COUR D'APPEL D'ORLÉANS
CHAMBRE DES AFFAIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE
GROSSE à :
SCP AVOCATS CENTRE
CPAM DE L'INDRE
EXPÉDITION à :
[I] [P]
Pôle social du Tribunal judiciaire de CHATEAUROUX
ARRÊT DU : 2 JUILLET 2024
Minute n°273/2024
N° RG 23/01861 - N° Portalis DBVN-V-B7H-G2WD
Décision de première instance : Pôle social du Tribunal judiciaire de CHATEAUROUX en date du 20 Juin 2023
ENTRE
APPELANTE :
CPAM DE L'INDRE
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Mme [Z] [T], en vertu d'un pouvoir spécial
D'UNE PART,
ET
INTIMÉ :
Monsieur [I] [P]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Daniel GUIET de la SCP AVOCATS CENTRE, avocat au barreau de CHATEAUROUX
Dispensé de comparution à l'audience du 7 mai 2024
D'AUTRE PART,
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats :
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 7 MAI 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Nathalie LAUER, Président de chambre, chargé du rapport.
Lors du délibéré :
Madame Nathalie LAUER, Président de chambre,
Madame Férréole DELONS, Conseiller,
Monsieur Xavier AUGIRON, Conseiller.
Greffier :
Monsieur Alexis DOUET, Greffier lors des débats et du prononcé de l'arrêt.
DÉBATS :
A l'audience publique le 7 MAI 2024.
ARRÊT :
- Contradictoire, en dernier ressort.
- Prononcé le 2 JUILLET 2024 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- Signé par Madame Nathalie LAUER, Président de chambre et Monsieur Alexis DOUET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le Magistrat signataire.
* * * * *
Par requête adressée par lettre recommandée avec accusé de réception du 1er septembre 2022 au greffe du Pôle social du tribunal judiciaire de Châteauroux, M. [I] [P] a sollicité l'annulation de la décision de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Indre (ci-après CPAM de l'Indre) de lui infliger une pénalité financière de 5 058 euros, qui lui a été notifiée par lettre recommandée en date du 11 juillet 2022.
Par jugement du 20 juin 2023, ledit tribunal a :
-annulé la décision du 11 juillet 2022 du directeur de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Indre de prononcer une pénalité financière contre [I] [P],
-condamné la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Indre aux dépens,
-débouté les parties de toute autre demande.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 17 juillet 2023, la CPAM de l'Indre a interjeté appel de ce jugement.
Par conclusions réceptionnées le 24 avril 2024, soutenues oralement à l'audience du 7 mai suivant, la CPAM de l'Indre demande à la Cour de :
- infirmer le jugement rendu par le Pôle social du tribunal judiciaire de Châteauroux le 20 juin 2023,
- juger la pénalité financière prononcée à l'encontre de M. [P] fondée,
- condamner M. [I] [P] à payer à la caisse primaire d'assurance maladie la somme de 5 058 euros,
- débouter M. [P] de ses demandes.
Dispensé de comparution conformément à l'article 946 du Code de procédure civile, par conclusions réceptionnées le 29 avril 2024, M. [I] [P] demande à la Cour de :
- confirmer le jugement à tort entrepris qui a prononcé la nullité des pénalités financières d'un montant de 5 058 euros notifiée le 11 juillet 2022 par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Indre à M. [I] [P],
- condamner la caisse primaire d'assurance maladie de l'Indre à payer à M. [I] [P] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles,
- débouter la caisse primaire d'assurance maladie de l'Indre de toutes demandes plus amples ou contraires.
En application de l'article 455 du Code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.
MOTIFS :
- Sur la validité de la pénalité financière
Moyens des parties
La CPAM de l'Indre poursuit l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il a refusé de faire droit à sa demande d'application de la pénalité financière prévue à l'article L.323-6 du Code de la sécurité sociale. La CPAM de l'Indre soutient que le directeur de la caisse peut prononcer une pénalité sans solliciter l'avis de la commission des pénalités financières en cas de fraude, et que constitue une fraude le fait d'avoir exercé sans autorisation médicale une activité rémunérée pendant la période indemnisée au titre de l'arrêt maladie. Elle ajoute qu'en l'espèce, M. [I] [P] a perçu des gains significatifs au titre de son activité sur l'ensemble de la période.
