat d'huissier que la parcelle cadastrée K n° [Cadastre 12] dispose d'une sortie tant sur le chemin rural n° 87, qu'à partir de la parcelle cadastrée K n° [Cadastre 11] sur le chemin rural n°89,

- dire et juger en conséquence que faute de preuve rapportée d'une enclave ou d'une servitude de passage consacrée dans le titre de M. [R] et Mme [D], Mmes [N], [L] et MM. [G] et [F] [T] mal fondés en leurs demandes, fins et prétentions,

A titre infiniment subsidiaire, si la cour s'estime insuffisamment éclairée :

- ordonner une expertise judiciaire aux frais exclusifs de Mmes [N], [L] et MM. [G] et [F] [T] dont l'expert aura pour mission notamment de :

* déterminer si Mmes [N], [L] et MM. [G] et [F] [T] sont en état d'enclave,

* déterminer si l'état d'enclave est retenu par l'expert, l'assiette de passage,

* fixer dans ces conditions l'indemnité qui serait due au profit des concluants en raison des inconvénients générés par l'assiette du passage et la dévalorisation de leur bien,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mmes [N], [L] et MM. [G] et [F] [T] de leurs demandes tendant à voir dire et juger que l'assiette et le mode de passage pour cause d'enclave pour accéder à la parcelle section K n° [Cadastre 12] sont prescrits par trente ans d'usage continu et à voir dire et juger, en conséquence, les demandeurs recevables et bien fondés à réclamer sur le fonds de M. [R] et Mme [D] un passage suffisant pour assurer la desserte complète de leur fonds sans aucune entrave de quelque nature qu'elle soit,

En tout état de cause,

- débouter Mmes [N], [L] et MM. [G] et [F] [T] de leur appel incident,

- débouter Mmes [N], [L] et MM. [G] et [F] [T] de toutes leurs demandes, fins et prétentions,

- les condamner au paiement de la somme de 8 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et de l'appel ainsi qu'aux entiers dépens qui comprendront notamment le coût du constat d'huissier de la société Voisin [TD] du 1er août 2018 et celui de Maître [GT] en date du 28 juin 2021 dont distraction au profit de la société Référens, avocat aux offres de droit.

Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 16 février 2024, Mmes [N], [L] et MM. [G] et [F] [T] demandent à la cour de :

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Blois du 8 avril 2021 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de Mmes [N], [L] et MM. [G] et [F] [T] visant à juger que l'assiette et le mode de passage pour cause d'enclave pour accéder à la parcelle section K n°[Cadastre 12] sont prescrits par trente ans d'usage continu et qu'en conséquence, ils sont recevables et bien fondés à réclamer sur le fonds de M. [R] et Mme [D] un passage suffisant pour assurer la desserte complète de leur fonds sans aucune entrave de quelque nature que ce soit.

- infirmer ledit jugement sur ce point,

Statuant à nouveau :

- constater l'existence d'une servitude de passage sur les parcelles cadastrées K n°[Cadastre 1] et K n° [Cadastre 4] appartenant à M. [R] et Mme [D] pour accéder à la parcelle section K n°[Cadastre 12] appartenant à Mmes [N], [L] et MM. [G] et [F] [T] pour cause d'enclave et par prescription trentenaire,

- condamner M. [R] et Mme [D] à laisser à Mmes [N], [L] et MM. [G] et [F] [T] un passage suffisant pour assurer la desserte complète de leur fonds sans aucune entrave de quelque nature que ce soit,

Y ajoutant,

- condamner in solidum M. [R] et Mme [D] à payer à Mmes [N], [L] et MM. [G] et [F] [T] une indemnité de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum M. [R] et Mme [D] aux entiers dépens d'appel par application de l'article 696 du code de procédure civile.

- débouter M. [R] et Mme [D] de leurs demandes plus amples ou contraires.

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions.

