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02/07/2024 | FRANCE | N°23/00180

France | France, Cour d'appel d'Orléans, Chambre sécurité sociale, 02 juillet 2024, 23/00180


COUR D'APPEL D'ORLÉANS



CHAMBRE DES AFFAIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE







GROSSE à :

CPAM DU LOIR ET CHER

SELARL BENOIT - LALLIARD - ROUANET

EXPÉDITION à :

SOCIÉTÉ [6]

Pôle social du Tribunal judiciaire de BLOIS



ARRÊT DU : 2 JUILLET 2024



Minute n°264/2024



N° RG 23/00180 - N° Portalis DBVN-V-B7H-GWZF



Décision de première instance : Pôle social du Tribunal judiciaire de BLOIS en date du 6 Décembre 2022



ENTRE



APPELANTE

:



CPAM DU LOIR ET CHER

[Adresse 4]

[Localité 3]



Représentée par Mme [W] [V], en vertu d'un pouvoir spécial





D'UNE PART,



ET



INTIMÉE :



SOCIÉTÉ [6]

[Adresse 2]

[Localité 5]



Représ...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE DES AFFAIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE

GROSSE à :

CPAM DU LOIR ET CHER

SELARL BENOIT - LALLIARD - ROUANET

EXPÉDITION à :

SOCIÉTÉ [6]

Pôle social du Tribunal judiciaire de BLOIS

ARRÊT DU : 2 JUILLET 2024

Minute n°264/2024

N° RG 23/00180 - N° Portalis DBVN-V-B7H-GWZF

Décision de première instance : Pôle social du Tribunal judiciaire de BLOIS en date du 6 Décembre 2022

ENTRE

APPELANTE :

CPAM DU LOIR ET CHER

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Mme [W] [V], en vertu d'un pouvoir spécial

D'UNE PART,

ET

INTIMÉE :

SOCIÉTÉ [6]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Denis ROUANET de la SELARL BENOIT - LALLIARD - ROUANET, avocat au barreau de LYON, substitué par Me Estelle GARNIER, avocat au barreau d'ORLEANS

D'AUTRE PART,

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 7 MAI 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Nathalie LAUER, Président de chambre, chargé du rapport.

Lors du délibéré :

Madame Nathalie LAUER, Président de chambre,

Madame Férréole DELONS, Conseiller,

Monsieur Xavier AUGIRON, Conseiller.

Greffier :

Monsieur Alexis DOUET, Greffier lors des débats et du prononcé de l'arrêt.

DÉBATS :

A l'audience publique le 7 MAI 2024.

ARRÊT :

- Contradictoire, en dernier ressort.

- Prononcé le 2 JUILLET 2024 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- Signé par Madame Nathalie LAUER, Président de chambre et Monsieur Alexis DOUET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le Magistrat signataire.

* * * * *

Selon déclaration d'accident établie le 13 février 2018 par la société [6], et adressée à la caisse primaire d'assurance maladie du Loir et Cher (ci-après CPAM du Loir et Cher), M. [R] [T], né en 1960, employé de la société [6] en qualité d'ouvrier qualifié depuis le 29 janvier 2018, a été victime, le 13 février 2018, d'un accident dans les conditions suivantes : 'M. [T] venait de se garer que le parking de l'entreprise. Il a ressenti des douleurs dans la poitrine', l'employeur indiquant comme réserve 'pas de lien avec le travail'.

La transmission de la déclaration d'accident du travail a été accompagnée d'un courrier de réserves motivées en date du 14 février 2018, par lequel l'employeur, précisant que le sinistre est survenu alors même que M. [T] n'avait pas encore commencé sa journée de travail, qu'il n'était pas encore dans les locaux de l'entreprise mais seulement sur le parking de celle-ci, et n'avait donc fourni aucun effort particulier pouvant être à l'origine de l'infarctus, émet l'hypothèse d'un état pathologique antérieur évoluant pour son propre compte et sans lien avec son activité professionnelle.

