COUR D'APPEL D'ORLÉANS
C H A M B R E C I V I L E
GROSSES + EXPÉDITIONS : le 02/07/2024
Me Estelle GARNIER
la SCP STOVEN PINCZON DU SEL
Me Johan HERVOIS
ARRÊT du : 2 JUILLET 2024
N° : - 24
N° RG 23/02275 - N° Portalis DBVN-V-B7H-G3RX
Sur saisine après cassation suite à un arrêt de la Cour de cassation en date du 6 juillet 2023 cassant partiellement un arrêt rendu par la Cour d'Appel de Bourges en date du 16 septembre 2021 (RG 20/00706) statuant sur un appel d'un jugement du tribunal judiciaire de Bourges du 9 juillet 2020 (RG 18/01448)
PARTIES EN CAUSE
DEMANDEUR DEVANT LA COUR DE RENVOI :
Monsieur [R] [G]
né le 28 Septembre 1986 à [Localité 10]
[Adresse 5]
[Localité 2]
représenté par Me Estelle GARNIER, avocat au barreau d'ORLEANS
D'UNE PART
DÉFENDEURS DEVANT LA COUR DE RENVOI :
S.A.M.C.V. MACIF prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège,
[Adresse 3]
[Localité 8]
ayant pour avocat postulant Me Damien PINCZON DU SEL de la SCP STOVEN PINCZON DU SEL, avocat au barreau d'ORLEANS,
ayant pour avocat plaidant Me Elodie SENLY de la SELARL ALCIAT-JURIS, avocat au barreau de BOURGES
L'AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT représentant l'Etat Français
domicilié en cette qualité
[Adresse 6]
[Localité 7]
représentée par Me Johan HERVOIS, avocat au barreau d'ORLEANS
Caisse PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU CHER prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège,
[Adresse 4]
[Localité 1]
non représentée
D'AUTRE PART
DÉCLARATION DE SAISINE en date du : 06 Septembre 2023.
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 25 mars 2024
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats à l'audience publique du 21 Mai 2024 à 14h00, l'affaire a été plaidée devant Madame Anne-Lise COLLOMP, présidente de chambre et Monsieur Laurent SOUSA, conseiller, en charge du rapport, en l'absence d'opposition des parties ou de leurs représentants.
Lors du délibéré, au cours duquel Madame Anne-Lise COLLOMP, présidente de chambre et Monsieur Laurent SOUSA, conseiller, ont rendu compte des débats à la collégialité, la Cour était composée de:
Madame Anne-Lise COLLOMP, Présidente de chambre,
Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller,
Madame Laure- Aimée GRUA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
GREFFIER :
Mme Karine DUPONT, Greffier lors des débats et du prononcé.
ARRÊT :
Prononcé publiquement le 2 juillet 2024 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
***
FAITS ET PROCÉDURE
M. [G] a été victime d'un accident de la circulation le 23 novembre 2009, alors qu'il se rendait à son travail en qualité d'agent de sécurité à la Préfecture de police de [Localité 9].
Selon ordonnance de référé en date du 11 juin 2015, le docteur [H] a été désigné en qualité d'expert médical, lequel a conclu à une consolidation de l'état de santé de M. [G] à la date du 6 janvier 2010.
Par actes d'huissier en date des 2 et 3 octobre 2018, M. [G] a fait assigner la Macif, assureur du véhicule impliqué dans l'accident, et la caisse primaire d'assurance-maladie du Cher devant le tribunal de grande instance de Bourges aux fins d'obtenir réparation de son préjudice corporel et la condamnation de la Macif au paiement d'une pénalité pour défaut d'offre d'indemnisation en application de l'article L.211-9 du code des assurances.
Par jugement du 9 juillet 2020, le tribunal judiciaire de Bourges a :
- dit que la lombosciatique dont a souffert M. [G], et ses suites, sont bien en relation directe avec l'accident du 23 novembre 2009 ;
- condamné la Macif à verser à M. [G] la somme de 38 545 €, dont à déduire les provisions déjà versées, avec intérêts au double du taux légal à compter du 23 juillet 2010 et jusqu'à parfait paiement, à titre d'indemnisation en réparation de son préjudice corporel ;
- condamné la Macif à payer à l'Agent judiciaire de l'État la somme restant due de 30 510,25 € majorée des intérêts à compter du 10 octobre 2019 en application de l'article 1231-6 du code civil ;
- débouté les parties de toutes autres demandes et M. [G] du surplus de ses demandes ;
- condamné la Macif à verser à M. [G] une indemnité de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la Macif à verser à l'agent judiciaire de l'État une indemnité de 1 000 € sur le fondement de ce texte ainsi qu'aux entiers dépens ;
Par déclaration du 7 août 2020, la Macif a interjeté appel de cette décision.
