COUR D'APPEL D'ORLÉANS
CHAMBRE DES AFFAIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE
GROSSE à :
CPAM DE L'INDRE
[D] [T]
EXPÉDITION à :
Pôle social du Tribunal judiciaire de CHATEAUROUX
ARRÊT DU : 2 JUILLET 2024
Minute n°265/2024
N° RG 23/00202 - N° Portalis DBVN-V-B7H-GW2X
Décision de première instance : Pôle social du Tribunal judiciaire de CHATEAUROUX en date du 13 Décembre 2022
ENTRE
APPELANTE :
CPAM DE L'INDRE
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Mme [S] [N], en vertu d'un pouvoir spécial
D'UNE PART,
ET
INTIMÉ :
Monsieur [D] [T]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Comparant en personne
D'AUTRE PART,
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats :
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 7 MAI 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Nathalie LAUER, Président de chambre, chargé du rapport.
Lors du délibéré :
Madame Nathalie LAUER, Président de chambre,
Madame Férréole DELONS, Conseiller,
Monsieur Xavier AUGIRON, Conseiller.
Greffier :
Monsieur Alexis DOUET, Greffier lors des débats et du prononcé de l'arrêt.
DÉBATS :
A l'audience publique le 7 MAI 2024.
ARRÊT :
- Contradictoire, en dernier ressort.
- Prononcé le 2 JUILLET 2024 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- Signé par Madame Nathalie LAUER, Président de chambre et Monsieur Alexis DOUET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le Magistrat signataire.
* * * * *
Selon un avis de prolongation d'arrêt de travail établi le 10 septembre 2021, M. [T] a vu son arrêt de travail prolongé pour la période du 11 septembre au 11 octobre 2021.
Le 13 octobre 2021, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Indre l'a informé du refus d'indemnisation de cet arrêt de travail au motif qu'il lui était parvenu postérieurement à la période de repos prescrite.
Suite à une contestation de M. [T], par courrier du 19 octobre 2022, la commission de recours amiable de la caisse a confirmé, lors de sa séance du 11 janvier 2022, la décision initiale de la CPAM de l'Indre.
Par lettre recommandée avec accusé de réception adressée le 18 février 2022 au Pôle social du tribunal judiciaire de Châteauroux, M. [T] a contesté la décision confirmative de la commission de recours amiable de la caisse.
Par jugement du 13 décembre 2022, le dit tribunal a :
- dit que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Indre doit verser à [D] [T] les indemnités journalières correspondant à son arrêt de travail du 11 septembre au 11 octobre 2021,
- condamné la caisse primaire d'assurance maladie de l'Indre aux dépens,
- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision,
- rejeté toute autre demande plus ample ou contraire.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 9 janvier 2023, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Indre a interjeté appel de ce jugement.
L'affaire a été appelée à l'audience du 5 décembre 2023 à laquelle M. [T] n'était ni présent ni représenté.
L'affaire a donc été renvoyée à l'audience du 7 mai 2024 afin que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Indre puis faire citer M. [T] à comparaître par acte d'huissier de justice.
Par conclusions soutenues oralement, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Indre invite la Cour à :
- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Châteauroux le 13 décembre 2022 ordonnant par exécution provisoire l'indemnisation de l'arrêt de travail du 11 septembre au 11 octobre 2021 de M. [D] [T],
- condamner M. [T] au remboursement des indemnités journalières versées au titre de l'exécution provisoire ordonnée par le tribunal judiciaire de Châteauroux, soit la somme de 1 296,73 euros,
- condamner M. [T] au remboursement des frais de citation, soit la somme de 324,14 euros.
À l'audience du 7 mai 2023, M. [T] était présent et a sollicité la confirmation du jugement déféré.
SUR CE, LA COUR,
La caisse primaire d'assurance maladie de l'Indre poursuit l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il l'a condamnée à indemniser l'arrêt de travail de M. [T] du 11 septembre au 11 octobre 2021. À l'appui, au fondement des articles L. 321-2, R. 321-2 et R. 323-12 du Code de la sécurité sociale, elle fait valoir que, contrairement aux obligations qui découlent de ces textes, l'assuré ne lui a pas adressé l'arrêt de travail dans les 48 heures suivant la date d'interruption de travail ; qu'en application de l'article R. 323-12, elle est fondée à ne pas verser les indemnités journalières sur la période pendant laquelle son contrôle aura été rendu impossible ainsi qu'en a d'ailleurs jugé la Cour de cassation (Civ., 2ème 3 juin 2010 n° 09-13.902, 16 février 2012, n° 11-14.529, 11-14.533 et 11-11.186) ; que la Cour de cassation précise que la charge de la preuve de l'envoi de l'avis d'arrêt ou de prolongation d'arrêt de travail incombe à l'assuré, la seule bonne foi de celui-ci ne pouvant suffire à prouver l'envoi de l'arrêt dans les délais impartis (Civ., 2ème 23 octobre 2008, n° 07-18.033) ; que les premiers juges ont considéré que la caisse primaire ne pouvait refuser le paiement des indemnités journalières sur le fondement de l'article R. 323-12 du Code de la sécurité sociale et qu'il appartenait à la caisse primaire de mettre en 'uvre la procédure prévue à l'article D. 323-2 du Code de la sécurité sociale ; que cette position est contraire à celle de la Cour de cassation selon laquelle l'envoi de l'avis d'arrêt de travail après la fin de période de repos prescrite rend le contrôle de la caisse impossible et permet donc à la caisse primaire de refuser le paiement des indemnités journalières sur le fondement de l'article R. 323-12 du Code de la sécurité sociale ; que la Cour de cassation a d'ailleurs réaffirmé ce principe dans un arrêt du 17 février 2022, n° 20-18.935.
