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02/07/2024 | FRANCE | N°23/01834

France | France, Cour d'appel d'Orléans, Chambre sécurité sociale, 02 juillet 2024, 23/01834


COUR D'APPEL D'ORLÉANS



CHAMBRE DES AFFAIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE







GROSSE à :

SCP AVOCATS CENTRE

CPAM DE L'INDRE

EXPÉDITION à :

[N] [K]

Pôle social du Tribunal judiciaire de CHATEAUROUX





ARRÊT DU : 2 JUILLET 2024



Minute n°272/2024



N° RG 23/01834 - N° Portalis DBVN-V-B7H-G2UD



Décision de première instance : Pôle social du Tribunal judiciaire de CHATEAUROUX en date du 20 Juin 2023



ENTRE



APPELANT :

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Monsieur [N] [K]

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représenté par Me Daniel GUIET de la SCP AVOCATS CENTRE, avocat au barreau de CHATEAUROUX

Dispensé de comparution à l'audience du 7 mai 2024





D'UNE PART,



ET
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COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE DES AFFAIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE

GROSSE à :

SCP AVOCATS CENTRE

CPAM DE L'INDRE

EXPÉDITION à :

[N] [K]

Pôle social du Tribunal judiciaire de CHATEAUROUX

ARRÊT DU : 2 JUILLET 2024

Minute n°272/2024

N° RG 23/01834 - N° Portalis DBVN-V-B7H-G2UD

Décision de première instance : Pôle social du Tribunal judiciaire de CHATEAUROUX en date du 20 Juin 2023

ENTRE

APPELANT :

Monsieur [N] [K]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Daniel GUIET de la SCP AVOCATS CENTRE, avocat au barreau de CHATEAUROUX

Dispensé de comparution à l'audience du 7 mai 2024

D'UNE PART,

ET

INTIMÉE :

CPAM DE L'INDRE

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Mme [C] [T], en vertu d'un pouvoir spécial

D'AUTRE PART,

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 7 MAI 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Nathalie LAUER, Président de chambre, chargé du rapport.

Lors du délibéré :

Madame Nathalie LAUER, Président de chambre,

Madame Férréole DELONS, Conseiller,

Monsieur Xavier AUGIRON, Conseiller.

Greffier :

Monsieur Alexis DOUET, Greffier lors des débats et du prononcé de l'arrêt.

DÉBATS :

A l'audience publique le 7 MAI 2024.

ARRÊT :

- Contradictoire, en dernier ressort.

- Prononcé le 2 JUILLET 2024 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- Signé par Madame Nathalie LAUER, Président de chambre et Monsieur Alexis DOUET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le Magistrat signataire.

* * * * *

Par requête adressée par lettre recommandée avec accusé de réception du 22 décembre 2022 au greffe du Pôle social du tribunal judiciaire de Châteauroux, M. [N] [K] a sollicité l'annulation de la décision de la commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Indre (ci-après CPAM de l'Indre) en date du 13 décembre 2022 confirmant une demande de paiement d'une somme de 24 196,66 euros correspondant au versement indu d'indemnités journalières versées au titre d'un accident du travail sur la période du 1er septembre 2020 au 31 octobre 2021, qui lui a été notifiée par lettre de mise en demeure du 11 juillet 2022.

Par jugement du 20 juin 2023, ledit tribunal a :

- débouté [N] [K] de l'ensemble de ses demandes,

- condamné [N] [K] à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Indre la somme de 24 196,66 euros, correspondant à une partie des indemnités journalières perçues au titre de ses arrêts pour maladie entre le 1er septembre 2020 et le 31 octobre 2021,

- condamné [N] [K] aux dépens,

- débouté les parties de toute autre demande.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 12 juillet 2023, M. [N] [K] a interjeté appel de ce jugement.

