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05/07/2024 | FRANCE | N°22/02032

France | France, Cour d'appel d'Orléans, Chambre sociale, 05 juillet 2024, 22/02032


C O U R D ' A P P E L D ' O R L É A N S

CHAMBRE SOCIALE - A -

Section 2

PRUD'HOMMES

Exp +GROSSES le 5 juillet 2024 à



la SELARL GILLET

M. [E]



LD





ARRÊT du : 5 JUILLET 2024



MINUTE N° : - 24



N° RG 22/02032 - N° Portalis DBVN-V-B7G-GULA



DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE TOURS en date du 07 Juillet 2022 - Section : COMMERCE







APPELANTE :



Madame [U] [X] épouse [P]
>née le 09 Janvier 1965 à [Localité 6]

[Adresse 1]

[Localité 2]





représentée par M. [N] [E] (Délégué syndical ouvrier)



ET



INTIMÉS :



S.A.R.L. TRANSPORTS [P]

[Adresse 4]

[Localité 3]





rep...

C O U R D ' A P P E L D ' O R L É A N S

CHAMBRE SOCIALE - A -

Section 2

PRUD'HOMMES

Exp +GROSSES le 5 juillet 2024 à

la SELARL GILLET

M. [E]

LD

ARRÊT du : 5 JUILLET 2024

MINUTE N° : - 24

N° RG 22/02032 - N° Portalis DBVN-V-B7G-GULA

DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE TOURS en date du 07 Juillet 2022 - Section : COMMERCE

APPELANTE :

Madame [U] [X] épouse [P]

née le 09 Janvier 1965 à [Localité 6]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par M. [N] [E] (Délégué syndical ouvrier)

ET

INTIMÉS :

S.A.R.L. TRANSPORTS [P]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Jean-yves GILLET de la SELARL GILLET, avocat au barreau de TOURS

Monsieur [G] [P]

né le 20 Avril 1962 à [Localité 5]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représenté par Me Jean-yves GILLET de la SELARL GILLET, avocat au barreau de TOURS

Ordonnance de clôture : 1 MARS 2024

Audience publique du 28 Mars 2024 tenue par Mme Laurence DUVALLET, Présidente de chambre, et ce, en l'absence d'opposition des parties, assistée lors des débats de Mme Fanny ANDREJEWSKI-PICARD, Greffier,

Après délibéré au cours duquel Mme Laurence DUVALLET, Présidente de chambre a rendu compte des débats à la Cour composée de :

Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre, présidente de la collégialité,

Monsieur Xavier AUGIRON, conseiller,

Madame Anabelle BRASSAT-LAPEYRIERE, conseiller,

Puis le 5 juillet 2024, Mme Laurence DUVALLET, présidente de Chambre, présidente de la collégialité, assistée de Mme Fanny ANDREJEWSKI-PICARD, Greffier a rendu l'arrêt par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

Selon contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel, Mme [U] [X] divorcée [P], née en 1965, a été engagée à compter du 2 août 2022 par la sociétéTransports [P] en qualité d'employée de bureau. Elle a ensuite travaillé à temps complet.

La relation de travail était régie par la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950.

Du 29 mars 2015 au 3 mars 2016, Mme [P] a assuréla gérance de la société.

Par jugement du tribunal de commerce de Tours du 13 décembre 2016, la société Transports [P] a été placée en redressement judiciaire, la SELARL Ajassociés étant désignée administrateur judiciaire et Me [S] mandataire judiciaire.

Par ordonnance du 13 février 2017, le juge commissaire a autorisé le licenciement d'un salarié occupant le poste de secrétaire au cours de la période d'observation.

Le 9 février 2017, Mme [X] a été convoquée à un entretien préalable au licenciement par lettre recommandée avec accusé de réception. L'entretien préalable

a eu lieu le 20 février 2017.

Le 24 février 2017, Mme [X] a été licenciée pour motif économique.

Le 9 mars 2017, Mme [X] a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle.

La relation contractuelle a pris fin le 13 mars 2017.

La société est redevenue in bonis par l'effet du jugement du 13 décembre 2017 arrêtant

le plan de redressement.

Par requête du 18 juillet 2018, Mme [X] a saisi le conseil de prud'hommes de Tours

aux fins notamment de contester son licenciement économique, d'obtenir la remise de

divers documents et le paiement de diverses sommes. Le 8 mars 2019, la juridiction

a ordonné la radiation de l'affaire pour défaut de diligences de la partie demanderesse.

