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09/07/2024 | FRANCE | N°21/01560

France | France, Cour d'appel d'Orléans, Chambre civile, 09 juillet 2024, 21/01560


COUR D'APPEL D'ORLÉANS



C H A M B R E C I V I L E





GROSSES + EXPÉDITIONS : le 09/07/2024

la SELARL DA COSTA - DOS REIS

Me Delphine COUSSEAU





ARRÊT du : 9 JUILLET 2024



N° : - 24



N° RG 21/01560 - N° Portalis DBVN-V-B7F-GL7K





DÉCISION ENTREPRISE : Jugement Tribunal de Grande Instance d'ORLEANS en date du 13 Septembre 2018



PARTIES EN CAUSE



APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265236103040600



S.C.I. SAINT VINCEN

T MLA

[Adresse 1]

[Localité 5]



représentée par Me Antonio DA COSTA de la SELARL DA COSTA - DOS REIS, avocat au barreau d'ORLEANS



D'UNE PART



INTIMÉS : - Timbre fiscal dématérialisé N°: 1...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

C H A M B R E C I V I L E

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 09/07/2024

la SELARL DA COSTA - DOS REIS

Me Delphine COUSSEAU

ARRÊT du : 9 JUILLET 2024

N° : - 24

N° RG 21/01560 - N° Portalis DBVN-V-B7F-GL7K

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement Tribunal de Grande Instance d'ORLEANS en date du 13 Septembre 2018

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265236103040600

S.C.I. SAINT VINCENT MLA

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me Antonio DA COSTA de la SELARL DA COSTA - DOS REIS, avocat au barreau d'ORLEANS

D'UNE PART

INTIMÉS : - Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265237927434448

Monsieur [T] [Y]

né le 03 Mars 1965 à [Localité 6]

[Adresse 3]

[Localité 6]

représenté par Me Delphine COUSSEAU, avocat au barreau d'ORLEANS

Madame [U] [L]

née le 08 Novembre 1975 à [Localité 6]

[Adresse 3]

[Localité 6]

représentée par Me Delphine COUSSEAU, avocat au barreau d'ORLEANS

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 31 Mars 2021.

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 22 janvier 2024

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats à l'audience publique du 26 Mars 2024 à 14h00, l'affaire a été plaidée devant Mme Laure-Aimée GRUA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, en l'absence d'opposition des parties ou de leurs représentants.

Lors du délibéré, au cours duquel Mme Laure-Aimée GRUA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles a rendu compte des débats à la collégialité, la Cour était composée de:

Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de chambre,

Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller,

Madame Laure- Aimée GRUA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

GREFFIER :

Mme Karine DUPONT, Greffier lors des débats et du prononcé.

ARRÊT :

Prononcé publiquement le 9 juillet 2024 (délibéré prorogé, initialement fixé au 14 mai 2024) par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

***

FAITS ET PROCÉDURE

Selon permis de démolir et de construire délivré le 11 août 2008, la SCI Saint Vincent MLA a réalisé sur un fond situé au [Adresse 2] à Orléans, une opération immobilière incluant la démolition partielle d'un bâtiment existant et la construction de trois maisons individuelles. La totalité des travaux de gros 'uvre et la quasi-totalité des travaux de second 'uvre ont été achevés en 2009.

Par acte authentique en date du 14 mars 2013, M. [T] [Y] et Mme [U] [L] ont acquis la propriété d'un immeuble situé [Adresse 3] à [Localité 6].

Ayant constaté des désordres en lien avec cette opération immobilière, M. [Y] et Mme [L] ont fait assigner la société Saint Vincent MLA devant le juge des référés d'[Localité 6] par acte d'huissier en date du 10 décembre 2014 aux fins d'expertise.

Par ordonnance en date du 16 janvier 2015, le juge des référés a ordonné une expertise judiciaire et désigné M. [P] pour y procéder.

L'expert judiciaire a déposé son rapport le 17 novembre 2015.

Par acte d'huissier en date du 31 juillet 2017, M. [Y] et Mme [L] ont fait assigner la société Saint Vincent MLA devant le tribunal de grande instance d'Orléans en démolition des travaux réalisés et en réparation de leurs préjudices.