Un certificat médical initial établi le 20 février 2018 fait état d'un 'accident cardio-respiratoire - syndrome coronarien aigu'.

Selon notification de décision du 1er juin 2018, la CPAM du Loir et Cher a informé la société [6] de la prise en charge de l'accident au titre de la législation relative aux risques professionnels.

La société [6] a saisi la commission de recours amiable de la CPAM afin de voir dire que cette décision lui est inopposable.

A défaut de réponse, par requête du 1er octobre 2018, elle a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Blois du rejet implicite de son recours.

La commission de recours amiable de la caisse a rejeté son recours lors de sa séance du 17 juin 2019.

L'instance a été reprise par le Pôle social du tribunal de grande instance de Blois en application de la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016.

Le tribunal de grande instance est devenu le tribunal judiciaire le 1er janvier 2020 par l'effet de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019.

Par jugement mixte rendu le 28 avril 2021, le Pôle social du tribunal judiciaire de Blois a :

- déclaré les prétentions de la société [6] recevables,

- rejeté les prétentions de la société [6] tendant à lui voir déclarer inopposable la prise en charge de M. [R] [T] au motif que la procédure d'instruction menée par la CPAM serait irrégulière pour violation du principe du contradictoire,

- ordonné avant dire-droit une expertise médicale sur pièces du dossier de M. [R] [T],

- désigné le docteur [O] [M], exerçant [Adresse 1], pour y procéder avec mission de :

' prendre connaissance de l'entier dossier administratif de la Caisse, du dossier médical du service médicale de la Caisse, des pièces communiquées par les parties et tout document médical utile et enjoint en tant que de besoin à la Caisse de transmettre à l'expert les pièces médicales ainsi désignées,

' convoquer et entendre les parties éventuellement représentée par un médecin de leur choix, à moins qu'elles indiquent par écrit qu'elles ne l'estiment pas nécessaire,

' rechercher les causes médicales de l'arrêt cardio-respiratoire-syndrome coronarien aigu présenté par M. [R] [T],

' dire si son activité professionnelle peut être en cause, ne serait-ce que pour partie,

' préciser si M. [R] [T] présentait un état antérieur ou des facteurs de risques qui pouvait expliquer en tout ou partie l'arrêt cardio-respiratoire et dans l'affirmative, dire s'il est possible d'écarter totalement l'existence de l'activité professionnelle comme cause de la pathologie,

' faire tout observation utile à la solution du litige,

- dit que la société [6] devra consigner entre les mains du régisseur d'avances et de recettes de ce tribunal la somme de 800 euros à valoir sur les frais et honoraires de l'expert avant le 28 juin 2021,

- rappelé qu'à défaut de versement de la provision et sauf prorogation du délai de consignation accordée pour motif légitime, la désignation de l'expert deviendra caduque,

- rappelé qu'en application de l'article R. 142-16 du Code de la sécurité sociale que :

' le greffe demandera par tous moyens à l'organisme de sécurité sociale de transmettre à l'expert l'intégralité du rapport médical mentionné à l'article L. 142-6 et du rapport mentionné au premier alinéa de l'article L. 142-10 ou l'ensemble des éléments ou informations à caractère secret au sens du deuxième alinéa de l'article L.142-10 ayant fondé sa décision,

' dans le délai de dix jours à compter de la notification de la présente décision, la société [6] pourra demander par tous moyens conférant date certaine, à l'organisme de sécurité sociale, de notifier au médecin qu'il mandate à cet effet, l'intégralité des rapports précités dans le délai de vingt jours à compter de la réception de la demande de l'employeur et que dans le même délai, l'organisme de sécurité sociale informera la victime de l'accident du travail de la notification de l'intégralité de ces rapports au médecin mandaté par l'employeur,

' à la demande de l'employeur, tout rapport de l'expert désigné est notifié au médecin qu'il mandate à cet effet et que chaque exemplaire du rapport est notifié par l'expert ou le consultant sous pli fermé avec la mention ' confidentiel' apposée sur l'enveloppe (article R. 142-16-4 alinéa 1 du Code de la sécurité sociale),