Par arrêt du 16 septembre 2021, la cour d'appel de Bourges a :
- confirmé le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a : rejeté la demande de M. [G] tendant à l'indemnisation du poste de préjudice « frais divers » ; alloué à M. [G] la somme de 11 700 € au titre de l'incidence professionnelle ; alloué à M. [G] une indemnité de 16 000 € au titre du déficit fonctionnel permanent ; dit que l'indemnité allouée à M. [G] portera intérêts au double du taux légal à compter du 23 juillet 2010 ;
Statuant à nouveau des seuls chefs infirmés :
- condamné la Macif à verser à M. [G] la somme de 2 395,95 € au titre du poste de préjudice « frais divers » ;
- débouté M. [G] de ses demandes tendant à l'indemnisation de l'incidence professionnelle et du déficit fonctionnel permanent ;
- dit n'y avoir lieu à application de la sanction du doublement du taux d'intérêt légal prévue à l'article L.211-13 du code des assurances ;
Y ajoutant,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
- rejeté toutes autres demandes, plus amples ou contraires ;
- dit que chaque partie conservera à sa charge les dépens par elle exposés en cause d'appel.
M. [G] a formé un pourvoi en cassation à l'encontre de cet arrêt.
Suivant arrêt du 6 juillet 2023, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt rendu le 16 septembre 2021 par la cour d'appel de Bourges en ce qu'il dit n'y avoir lieu à application de la sanction du doublement du taux d'intérêt légal prévue à l'article L.211-13 du code des assurances et condamné la société Macif
à payer à l'Agent judiciaire de l'État la somme de 30 510,25 euros majorée des intérêts à compter du 10 octobre 2019 en application de l'article 1231-6 du code civil, et renvoyé les parties devant la cour d'appel d'Orléans, dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt.
La Cour de cassation a ainsi retenu :
- une violation des articles L.211-9 et L.211-13 du code des assurances, au motif que la cour d'appel avait dit n'y avoir lieu à application de la sanction du doublement du taux légal d'intérêt, alors qu'il résultait de ses propres constatations que l'assureur n'avait pas fait d'offre, même présentant un caractère provisionnel, dans le délai de huit mois à compter de l'accident, le seul paiement d'une provision ne pouvant suppléer la présentation d'une offre ;
- une violation des articles 29 et 31 de la loi n 85-677 du 5 juillet 1985 et le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime, au motif que la cour d'appel a condamné l'assureur à payer à l'Agent judiciaire de l'État certaines sommes au titre de la rente accident du travail et du traitement maintenu à la victime, sans évaluer préalablement, poste par poste, les préjudices de la victime résultant des pertes de gains professionnels et de l'incidence professionnelle, sans préciser quels postes de préjudice avaient été pris en charge par les sommes versées par l'Agent judiciaire de l'État ni procéder aux imputations correspondantes ;
- un défaut de base légale, au motif que la cour d'appel a condamné l'assureur à payer à l'Agent judiciaire de l'État une certaine somme au titre des charges patronales, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les sommes réclamées au titre des charges patronales étaient en lien avec l'accident.
Par déclaration du 6 septembre 2023, M. [G] a saisi la cour d'appel d'Orléans aux fins de statuer sur renvoi après cassation.
M. [G] a fait signifier la déclaration de saisine à la CPAM du Cher et fait assigner celle-ci devant la cour d'appel d'Orléans, par acte délivré à personne morale le 12 octobre 2023. La CPAM du Cher n'a pas constitué avocat.
Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 5 mars 2024 et signifiées à la CPAM du Cher le 25 janvier 2024, M. [G] demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il condamne la Macif à lui payer les intérêts au double du taux légal à compter du 23 juillet 2010 sur le montant de son indemnisation ;
- débouter la Macif de toutes demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires aux présentes, ainsi que de son appel incident ;
Statuer ce que de droit sur les demandes de l'Agent judiciaire de l'État ;
Ajoutant à la décision entreprise,
- condamner la Macif à lui payer la somme totale de 5 000 €, par application de l'article 700 du code de procédure civile, en remboursement des frais irrépétibles exposés tant devant la cour d'appel de Bourges que devant la cour de céans, ainsi qu'aux dépens d'appel exposés tant devant la cour d'appel de Bourges que devant la cour de céans, et accorder à Maître Estelle Garnier le droit prévu à l'article 699 du code de procédure civile.
Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 8 janvier 2024, et signifiées à la CPAM du Cher le 6 février 2024 l'Agent judiciaire de l'État demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la Macif à lui payer la somme due de 30 510,25 euros majorée des intérêts à compter du 10 octobre 2019 en application de l'article 1231-6 du code civil ;
Y ajoutant,
- condamner la Macif à lui payer la somme de 1 934,20 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la présente instance d'appel ;
- condamner la Macif aux entiers dépens de la présente instance d'appel ;
- débouter la Macif de l'ensemble de ses demandes, fins ou prétentions plus amples ou contraires.
Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 5 janvier 2024, la société Macif demande à la cour de :
- juger qu'elle a formulé une offre dès le mois de février 2010 ;
- débouter M. [G] de sa demande relative au paiement d'une indemnité pour non-respect de la procédure d'offre ;
- juger infondées les demandes de l'Agent judiciaire de l'État au titre de sa créance définitive ;
- débouter l'Agent judiciaire de l'État de ses demandes ;
Y faisant droit,
- infirmer le jugement en ce qu'il a dit y avoir application de la sanction du doublement du taux d'intérêt légal prévu à l'article L.211-13 du code des assurances ;
- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à l'Agent judiciaire de l'État la somme de 30 510,25 euros majorés des intérêts à compter du 10 octobre 2019 en application de l'article 1231-6 du code civil ;
- condamner M. [G] et l'Agent judiciaire de l'État au paiement d'une somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions.
MOTIFS
Sur le doublement du taux d'intérêt légal de l'indemnité allouée à la victime
Moyens des parties
M. [G] soutient que la Macif n'a formulé aucune offre d'indemnisation, qu'elle soit définitive ou provisionnelle, dans le délai de 8 mois ayant couru à compter du 23 novembre 2009et expiré le 23 juillet 2010 ; que le raisonnement de l'assureur retenu par la cour d'appel de Bourges a été censuré par la Cour de cassation, au motif que le seul paiement d'une provision ne peut suppléer la présentation d'une offre ; que, dès lors qu'il était constaté que l'assureur n'avait pas fait d'offre, même présentant un caractère provisionnel dans le délai de 8 mois à compter de l'accident, la sanction prévue à l'article L.211-13 du code des assurances doit, automatiquement,
s'appliquer ; que c'est de manière purement et simplement mensongère, et sans fournir la moindre pièce justificative pour rapporter la preuve de son affirmation à ce titre, que la Macif demande à voir juger qu'elle a formulé une offre dès le mois de février 2010 ; que le jugement entrepris ne pourra qu'être confirmé en ce qu'il a accueilli la demande d'application de la sanction prévue à l'article L.211-3 du code des assura
nces.
La Macif réplique que, dès le 26 février 2010, une provision de 200 € a été versée à M. [G] puis le 13 mai 2010 une deuxième provision de 300 € ; que sur la base du rapport du docteur [P] du 17 septembre 2012 fixant la date de consolidation au 6 janvier 2010, il a été fait une offre par courrier du 7 décembre 2012 ; que son offre est d'autant plus sérieuse que l'expert judiciaire est arrivé aux mêmes conclusions ; qu'on ne peut reprocher à un assureur de ne pas avoir fait une offre sur la base d'une expertise unilatérale réalisée le 23 mars 2016 ; que la décision du tribunal judiciaire de Bourges sera en conséquence infirmée sur ce point, dès lors qu'elle a versé dans le délai du huit mois des provisions à hauteur de 500 €.
Réponse de la cour
L'article L.211-9 du code des assurances dispose :
« Quelle que soit la nature du dommage, dans le cas où la responsabilité n'est pas contestée et où le dommage a été entièrement quantifié, l'assureur qui garantit la responsabilité civile du fait d'un véhicule terrestre à moteur est tenu de présenter à la victime une offre d'indemnité motivée dans le délai de trois mois à compter de la demande d'indemnisation qui lui est présentée. Lorsque la responsabilité est rejetée ou n'est pas clairement établie, ou lorsque le dommage n'a pas été entièrement quantifié, l'assureur doit, dans le même délai, donner une réponse motivée aux éléments invoqués dans la demande.
