COUR D'APPEL D'ORLÉANS
CHAMBRE DES AFFAIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE
GROSSE à :
CPAM DE L'INDRE
SCP AVOCATS CENTRE
EXPÉDITION à :
[E] [Z] épouse [J]
Pôle social du Tribunal judiciaire de CHATEAUROUX
ARRÊT DU : 2 JUILLET 2024
Minute n°256/2024
N° RG 22/01629 - N° Portalis DBVN-V-B7G-GTNY
Décision de première instance : Pôle social du Tribunal judiciaire de CHATEAUROUX en date du 17 Mai 2022
ENTRE
APPELANTE :
CPAM DE L'INDRE
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Mme [Y] [M], en vertu d'un pouvoir spécial
D'UNE PART,
ET
INTIMÉE :
Madame [E] [Z] épouse [J]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Daniel GUIET de la SCP AVOCATS CENTRE, avocat au barreau de CHATEAUROUX
Dispensée de comparution à l'audience du 14 mai 2024
D'AUTRE PART,
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats :
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 MAI 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Xavier AUGIRON, Conseiller, chargé du rapport.
Lors du délibéré :
Madame Nathalie LAUER, Président de chambre,
Madame Férréole DELONS, Conseiller,
Monsieur Xavier AUGIRON, Conseiller.
Greffier :
Monsieur Alexis DOUET, Greffier lors des débats et du prononcé de l'arrêt.
DÉBATS :
A l'audience publique le 14 MAI 2024.
ARRÊT :
- Contradictoire, en dernier ressort.
- Prononcé le 2 JUILLET 2024 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- Signé par Madame Nathalie LAUER, Président de chambre et Monsieur Alexis DOUET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le Magistrat signataire.
* * * * *
Mme [E] [J] a déclaré le 5 octobre 2020 une maladie professionnelle afférente à un 'conflit sous-acromial arthroscopie acromio claviculaire, tendinopathie long biceps épaule droite', sur la base d'un certificat médical établi le 24 août 2020. Cette maladie a été instruite conformément au tableau n° 57A prévoyant la prise en charge au titre de la législation professionnelle de la rupture partielle ou transfixiante de la coiffe des rotateurs objectivée par IRM.
Cette demande de prise en charge a fait l'objet d'un rejet par décision de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Indre du 21 janvier 2021, en raison de la réception d'une I.R.M. post-opératoire.
Mme [J] a contesté cette décision devant la commission de recours amiable qui, par décision du 24 mars 2021, a confirmé le refus de prise en charge.
Mme [J] a formé le 10 mai 2021 un recours devant le Pôle social du tribunal judiciaire de Châteauroux qui, par décision du 17 mai 2022, a :
- dit que la maladie déclarée le 5 octobre 2020 par Mme [J] à la CPAM de l'Indre en tant que 'conflit sous acromial arthropathie acromio claviculaire tendinopathie long biceps épaule droite' est d'origine professionnelle,
- condamné la CPAM de l'Indre à payer à Mme [J] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- débouté la CPAM de l'Indre de l'ensemble de ses demandes,
- condamné la CPAM de l'Indre aux dépens.
Suivant déclaration effectuée par lettre recommandée avec avis de réception du 29 juin 2022, reçue au greffe le 4 juillet 2022, la CPAM de l'Indre a interjeté appel de ce jugement, qui lui avait été notifié le 9 juin 2022.
Par arrêt avant dire-droit du 31 octobre 2023, la Cour d'appel a :
- ordonné une mesure d'expertise médicale de Mme [E] [J] et désigné pour y procéder le docteur [X] [S], avec pour mission de :
* convoquer les parties,
* se faire remettre par les parties tous les documents médicaux utiles,
* dire si la pathologie déclarée par Mme [E] [J] correspond à celle mentionnée au tableau n° 57 A des maladies professionnelles.
L'expert a rendu son rapport le 13 décembre 2023.
L'affaire a été rappelée à l'audience.
La caisse primaire d'assurance maladie demande à la Cour de :
- infirmer le jugement entrepris,
- juger que la maladie de Mme [J] ne peut être prise en charge au titre de la législation professionnelle,
- débouter Mme [J] de ses demandes dont la condamnation de la caisse primaire d'assurance maladie au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
La caisse primaire d'assurance maladie expose que le médecin conseil a constaté que Mme [J] avait adressé une IRM post-opératoire et s'appuie sur les conclusions de l'expert.
Le conseil de Mme [J] a demandé une dispense de comparution et demandé par voie de conclusions à la Cour de :
- prononcer la nullité du rapport d'expertise du 13 décembre 2023,
- ordonner une nouvelle expertise,
- désigner tel expert qu'il plaira à la Cour de désigner,
- débouter la caisse primaire d'assurance maladie de l'Indre de toute demande.
Mme [J] souligne que l'expert n'a pas convoqué son conseil et qu'il a eu un entretien téléphonique avec elle seule sans qu'il en ait été préalablement informé, alors que l'assistance d'un avocat relève de la garantie à un procès équitable garantie par l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme et l'article 16 du Code de procédure civile. Elle ajoute que son conseil n'a dès lors pas pu transmettre de dire ou des observations quelconques. Enfin, elle reproche à l'expert d'avoir, contrairement à ce que prohibe l'article 238 du Code de procédure civile, émis une appréciation d'ordre juridique en indiquant qu'il est 'possible d'affirmer avec certitude que la condition médicale du tableau n° 57 n'est pas validée car il manque l'IRM nécessairement préopératoire', sans répondre à la question posée de savoir si la pathologie relevait du tableau n° 57A.