Dispensé de comparution conformément à l'article 946 du Code de procédure civile, par conclusions réceptionnées le 29 avril 2024, M. [N] [K] demande à la Cour de :

- réformer le jugement rendu le 20 juin 2023 par le Pôle social du tribunal judiciaire de Châteauroux, et statuant de nouveau,

- prononcer la nullité de la décision de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Indre à l'encontre de M. [N] [K], et la débouter de sa demande de répétition de l'indu,

A titre subsidiaire,

- réduire dans de très grandes proportions la demande de la caisse,

- débouter la caisse primaire d'assurance maladie de l'Indre de toutes demandes plus amples ou contraires.

Par conclusions soutenues oralement à l'audience du 7 mai suivant, la CPAM de l'Indre demande à la Cour de :

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Châteauroux le 20 juin 2023,

- condamner M. [N] [K] à payer à la caisse primaire la somme de 24 196,66 euros,

- débouter M. [K] de ses demandes.

En application de l'article 455 du Code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.

MOTIFS :

A titre liminaire, il convient d'observer que M. [N] [K], qui demande à la cour de prononcer la nullité de la décision de la CPAM de l'Indre à son encontre, n'invoque cependant aucun moyen au soutien de cette prétention, de sorte que la validité de la décision de la CPAM de l'Indre qui lui a été notifiée par lettre de mise en demeure du 11 juillet 2022 n'est pas valablement remise en cause.

- Sur le bien-fondé de l'indu

Moyens des parties

M. [N] [K] poursuit l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il l'a condamné à payer à la CPAM de l'Indre la somme de 24 196,66 euros, correspondant aux indemnités journalières perçues au titre de ses arrêts pour accident de travail entre le 1er septembre 2020 et le 31 octobre 2021. Il expose qu'être en arrêt maladie ou accident du travail n'est pas incompatible avec une activité d'autoentrepreneur, qu'au surplus, en l'espèce, son activité d'autoentrepreneur a été créée le 15 juin 2021 pour être radiée le 11 novembre 2021 et n'a généré aucun chiffre d'affaires. Il ajoute que la vente d'objets lui appartenant ne constitue pas une violation des dispositions de l'article L. 323-6 du Code de la sécurité sociale, et que les contrats de sponsoring ne lui procurent aucune rémunération. S'agissant de ses déplacements en dehors du département, M. [N] [K] soutient être de parfaite bonne foi, qu'il ignorait l'interdiction de sortir du département et avoir indiqué spontanément, en l'absence de toute preuve, à l'agent assermenté avoir quitté le département à deux reprises.

La CPAM de l'Indre conclut à la confirmation du jugement au motif qu'il résulte des dispositions de l'article L. 323-6 du Code de la sécurité sociale et de la jurisprudence constante de la Cour de cassation que l'interdiction de se livrer à une activité non autorisée pendant un arrêt de travail s'entend au sens large comme toute activité, bénévole ou rémunérée, domestique, sportive ou ludique, et ce, même pendant les heures de sorties autorisées ; qu'en l'espèce, M. [N] [K] a reconnu devant l'agent assermenté avoir vendu du matériel de pêche pendant son arrêt de travail pour un montant de 21 180,51 euros entre le 23 octobre 2020 et le 21 octobre 2021, qu'il est également établi qu'il a créé une micro-entreprise le 15 juin 2021 et s'est absenté à plusieurs reprises de son département de résidence sans autorisation au cours de cette période.

Observations de la Cour

En application de l'article L. 323-6 du Code de la sécurité sociale, le service de l'indemnité journalière est subordonné à l'obligation pour le bénéficiaire :

1° D'observer les prescriptions du praticien ;

2° De se soumettre aux contrôles organisés par le service du contrôle médical prévus à l'article L. 315-2 ;

3° De respecter les heures de sorties autorisées par le praticien selon des règles et des modalités prévues par décret en Conseil d'Etat après avis de la Haute Autorité de santé ;

4° De s'abstenir de toute activité non autorisée.

En cas d'inobservation volontaire de ces obligations, le bénéficiaire restitue à la caisse les indemnités versées correspondantes.

En outre, si l'activité mentionnée au 4° a donné lieu à une rémunération, à des revenus professionnels ou à des gains, il peut être prononcé une sanction financière dans les conditions prévues à l'article L. 162-1-14.