Une offre d'indemnité doit être faite à la victime qui a subi une atteinte à sa personne dans le délai maximum de huit mois à compter de l'accident. En cas de décès de la victime, l'offre est faite à ses héritiers et, s'il y a lieu, à son conjoint. L'offre comprend alors tous les éléments indemnisables du préjudice, y compris les éléments relatifs aux dommages aux biens lorsqu'ils n'ont pas fait l'objet d'un règlement préalable.
Cette offre peut avoir un caractère provisionnel lorsque l'assureur n'a pas, dans les trois mois de l'accident, été informé de la consolidation de l'état de la victime. L'offre définitive d'indemnisation doit alors être faite dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de cette consolidation.
En tout état de cause, le délai le plus favorable à la victime s'applique ».
L'article R.211-40 du code des assurances dispose :
« L'offre d'indemnité doit indiquer, outre les mentions exigées par l'article L.211-16, l'évaluation de chaque chef de préjudice, les créances de chaque tiers payeur et les sommes qui reviennent au bénéficiaire. Elle est accompagnée de la copie des décomptes produits par les tiers payeurs.
L'offre précise, le cas échéant, les limitations ou exclusions d'indemnisation retenues par l'assureur, ainsi que leurs motifs. En cas d'exclusion d'indemnisation, l'assureur n'est pas tenu, dans sa notification, de fournir les indications et documents prévus au premier alinéa ».
L'article L.211-13 du code des assurances dispose que lorsque l'offre n'a pas été faite dans les délais impartis à l'article L.211-9, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêt de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif. Cette pénalité peut être réduite par le juge en raison de circonstances non imputables à l'assureur.
En l'espèce, il n'est pas justifié d'une demande d'indemnisation de M. [G] avant l'introduction de l'action en justice de sorte que le premier aliéna de l'article L.211-9 du code des assurances n'a pas vocation à s'appliquer au présent litige.
M. [G] ayant subi une atteinte à sa personne, la Macif était tenue, en application du second alinéa de l'article L.211-9 du code des assurances, d'adresser une offre d'indemnité à M. [G] dans le délai maximum de huit mois à compter de l'accident.
Il est établi que la Macif a versé à Monsieur [G] une première provision le 26 février 2010, puis une seconde le 13 mai 2010, mais ces provisions ne sont pas assimilables à une offre d'indemnité qui doit être conforme aux dispositions de l'article R.211-40 du code des assurances.
La Macif ne justifiant pas avoir adressé à M. [G] une offre d'indemnité, fût-ce à caractère provisionnel, dans le délai de huit mois à compter de l'accident, étant précisé qu'il n'est allégué que d'une offre d'indemnité en date du 7 décembre 2012, la sanction prévue à l'article L.211-13 du code des assurances est pleinement applicable.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a dit que l'indemnité due par la Macif à M. [G] produit des intérêts au double du taux légal à compter du 23 juillet 2010 jusqu'à parfait paiement.
Sur le recours subrogatoire de l'Agent judiciaire de l'État
Moyens des parties
L'Agent judiciaire de l'État explique qu'en application de l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 et de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, il est fondé à solliciter la condamnation de la Macif, en sa qualité d'assureur du véhicule conduit par le tiers responsable à lui verser les sommes restant dues suivantes : 20 283,27 € au titre de la rémunération versée du 23 novembre 2009 au 30 janvier 2011 (poste d'imputation : perte de gains professionnels actuels), 3 441,88 € au titre de la rente accident du travail (postes d'imputation : perte de gains professionnels et incidence professionnelle), et 6 785,10 € au titre des charges patronales du 23 novembre 2009 au 30 janvier 2011 (non imputables sur le préjudice soumis à recours) ; que la cour ne pourra donc que constater l'imputabilité des prestations versées avec l'accident ; que c'est donc à bon droit qu'après avoir relevé qu'il avait désigné la période allant du 23 novembre 2009 au 30 janvier 2011 pour ce qui concernait le montant des rémunérations maintenues, le tribunal a constaté que la mention de la période à prendre en compte pour le préjudice tiré du paiement des charges patronales, nécessairement identique à la précédente, était affectée d'une erreur de plume ; que tous postes confondus, la créance définitive de l'État s'élève donc à la somme de 30 510,25 euros, qui ne pourra qu'être mise à la charge finale de la Macif.