M. [I] [P] conclut à la confirmation du jugement de ce chef. Il expose qu'être en arrêt maladie ou accident du travail n'est pas incompatible avec une activité d'autoentrepreneur, qu'au surplus, en l'espèce, son activité d'autoentrepreneur a été créée le 15 juin 2021 pour être radiée le 11 novembre 2021 et n'a généré aucun chiffre d'affaires. Il ajoute que la vente d'objets lui appartenant ne constitue pas une violation des dispositions de l'article L. 323-6 du Code de la sécurité sociale, et que les contrats de sponsoring ne lui procurent aucune rémunération. S'agissant de ses déplacements en dehors du département, M. [I] [P] soutient être de parfaite bonne foi, qu'il ignorait l'interdiction de sortir du département et avoir indiqué spontanément, en l'absence de toute preuve, à l'agent assermenté avoir quitté le département à deux reprises. Il soutient en conséquence être de parfaite bonne foi et que faute pour la caisse de caractériser la fraude, c'est à tort que celle-ci n'a pas sollicité l'avis de la commission prévue au VII de l'article L. 114-17-1 du Code de la sécurité sociale, la nullité de la pénalité étant ainsi encourue en l'espèce.
Appréciation de la Cour
Il résulte de l'article L. 323-6 du Code de la sécurité sociale que si l'exercice d'une activité non autorisée pendant un arrêt de travail a donné lieu à des revenus d'activité, il peut être prononcé une sanction financière dans les conditions prévues à l'article L. 114-17-1.
Selon l'article L. 114-17-1 du Code de la sécurité sociale :
'III.- Le montant de la pénalité mentionnée au I est fixé en fonction de la gravité des faits reprochés, soit proportionnellement aux sommes concernées dans la limite de 70 % de celles-ci, soit, à défaut de sommes déterminées ou clairement déterminables, réserve faite de l'application de l'article L. 162-1-14-2, forfaitairement dans la limite de quatre fois le plafond mensuel de la sécurité sociale. Il est tenu compte des prestations servies au titre de la protection complémentaire en matière de santé et de l'aide médicale de l'Etat pour la fixation de la pénalité.
En cas de man'uvre frauduleuse ou de fausse déclaration, le montant de la pénalité ne peut être inférieur au montant des sommes concernées, majoré d'une pénalité dont le montant est fixé dans la limite de quatre fois le plafond mensuel de la sécurité sociale.
Le montant de la pénalité est doublé en cas de récidive dans un délai fixé par voie réglementaire.
IV.- Le directeur de l'organisme local d'assurance maladie, de la caisse mentionnée à l'article L. 215-1 ou L. 215-3 ou de l'organisme local chargé de verser les prestations au titre des assurances obligatoires contre les accidents de travail et les maladies professionnelles des professions agricoles notifie les faits reprochés à la personne physique ou morale en cause afin qu'elle puisse présenter ses observations dans un délai fixé par voie réglementaire. A l'expiration de ce délai, le directeur :
1° Décide de ne pas poursuivre la procédure ;
2° Notifie à l'intéressé un avertissement ;
3° Ou saisit la commission mentionnée au V.
A réception de l'avis de la commission, le directeur :
a) Soit décide de ne pas poursuivre la procédure ;
b) Soit notifie à l'intéressé un avertissement ;
c) Soit notifie à l'intéressé la pénalité qu'il décide de lui infliger, en indiquant le délai dans lequel il doit s'en acquitter ou les modalités selon lesquelles elle sera récupérée sur les prestations à venir. La pénalité est motivée et peut être contestée devant le tribunal judiciaire spécialement désigné en application de l'article L. 211-16 du code de l'organisation judiciaire.
En l'absence de paiement de la pénalité dans le délai prévu, le directeur envoie une mise en demeure à l'intéressé de payer dans un délai fixé par voie réglementaire. Lorsque la mise en demeure est restée sans effet, le directeur peut délivrer une contrainte qui, à défaut d'opposition du débiteur devant le tribunal judiciaire spécialement désigné en application de l'article L. 211-16 du code de l'organisation judiciaire, comporte tous les effets d'un jugement et confère notamment le bénéfice de l'hypothèque judiciaire. Une majoration de 10 % est applicable aux pénalités qui n'ont pas été réglées aux dates d'exigibilité mentionnées dans la mise en demeure.