Par conclusions déposées le 10 mars 2020, Mme [X] a sollicité que son affaire soit

réinscrite au rôle.

Par conclusions du 23 avril 2021, elle a assigné en intervention forcée M. [P], on époux, en sa qualité de gérant de la société.

Le divorce du couple [P] [X] a été prononcé par jugement du 16 septembre 2021.

Par jugement du 7 juillet 2022, auquel il est renvoyé pour un plus ample exposé du litige, le conseil de prud'hommes de Tours a :

Débouté Mme [P] [U] de l'ensemble de ses demandes ;

Condamné Mme [P] [U] à régler la somme de 1000 euros à la SARL Transports [P] [G] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Débouté M. [P] [G] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code

de procédure civile ;

Laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens.

Le 11 août 2022, Mme [U] [X] a relevé appel de cette décision.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions remises au greffe le 5 avril 2023 auxquelles il est renvoyé

pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à Particle 455 du

Code de procédure civile et aux termes desquelles Mme [U] [X]demande

à la cour de :

infirmer, en toutes ses dispositions, le jugement rendu entre les parties par le Conseil

de Prud'hommes de Tours le 7 juillet 2022.

Et, statuant là, nouveau en y ajoutant,

Dire et juger que la demande en contestation du licenciement économique n'est pas prescrite.

Déclarer Mme [X] recevable en ses demandes, et en particulier en sa demande de

dommages-intérêts pour discrimination.

Condamner solidairement la SARL Transports [P] et M. [G] [P] à payer à

Mme [U] [X] divorcée [P] les sommes suivantes :

-712,49 euros à titre de rappel de salaire (février 2017),

- 71,25 euros à titre de congés payés afférents,

- 4 157,38 euros net à titre de rappel sur solde de tout compte,

- 1 677,46 euros net à titre de remboursement des retenues injustifiées (mars 2017),

- 563,74 euros net à titre de remboursement de frais professionnels,

- 4 318,12 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 431,81 euros à titre de congés payés afférents, `

- 5 000,00 euros à titre de dommages-intérêts pour discrimination liée à la situation familiale,

- 30 000,00 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse,

- 3 000,00 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure

civile,

- Les intérêts moratoires sur ces condamnations, au taux légal à compter de la date de

saisine du conseil de prud'hommes, et ce avec capitalisation annuelle desdits intérêts

selon les modalités fixées par l'article 1343-2 du code civil.

Ordonner à la SARL Transports [P] d'adresser à Mme [U] [X] divorcée [P], dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt à venir et sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document :

- Un bulletin de paie afférent aux condamnations salariales,

- Un certificat de travail rectifié,

- Une attestation Pôle emploi rectifiée

Débouter la SARL Transports [P] et M. [G] [P] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions.

***

Vu les dernières conclusions remises au greffe le 4 janvier 2023 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'articIe 455 du Code de procédure civile et aux termes desquelles la société Transports [P] et M. [G] [P] demande à la cour de :

Juger la SARL Transports [P] recevable et bien fondée en ses demandes, fins et prétentions ;

Juger M. [G] [P] recevable et bien fondé en ses demandes, fins et prétentions;

Débouter Mme [U] [X] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

En conséquence,

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il n'a pas retenu la prescription de l'action en contestation de licenciement économique de Mme [X] et en ce qu'il a accueilli la demande nouvelle de dommages-intérêts de Mme [X] fondée sur la discrimination;

Statuant de nouveau ;

Juger Mme [X] irrecevable en sa demande de contestation de son licenciement économique en raison de la prescription acquise ;

Juger irrecevable la demande nouvelle de Mme [X] fondée sur la discrimination;

Confirmer le jugement entrepris pour le surplus ;

Condamner Mme [X] d'avoir à verser à la SARL Transports [P] et à M. [G] [P] à la somme de 3.000 euros chacun au titre de l'article 700 du Code de Procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 1er mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la fin de non-recevoir soulevée par la S.A.R.L. Transport [P] :

La société [P] Transport invoque la prescription de l'action introduite par la salariée comme tardive au regard des dispositions de l'article L.1233-67 du code du travail . Elle invoque l'inapplicabilité des dispositions dérogatoires posées par l'article 2236 du Code civil arguant que l'embauche a été réalisée par la société et non par l'époux. De plus, elle soulève l'irrecevabilité des demandes relatives à la discrimination qui n'ont été introduites qu'au moment de la réinscription au rôle soit le 10 mars 2020 , précisément pour contourner la prescription applicable à la demande au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Mme [X] s'oppose à cette fin de non recevoir se fondant sur la suspension prévue à l'article 2236 du Code civil et la discrimination liée à sa situation familiale, fixée à 5 ans. Elle fait encore valoir les dispositions de l'article L.1471-1 du Code du travail, dans leur version applicable au litige, prévoyant un délai de prescription de deux ans . Enfin, elle fait valoir que la discrimination se rattache par un lien suffisant aux demandes initiales.

