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02/07/2024 | FRANCE | N°21/02835

France | France, Cour d'appel d'Orléans, Chambre civile, 02 juillet 2024, 21/02835


COUR D'APPEL D'ORLÉANS



C H A M B R E C I V I L E





GROSSES + EXPÉDITIONS : le 02/07/2024

Me Anne BONNEVILLE

la SELARL B&J BENDJADOR





ARRÊT du : 2 JUILLET 2024



N° : - 24



N° RG 21/02835 - N° Portalis DBVN-V-B7F-GOXR





DÉCISION ENTREPRISE : Jugement TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOURS en date du 06 Septembre 2021



PARTIES EN CAUSE



APPELANTS :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265277836452811



Monsieur [E] [U]>
né le 13 Mars 1973 à [Localité 7]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



ayant pour avocat postulant Me Anne BONNEVILLE, avocat au barreau de TOURS,

ayant pour avocat plaidant Me Christel BRANJONNEAU, avoc...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

C H A M B R E C I V I L E

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 02/07/2024

Me Anne BONNEVILLE

la SELARL B&J BENDJADOR

ARRÊT du : 2 JUILLET 2024

N° : - 24

N° RG 21/02835 - N° Portalis DBVN-V-B7F-GOXR

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOURS en date du 06 Septembre 2021

PARTIES EN CAUSE

APPELANTS :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265277836452811

Monsieur [E] [U]

né le 13 Mars 1973 à [Localité 7]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

ayant pour avocat postulant Me Anne BONNEVILLE, avocat au barreau de TOURS,

ayant pour avocat plaidant Me Christel BRANJONNEAU, avocat au barreau de PARIS

Monsieur [I] [T]

né le 09 Novembre 1970 à [Localité 8]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

ayant pour avocat postulant Me Anne BONNEVILLE, avocat au barreau de TOURS,

ayant pour avocat plaidant Me Christel BRANJONNEAU, avocat au barreau de PARIS

S.C.I. BRETO

Société civile au capital de 10.000 euros, immatriculée au Registre de Commerce et des Sociétés sous le numéro 829 128 966 RCS TOURS, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social,

[Adresse 1]

[Adresse 1]

ayant pour avocat postulant Me Anne BONNEVILLE, avocat au barreau de TOURS,

ayant pour avocat plaidant Me Christel BRANJONNEAU, avocat au barreau de PARIS

S.C.I. LES BATELIERS

Société par actions simplifiée au capital de 50.000 euros, immatriculée au Registre de Commerce et des Sociétés sous le numéro 829 204 098 RCS TOURS, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 1]

[Adresse 1]

ayant pour avocat postulant Me Anne BONNEVILLE, avocat au barreau de TOURS,

ayant pour avocat plaidant Me Christel BRANJONNEAU, avocat au barreau de PARIS

D'UNE PART

INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265277196445841

Commune de [Localité 5]

prise en la personne de son maire en exercice

[Adresse 4]

[Adresse 4]

représentée par Me Jihane BENDJADOR de la SELARL B&J BENDJADOR, avocat au barreau de TOURS

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 3 Novembre 2021.

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 11 mars 2024

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats à l'audience publique du 14 Mai 2024 à 14h00, l'affaire a été plaidée devant M. Laurent SOUSA, Conseiller, en l'absence d'opposition des parties ou de leurs représentants.

Lors du délibéré, au cours duquel M. Laurent SOUSA, Conseiller a rendu compte des débats à la collégialité, la Cour était composée de:

Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de chambre,

Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller,

Madame Laure- Aimée GRUA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

GREFFIER :

Mme Karine DUPONT, Greffier lors des débats et du prononcé.

ARRÊT :

Prononcé publiquement le 2 juillet 2024 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

***

FAITS ET PROCÉDURE

Des discussions ont été engagées entre MM. [U] et [T] d'une part et la commune de [Localité 5] d'autres part, aux fins d'ouverture d'un restaurant sur les bords d'un lac de la commune.