MOTIFS

Sur l'état d'enclave de la parcelle K n°[Cadastre 12] appartenant aux consorts [T]

Moyens des parties

Les appelants prétendent que les intimés se contentent d'indiquer que leurs parcelles seraient enclavées et que l'assiette et le mode de passage seraient prescrits par 30 ans d'usage alors que l'état d'enclave n'est ni caractérisé ni démontré.

Ils font valoir qu'ils ne peuvent être tenus responsables de l'absence d'entretien des chemins ruraux et qu'il appartient aux intimés de s'adresser à la commune ; à supposer l'état d'enclave caractérisé, ils ne peuvent unilatéralement fixer l'assiette du passage, leurs demandes étant irrecevables l'ensemble des propriétaires concernés par l'assiette du passage n'étant pas en la cause ; en tout état de cause, la servitude de passage, servitude discontinue, ne peut s'acquérir que par titre et, si l'enclave résulte de la division d'un fonds par suite d'une vente, d'un échange, d'un partage ou de tout autre contrat, le passage ne peut être demandé que sur les terrains qui ont fait l'objet de ces actes, article 684 du code civil ; le constat dressé le 1er août 2018 par la SCP Voisin [TD], huissier de justice, permet de relever que, - la parcelle K n°[Cadastre 12] dispose d'une sortie sur le chemin rural n°87 qui ne semble plus être utilisée alors que son ouverture fait plus de 4 mètres, - en sortant de cette parcelle, il serait possible de sortir par ce chemin rural dans l'hypothèse où celui-ci serait remis en état, - la parcelle K n°[Cadastre 11] possède une sortie sur ce même chemin rural qui tourne pour remonter le chemin rural n°89 ; il en ressort que la parcelle K n°[Cadastre 12] dispose d'une sortie directe sur le chemin rural n°87 et mieux même à partir de la parcelle cadastrée K n°[Cadastre 11] sur le chemin rural n°89 et n'est pas enclavée.

Les consorts [T] répondent que l'état d'enclave de leur parcelle K n°[Cadastre 12] est caractérisé par l'étroitesse du passage entre celle-ci et l'extrémité de la clôture édifiée par les appelants. Ils font valoir que si, en cause d'appel, M. [R] et Mme [D] réitèrent leurs affirmations selon lesquelles il existerait un passage par les chemins ruraux, ils omettent de signaler que la largeur de ces chemins n'est que d'un mètre, tel que cela ressort des plans cadastraux et du constat de la SCP Petit-Roca, huissier de justice, du 11 février 2019, et qu'ils ne sont pas carrossables ; dans son attestation du 21 novembre 2021, leur pièce n°17, le maire indique d'ailleurs que la largeur des chemins est comprise entre 1 m et 1,20 m.

Réponse de la cour

Il est de principe, énoncé à l'article 682 du code civil, que,

Le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n'a sur la voie publique aucune issue, ou qu'une issue insuffisante, soit pour l'exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, soit pour la réalisation d'opérations de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, à charge d'une indemnité proportionnée au dommage qu'il peut occasionner.

Par ailleurs, il est communément admis que l'accès par un véhicule automobile correspond à l'usage normal d'un fonds destiné à l'habitation, ce qu'est le fonds des consorts [T].

L'examen des extraits de plans cadastraux fait apparaître que la parcelle K n°[Cadastre 12] des consorts [T] est bordée au Nord par le chemin rural n°87.

Cependant, le maire de la commune de [Localité 18] (commune nouvelle créée le 1er janvier 2017, issue du regroupement des communes d'[Localité 17] et de [Localité 18]) a attesté le 21 novembre 2021 que le chemin rural n°87 et le chemin rural n°89 sont d'une largeur comprise entre environ 1 à 1,20 mètres, pièce intimés n°17. Si la parcelle K n°[Cadastre 11] est contiguë à la parcelle K n°[Cadastre 12], elle est bordée au Sud par le chemin rural n°87 et ne l'est pas par le chemin rural n°89, ne permettant pas non plus, en raison de son étroitesse, un usage normal du fonds.