La pénalité peut être recouvrée par retenues sur les prestations à venir. Il est fait application pour les assurés sociaux de l'article L. 133-4-1.
Les faits pouvant donner lieu au prononcé d'une pénalité se prescrivent selon les règles définies à l'article 2224 du code civil. L'action en recouvrement de la pénalité se prescrit par deux ans à compter de la date d'envoi de la notification de la pénalité par le directeur de l'organisme concerné.
Le directeur ne peut concurremment recourir au dispositif de pénalité prévu par le présent article et aux procédures conventionnelles visant à sanctionner les mêmes faits.
V.- La pénalité ne peut être prononcée qu'après avis d'une commission composée et constituée au sein du conseil ou du conseil d'administration de l'organisme local d'assurance maladie, de la caisse mentionnée à l'article L. 215-1 ou L. 215-3 ou de l'organisme local chargé de verser les prestations au titre des assurances obligatoires contre les accidents de travail et les maladies professionnelles des professions agricoles. Lorsqu'est en cause une des personnes mentionnées au 3° du I, des représentants de la même profession ou des établissements concernés participent à cette commission.
La commission mentionnée au premier alinéa du présent V apprécie la responsabilité de la personne physique ou morale dans la réalisation des faits reprochés. Si elle l'estime établie, elle propose le prononcé d'une pénalité dont elle évalue le montant.
L'avis de la commission est adressé simultanément au directeur de l'organisme et à l'intéressé'.
Il résulte de l'article R. 147-11 du Code de la sécurité sociale dans sa version applicable en l'espèce que :
'Sont qualifiés de fraude, pour l'application de l'article L. 114-17-1, les faits commis dans le but d'obtenir ou de faire obtenir un avantage ou le bénéfice d'une prestation injustifiée au préjudice d'un organisme d'assurance maladie, d'une caisse chargée de la prévention et de la tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles ou, s'agissant de la protection complémentaire en matière de santé, de l'aide au paiement d'une assurance complémentaire de santé ou de l'aide médicale de l'Etat, d'un organisme mentionné à l'article L. 861-4 ou de l'Etat, y compris dans l'un des cas prévus aux sections précédentes, lorsque aura été constatée l'une des circonstances suivantes : (')
5° Le fait d'avoir exercé, sans autorisation médicale, une activité ayant donné lieu à rémunération, revenus professionnels ou gains, pendant une période d'arrêt de travail indemnisée au titre des assurances maladie, maternité ou accident du travail et maladie professionnelle. (')'.
La CPAM de l'Indre soutient en l'espèce que M. [I] [P] a perçu 22 025 euros de revenus d'activité alors qu'il était indemnisé au titre de ses arrêts de travails de sorte que la fraude est établie.
Elle ne justifie toutefois d'aucun revenu d'activité perçu par M. [I] [P] au cours de la période considérée.
Or, les revenus d'activité ne sauraient se déduire du simple exercice d'une activité non autorisée.
En effet, si l'exercice d'une activité non autorisée même non rémunérée permet à la caisse de solliciter le remboursement des indemnités journalières versées au cours de ladite période, elle est en revanche insuffisante pour retenir la qualification de fraude au sens de l'article R.147-11 5° du Code de la sécurité sociale.
En l'espèce, la CPAM de l'Indre ne démontre pas que l'activité non autorisée exercée par M. [I] [P] ait généré des revenus. Dès lors, ainsi que l'ont justement retenu les premiers juges, elle devait respecter la procédure prévue à l'article L. 114-17-1 du Code de la sécurité sociale et soumettre en conséquence à la commission mentionnée au V. dudit article la pénalité envisagée avant de la notifier à M. [I] [P].
Il n'est pas contesté en l'espèce que cette commission n'a pas été saisie de sorte que la pénalité doit être annulée.
PAR CES MOTIFS:
Statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu le 20 juin 2023 par le Pôle social du tribunal judiciaire de Châteauroux en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Déboute M. [I] [P] de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamne la CPAM de l'Indre aux dépens d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,