Il résulte de ce texte que l'attribution d'indemnités journalières à l'assuré se trouvant dans l'incapacité physique de continuer ou de reprendre le travail est subordonnée à l'obligation pour le bénéficiaire de s'abstenir de toute activité non autorisée.

L'interdiction de toute activité non autorisée fait l'objet d'une conception large. Ainsi l'assuré ne peut exercer pendant l'arrêt de travail aucune activité qui n'a pas été autorisée de quelque nature qu'elle soit : activité rémunérée (Civ., 2ème 10 octobre 2013, pourvoi n° 12-23.455), bénévole (Ch. mixte, 21 mars 2014, pourvoi n° 12-20.002, Bull. 2014, Ch. mixte, n° 2), domestique (Civ., 2ème 25 juin 2009, pourvoi n° 08-14.670), sportive (Civ., 2ème 9 décembre 2010, pourvoi n° 09-16.140), ludique (Civ., 2ème 9 avril 2009, pourvoi n° 07-18.294), et ce même pendant les heures de sortie autorisées, sans qu'il soit nécessaire d'établir la volonté de fraude de l'assuré (Civ., 2ème 10 juillet 2014, pourvoi n° 13-20.005). L'activité doit avoir été expressément Civ., 2ème 9 décembre 2010, pourvoi n° 09-14.575, Bull.2010, II, n° 206) et préalablement autorisée par le médecin traitant (Civ., 2ème 15 juin 2017, pourvoi n° 16-17.567), la charge de cette preuve incombant à l'assuré (Civ., 2ème 9 avril 2010, pourvoi n° 07-18.294).

Ainsi pendant son arrêt de travail, l'assuré doit cesser tout travail quelconque, y compris une activité de gérant ou l'accomplissement de tâches administratives liées à son activité professionnelle, peu important leur caractère limité.

En l'espèce, M. [N] [K] a été en arrêt accident de travail du 8 juillet 2020 au 19 décembre 2021 et a perçu au titre de la période du 1er septembre 2020 au 31 octobre 2021 la somme de 24 196,66 euros d'indemnités journalières. Il ne conteste pas avoir perçu sur cette période des indemnités journalières.

La caisse fait valoir que sur la période du 1er septembre 2020 au 31 octobre 2021, M. [N] [K] a exercé une activité de vente de matériel de pêche lui générant une rémunération de 21 180,51 euros entre le 23 octobre 2020 et le 21 octobre 2021 et a quitté le département sans autorisation à plusieurs reprises au cours de ladite période.

M. [N] [K] allègue ne pas avoir exercé son activité d'autoentrepreneur, et soutient n'avoir généré aucun chiffre d'affaires au titre de cette activité, celle-ci ayant été radiée en novembre 2021. Il ajoute que les ventes réalisées d'articles de pêches ne sauraient être assimilées à une activité professionnelle dès lors qu'il s'est contenté de vendre sur le marché de l'occasion des articles lui appartenant.

En l'espèce, la Cour relève qu'à l'occasion de son audition par l'agent assermenté de la CPAM de l'Indre le 10 novembre 2021, M. [N] [K] a reconnu avoir quitté le département de l'Indre sans aucune justification médicale à au moins six reprises (dans le sud de la France en avril-mai 2021, dans le Loir et Cher, en mai 2021 sur [Localité 6], en juin 2021 à [Localité 5], pour se rendre dans un parc d'attraction en août 2021, à [Localité 7] en septembre 2021).

Il est également établi que M. [N] [K] a procédé le 15 juin 2021 à une déclaration de début d'activité d'auto-entrepreneur auprès de la Chambre de Commerce et d'Industrie de l'Indre.

Il ressort en outre des publications postées par M. [N] [K] sur les réseaux sociaux en octobre 2021, que celui-ci propose par exemple à la vente des 'cordes Catfish heart' de 15 m de long et d'un diamètre de 6 mm, ainsi que des casquettes et des tee-shirts et précise aux intéressés de lui adresser un 'MP (message privé) pour les commandes'.

Il résulte ainsi des éléments produits par la caisse et du procès-verbal d'audition de M. [N] [K], que ce dernier a exercé une activité non autorisée et a quitté le département à de multiples reprises sans autorisation de la caisse et sans motif médical, alors qu'il était en arrêt de travail.