La Macif fait valoir que les sommes réclamées par l'Agent judiciaire de l'État ne sont en rien imputables à l'accident ; qu'en ce qui concerne les rémunérations, l'Agent judiciaire de l'État demandait le remboursement des rémunérations du 15 octobre 2007 au 14 janvier 2008 alors que l'accident date du 23 novembre 2009 ; que toutefois en page 2 de la même pièce, il est fait état de périodes différentes qui vont du 23 novembre 2009 au 30 janvier 2011 et qui concernent encore des périodes qui ne sont pas en lien avec l'accident du 23 novembre 2009 (hormis la première du 23 novembre 2009 au 30 décembre 2009) ; que la même observation peut être faite pour ce qui concerne les charges patronales ; que cela est d'ailleurs confirmé par la pièce 3 qui émane de la Préfecture de Police, au sujet de l'accident du 23 novembre 2009, qui fait état de ce que M. [G] a interrompu son service du 23 novembre 2009 au 13 décembre 2009 et qu'il a été consolidé en droit commun le 6 janvier 2010 ; que l'administration évaluait alors, et jusqu'au mois de janvier 2018, le montant de sa créance à 2 053,28 € ; que l'Agent judiciaire de l'État justifie lui-même de ce qu'elle a bien réglé cette somme ; que le tribunal évoque de simples erreurs matérielles affectant les demandes, alors que des demandes infondées en droit et en fait ne sauraient être qualifiées de simples erreurs matérielles ; que le tribunal évoque une période du 23 novembre 2019 au 30 janvier 2011, sans la justifier ; que le tribunal l'a condamnée à verser la somme de 30 510,25 € majorée des intérêts à compter du 10 octobre 2019 en application de l'article 1231-6 du code civil ; que cette disposition du jugement sera réformée, le recours subrogatoire de l'Agent Judiciaire de l'État n'ayant pas une vocation indemnitaire.
Réponse de la cour
L'article 29 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 dispose :
« Seules les prestations énumérées ci-après versées à la victime d'un dommage résultant des atteintes à sa personne ouvrent droit à un recours contre la personne tenue à réparation ou son assureur :
[']
2. Les prestations énumérées au II de l'article 1er de l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de l'État et de certaines autres personnes publiques ».
L'article 1er de l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959, dans sa version alors applicable, dispose :
« I.- Lorsque le décès, l'infirmité ou la maladie d'un agent de l'État est imputable à un tiers, l'État dispose de plein droit contre ce tiers, par subrogation aux droits de la victime ou de ses ayants droit, d'une action en remboursement de toutes les prestations versées ou maintenues à la victime ou à ses ayants droit à la suite du décès, de l'infirmité ou de la maladie.
II. - Cette action concerne notamment :
Le traitement ou la solde et les indemnités accessoires pendant la période d'interruption du service ; [...]
Les arrérages des pensions et rentes viagères d'invalidité ainsi que les allocations et majorations accessoires ».
Il résulte de ces dispositions que le recours subrogatoire du tiers payeur n'est pas limité, au titre des rémunérations versées, à la date de consolidation, ainsi que l'a d'ailleurs jugé la Cour de cassation (Crim., 18 octobre 2022, pourvoi n° 21-86.519).
La préfecture de police de [Localité 9], employeur de M. [G], a adressé un décompte de créance à la Macif le 8 janvier 2018, comportant notamment une demande en paiement de 1 409,79 € au titre des traitements, mentionnant :
« Je vous informe que l'intéressé a interrompu son service suite à cet accident du 23 novembre 2009 au 13 décembre 2009 inclus. L'État a continué à lui verser son traitement durant son indisponibilité et a supporté les frais médicaux consécutifs à ses blessures.
Monsieur [R] [G] a été consolidé en droit commun le 6 janvier 2010 ».
Cette demande n'est pas contestée et la Macif a réglé à l'Agent judiciaire de l'État la somme correspondante.
L'Agent judiciaire de l'État produit des fiches de décompte de rémunérations versées par la Préfecture de police de [Localité 9], mentionnant expressément que le service de M. [G] a été interrompu du 23 novembre 2009, date de l'accident, au 30 janvier 2011. Aucun élément ne permet de considérer que l'interruption de service postérieure à la consolidation de droit commun fixée au 6 janvier 2010 avait une autre cause que l'accident dont M. [G] a été victime le 23 novembre 2009, de sorte que l'Agent judiciaire de l'État est fondé à exercer son recours subrogatoire à l'encontre de l'assureur du véhicule impliqué dans l'accident pour le traitement maintenu postérieurement à la date de consolidation.