Par jugement réputé contradictoire en date du 13 septembre 2018, le tribunal de grande instance d'Orléans a :

- dit M. [Y] et Mme [L] recevables et bien fondés en leurs demandes;

- condamné la société Saint Vincent MLA à procéder à la démolition du porche construit sur la parcelle située [Adresse 2] à [Localité 6] et à la reprise des rives de la toiture de l'immeuble situé [Adresse 3] à [Localité 6] sous une astreinte de 100 euros par jour à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la signification du jugement ;

- condamné la société Saint Vincent MLA à procéder à l'enlèvement du coffret EDF et des boîtes aux lettres posées dans un renfoncement du mur pignon de l'immeuble situé [Adresse 3] à [Localité 6] sous une astreinte de 100 euros par jour à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la signification du jugement ;

- condamné la société Saint Vincent MLA à réaliser un chasse roue de part et d'autre du passage situé [Adresse 2] à [Localité 6] le long du mur pignon de l'immeuble situé [Adresse 3] à [Localité 6] avec prolongation devant la maison en façade arrière soit sur 22 mètres linéaires sous une astreinte de 100 euros par jour à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la signification du jugement ;

- condamné la société Saint Vincent MLA à payer à M. [Y] et Mme [L] la somme de 7 794,20 euros en réparation de leur préjudice matériel et 5 000 euros en réparation de leur préjudice immatériel avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;

- autorisé M. [Y] et Mme [L] à pénétrer temporairement sur la parcelle cadastrée section BX n° [Cadastre 4] située [Adresse 2] à [Localité 6] avec outils, matériel, échelles, échafaudages et à les y entreposer et à se servir de l'assiette du fonds pour tout ce qui est nécessaire pour mener à bien les travaux envisagés durant la période nécessaire à leur réalisation, à charge pour eux de prévenir la société Saint Vincent MLA de la date prévue pour le commencement des travaux au moins huit jours à l'avance et de remettre ou faire remettre les lieux en leur état antérieur ;

- condamné la société Saint Vincent MLA à payer à M. [Y] et Mme [L] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Saint Vincent MLA aux dépens comprenant la moitié des frais d'expertise judiciaire pour un montant de 1 698,38 euros.

Par déclaration en date du 13 septembre 2018, la société Saint Vincent MLA a relevé appel de l'intégralité des chefs de ce jugement.

Les parties ont constitué avocat et ont conclu.

Par ordonnance d'incident en date du 1er octobre 2019, le conseiller de la mise en état a ordonné la radiation du rôle de l'affaire, précisant que son rétablissement ne serait accordé que sur justification par voie de conclusions de la pleine exécution du jugement.

L'affaire a été rétablie le 28 juin 2021 sur justification de l'accomplissement des diligences dont le défaut avait entraîné la radiation.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 22 janvier 2024.

Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 16 janvier 2024, la société Saint Vincent MLA demande de :

- déclarer son appel recevable et bien fondé,

Y faisant droit,

- réformer le jugement en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,

In limine litis,

- prononcer la nullité du rapport d'expertise judiciaire et en conséquence du jugement déféré,

Subsidiairement,

- dire et juger que l'action de M. [Y] et Mme [L] est irrecevable comme étant prescrite,

Plus subsidiairement,

- dire et juger que M. [Y] et Mme [L] n'ont plus qualité à agir,

- déclarer l'appel incident de M. [Y] et Mme [L] mal fondé et les débouter de toutes leurs demandes et prétentions financières ou plus subsidiairement encore les ramener à de plus justes proportions,

En tout état de cause,

- condamner M. [Y] et Mme [L] à payer à la société Saint Vincent une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.

Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 17 janvier 2024, M. [Y] et Mme [L] demandent de :

- déclarer la société Saint Vincent MLA irrecevable et mal fondée en ses demandes tendant à voir prononcer la nullité du rapport d'expertise judiciaire et du jugement déféré, en son appel et ses conclusions,

- l'en débouter,

- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf à accueillir leur appel incident sur les dommages et intérêts,

Statuant à nouveau,

- porter à la somme de 30 000 euros les dommages et intérêts alloués aux concluants au titre de leur préjudice immatériel,

- condamner la société Saint Vincent MLA à verser aux concluants une somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions.

MOTIFS

Sur la nullité du rapport d'expertise

Moyens des parties

La société Saint Vincent MLA soutient que n'ayant pas été touchée par la ou les convocations adressées par l'expert judiciaire, elle n'a pas été en mesure de participer aux opérations d'expertise qui se sont déroulées en son absence ; elle n'a jamais été destinataire du pré rapport de l'expert judiciaire, ni des dires transmis à celui-ci par l'avocat des consorts [Y] - [L] en date des 25 septembre et 22 octobre 2015 auxquels de nouvelles pièces étaient annexées ; l'expert a tenu compte dans son rapport de ces éléments nouveaux sur lesquels elle n'avait pas été à même de présenter ses observations dans une discussion contradictoire. Elle conclut à la nullité du rapport d'expertise.