- dit que l'expert devra adresser aux parties un document de synthèse des opérations, leur impartir un délai pour lui adresser leurs dires, y répondre et déposer son rapport écrit, au greffe de ce tribunal avant le 28 décembre 2021,

- dit que l'expert devra adresser à chacune des parties, par tout moyen permettant d'en établir la réception, un exemplaire de son rapport accompagné de sa demande de rémunération,

- dit qu'en cas d'empêchement ou de refus de l'expert, il sera pourvu à son remplacement par ordonnance sur requête rendue par le président du Pôle social,

- dit qu'en cas de difficulté, il en sera référé au président du Pôle social,

- sursoit à statuer dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise sur le surplus des prétentions ainsi que sur les dépens.

Par jugement rendu le 6 décembre 2022, le Pôle social du tribunal judiciaire de Blois a :

- dit que la prise en charge de M. [R] [T] au titre de la législation sur les accidents du travail faisant suite à une déclaration du 14 février 2018 est inopposable à la société [6],

- condamné la CPAM du Loir et Cher aux dépens qui comprendront notamment les frais d'expertise judiciaire taxés à hauteur de 843,60 euros,

- rejeté le surplus des demandes.

Suivant déclaration du 6 janvier 2023, la CPAM du Loir et Cher a relevé appel de ce jugement.

Dans ses conclusions soutenues oralement à l'audience du 7 mai 2024, la CPAM du Loir et Cher demande à la Cour de :

- déclarer son appel recevable et bien fondé,

- infirmer la décision entreprise,

Statuant à nouveau,

- débouter la société [6] de l'ensemble de ses demandes,

- confirmer la décision entreprise,

- confirmer l'opposabilité à l'égard de la société [6] de la prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de l'accident dont a été victime son salarié M. [R] [T] le 13 février 2018,

- condamner la société [6] aux entiers dépens de première instance, incluant les frais d'expertise judiciaire taxés à hauteur de 843,60 euros, et d'appel,

- condamner la société [6] à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Loir et Cher la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Dans ses conclusions soutenues oralement à l'audience du 7 mai 2024, la société [6] demande à la Cour de :

Vu les dispositions législatives et règlementaires précitées,

Vu la jurisprudence ci-dessus rapportée,

Vu les pièces versées aux débats,

Vu les causes sus énoncées,

Vu les faits,

- confirmer le jugement rendu en 1ère instance, le cas échéant par substitution de motifs, en ce qu'il a déclaré inopposable à la société [6] la décision de prendre en charge, au titre de la législation sur les risques professionnels, l'accident dont M. [R] [T] était victime le 13 février 2018,

- condamner la caisse primaire d'assurance maladie du Loir et Cher à verser la somme de 1 000 euros à la société [6] au titre des frais irrépétibles,

-condamner la même aux entiers dépens.

En application de l'article 455 du Code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.

MOTIFS

- Sur l'opposabilité de la décision de prise en charge de l'accident du travail à l'employeur

Moyens des parties

La CPAM du Loir et Cher poursuit l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il a retenu l'inopposabilité à l'employeur de l'accident du travail survenu le 13 février 2018. Elle expose qu'aux termes de l'article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale, un accident survenu aux temps et au lieu du travail est présumé, quelle qu'en soit la cause, constituer un accident du travail ; que dès lors que la caisse, dans ses rapports avec l'employeur apporte la preuve de la matérialité de l'accident, la présomption de l'imputabilité au travail de l'accident est établie, l'employeur ne pouvant alors s'exonérer de cette présomption que par la preuve d'une cause exclusive et totalement étrangère au travail. Elle soutient qu'en l'espèce, M. [T] a été victime d'un malaise dans les vestiaires de l'entreprise le 13 février 2018 à 4h50 alors qu'il changeait de tenue avant sa prise de poste, qu'un secouriste de l'entreprise est intervenu avant l'arrivée des secours et le transport par les pompiers de la victime à l'hôpital ; qu'il se trouvait en conséquence bien sous la subordination de l'employeur, le temps de travail protégé étant plus long que le temps effectivement passé à exécuter la prestation de travail, de sorte que la présomption d'imputabilité au travail trouve pleinement à s'appliquer. Elle ajoute que l'employeur, qui se contente d'invoquer l'existence d'un état pathologique indépendant, ne démontre pas l'absence totale de lien entre l'activité professionnelle de M. [T] et l'accident survenu le 13 février 2018 ; que cette absence totale de lien n'est pas plus rapportée par l'expert qui se contente d'évoquer d'autres facteurs de risques cardiovasculaires.