La caisse primaire d'assurance maladie réplique sur ce point que l'expert a sollicité des parties l'envoi des pièces médicales et administratives, après s'être fait préciser qu'il s'agissait d'une expertise sur pièces, sans examen clinique de l'intéressé. Elle ajoute que l'expert a bien répondu à la question posée, en indiquant que la maladie développée par Mme [J] ne répondait pas aux conditions médicales règlementaires.
Pour un plus ample exposé des moyens et arguments des parties, il est expressément renvoyé à leurs écritures, comme le permet l'article 455 du Code de procédure civile.
SUR QUOI LA COUR :
Il convient, en application des dispositions de l'article 446-1 alinéa 2 du Code de procédure civile, auquel renvoie l'article 946 du Code de procédure civile, d'autoriser Mme [J], comme elle l'a sollicité par l'intermédiaire de son conseil, à formuler ses observations par écrit sans se présenter à l'audience. La décision rendue dans ces conditions est contradictoire.
S'agissant de la demande formée par Mme [J] visant à la nullité de l'expertise, la Cour rappelle que l'expert doit en tous points respecter le principe de la contradiction et les droits de la défense dans le cadre des mesures d'instruction qu'il a la charge de mener.
L'article 276 Code de procédure civile prévoit notamment que l'expert doit prendre en considération les observations ou réclamations des parties, et, lorsqu'elles sont écrites, les joindre à son avis si les parties le demandent.
L'article 175 du Code de procédure civile prévoit par ailleurs que 'la nullité des décisions et actes d'exécution relatifs aux mesures d'instruction est soumise aux dispositions qui régissent la nullité des actes de procédure'.
L'article 114 du Code de procédure civile prévoit cependant que 'la nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public'.
Ainsi, si l'inobservation des formalités prescrites par l'article 276 du Code de procédure civile, relatives aux observations et réclamations des parties adressées à l'expert, présente un caractère substantiel, il résulte de ces textes que celui qui invoque un manquement de l'expert au principe de la contradiction et aux droits de la défense doit invoquer un grief. Il a d'ailleurs été jugé que l'inobservation des formalités prescrites par l'article 276 du Code de procédure civile n'entraîne la nullité du rapport d'expertise qu'à charge pour la partie qui l'invoque de prouver le grief que lui cause cette irrégularité (Civ., 3ème 17 déc. 2020, n° 19-12.183).
En l'espèce, il convient de constater en premier lieu que le conseil de Mme [J] a bien été associé à la mesure d'expertise puisque son conseil a répondu à la demande qu'a formé l'expert de communiquer les pièces qu'il entendait faire valoir. Il lui était possible dès lors d'adresser toutes observation ou tout dire qu'il estimait utile. Dans le cadre de la présente procédure, il est à même de discuter contradictoirement du rapport d'expertise qui a été déposé.
Si sa cliente s'est entretenue avec l'expert au téléphone, étant entendu qu'un examen médical de celle-ci n'a pas été rendu nécessaire, le docteur [S] a pris soin d'indiquer, dans un email adressé aux parties le 12 décembre 2017, et particulièrement au conseil de Mme [J], que 'si l'une des parties souhaite un entretien téléphonique, je laisse cette possibilité, à condition de me tenir informé d'ici lundi 18 décembre au plus tard'.
Il en résulte que c'est Mme [J] qui a pris l'initiative d'appeler l'expert, et qu'il lui était loisible d'y associer son conseil, qui avait été préalablement avisé de cette possibilité de communiquer à distance.
Il ne résulte donc aucun grief pour Mme [J] du déroulement de la procédure d'expertise.
Enfin, il ne peut être affirmé que l'expert a porté une appréciation d'ordre juridique dans la mesure où il a indiqué dans son rapport qu'il 'est donc possible d'affirmer avec certitude que la condition médicale du tableau n° 57 n'est pas validée', alors que c'est précisément sur cette condition médicale, et non administrative, qu'il s'est prononcé, et qu'il répondait ainsi à la question posée de savoir si la pathologie déclarée par Mme [J] correspondait à la celle mentionnée à ce tableau. Au demeurant, il convient de rappeler qu'aucune disposition ne sanctionne de nullité l'inobservation des obligations imposées par l'article 238 à l'expert (Civ., 1ère 7 juillet 1998 n° 97-10.869).
Le rapport d'expertise n'encourt donc aucune nullité et Mme [J] sera déboutée de sa demande visant à la nullité de l'expertise.
La Cour constate par ailleurs que Mme [J] n'a pas conclu au fond sur ce rapport.
Il convient donc d'ordonner la réouverture des débats dans les conditions posées au dispositif, et de réserver les demandes au fond et les dépens.
PAR CES MOTIFS:
Statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Déboute Mme [E] [J] de sa demande visant à la nullité du rapport d'expertise ;
Pour le surplus, avant-dire droit,
Ordonne la réouverture des débats pour que Mme [E] [J] développe ses moyens sur le fond ;
Renvoie l'affaire à l'audience de la chambre des affaires de sécurité sociale de la Cour d'appel d'Orléans du mardi 10 septembre 2024 à 14 heures, la notification de la présente décision valant convocation des parties à cette audience ;
Réserve les demandes au fond et les dépens.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,