M. [Y] et Mme [L] répondent que l'appelante a été régulièrement convoquée à l'unique réunion d'expertise du 10 avril 2015, et y était absente ; le pré-rapport d'expertise lui a été notifié par courrier du 25 septembre 2015, sans réaction de sa part. Elle considère que celle-ci ne peut prétendre que les opérations d'expertise ont été effectuées de façon non contradictoire, d'autant que la nullité pour vice de forme ne peut être prononcée qu'à la charge pour celui qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité.

Réponse de la cour

Il est certain que le technicien commis par le juge doit observer et faire observer le principe du contradictoire, tout d'abord en convoquant les parties aux réunions d'expertise, comme prévu à l'article 160 du code de procédure civile, ensuite en leur adressant un pré-rapport, lorsque celui-ci est prévu dans sa mission, afin qu'elles présentent leurs observations. Il appartient donc à la partie qui allègue une méconnaissance de ses obligations par l'expert de le prouver.

Il ressort du rapport d'expertise, produit par les intimés, leur pièce n°6, que la société Saint Vincent a été régulièrement convoquée à l'unique réunion d'expertise du 10 avril 2015 par lettre recommandée et que le pré-rapport d'expertise lui a été adressé le 25 septembre 2015 par l'expert en l'invitant à présenter ses observations.

La société Saint Vincent reconnaît avoir été convoquée mais dit n'avoir pas été 'touchée' par les convocations de l'expert. Ayant été régulièrement convoquée, elle ne peut dès lors reprocher à l'expert de n'avoir pas respecté le principe du contradictoire.

En outre, en application de l'article 175 du code précité, les irrégularités affectant les opérations d'expertise, irrégularités de forme, ne peuvent être sanctionnées comme prévu à l'article 114 qu'à charge pour celui qui l'invoque de prouver le grief causé par l'irrégularité. En l'absence de preuve de grief, elle ne peut qu'être déboutée de son exception de nullité, d'autant qu'au cours de la présente procédure, elle a eu tout loisir de discuter le rapport d'expertise et les pièces de son adversaire.

Sur les fins de non recevoir

- La prescription de l'action

Moyens des parties

L'appelante soutient que les intimés, qui ont acquis leur immeuble le 14 mars 2013, prétendent avoir rapidement constaté divers dommages en lien avec l'opération immobilière qu'elle a réalisée alors que les travaux ont été achevés en 2009 ; l'action, engagée sur le fondement d'un trouble de voisinage, est une action en responsabilité extra contractuelle, dont le point de départ est la date de réalisation du dommage ou la date à laquelle il a été révélé à la victime ; ce n'est que le 10 décembre 2014 qu'elle a été assignée, soit plus de cinq ans après l'achèvement des travaux, l'ordonnance désignant l'expert a été prise le 16 janvier 2015, le rapport d'expertise déposé le 17 novembre 2015, l'assignation au fond n'ayant été délivrée que le 31 juillet 2017 alors que la prescription de l'action est de cinq ans en application de l'article 2224 du code civil.

Les intimés répondent que le délai de prescription n'a pu commencer à courir qu'à compter de la date à laquelle ils ont acquis l'immeuble, et que ce délai de prescription a été régulièrement interrompu par l'ordonnance de référé et ensuite l'assignation au fond.

Réponse de la cour

Il apparaît, en effet que la prescription de cinq ans revendiquée par l'appelante commence à courir, à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer (article 2224 du code civil).

Ce délai de cinq ans n'a pu commencer à courir qu'à la date de l'acquisition de l'immeuble, le 14 mars 2013, par M. [Y] et Mme [L], date à laquelle ils ont eu connaissance du trouble dont ils demandent l'indemnisation, et non à la date d'achèvement des travaux par la SCI Saint Vincent dès lors que les intimés, qui n'étaient pas dans les lieux à cette date, ne connaissaient pas avant le 14 mars 2013 les faits leur permettant d'exercer leurs droits.

Le délai a été interrompu,en application de l'article 2241 du code civil, par l'assignation en référé du 10 décembre 2014, jusqu'à l'ordonnance de référé du 16 janvier 2015. Un acte interruptif a pour effet de faire courir un nouveau délai de 5 ans.

En outre, conformément à l'article 2239 du code civil, la prescription s'est ensuite trouvée suspendue jusq'au dépôt du rapport d'expertise le 17 novembre 2015.

Il en résulte que lors de la délivrance de l'assignation au fond le 31 juillet 2017, le délai de prescription n'était pas expiré.

En conséquence, la société Saint Vincent sera déboutée de sa fin de non-recevoir.