Par acte authentique en date du 27 juillet 2016, une promesse synallagmatique de bail à construction et une promesse de vente de terrain a été conclue entre les parties, dont le délai expirait le 15 décembre 2016. En vue de la réalisation de leur projet, MM. [U] et [T] ont constitué les sociétés Breto et Les Bateliers.

La commune de [Localité 5] a délivré le permis de construire à MM. [U] et [T] le 20 septembre 2016. Aucun acte authentique n'a été régularisé au 15 décembre 2016.

Les sociétés Breto et Les Bateliers ont bénéficié d'offres de prêts en avril 2017 et un projet d'acte de promesse de bail à construction et de vente de la parcelle litigieuse a été établi que la commune de [Localité 5] n'a pas souhaité signer.

Par acte en date du 21 décembre 2018, MM. [U] et [T], la société Breto et la société Les Bateliers ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Tours la commune de Joué-les-Tours en réparation de leurs préjudices.

Par jugement en date du 6 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Tours a :

- dit et jugé que faute d'un commun de prorogation et en raison du silence gardé jusqu'au 27 avril 2017 par MM. [T] et [U], la promesse de bail à construction du 27 juillet est devenue caduque le 15 décembre 2016 à 16 heures ;

- débouté en conséquence MM. [T] et [U] et les sociétés Breto et Les Bateliers de l'ensemble de leurs demandes ;

- condamné solidairement MM. [T] et [U] et les sociétés Breto et Les Bateliers à verser à la commune de [Localité 5] une indemnité de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par déclaration en date du 3 novembre 2021, MM. [U] et M. [T], les sociétés Breto et Les Bateliers ont interjeté appel de l'intégralité des chefs de ce jugement.

Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 21 juin 2022, MM. [U] et [T], les sociétés Breto et Les Bateliers demandent à la cour de :

- les dire et juger recevables et bien fondés en leurs demandes, fins et prétentions ;

- infirmer le jugement en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes ; les a condamnés au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens d'instance ;

Par conséquent, statuant à nouveau :

- dire et juger que la commune de [Localité 5] a rompu de manière fautive les pourparlers engagés avec MM. [U] et [T] ;

- condamner la commune de [Localité 5] à payer les sommes suivantes :

54 903,55 euros au titre de la réparation des frais engagés à MM. [U] et [T], les sociétés Breto et Les Bateliers ;

120 000 euros au titre de la perte de temps de MM. [U] et [T] ;

50 000 euros au titre l'atteinte à l'image de marque et à la réputation à MM. [U] et [T] ;

- condamner la commune de [Localité 5] au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 20 juillet 2022, la commune de [Localité 5] demande à la cour de :

- la déclarer recevable et bien fondée en ses écritures, demandes, fins et conclusions ;

- dire et juger qu'elle n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité à l'égard de M. [U], M. [T], la société Breto et la société Les Bateliers ;

- déclarer mal fondé l'appel principal interjeté par M. [U], M. [T], la société Breto et la société Les Bateliers ;

- condamner solidairement M. [U], M. [T], la société Breto et la société Les Bateliers au paiement de la somme de 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner solidairement M. [U], M. [T], la société Breto et la société Les Bateliers aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions.