La société [6] conclut à la confirmation du jugement au motif qu'en l'espèce, le Docteur [M], expert désigné par le tribunal, constatant que " il est en conséquence possible d'écarter totalement l'exercice de l'activité professionnelle écrite et portée à notre connaissance le jour de l'arrêt cardiorespiratoire et qui se résume à un habillage dans les vestiaires après avoir garé sa voiture ", a exclu tout lien entre l'activité professionnelle et l'accident survenu le 13 février 2018.

Observations de la Cour

L'article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale qualifie d'accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.

L'accident, événement soudain générateur d'une lésion, est présumé imputable au travail dès lors qu'il survient au temps et au lieu du travail, toute lésion apparue au temps et au lieu de travail constituant par elle-même un accident, présumé imputable au travail, quelle qu'en soit la cause, étant précisé que si l'origine de la lésion est indifférente, il est tout de même exigé qu'elle se manifeste immédiatement ou dans un temps voisin de l'événement générateur.

Dans ses rapports avec l'employeur, la caisse, subrogée dans les droits du salarié pris en charge, n'a pas à démontrer la relation entre l'accident et le travail, mais doit rapporter la preuve d'un accident survenu aux temps et lieu du travail et doit justifier de la manifestation subite d'une lésion de l'organisme sur le lieu et à l'heure de son travail. Il lui est ainsi demandé d'établir les circonstances exactes de l'accident, la réalité de la lésion, ainsi que sa survenance au temps et au lieu du travail.

Elle peut apporter cette preuve par tous moyens, étant précisé néanmoins que les seules affirmations du salarié ne sont pas suffisantes si elles ne sont pas corroborées par des éléments objectifs et qu'en l'absence de témoin, qui n'est pas exclusive de toute caractérisation d'un fait accidentel, la caisse doit justifier de présomptions sérieuses et concordantes corroborant les déclarations du salarié victime.

Cette présomption d'imputabilité au travail n'est cependant pas irréfragable et il appartient à l'employeur qui la conteste d'apporter la preuve contraire.

En l'espèce, selon la déclaration d'accident du travail établie le 14 février 2018 par la société [6], M. [R] [T], employé en qualité d'ouvrier qualifié, dont les horaires de travail étaient de 5h00 à 13h00, a été victime d'un accident le 13 février 2018, à 4h50, dans les circonstances suivantes : 'M. [T] venait de se garer sur le parking de l'entreprise. Il a ressenti des douleurs dans la poitrine'.

Il résulte des mentions de la déclaration d'accident du travail que l'accident a été connu de l'employeur le jour même.

Il n'est pas contesté que M. [R] [T] a été immédiatement transporté, depuis son lieu de travail, aux urgences de l'hôpital [8] de [Localité 7] par les pompiers.

Il se déduit, par conséquent, de l'ensemble de ces éléments que l'accident dont a été victime M. [R] [T] le 13 février 2018 est survenu au temps et au lieu du travail, ce que ne conteste pas la société [6].

La matérialité du fait accidentel est donc suffisamment établie de sorte que la présomption d'imputabilité au travail a vocation à s'appliquer à l'accident dont M. [R] [T] a été victime le 13 février 2018.