- Le défaut de qualité

Moyens des parties

La société Saint Vincent prétend que M. [Y] et Mme [L], qui ne sont plus propriétaires de l'immeuble, n'ont plus qualité pour demander la démolition de certains ouvrages et l'exécution des travaux préconisés par l'expert.

M. [Y] et Mme [L] répondent que la qualité et l'intérêt à agir s'apprécient au jour de l'introduction de l'instance. Ils indiquent avoir vendu leur immeuble le 31 juillet 2019, épuisés par les troubles subis ayant mis en péril leur vie de famille et leur santé mais ils considèrent que le préjudice qu'ils ont subi mérite indemnisation.

Réponse de la cour

L'article 31 du code de procédure civile ouvre l'action à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

Il n'est pas contesté que lors de l'introduction de l'instance, M. [Y] et Mme [L] avaient qualité pour agir puisqu'ils étaient propriétaires de l'immeuble voisin de celui de la société Saint Vincent. L'existence du droit d'agir ne pouvant être remise en cause par l'effet de circonstances postérieures, la fin de non recevoir n'est pas fondée et sera rejetée.

Sur les travaux réalisés par la société Saint Vincent et leurs conséquences

- Le porche et sa couverture

Moyens des parties

La société Saint Vincent fait plaider qu'elle justifie d'une autorisation administrative de démolir en partie un bâtiment existant ; la photographie du bâtiment avant travaux prouve qu'elle a conservé les gouttières existantes permettant l'évacuation des eaux de pluie sans avoir créé une servitude d'écoulement sur le fonds voisin. Elle indique avoir conservé l'ancienne toiture de la partie à démolir pour la transformer en porche et fait valoir que, contrairement à la position de l'expert, le mur pignon n'est pas la propriété exclusive des intimés, mais mitoyen en application de l'article 653 du code civil, ce qui l'autorise à faire bâtir contre celui-ci et à y placer des poutres ou solives.

M. [Y] et Mme [L] reprochent à la société Saint Vincent, après avoir partiellement démoli un bâtiment contigu à leur immeuble, de l'avoir remplacé par un porche sans autorisation administrative préalable, ouvrage susceptible d'affecter la solidité ou la pérennité de leur bien et qui entraîne des nuisances sonores. Ils ajoutent que les eaux pluviales recueillies par la couverture du porche se déversent sur le dessus du mur pignon leur appartenant pour rejoindre ensuite leurs gouttières avant et arrière, ce qui constitue une servitude de déversemement non autorisée et ils considèrent que la démolition du porche s'impose.

Réponse de la cour

A l'énoncé de l'article 653 du code civil, Dans les villes et les campagnes, tout mur servant de séparation entre bâtiments jusqu'à l'héberge, ou entre cours et jardins, et même entre enclos dans les champs, est présumé mitoyen s'il n'y a titre ou marque du contraire.

Le mur mitoyen est celui qui sépare deux fonds contigus. La contiguïté des fonds séparés par le mur doit être réelle et actuelle. Si cette contiguïté disparaît du fait de la disparition d'un des fonds (disparition physique par destruction ou disparition juridique par expropriation), la mitoyenneté du mur disparaît ( Cass. 1re civ., 28 mars 1966 : D. 1966, 11, p. 503).

En l'espèce, du fait de la démolition de l'immeuble contigu appartenant à la société Saint Vincent, la mitoyenneté du mur a disparu et le mur est la propriété de M. [Y] et de Mme [L]. De ce fait, elle n'était pas autorisée à bâtir contre celui-ci ou à y placer quelque élément que ce soit.

La société Saint Vincent ne peut contester, au vu du permis de construire accordé le 11 août 2008, n'avoir pas eu l'autorisation d'édifier un porche entre les bâtiments, seul un passage libre figurant sur les plans annexés à ce permis.

L'expert a constaté que la couverture actuelle du porche repose sur des pannes existantes enchâssées dans le mur pignon de M. [Y] et Mme [L], alors qu'elles auraient dû être déposées lors de la démolition, seul un passage ouvert sans porche étant projeté et eu égard à ce qui a été dit ci-dessus. De plus, par courrier du 14 octobre 2014, la direction de l'urbanisme de la mairie d'[Localité 6] a confirmé à l'expert qu'aucune demande d'autorisation d'urbanisme n'a été déposée ou accordée pour la construction d'un auvent.

En conséquence, la décision ne peut qu'être confirmée en ce qu'elle ordonne la démolition du porche.