Or il est constant qu'une personne en arrêt de travail ne peut exercer une activité sauf autorisation spécifique, son caractère rémunéré étant parfaitement indifférent en l'espèce.

En l'espèce, M. [N] [K] ne saurait prétendre s'être contenté de vendre sur le marché de l'occasion des objets personnels alors que la caisse justifie de la création d'une activité d'auto-entrepreneur pendant la période d'arrêt de travail.

Il ressort en outre de la lecture des arrêts de travail de M. [N] [K] que ce dernier n'avait pas d'autorisation médicale préalable pour exercer une activité professionnelle sur la période soumise au contrôle, peu important qu'il soit autorisé à sortir sans restriction d'horaire, ces autorisations de sortie se limitant en tout état de cause au département.

Ainsi, M. [N] [K] a bien volontairement inobservé les obligations posées par l'article L. 323-6 du Code de la sécurité sociale. De ce fait, la caisse est en droit de solliciter la restitution des indemnités journalières versées.

- Sur le montant de l'indu

Moyens des parties

M. [N] [K] poursuit l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il l'a condamné à payer à la CPAM de l'Indre la somme de 24 196,66 euros, correspondant aux indemnités journalières perçues au titre de ses arrêts pour accident de travail entre le 1er septembre 2020 et le 31 octobre 2021.

Soutenant une disproportion manifeste et sans commune mesure avec la réalité des choses, il sollicite subsidiairement, au visa de la jurisprudence de la cour de cassation, une sanction en adéquation avec l'importance de l'infraction commise et la réduction dans de plus justes proportions de la somme qui lui est réclamée par la caisse.

La CPAM de l'Indre conclut à la confirmation du jugement et sollicite que M. [N] [K] lui restitue l'intégralité des indemnités journalières qui lui ont été versées durant la période où il a exercé une activité professionnelle sans autorisation préalable soit la somme de 24 196,66 euros.

Observations de la Cour

L'article L. 323-6 du Code de la sécurité sociale dans sa version applicable en l'espèce prévoit que l'assuré, outre la possibilité de se voir prononcer une sanction financière, restitue à la caisse les indemnités versées correspondantes en cas d'inobservation volontaire de s'abstenir de toute activité non autorisée.

La restitution d'indemnités journalières de l'assurance maladie en cas d'inobservation volontaire, par le bénéficiaire, des obligations édictées par l'article L. 323-6 du Code de la sécurité sociale, ne constitue pas une sanction à caractère de punition, de sorte qu'elle est exclusive de tout contrôle de l'adéquation du montant des sommes dues à la gravité des manquements de l'assuré (avis du 7 février 2018 n° 17-70.038, Civ., 2ème 20 juin 2019 pourvoi n° 18-19.006).

Par ailleurs et selon la jurisprudence, l'exercice par l'assuré d'une activité non autorisée faisant disparaître l'une des conditions d'attribution ou de maintien des indemnités journalières, la caisse est en droit d'en réclamer la restitution depuis la date du manquement (Civ., 2ème 28 mai 2020, pourvoi n° 19-12.962 ; dans le même sens Civ., 2ème 2 juin 2022, pourvoi n° 20-22.469).

En l'espèce, la cour constate que M. [N] [K] a exercé, en toute connaissance de cause, une activité pendant ses arrêts de travail, et qu'il s'est à plusieurs reprises déplacé en dehors du département sans autorisation préalable ni motif médical, le tout en parfaite inobservation des textes régissant la législation sur les risques professionnels et alors qu'il percevait des indemnités journalières.

Au regard de ces éléments, et sans qu'il y ait lieu de contrôler l'adéquation de l'indu à la gravité des manquements de M. [N] [K], c'est à juste titre que les premiers juges l'ont condamné au remboursement des sommes indument perçues.

Le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS :

Statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu le 20 juin 2023 par le Pôle social du tribunal judiciaire de Châteauroux en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne M. [N] [K] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : Chambre sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 23/01834
Date de la décision : 02/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-02;23.01834 ?
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