Sur la prescription biennale de l'article L.1471-1 du code du travail:

Au cas particulier, Mme [X] a été licenciée après acceptation du contrat de sécurisation professionnelle le 9 mars 2017, la rupture étant intervenue le 13 mars suivant. Cette situation est régie non par l'article L.1471-1 du code du travail mais par les dispositions de l'article L.1233-67 du code du travail qui prévoit un délai d'un an à compter de l'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle pour contester le motif de la rupture.

Il y a lieu de rejeter ce moyen tiré des dispositions de l'article L.1471-1 du code du travail.

Sur la prescription quinquennale liée à une discrimination

Les actions relatives à la discrimination sont soumises au délai de droit commun de l'article 2224 du code civil, soit 5 ans, par dérogation aux dispositions de l'article L.1471-1 du code du travail.

Mme [X] a saisi la juridiction prud'homale par requête du 18 juillet 2018 aux fins de contester son licenciement économique, entre dire qu'il est dépourvu de cause réelle et sérieuse et obtenir la condamnation de la société à lui payer des dommages-intérêts à ce titre et des rappels de salaire et frais professionnels.

Mme [X] a soulevé pour la première fois dans ses écritures du 10 mars 2020 tendant à la réinscription de l'affaire, la nullité de son licenciement invoquant une discrimination en lien avec sa situation de famille et a demandé le paiement de dommages-intérêts pour licenciement nul et pour discrimination.

Bien que la suppression du principe de l'unicité de l'instance empêche la présentation de nouvelles demandes pour toute instance introduite après le 1er août 2016, la demande en nullité au titre d'un licenciement discriminatoire apparaît recevable en application des articles 70 et 565 du code de procédure civile, dès lors qu'elle porte également sur la contestation de la rupture du contrat de travail, présentée sur un fondement différent et qu'elle présente ainsi un lien suffisant la rattachant à la prétention initiale. En application de l'article 566 du code de procédure civile, la demande en paiement de dommages-intérêts pour discrimination apparaît également recevable dès lors qu'elle est un accessoire ou un complément nécessaire de la demande en nullité du licenciement.

Il convient dès lors de déclarer recevables les demandes de Mme [X] présentées au titre d'un licenciement nul et d'une discrimination.

- Sur la nullité du licenciement et la discrimination

L'article L. 1132-1 du code du travail interdit à l'employeur de prendre en considération la situation de famille du salarié ou candidat pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail.

En application de l'article L.1134-1 du code du travail, il appartient au salarié qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de soumettre au juge les éléments de faits laissant supposer l'existence d'une discrimination et il appartient à l'employeur qui conteste le caractère discriminatoire d'établir que les mesures prises sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Au cas d'espèce, Mme [X] soutient avoir été licenciée en raison du conflit existant avec son époux, gérant de la société, et de la procédure de divorce et conteste la réalité du motif économique.

La SARL Transports [P] confirme l'existence d'une séparation de fait, précisant que Mme [X] aurait quitté le domicile conjugal depuis 2010, point qui n'est pas particulièrement contesté.

Il est ainsi établi un élément pouvant laisser supposer l'existence d'une discrimination.

Il est cependant établi par la SARL Transports [P] que SARL Transports [P] a engagé la procédure de divorce postérieurement à son licenciement, la requête datant du 21 mars 2017 et que Mme [X] a ainsi continué de travailler auprès de la société après la séparation de fait, étant observé qu'il n'est justifié d'aucun élément en faveur d'une situation conjugale conflictuelle. Il apparaît surtout que le licenciement d'un salarié appartenant à la catégorie professionnelle de secrétaire a été envisagé par les organes de la procédure collective désignés dans le cadre du redressement judiciaire qui ont fait état dans leur requête d'une situation économique dégradée et chiffrée et d'une désorganisation administrative et comptable de la SARL Transports [P] ; que le licenciement a été autorisé par ordonnance rendue le 13 février 2017 par le juge commissaire qui a visé le projet de réorganisation et le caractère urgent et indispensable du licenciement. Celui-ci a été mis en oeuvre par l'administrateur judiciaire et Mme [X] n'évoque aucun moyen justifiant qu'elle n'était pas la seule à occuper le poste de secrétaire.