L'expert a également constaté 'qu'une partie des eaux pluviales de cette couverture aussi bien en façade avant qu'en façade arrière non reprise par les gouttières du porche vient s'écouler sur le dessus du mur pignon pour rejoindre les deux gouttières avant et arrière' du bâtiment de M. [Y] et Mme [L].

Aux termes de l'article 681 du code civil, Tout propriétaire doit établir des toits de manière que les eaux pluviales s'écoulent sur son terrain ou sur la voie publique; il ne peut les faire verser sur le fonds de son voisin.

C'est donc à raison que le premier juge a condamné la société Saint Vincent à la reprise des rives de toiture. Sa décision sera confirmée.

- L'implantation d'un coffret EDF et de boîtes aux lettres

Moyens des parties

Pour dire mal fondée la demande relative à la suppression de ces éléments, la société Saint Vincent soutient qu'elle a mis à profit un enfoncement existant du mur pignon résultant de l'ancienne condamnation d'une ouverture entre les fonds, mur qui est mitoyen.

M. [Y] et Mme [L] font plaider que l'appelante a réalisé des enfoncements dans leur mur pignon, ce qui constitue une atteinte à leur droit de propriété par une emprise irrégulière. Ils considèrent que la démolition des ouvrages doit être ordonnée.

Réponse de la cour

L'expert a constaté que 'les boîtes aux lettres et le coffret général EDF sont implantés dans un enfoncement de la maçonnerie du mur pignon des demandeurs... au droit de la pose des coffrets EDF et des boîtes aux lettres, l'épaisseur du mur est de l'ordre d'une dizaine de centimètres créant inévitablement un faible coefficient d'isolation thermique'.

Le mur pignon étant la propriété de M. [Y] de Mme [L], ces installations constituent une atteinte à leur droit de propriété.

Il convient de confirmer le jugement en ce qu'il en ordonne l'enlèvement et le comblement du mur.

Sur la réparation du préjudice des intimés

En ce qui concerne l'humidité des murs de l'immeuble de M. [Y] et de Mme [L], leurs préjudices matériels et immatériels, l'appelante soutient qu'ils n'ont pas qualité à agir, et que les demandes financières sont irrecevables en raison de la prescription.

La cour ayant jugé du contraire, la décision ne peut qu'être confirmée en ce qu'elle statue sur les condamnations financières.

Pour ce qui concerne l'appel incident des intimés, l'appelante considère que M. [Y] et Mme [L] ayant fait le choix de vendre leur maison après avoir obtenu gain de cause en première instance, ils ne peuvent lui imputer la responsabilité de former un recours et elle conclut au rejet de cet appel incident.

M. [Y] et Mme [L] demandent que leur préjudice immatériel soit réparé par le paiement d'une indemnité de 30 000 euros, la non finition de la chaussée et l'absence de traitement en bas de mur ayant entraîné une importante dégradation des lieux d'habitation, ainsi que le font apparaître les photographies produites, pièce n°6, générant des préjudices liés à leur santé. Ils considèrent que l'augmentation de leurs factures de chauffage, pour pallier les effets de l'humidité ambiante, les souffrances de Mme [L], atteinte d'asthme, les perturbations de M. [Y] qui a fait une dépression, excèdent les sujétions normales de voisinage, d'autant que l'appelante n'a pas exécuté le jugement, assorti de l'exécution provisoire, et qu'ils n'ont pu se maintenir dans le lieu envisagé qu'ils avaient imaginé stable et paisible.

Il est certain que l'atteinte portée au droit de propriété de M. [Y] et Mme [L] a généré des perturbations dans leurs conditions d'existence. Cependant le premier juge ayant fait une juste évaluation de leur préjudice, sa décision sera confirmée.

Sur les demandes annexes

Il convient de condamner la société Saint Vincent qui succombe au paiement des entiers dépens d'appel et à verser à M. [Y] et Mme [L] une indemnité de procédure de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la première étant déboutée de sa demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition au greffe, en dernier ressort ;

Déboute la société Saint Vincent MLA de sa demande d'annulation du rapport d'expertise ;

La déboute de ses fins de non recevoir tirées de la prescription de l'action et du défaut de qualité à agir de M. [T] [Y] et Mme [U] [L] ;

Confirme le jugement, en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant ;

Déboute la société Saint Vincent MLA de sa demande d'indemnité de procédure ;

La condamne au paiement des entiers dépens d'appel et d'une indemnité de procédure de 2 000 euros à M. [T] [Y] et Mme [U] [L].

Arrêt signé par Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de Chambre et Mme Karine DUPONT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/01560
Date de la décision : 09/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 15/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-09;21.01560 ?
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