M. [T] conclut à la confirmation du jugement déféré. Il expose qu'il avait déjà transmis un premier arrêt de travail pour la période contestée mais qu'il manquait son numéro de sécurité sociale ; qu'il a fait refaire un autre arrêt de travail rectifié pour la même période et l'a posté le 12 octobre ; que la trace des échanges concernant le premier arrêt se trouvait sur le site Amélie, mais a été effacée par la caisse ; que l'arrêt de travail litigieux intervient au milieu d'une série d'arrêts faisant suite à une opération ; que, conformément aux indications de la caisse, il a effectué les démarches sur le site Améli ; que cependant sur celui-ci, les mails s'effacent ; qu'il n'a donc pas de traces.
Appréciation de la Cour
Selon l'article L. 321-2 du Code de la sécurité sociale, en cas d'interruption de travail, l'assuré doit envoyer à la caisse primaire d'assurance maladie, dans un délai déterminé et, sous les sanctions prévues par décret, une lettre d'avis d'interruption de travail dont le modèle est fixé par arrêté ministériel et qui doit comporter la signature du médecin.
Selon, l'article R. 321-2 du Code de la sécurité sociale, ce délai est de 48 heures.
Enfin, l'article R. 323-12 de ce même code dispose que la caisse est fondée à refuser le bénéfice des indemnités journalières afférentes à la période pendant laquelle son contrôle aura été rendu impossible.
Comme le fait justement valoir la caisse primaire d'assurance maladie de l'Indre, la charge de la preuve de l'envoi de l'avis d'arrêt ou de prolongation d'arrêt de travail pèse sur l'assuré sans que la bonne foi ne suffise à prouver l'envoi de l'arrêt dans les délais impartis (Civ., 2ème 23 octobre 2008, n° 07-18.033).
Selon une jurisprudence constante, en l'absence d'envoi par l'assuré de l'avis d'arrêt de travail à une date permettant à la caisse d'exercer son contrôle, la déchéance du droit aux indemnités journalières est encourue (Soc., 25 juin 1992, n° 90-17 274, Civ., 2ème 23 janvier 2020, n° 18-25.086).
La preuve de la date d'envoi de l'avis d'arrêt de travail peut être rapportée par tous moyens, y compris par présomptions, la preuve par présomptions ne pouvant se déduire que de l'existence d'éléments précis et concordants susceptibles de renseigner sur la date de l'envoi de l'avis d'arrêt de travail (Civ., 2ème 19 décembre 2019, n° 18-21.994).
En l'espèce, M. [T] indique qu'il a réadressé à la caisse son arrêt de travail le 12 octobre 2021 suite à un premier envoi qui ne précisait pas son numéro de sécurité sociale.
La preuve de ce premier envoi pouvant se faire par tout moyen, y compris par présomptions résultant d'éléments précis et concordants susceptibles de renseigner sur la date de l'envoi de l'avis d'arrêt de travail, il appartenait à M. [T], sur qui pèse la charge de la preuve de ce premier envoi dans les délais, de s'en ménager la preuve, par exemple au moyen d'une capture d'écran du site Ameli. Or, M. [T] admet qu'il n'est pas en mesure de rapporter cette preuve.
La déchéance du droit aux indemnités journalières est donc encourue puisqu'il est démontré que l'arrêt de travail a été reçu par la caisse le 12 octobre 2021 et que celle-ci n'a donc pas pu exercer son contrôle durant la période d'arrêt de travail du 11 septembre au 11 octobre 2021. En effet, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, la circonstance que M. [T] ait été en arrêt avant le 11 septembre 2021 et après le 11 octobre 2021 n'est pas de nature à démontrer que la caisse ait pu effectuer son contrôle sur la période litigieuse, la caisse, ne pouvant présumer à cette période que M. [T] allait être en arrêt du 11 septembre au 11 octobre 2021.
Le jugement déféré sera donc infirmé en toutes ses dispositions, y compris accessoires.
L'obligation de restitution résulte de plein droit de l'infirmation du jugement (Civ., 1ère septembre 2009, n° 08-10.865), le présent arrêt constituant un titre exécutoire permettant de poursuivre la restitution. Il n'y a donc pas lieu de l'ordonner.
En sa qualité de partie perdante, M. [T] supportera les entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais de citation s'élevant à la somme de 324,14 euros.
PAR CES MOTIFS:
Statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 13 décembre 2022 par le Pôle social du tribunal judiciaire de Châteauroux ;
et, statuant à nouveau et y ajoutant,
Déboute M. [T] de sa demande de versement des indemnités journalières correspondant à son arrêt de travail du 11 septembre au 11 octobre 2021 ;
Condamne M. [T] aux entiers dépens de première instance et d'appel en ce compris les frais de citation d'un montant de 324,14 euros.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,