Il ne peut donc être contesté que l'un ou l'autre chemin ne permet pas la desserte de la parcelle K n°[Cadastre 12], laquelle est enclavée pour ne posséder aucune issue sur la voie publique.

En conséquence, la décision ne peut qu'être confirmée en ce qu'elle déboute M. [R] et Mme [D] de leur demande tendant à voir dire et juger qu'il résulte de la situation révélée tant par titre que par constat d'huissier que la parcelle cadastrée K n°[Cadastre 12] dispose d'une sortie tant sur le chemin rural n°87 qu'à partir de la parcelle cadastrée K n°[Cadastre 11] sur le chemin rural n°89.

Sur l'assiette et le mode de la servitude de passage

Moyens des parties

Les appelants reprochent au premier juge d'avoir, à la fois, retenu qu'ils ne pouvaient être condamnés à consentir un passage suffisant pour assurer la desserte de la propriété [T] et de les avoir condamnés à supprimer leur clôture.

Ils font valoir que c'est en se basant sur un simple constat d'huissier, qui ne permet pas de déterminer où se situe la limite séparative des fonds, que le tribunal s'est déterminé, leur reprochant un empiétement ; faute de démontrer et caractériser l'empiétement, la décision doit être infirmée, l'huissier ayant d'ailleurs constaté que la clôture n'empêchait pas aux consorts [T] d'accéder à leur propriété.

Ils considèrent que les nouvelles attestations produites par les intimés l'ont été pour les besoins de la cause, dans la mesure où elles sont identiques et ils relèvent que ni leur titre de propriété ni celui des voisins attestant du passage ne reconnaissent une servitude de passage au profit des consorts [T].

Les consorts [T] répondent que M. [B], témoin, a précisé dans l'attestation donnée en première instance, avoir personnellement constaté que depuis 1977, M. et Mme [T] empruntent le chemin passant sur les parcelles K n°[Cadastre 1] et K n°[Cadastre 4] appartenant à M. [R] et Mme [D] ; ils produisent d'autres attestations confirmant qu'ils utilisent le chemin passant sur ces parcelles depuis au moins 30 ans. Ils s'estiment fondés à réclamer sur le fonds des appelants un passage suffisant pour assurer la desserte complète de leurs fonds.

Réponse de la cour

Aux termes de l'article 685 du code civil, L'assiette et le mode de servitude de passage pour cause d'enclave sont déterminés par trente ans d'usage continu.

La preuve de cette possession utile pèse sur celui qui en invoque le bénéfice et qui doit démontrer qu'il a persévéré, durant le temps légalement requis, dans les actes de passage, sans qu'il ne puisse exister de doutes sur la nature de la possession ni sur les effets qu'entend y attacher celui qui l'a exercée (Cass. 3e civ., 6 nov. 1969, n° 68-10.036 : Bull. civ. III, n° 722). Elle peut être rapportée par tous moyens, y compris des indices matériels, des éléments photographiques ou des attestations précises, circonstanciées et concordantes, notamment émanant de personnes âgées pouvant témoigner de l'usage constant du chemin pour accéder aux parcelles enclavées. Il importe que ces éléments probatoires permettent de démontrer, d'une part, l'existence de faits de possession nettement caractérisés et, d'autre part, l'identification de l'assiette du passage entendue comme étant le chemin ou le tracé utilisé, qui doit être permanent et inchangé.

Les pièces n°12 à 16 permettent d'établir une possession utile du passage sur les parcelles K n°[Cadastre 1] et K n°[Cadastre 4] appartenant à M. [R] et Mme [D], à savoir,

- attestation de Mme [H] [U] épouse [K], pièce n°12, née en 1939, demeurant à [Localité 17], qui déclare, 'J'ai acheté ma maison à [Localité 17] en 1982. Habitant à 500 m de chez Mme [T] et me rendant régulièrement chez elle, je certifie avoir personnellement constaté depuis 1982 passaient et passent sur un chemin appartenant aux consorts [R]- [D] pour pouvoir accéder à leur maison située à [Localité 17] cadastrée... Je précise que ce chemin que j'ai toujours connu depuis 1982 passe sur les parcelles appartenant aux consorts [R]-[D] cadastré sur la même commune section K n°[Cadastre 4]-[Cadastre 1] et est décrit en bleu dans le rapport d'expertise du cabinet Polyexpert',

- attestation de M. [A] [P], pièce n°13, né en 1951, demeurant à [Localité 17], qui déclare, 'Habitant [Localité 17] depuis 1972 - Employé municipal en 1974 sur la commune d'[Localité 17]. 'Je connais bien la famille [T]. Leur fille de 49 ans est camarade de la mienne. Monsieur et Madame [T] et leurs enfants passaient et passent '[S] + avec son tracteur' le troupeau de vaches vers les prés des fossés [E] [BX] sur un chemin appartenant aux consorts [R]-[D] pour pouvoir accéder à leur maison... Je précise que ce chemin, que j'ai toujours connu et moi même remprunté depuis 1974 passent sur les parcelles appartenant aux consorts [R]-[D] cadastrés sur la même commune section K [Cadastre 4] et [Cadastre 1] et est décrit en bleu sur le rapport d'expertise du cabinet du 7 juillet 2017",

- attestation de M. [FA] [E] [V], pièce n°14, 'déclare sur l'honneur bien connaître le chemin qu'emprunte Mme [T] [N] à ce jour. J'étais scolarisé à l'école d'[Localité 17] et avais comme ami d'enfance le fils [F] [T], résident de la parcelle cadastrée n°[Cadastre 12]. A l'époque, ils étaient également propriétaires de la parcelle n°[Cadastre 2]. Habitant à proximité de chez M. et Mme [T], je me rendais régulièrement chez eux pour y jouer avec [F] [T]. Je certifie avoir personnellement constaté que depuis 45 ans, M. et Mme [T] passaient et passent sur un chemin appartenant aux consorts [R]-[D] pour pouvoir accéder à leur maison située à [Localité 17] cadastrée section K n°[Cadastre 12]. Je précise que ce chemin que j'ai toujours connu depuis 1975, passe sur les parcelles appartenant aux consorts [R]-[D] cadastrées sur la même commune (section K n°[Cadastre 4] et n°[Cadastre 1]) décrit en bleu dans le rapport d'expertise du cabinet Polyexpert du 7 juillet 2017",

- attestation de Mme [OS] [O], pièce n°15, née en 1973, qui déclare, 'Amie d'enfance de Mme [L] [T]-[I], j'avais pour habitude de passer toutes mes vacances scolaires chez M. et Mme [T] de mes 7 ans à mon déménagement dans une autre région à mes 18 ans. Je certifie avoir personnellement constaté que de tout temps M. et Mme [T] passaient et passent sur un chemin appartenant aux consorts [R]-[D] pour pouvoir accéder à leur maison située à [Localité 17] cadastrée section K n°[Cadastre 12]. Je précise que ce chemin que j'ai toujours connu depuis 1980 passe sur les parcelles appartenant aux consorts [R]-[D] cadastrées sur la même commune section K n°[Cadastre 4] et n°[Cadastre 1] et est décrit en bleu dans le rapport d'expertise du cabinet Polyexpert du 7 juillet 2017 et que c'est par ce même chemin que tous les visiteurs se rendant chez M. et Mme [T] devaient passer, puisqu'il n'existe aucune autre voie d'accès',

- attestation de M. [A] [X], pièce n°16, né en 1951, demeurant à [Localité 17], qui déclare, 'Habitant à proximité de chez Mme [T], je certifie avoir personnellement constaté que depuis 1970, Monsieur et Madame [T] passaient et passent sur un chemin appartenant aux consorts [R]-[D] pour pouvoir accéder à leur maison située à [Localité 17] cadastrée section K n°[Cadastre 12]. Je précise que ce chemin que j'ai toujours connu depuis 1970 passe sur les parcelles

appartenant aux consorts [R]-[D] cadastrées sur la même commune section K [Cadastre 4] et [Cadastre 1] et est décrit en bleu dans le rapport d'expertise du cabinet Polyexpert du 7 juillet 2017".

L'assignation ayant été délivrée par les consorts [T] à M. [R] et Mme [D] le 5 juillet 2018, à cette date, il est établi que les premiers utilisaient continuellement les parcelles de ces derniers pour accéder à leurs parcelles enclavées, et ce, depuis plus de 30 ans.

En conséquence, infirmant le jugement, il convient de dire l'assiette et le mode de la servitude de passage sur les parcelles K n°[Cadastre 1] et K n°[Cadastre 4] appartenant à M. [R] et Mme [D] acquises par prescription.

En conséquence, ces derniers devront leur laisser le libre passage pour assurer la desserte de leurs fonds par les moyens d'usage, notamment l'automobile, leur condamnation à la suppression de la clôture édifiée sur leur fonds étant confirmée.

Sur les demandes annexes

M. [R] et Mme [D] qui succombent seront déboutés de l'ensemble de leurs demandes, y compris celle relative à l'indemnité de procédure.

Il y a lieu de les condamner au paiement des entiers dépens et d'une indemnité de procédure de 2 000 euros aux consorts [T] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par décision contradictoire mise à disposition au greffe, en dernier ressort ;

Infirme le jugement, uniquement en ce qu'il déboute les consorts [T] de leurs demandes tendant à voir dire et juger que l'assiette et le mode de passage pour cause d'enclave pour accéder à la parcelle section K n°[Cadastre 12] sont prescrits par trente ans d'usage continu et à voir dire et juger, en conséquence, les demandeurs recevables et bien fondés à réclamer sur le fonds de M. [R] et Mme [D] un passage suffisant pour assurer la desserte complète de leur fonds sans aucune entrave de quelque nature qu'elle soit ;

Statuant à nouveau ;

Reconnaît l'état d'enclave de la parcelle située à [Localité 14], commune d'[Localité 17] (Loir et Cher), cadastrées section K n° [Cadastre 12] appartenant à Mme [N] [M] veuve [S] [T] et ses enfants, [G] et [F] et [L] [T] épouse [I] ;

Constate par prescription trentenaire l'assiette et le mode de la servitude de passage dont bénéficie la parcelle située à [Localité 14], commune d'[Localité 17] (Loir et Cher), cadastrées section K n° [Cadastre 12] sur les parcelles sises à [Localité 17] cadastrées section K n°[Cadastre 1] et K n°[Cadastre 4] appartenant à M. [Y] [R] et Mme [J] [D] ;

Ordonne à M. [Y] [R] et Mme [J] [D] de laisser le libre passage aux propriétaires de la parcelle située à [Localité 14], commune d'[Localité 17] (Loir et Cher), cadastrées section K n° [Cadastre 12] pour assurer la desserte de leurs fonds par les moyens d'usage, notamment l'automobile ;

Confirme la décision pour le surplus, notamment en ce qu'elle enjoint à M. [Y] [R] et Mme [J] [D] de supprimer leur clôture ;

Condamne M. [Y] [R] et Mme [J] [D] au paiement des entiers dépens d'appel et d'une indemnité de procédure de 2 000 euros à Mme [N] [M] veuve [S] [T] et ses enfants, [G] et [F] et [L] [T] épouse [I].

Arrêt signé par Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de Chambre et Mme Karine DUPONT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/01806
Date de la décision : 09/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 15/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-09;21.01806 ?
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