Il en ressort que la SARL Transports [P] établit que la mesure de licenciement est sans lien avec la situation familiale de Mme [X] et étrangère à toute discrimination.

Elle sera, par voie de confirmation, déboutée de sa demande en nullité du licenciement et en paiement de dommages-intérêts pour discrimination.

- Sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse

En l'absence de toute discrimination, la demande présentée par Mme [X] au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse présentée sur un autre fondement tiré de l'absence de motif économique et et de manquement à l' obligation de reclassement est régie par les règles de prescription spécifiques applicables à la rupture du contrat de travail pour motif économique avec acceptation du contrat de sécurisation professionnelle.

L'article L.1233-67 du code du travail a instauré une prescription abrégée de 12 mois à compter de l'adhésion au contrat de sécurisation professionnelle.

Aux termes de l'article L1233-67 du Code du travail, dans son alinéa 1, «l'adhésion du salarié au contrat de sécurisation professionnelle emporte rupture du contrat de travail. Toute contestation portant sur la rupture du contrat de travail ou son motif se prescrit par douze mois à compter de l'adhésion au contrat de sécurisation professionnelle. Ce délai n'est opposable au salarié que s'il en a été fait mention dans la proposition de contrat de sécurisation professionnelle.»

Il résulte de la lettre de licenciement de Mme [U] [X], qui inclut l'information relative au contrat de sécurisation professionnelle et la remise d'un bulletin d'adhésion, qu'elle a été informée que toute contestation relative à la régularité ou la validité de son licenciement doit être soumise au tribunal compétent dans un délai de douze mois, élément non contesté.

Mme [X] a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle le 9 mars 2017 et avait jusqu'au 9 mars 2018 pour contester devant la juridiction prud'homale la rupture de son contrat de travail ou son motif .

Il est constant que Mme [X] a saisi le conseil de prud'hommes par requête du 16 juillet 2018 - réceptionnée par le greffe le 18 juillet -, et que sa demande est tardive au regard des prescriptions de l'article L.1233-67 du code du travail.

Mme [X] soutient que le délai était suspendu en application de l'article 2236 du code civil.

Les dispositions de l'article 2236 du Code civil précisent que la prescription «ne court pas ou est suspendue entre époux, ainsi qu'entre partenaires liés par un pacte civil de solidarité.»

Il convient de rejeter l'argumentation de Mme [X] selon laquelle la prescription serait suspendue jusqu'au prononcé du divorce entre elle-même et son époux, gérant de la SARL [P] Transport , dès lors que celle-ci a été engagée en qualité de salariée par la SARL [P] Transport, personne morale, peu important qu'elle en soit également associée. Le fait que Mme [X] mette en cause, en cours d'instance la responsabilité de son ex-époux dans la survenance des difficultés économiques, n'est pas de nature à modifier cette appréciation.

Il résulte de ces éléments que la demande en contestation du licenciement économique de Mme [X] est prescrite et doit être déclarée irrecevable à l'égard de la S.A.R.L. Transport [P] [G] qui soulève cette fin de non-recevoir.

Le jugement entrepris qui a dit non prescrite l'action de Mme [X] sera infirmé.

Les demandes financières subséquentes à un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse économique sont également irrecevables.

Sur la demande de rappel de salaire

Mme [U] [X] reproche aux premiers juges de l'avoir déboutée de sa demande de rappel de salaire, portant sur la période du 21 au 28 février 2017, et soutient que la réponse de l'employeur révèle une sanction pécuniaire illicite. Elle produit un bulletin de salaire de février 2017.

La SARL Transports [P] était placée en redressement judiciaire à cette date et il revenait aux organes de la procédure collective de procéder au paiement des salaires du personnel.

Il est produit un relevé d'opérations bancaires du Crédit Agricole de la société, indiquant un virement effectué le 28 février 2017 avec l'intitulé«virement web [P] [I] [K] rémuner.» (Pièce n°6 du dossier employeur). Il ressort de cette pièce que Mme [X] a perçu un salaire net de 1 700,00 euros pour le mois de février 2017 tandis que son salaire net s'élève à 1 661,64 euros (pièce n°7 du dossier employeur).