La société [6] conteste l'opposabilité à l'employeur de la décision de prise en charge de cet accident au titre de la législation sur les risques professionnels en faisant valoir que l'accident est étranger au travail. Elle indique ainsi, dans sa lettre de réserves du 14 février 2018, que le sinistre est survenu alors même 'qu'il n'avait pas encore commencé sa journée de travail, et qu'il n'était pas encore dans les locaux de l'entreprise mais seulement dans sa voiture, qu'il n'a donc fourni aucun effort particulier pouvant être à l'origine de cet infarctus'.

Elle se fonde sur le rapport d'expertise du Docteur [M], qui s'est vu confier par les premiers juges une mesure d'instruction, et soutient qu'il en résulte d'une part que 'le facteur de risque qui nous est versé au dossier est un tabagisme actif qui est clairement reconnu comme un facteur de risque essentiel des sténoses coronaires', et d'autre part, 'qu'il est en conséquence possible d'écarter totalement l'exercice de l'activité professionnelle écrite et portée à notre connaissance le jour de l'arrêt cardiorespiratoire et qui se résume à un habillage dans les vestiaires après avoir garé sa voiture', l'expert concluant que 'M. [R] [T] a été victime d'un arrêt cardiorespiratoire sur son lieu de travail le 13 février 2018 que son activité professionnelle n'explique pas'.

La Cour relève cependant qu'il résulte du rapport d'expertise du docteur [M] que 'les éléments médicaux versés au dossier sont quasi-inexistants'. L'expert ajoute également n'avoir 'qu'une connaissance très partielle des facteurs de risque (tabagisme) sans connaître le poids, l'indice de masse corporelle, le périmètre abdominal, les bilans biologiques, l'activité physique habituelle'en fait l'ensemble des facteurs de risque cardiovasculaires ayant pu préexister'.

A la question 'rechercher les causes médicales de l'arrêt cardio-respiratoire syndrome coronarien aigu présenté par M. [R] [T]', le docteur [M] répond 'aucun des éléments versés au dossier ne permet de répondre à cette question, en dehors de la notion de tabagisme actif'. Il indique en outre que 'le facteur de risque qui nous est versé au dossier est un tabagisme actif qui est clairement reconnu comme un facteur de risque essentiel des sténoses coronaires' et que 'ceci relève de facteurs de risques cardiovasculaires pouvant expliquer en tout ou partie l'arrêt cardio-respiratoire'.

De l'ensemble de ces circonstances, il découle qu'aucun élément médical objectif n'est de nature à renverser la présomption d'imputabilité au travail de cet accident survenu au temps et au lieu du travail. Il n'existe en effet aucune preuve de l'existence d'une cause totalement étrangère au travail à l'origine de l'accident de M. [R] [T]. L'expert, tout en confessant ne pas disposer d'éléments permettant de le mesurer, se contente en effet de relever que le tabagisme de l'assuré est un facteur de risque susceptible d'être la cause de l'accident.

La société [6] échoue en l'espèce à démontrer que le tabagisme de M. [R] [T] est à l'origine exclusive de l'arrêt cardio-respiratoire survenu le 13 février 2018, de sorte que la présomption d'imputabilité attachée aux faits survenus ce jour n'est pas renversée.

A titre subsidiaire, la société [6] soutient que le principe de la contradiction n'a pas été respecté par la caisse dès lors que le dossier mis à sa disposition le 22 mai 2018 ne comportait pas les certificats médicaux de prolongation, alors même qu'il résulte du 2° de l'article R. 441-13 ancien du Code de la sécurité sociale, que la caisse est tenue d'y insérer les divers certificats médicaux qu'elle détient.

La CPAM du Loir et Cher qui demande l'infirmation du jugement entrepris n'a pas répondu sur ce point.

L'article R. 441-11 du Code de la sécurité sociale dans sa version applicable en l'espèce dispose que : 'III. - En cas de réserves motivées de la part de l'employeur ou si elle l'estime nécessaire, la caisse envoie avant décision à l'employeur et à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés. Une enquête est obligatoire en cas de décès'.