MOTIFS

Sur l'existence d'une faute dans rupture des pourparlers

Moyens des parties

Les appelants soutiennent que la commune de [Localité 5] a sciemment enlisé durant deux ans les négociations avec MM. [U] et [T] en leur laissant croire qu'elle leur concéderait un bail emphytéotique de 18 ans (début 2016), un bail à construction (2016 à 2017), la cession du terrain sis [Adresse 6] à [Localité 5] (octobre 2017) ; qu'elle leur a laissé croire en la possibilité de créer un restaurant et les a encouragés à engager des frais relatifs à l'implantation en accordant dès avant la signature du bail à construction un permis de construire sur le terrain objet dudit bail ; qu'alors que les négociations étaient bien avancées, une promesse de cession régularisée, les sociétés constituées, les prêts accordés, un rendez-vous de signature fixé chez le notaire de la commune de [Localité 5], cette dernière a décidé d'annuler purement et simplement le rendez-vous sans aucune explication et ce deux jours avant la signature ; que ce comportement fautif a causé un préjudice aux requérants du fait des différents engagements déjà réalisés ; qu'ils ne se sont jamais prévalus de la non-réalisation de la condition suspensive relative aux prêts de sorte que le défaut d'obtention des financements n'a jamais rendu caduque la promesse de bail à construction ; que la commune a accepté de renoncer à se prévaloir de la caducité de l'acte en poursuivant les négociations tout au long de l'année ; que les négociations pour la signature du bail à construction se sont poursuivies après le 30 septembre 2016 jusqu'au 28 avril 2017, contrairement à ce qu'affirme la défenderesse ; qu'un rendez-vous de signature de l'acte définitif du bail à construction était bien prévu le 11 mai 2017 et la défenderesse ne souhaitait aucunement se prévaloir de la prétendue absence de réalisation des conditions suspensives de la promesse et ne l'a même pas évoquée ; que le projet de bail à construction définitif établi par Maître [P], notaire de la commune de [Localité 5] mentionne dans son acte que les conditions suspensives ont été levées ; que la commune de [Localité 5] ne peut pas affirmer que le rendez-vous avait été fixé sans accord, seul le lieu du rendez-vous était à déterminer ensemble ; que subsidiairement, si la cour estimerait que la promesse de bail est devenue caduque, il convient de constater que les parties ont continué à échanger sur la réalisation du projet ; qu'aucun mail, correspondance, SMS ne les a informés de l'arrêt du projet ; que la commune les a laissés continuer leurs démarches, car le projet était toujours d'actualité ; que le permis de construire en date du 20 septembre 2016, après la non réalisation des conditions suspensives, n'a pas fait l'objet d'un retrait par la commune ; qu'un rendez-vous de signature de l'acte définitif de bail à construction a été fixé le 11 mai 2021 par le notaire de la commune de [Localité 5] ; qu'en annulant deux jours avant le rendez-vous de signature alors que l'acte définitif a été adressé aux parties et l'ensemble des conditions

prévues aux termes de la promesse a été réuni, la commune a rompu les pourparlers de manière brutale et abusive en laissant croire depuis plus de 10 mois que le bail à construction allait se conclure ; que le tribunal a apprécié de manière erronée la relation pré-contractuelle entre eux et la commune en estimant qu'après le 15 décembre 2016, la promesse de bail à construction étant devenue caduque, toutes les négociations entre les parties avaient cessé ; qu'en effet, même si le tribunal a pu constater que la promesse est devenue caduque, il aurait dû constater que les parties se sont rapprochées à nouveau sur les mêmes bases au cours du premier semestre 2017 pour aboutir à un projet de bail à construction et à la fixation d'un rendez-vous chez le notaire ; qu'il est par conséquent demandé à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes de condamnation de la commune de [Localité 5] au versement des indemnités pour rupture abusive des pourparlers.

La commune de [Localité 5] réplique que la promesse était signée sous condition suspensive d'obtention de prêts au plus tard le 30 septembre 2016, alors que MM. [U] et [T] n'ont obtenu aucun financement à cette date ; que ce n'est que de longs mois après l'expiration de ces délais que les consorts [T] et [U] ont repris attache avec elle, faisant fi des dispositions contractuelles pourtant claires et explicites ; que si elle avait été animée d'une quelconque volonté déloyale, elle n'aurait pas délivré de permis de construire dans le délai imparti ; qu'au contraire, elle a toujours rempli ses obligations à l'égard de MM. [T] et [U] ; que la non-réalisation de la condition suspensive d'obtention de prêt au 30 septembre 2016 a eu pour effet d'entraîner la caducité de la promesse en application des dispositions de l'article 1176 du code civil, et il appartient aux appelants de rapporter la preuve contraire de cet état de fait s'il en était autrement ; que la promesse est devenue caduque par le simple écoulement du temps au 15 décembre 2016 et MM. [T] et [U] ne se sont pas manifestés à cette date pour voir prolonger cette promesse, démontrant qu'ils n'avaient plus à cette date de volonté de s'engager ; que MM. [U] et [T] ne pouvaient renoncer unilatéralement à la réalisation de la condition suspensive, dès lors qu'il ressort sans équivoque que le délai et les modalités ont été stipulés dans l'intérêt commun des parties et non exclusif de bénéficiaires ; que cet intérêt commun est certain puisque l'acte ne précise pas expressément un intérêt exclusif au bénéficiaire et ne peut suffire l'indication selon laquelle l'acquéreur pourra renoncer à se prévaloir de la non-réalisation de la condition suspensive d'obtention de prêts alors qu'à l'inverse il était également de l'intérêt de la commune de [Localité 5] d'être assurée que leur acquéreur disposait du financement nécessaire ; que si la cour ne retenait pas l'interprétation des stipulations contractuelles du contrat litigieux, il pourra être fait référence en outre à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, l'article 1304-4 du code civil prévoyant qu'une partie est libre de renoncer à la condition stipulée dans son intérêt exclusif, tant que celle-ci n'est pas accomplie ; qu'il semble donc possible, en dépit de l'automaticité de la défaillance de la condition, de faire

revivre le contrat si les parties sont d'accord ; qu'au cas particulier, elle n'a pas entendu donner son accord sur un délai postérieur à la levée des conditions suspensives de 6 mois, de sorte qu'il ne peut être imputé une mauvaise foi dès lors qu'elle était totalement ignorante de la position des demandeurs ; que s'agissant de l'allégation selon laquelle les pourparlers se sont poursuivis par l'intermédiaire de M. [D], il est acquis qu'elle n'avait aucune information à fournir aux requérants quant à son intention de poursuite ou non du projet puisque la promesse était devenue caduque sans qu'il y ait eu un accord sur la poursuite éventuelle des pourparlers ; que M. [D] n'avait aucun pouvoir pour engager la commune, et ce d'autant qu'il informait explicitement MM. [T] et [U] qu'il ignorait la teneur des discussions juridiques ; qu'elle n'a reçu aucune information quant aux démarches entreprises par les appelants qui sont restés silencieux tant sur l'exécution des dispositions de la promesse emportant sa caducité que sur leurs démarches parallèles ; qu'il est faux d'affirmer qu'elle aurait laissé planer une incertitude quant au retrait du permis de construire qui est encadré par des règles précises ; qu'en tout état de cause, cet acte administratif n'est pas de nature à démontrer qu'elle entendait poursuivre les pourparlers avec MM. [T] et [U] et les sociétés Breto et Les Bateliers dès lors que la promesse était caduque depuis le 15 décembre 2016 ; qu'il a été formulé une demande de retrait du permis en 2018 conformément aux règles prescrites et elle y a fait droit ; que Maître [G] qui n'a jamais été son notaire n'a pas été déchargée du dossier ; qu'il n'y a eu aucun échange pendant de longs mois de septembre 2016 à avril 2017 ; que tout d'un coup, Maître [G] a adressé un projet et a fixé unilatéralement un rendez-vous le 11 mai 2017 (soit plus de 7 mois après la caducité de la promesse) ; qu'il n'y a jamais eu antérieurement un échange formel quant au contenu de l'acte soumis et quant à une prise de rendez-vous à cette date ; qu'au vu de l'empressement soudain de Maître [G], après de longs mois de silence, M. [Y] l'a informée qu'il transmettait le dossier à Maître [P], notaire de la commune ; que le rendez-vous n'a pas été annulé puisqu'il n'était pas fixé d'un commun accord ; qu'en aucun cas, Maître [P] n'a manifesté une poursuite des pourparlers sur le fondement de la promesse de bail à construction en date du 27 juillet 2016, outre le fait qu'il n'a pas mandat pour engager la commune ; qu'elle ne s'est pas désengagée en juillet 2017 abusivement et de mauvaise foi mais sur le seul motif que cette promesse était caduque depuis longue date ; que la caducité est uniquement imputable à MM. [T] et [U] ; qu'aucune faute de sa part n'est dès lors caractérisée, n'ayant fait que refuser la signature d'une promesse caduque du seul fait des bénéficiaires.

Réponse de la cour

L'article 1176 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, dispose que lorsqu'une obligation est contractée sous la condition qu'un événement arrivera dans un

temps fixe, cette condition est censée défaillie lorsque le temps est expiré sans que l'événement soit arrivé.

Lorsque la condition est stipulée dans le seul intérêt de l'une des parties, seule cette partie peut se prévaloir de la caducité attachée à la défaillance de la condition avant la date fixée pour la réitération, ainsi que l'a d'ailleurs jugé la Cour de cassation (3e Civ., 27 octobre 2016, pourvoi n° 15-23.727), mais la défaillance peut être invoquée par les deux parties postérieurement à la date fixée pour la réitération (3e Civ. 4 février 2021, pourvoi n° 20-15.913).

Par délibération du conseil municipal du 4 avril 2016, la commune de [Localité 5] a constaté la désaffectation et prononcé le déclassement du domaine public de la partie de la parcelle [Cadastre 3], considérant qu'elle ne fait pas obstacle à la libre circulation des personnes.

L'exposé des motifs de cette délibération mentionne :

« La ville de [Localité 5] est sollicitée par un porteur de projet en vue de la création d'une brasserie-restaurant près du lac des Bretonnières, tourné vers l'authenticité et le « bien manger ».

Ce projet s'inscrit dans une démarche complète, allant d'une construction dans le respect de l'environnement choisi (choix des matériaux, maîtrise de l'énergie...) à la sélection des producteurs locaux et des recettes du terroir.

La partie nord de la parcelle [Cadastre 3], d'environ 4 000 m², est aujourd'hui utilisée comme espace vert non affecté à l'usage du public.

Elle peut donc être désaffectée puis déclassée pour servir de terrain d'assiette au projet.

En application de l'article L.141-3 du Code de la voirie routière, il appartient au Conseil Municipal de se prononcer sur le déclassement des espaces publics cadastrés.

Conformément à ce même article, une enquête publique n'est pas obligatoire ».

En suite du déclassement de la parcelle [Cadastre 3], la commune de [Localité 5] représentée par M. [D], adjoint au maire, a, par acte authentique du 27 juillet 2026 reçu par Me [M], conclu une promesse synallagmatique de bail à construction sur ladite parcelle pour une durée de 18 ans et de de vente de la parcelle à l'issue du bail, au profit de MM. [T] et [U].

La promesse stipulait des conditions suspensives dont seul le bénéficiaire pourra se prévaloir ou y renoncer, dont la condition suspensive d'obtention d'un ou plusieurs prêts d'un montant minimum de 405 000 euros, l'acte précisant « qu'à défaut par le bénéficiaire de se prévaloir de la non réalisation de la présente condition suspensive, il sera réputé y avoir renoncé ».

La promesse stipulait qu'elle était consentie pour un délai expirant le 15 décembre 2016, à seize heures, et « au cas où le bail ne serait pas réalisé par acte authentique ou l'offre faite avant l'expiration de cette durée, avec

paiement du loyer selon les modalités ci-après convenues, les présentes deviennent caduques et les parties sont libérées de tout engagement, sauf à tenir compte de la responsabilité contractuelle pour celui par la faute duquel le contrat n'a pas pu être exécuté ».

Le caractère non extinctif du délai fixé par la promesse de vente pour procéder à la signature de l'acte authentique de vente avait pour seule conséquence de permettre à l'une des parties d'obliger l'autre à s'exécuter si les conditions suspensives étaient réalisées à cette date, mais ne permettait pas à une partie de disposer d'un délai supplémentaire pour remplir ses obligations.

En l'espèce, les appelants se prévalent d'offres de prêts en date des 22 et 29 avril 2017, qui sont postérieures à la date convenue pour la régularisation de la promesse par acte authentique. En application des dispositions de l'article 1176 du code civil, dans sa rédaction applicable, la promesse est devenue caduque en l'absence de réalisation des conditions suspensives avant la date fixée pour sa signature.

Si les appelants se prévalent d'échanges par messages avec M. [D], adjoint au maire de la commune de [Localité 5], postérieurement à la caducité de la promesse de vente, ceux-ci concernent essentiellement leurs démarches relatives à l'obtention des prêts en vue de la réalisation de leur projet. Ainsi, dans deux messages du mois de mars adressés à M. [D], M. [U] a indiqué avoir obtenu l'accord de la banque pour les prêts, auxquels M. [D] a répondu en indiquant « super » et « génial ». Outre le fait que l'obtention de prêts postérieurement à la date prévue pour la signature de l'acte authentique ne peut faire revivre la promesse devenue caduque, les réponses de M. [D] n'établissent nullement l'existence de pourparlers pour la conclusion d'une nouvelle promesse de vente.

En outre, le projet d'acte authentique en date du 10 mai 2017 établi par Me [M], n'était pas une nouvelle promesse de bail et de vente de la parcelle litigieuse, mais l'acte de régularisation de la promesse antérieure qui était devenue caduque, sans qu'il ne soit établie l'existence d'un accord, même tacite, des parties pour proroger le délai de régularisation de la promesse par acte authentique. Les appelants sont donc mal-fondés à soutenir l'existence de pourparlers postérieurement à la caducité de la promesse de bail et de vente, alors qu'ils se prévalent d'un projet ne portant pas sur une nouvelle promesse mais sur l'acte authentique qui aurait dû être établi au plus tard le 15 décembre 2016.

Le fait que les appelants aient poursuivi leurs démarches en vue de l'octroi de prêts postérieurement à la caducité de la promesse de bail et de vente ne peut établir l'existence d'un accord du promettant pour proroger le délai de régularisation de la promesse.

Dans un courrier électronique en date du 19 mai 2017, en réponse à un courrier de Me [M] qui n'est pas produit aux débats, Me [P], notaire de la commune a indiqué :

« Chère Cons'ur,

Je suis ravie de constater que vous avez repris le chemin de la confraternité (contrairement à votre Cons'ur qui s'est permise de contacter directement la Ville la semaine dernière....).

Pour autant, la ville refuse de signer l'acte que vous aviez proposé. Ce dernier ne répond pas aux objectifs fixés par le Maire. J'ai RDV la semaine prochaine avec le responsable urba, l'adjoint et le DGS. Nous allons trouver une solution à proposer afin que l'opération réponde aux objectifs de la Ville sans nuire bien entendu au projet de votre cliente.

Je vous en ferai retour dés validation ».

Ce courrier établit clairement l'absence d'accord de la commune de [Localité 5] pour régulariser l'acte authentique de bail et de vente, dont la promesse était caduque. La référence à la recherche d'une solution au regard du projet des appelants n'établit en outre pas une rupture de pourparlers qui ne sont pas établis depuis la caducité de la promesse, mais une réflexion sur une opération autre qu'un bail à construction.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que les appelants n'établissent pas l'existence d'une rupture fautive de pourparlers par la commune de [Localité 5], de sorte qu'ils doivent être déboutés de l'ensemble de leurs demandes formées à l'encontre de la commune.

Le jugement sera donc confirmé en toutes ses dispositions.

Sur les frais de procédure

Compte-tenu de la solution donnée au litige, il convient de condamner in solidum M. [U], M. [T], la société Breto et la société Les Bateliers aux dépens d'appel et à payer à la commune de [Localité 5] une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;

Y AJOUTANT :

CONDAMNE in solidum M. [U], M. [T], la société Breto et la société Les Bateliers à payer à la commune de [Localité 5] la somme complémentaire de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum M. [U], M. [T], la société Breto et la société Les Bateliers aux entiers dépens d'appel.

Arrêt signé par Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de Chambre et Mme Karine DUPONT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/02835
Date de la décision : 02/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-02;21.02835 ?
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