En raison de ce trop perçu, les organes de la procédure ont bloqué l'accès internet aux comptes bancaires et ont établi en lien avec l'expert comptable, ainsi que cela résulte d'échanges de courriels produits aux débats, des bulletins de salaire de régularisation, faisant apparaître le trop perçu de 38,36 euros. Deux autres bulletins de paie ont été établis pour tenir compte de la prise en charge par l'A.G.S. du salaire entre le 21 février et le 28 février 2017.

Ces opérations ont été effectuées sans qu'on puisse les qualifier de sanction financière illicite dès lors qu'il s'agissait de régulariser une situation pour la mettre en conformité avec la réalité de la situation de la SARL Transports [P] placée en redressement judiciaire .

Mme [X] ne conteste pas avoir reçu les fiches de salaire fournies par l'employeur ni avoir perçu la somme de 1700 euros.

Il apparaît ainsi qu'elle a été remplie de ses droits.

Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur le rappel de solde de tout compte

Pour justifier sa demande de rappel de salaire, Mme [X] produit sa fiche de paie du mois de mars 2017, sur laquelle apparaît une somme nette de 16 692,02 euros (pièce n°2).

Elle verse aux débats la copie d'un chèque d'un montant de 8 472,61 euros (pièce n°9) et d'un autre d'un montant de 4 062,03 euros adressés par Me [G], administrateur judiciaire de la société (pièce n°10). De plus, elle justifie lui avoir adressé le 3 juillet 2017 une lettre dans laquelle elle demande la régularisation de son solde de tout compte et la somme lui restant dûe, soit 4157,38 euros (pièce n°11).

L'employeur, quant à lui, produit un courrier de l'administrateur judiciaire daté du 31 mars 2017, adressé à Mme [X] dans lequel il indique que le paiement de son solde de tout compte sera effectué par Me [S], mandataire judiciaire saisi en vue de la prise en charge par l'A.G.S. des indemnités dues dans le cadre du solde de tout compte après validation par cet organisme, notamment au regard du nombre de congés payés (pièce n°8). La SARL Transports [P] expose que Mme [X] a cumulé 123 jours de congés payés jusqu'au 13 mars 2017, correspondant à 4 années et que des vérifications ont été entreprises sur cette situation ne correspondant pas à la réalité.

La cour relève toutefois qu'il n'est produit aucune pièce sur la suite apportée à ces vérifications. Il n'est produit aucun reçu pour solde de tout compte signé et la SARL Transports [P] ne fournit aucun élément permettant de justifier la limitation de la créance de la salariée à la somme de 12 534,64 euros, ni qu'elle a effectivement versé la somme de 16 692,02 euros mentionnée sur la dernière fiche de paie du mois de mars 2017 comme étant due à Mme [X].

Par voie d'infirmation du jugement entrepris, il y a lieu de condamner la S.A.R.L. Transport [P] à payer à Mme [U] [X] la somme de 4 157,38 euros.

Sur la restitution des sommes retenues sur le bulletin du mois de mars 2017

Mme [X] sollicite le paiement d'une somme nette de 1 667,46 euros, qui a été retenue par l'employeur au motif d'un trop-perçu sur la période allant de 2014 à 2017.

Elle invoque l'existence d'une sanction pécuniaire illicite, prohibée par l'article L.1331-2 du Code du travail.

La cour rappelle que la répétition de l'indu du salaire ne peut être considérée comme une sanction pécuniaire.

L'employeur produit un tableau de rapprochement des salaires échus et des virements effectués à son profil par Mme [X] d'un montant systématiquement arrondi à la somme de 1700 euros, ladite pièce emportant la conviction de la cour.

Ainsi, entre octobre 2014 et février 2017 ' à l'exception des périodes de gérance entre avril 2015 et mars 2016 - Mme [X] a perçu la somme de 28 297,16 euros, alors qu'elle aurait dû percevoir au titre de son travail la somme de 26 658,06 euros.

Le différentiel, en faveur de l'employeur, s'élève à 1 639,10 euros outre la somme de 38,36 euros correspondant à un trop perçu.

Mme [X] ne conteste pas le montant trop perçu.

La somme de 1677,46 euros a été intégralement récupérée par l'employeur lors du départ de la salariée, sur son solde de tout compte.

Par conséquence, il apparaît que c'est à juste titre que l'employeur a procédé à la compensation en retenant sa créance sur les indemnités de fin de contrat la dette établie.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [X] de sa demande présentée à ce titre.

Sur la demande de remboursement des frais professionnels

Mme [X] sollicite le remboursement de la somme de 563,74 euros au titre des frais professionnels. Elle produit un courrier adressé à l'administrateur judiciaire le 16 février 2017, sollicitant le remboursement des frais engagés entre le 14 décembre 2016 et le 20 février 2017, sans autre précisions (pièce n°5). Le 24 février 2017, elle lui a adressé un autre courrier détaillant une note de frais : carburant (404,44 euros), frais postaux (15,27 euros), stationnement (10,50 euros), frais de bureau (63,23 euros), restaurant (70,30 euros), soit un total de 563,74 euros. Dans une lettre datée du 3 juillet 2017 elle sollicite à nouveau le remboursement de ses frais.

L'employeur produit un extrait du grand livre, indiquant des remboursements de frais professionnels d'un montant de 46 742,12 euros sur la période allant du 1er octobre 2012 au 6 décembre 2016. Il affirme que seulement 9 461,88 euros de ces frais sont justifiés (pièce n°10). Il ne peut toutefois être tiré aucune conclusion de cette allégation quant à la demande présentée à la cour.

Ainsi que le relève l'employeur Mme [X] a effectué deux pleins de carburant, le même jour, le 14 décembre 2016, pour un montant de 35,01 euros et 60,20 euros . La cour observe qu'elle demande également un remboursement de parking pour le 17 décembre 2016, qui était un samedi alors qu'elle ne travaille pas ce jour de la semaine.

Mme [X] ne justifie pas de la réalité des déplacements professionnels qui auraient justifié l'engagement de frais de carburant et de restauration dont elle demande le remboursement, ni que les frais engagés étaient nécessaires pour les besoins de la société.

Il y a lieu, par voie de confirmation du jugement entrepris de débouter Mme [X] de sa demande de remboursement des frais professionnels.

Sur la demande de remise des documents de rupture

Il sera ordonné à la société de remettre à Mme [X] un bulletin de paie afférent au rappel de salaire, un certificat de travail rectifié, une attestation Pôle Emploi rectifiée conformes au présent arrêt, dans un délai d'un mois suivant la signification du dit arrêt, sans qu'il soit néanmoins nécessaire de prononcer une astreinte à cette fin.

Sur les intérêts moratoires

Les condamnations qui concernent des créances salariales sont assorties d'intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation. L'application de l'article 1343-2 du code civil est ordonnée.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Il y a lieu d'infirmer le jugement déféré en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

L'équité commande de laisser aux parties la charge de leurs frais non compris dans les dépens exposés en premiere instance et en cause d'appel. Les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

La société Transport [P] qui succombe partiellement, supportera la charge des dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Déclare recevable les demandes de Mme [U] [X] en nullité de son licenciement et en paiement de dommages-intérêts pour discrimination ;

Infirme le jugement rendu le 7 juillet 2022 par le conseil de prud'hommes de Tours, mais seulement en ce qu'il a écarté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en contestation du licenciement économique et rejeté les demandes subséquentes, en ce qu'il a débouté Mme [U] [X] de sa demande en paiement d'un rappel de solde de tout compte et condamné Mme [U] [X] à payer à la SARL Transports [P] la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le confirme pour le surplus';

Statuant à nouveau des chefs infirmés et ajoutant,

Dit que les demandes tendant à dire le licenciement économique dépourvu de cause réelle et sérieuse et demandes financières subséquentes présentées par Mme [U] [X] sont irrecevables comme prescrites ;

Condamne la S.A.R.L. Transports [P] [G] à payer à Mme [U] [X] la somme de 4 157,38 euros au titre du rappel sur solde de tout compte,' avec intérêts au taux légal à compter de la réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation ;

Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du Code civil';

Ordonne à la S.A.R.L. Transport [P] [G] de remettre à Mme Mme [U] [X] un bulletin de paie, un certificat de travail et une attestation Pôle emploi conformes aux dispositions du présent arrêt, et ce dans un délai d'un mois à compter de sa signification, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette mesure d'une astreinte';

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile';

Condamne la S.A.R.L. Transports [P] [G] aux dépens d'appel.

Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre, président de la collégialité, et par le greffier

Fanny ANDREJEWSKI-PICARD Laurence DUVALLET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22/02032
Date de la décision : 05/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-05;22.02032 ?
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