Selon l'article R.441-14 alinéa 3 du Code de la sécurité sociale, en sa version applicable à la cause, en vigueur du 1er janvier 2010 au 1er décembre 2019 : 'Dans les cas prévus au dernier alinéa de l'article R. 441-11, la caisse communique à la victime ou à ses ayants droit et à l'employeur au moins dix jours francs avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d'en déterminer la date de réception, l'information sur les éléments recueillis et susceptibles de leur faire grief, ainsi que sur la possibilité de consulter le dossier mentionné à l'article R. 441-13'.

L'article R. 441-13 du Code de la sécurité sociale dans sa version applicable à la cause prévoit quant à lui que : 'Le dossier constitué par la caisse primaire doit comprendre :

1°) la déclaration d'accident ;

2°) les divers certificats médicaux détenus par la caisse ;

3°) les constats faits par la caisse primaire ;

4°) les informations parvenues à la caisse de chacune des parties ;

5°) les éléments communiqués par la caisse régionale.

Il peut, à leur demande, être communiqué à l'assuré, ses ayants droit et à l'employeur, ou à leurs mandataires.

Ce dossier ne peut être communiqué à un tiers que sur demande de l'autorité judiciaire'.

Il résulte de ces dispositions que lorsque la caisse a reçu des réserves motivées de l'employeur, elle doit adresser à l'employeur et à la victime un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou procéder à des investigations et permettre à l'employeur de consulter le dossier, lequel doit contenir, en application de l'article R. 441-13 ancien du Code de la sécurité sociale : '1°) la déclaration d'accident, 2°) les divers certificats médicaux détenus par la caisse, 3°) les constats faits par la caisse primaire, 4°) les informations parvenues à la caisse de chacune des parties, 5°) les éléments communiqués par la caisse régionale'.

En l'espèce, la société [6] soutient que le dossier soumis à consultation ne comprenait pas les certificats médicaux de prolongation, ce qui n'est pas contesté par la caisse.

La Cour de cassation considère toutefois que ne figurent pas parmi les éléments recueillis et susceptibles de faire grief à l'employeur les certificats ou les avis de prolongation de soins ou arrêts de travail, délivrés après le certificat médical initial, qui ne portent pas sur le lien entre l'affection, ou la lésion, et l'activité professionnelle (Civ., 2ème 16 mai 2024, pourvoi n° 22-15.499). Or, les certificats médicaux de prolongation ne portent pas sur le lien entre l'activité professionnelle et l'accident du travail mais uniquement sur le lien entre ce dernier et les soins et arrêts successifs de sorte qu'ils n'ont pas à figurer au dossier de la caisse s'agissant d'une décision d'opposabilité de l'accident du travail à l'employeur.

Ainsi, la société [6] est infondée à contester le respect par la CPAM du Loir et Cher du principe du contradictoire et de son obligation d'information de l'employeur au cours de l'instruction dès lors que les certificats médicaux de prolongation n'ont aucune incidence sur la détermination du caractère professionnel de l'accident.

Le jugement entrepris sera donc infirmé en toutes ses dispositions.

En tant que partie perdante, la société [6] supportera la charge des entiers dépens de première instance, en ce compris les frais d'expertise, et d'appel.

En l'espèce, l'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du Code de procédure civile. Les demandes respectives des parties à ce titre seront donc rejetées.

PAR CES MOTIFS:

Statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement du 6 décembre 2022, rendu par le Pôle social du tribunal judiciaire de Blois en toutes ses dispositions ;

Et, statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare opposable à la société [6] l'accident du travail du 13 février 2018 dont a été victime M. [R] [T] ;

Condamne la société [6] aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise ;

Déboute les parties de leur demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : Chambre sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 23/00180
Date de la décision : 02/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 09/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-02;23.00180 ?
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