Le préjudice de gains professionnels futurs doit donc être fixé à la somme de 20 283,27 euros au titre de la rémunération versée à M. [G] du 23 novembre 2009 au 30 janvier 2011, sur lequel l'Agent judiciaire de l'État peut exercer son recours intégral.
L'Agent judiciaire de l'État justifie que suivant arrêté du préfet de police du 19 octobre 2012, il a été alloué à M. [G] un capital accident du travail de 3 441,88 euros en suite de l'accident du travail dont il a été victime le 23 novembre 2009. Cette somme relève du poste de l'incidence professionnelle de l'incapacité subie par M. [G]. L'Agent judiciaire de l'État est fondé à exercer son recours intégral sur l'assiette du poste de l'incidence professionnelle qui s'élève à la somme de 3 441,88 euros.
En conséquence, le recours subrogatoire de l'Agent judiciaire de l'État est fondé à hauteur de la somme totale de 23 725,15 euros (20 283,27 + 3 441,88), à laquelle la Macif sera condamnée.
L'article 32 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 dispose :
« Les employeurs sont admis à poursuivre directement contre le responsable des dommages ou son assureur le remboursement des charges patronales afférentes aux
rémunérations maintenues ou versées à la victime pendant la période d'indisponibilité de celle-ci. Ces dispositions sont applicables à l'État par dérogation aux dispositions de l'article 2 de l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 ».
M. [G] n'ayant pas travaillé entre le 23 novembre 2009 et le 30 janvier 2011 à raison des conséquences dommageables de l'accident, avec maintien du traitement par l'employeur, l'Agent judiciaire de l'État est fondé à exercer un recours direct à l'encontre de la Macif, assureur du véhicule impliqué dans l'accident, au titre des charges patronales supportées pendant cette période d'interruption du service avec maintien du traitement.
Il est justifié que l'employeur a supporté la somme de 7 153,50 euros de charges patronales pendant cette période, pour laquelle il reste dû un montant de 6 785,10 euros qui ne s'impute pas sur les préjudices subis par M. [G]. La Macif sera donc condamnée à verser cette somme à l'Agent judiciaire de l'État au titre de son recours direct.
La créance du tiers payeur, dont le recouvrement est poursuivi par subrogation dans le droit d'action de la victime, n'est pas indemnitaire et se borne au paiement d'une certaine somme, de sorte que le point de départ des intérêts doit être fixé en application de l'article 1153 du code civil, devenu l'article 1231-6 du code civil, ainsi que l'a jugé la Cour de cassation (Ass. plén., 4 mars 2005, pourvoi n° 02-14.316, Bull. civ. 2005, ass. plén., n° 3 ; 2e Civ., 7 février 2008, pourvoi n° 07-11.091, 07-11.269).
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné la Macif à payer à l'Agent judiciaire de l'État la somme restant due de 30 510,25 euros majorée des intérêts à compter du 10 octobre 2019, date de signification de ses conclusions en première instance comportant cette demande en paiement.
Sur les frais de procédure
L'article 639 du code de procédure civile dispose que la juridiction de renvoi statue sur la charge de tous les dépens exposés devant les juridictions du fond y compris sur ceux afférents à la décision cassée.
La Macif sera condamnée aux dépens d'appel exposés tant devant la cour d'appel de Bourges que devant la cour d'appel de renvoi après cassation, avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Il convient également de condamner la Macif à payer la somme de 2 000 euros tant à M. [G] qu'à l'Agent judiciaire de l'État sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,
Statuant sur renvoi après cassation,
CONFIRME le jugement en ce qu'il a :
- dit que les sommes dues par la Macif à M. [G] produisent intérêts au double du taux légal à compter du 23 juillet 2010 et jusqu'à parfait paiement ;
- condamné la Macif à payer à l'Agent judiciaire de l'État la somme restant due de 30 510,25 € majorée des intérêts à compter du 10 octobre 2019 en application de l'article 1231-6 du code civil ;
Y AJOUTANT :
CONDAMNE la Macif à payer à M. [G] la somme complémentaire de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la Macif à payer à l'Agent judiciaire de l'État la somme complémentaire de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la Macif aux entiers dépens d'appel exposés tant devant la cour d'appel de Bourges que devant la présente cour d'appel de renvoi après cassation ;
AUTORISE les avocats de la cause à recouvrer directement et à leur profit, contre la partie condamnée aux dépens, ceux dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision.
Arrêt signé par Mme Anne-Lise COLLOMP, Présidente de Chambre et Mme Karine DUPONT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT