COUR D'APPEL D'ORLÉANS
C H A M B R E C I V I L E
GROSSES + EXPÉDITIONS : le 02/07/2024
la SELARL ACTE - AVOCATS ASSOCIES
la SCP LE METAYER ET ASSOCIES
ARRÊT du : 2 JUILLET 2024
N° : - 24
N° RG 21/02464 - N° Portalis DBVN-V-B7F-GN6O
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'ORLEANS en date du 19 Août 2021
PARTIES EN CAUSE
APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265266074810931
S.A.R.L. [4] [Localité 5] prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Me Nelsie-Clea KUTTA ENGOME de la SELARL ACTE - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau D'ORLEANS
D'UNE PART
INTIMÉES : - Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265277786437962
S.A. MMA IARD
société anonyme immatriculée au Registre du Commerce et des
Sociétés du Mans sous le numéro 440 048 882, prise en la personne de
ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
ayant pour avocat postulant Me Didier CAILLAUD de la SCP LE METAYER ET ASSOCIES, avocat au barreau d'ORLEANS,
ayant pour avocat plaidant Me Guillaume BRAJEUX du LLP HOLMAN FENWICK WILLAN France LLP, avocat au barreau de PARIS
MMA IARD Assurances Mutuelles, société civile immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés du Mans sous le numéro 775 652 126, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
ayant pour avocat postulant Me Didier CAILLAUD de la SCP LE METAYER ET ASSOCIES, avocat au barreau d'ORLEANS,
ayant pour avocat plaidant Me Guillaume BRAJEUX du LLP HOLMAN FENWICK WILLAN France LLP, avocat au barreau de PARIS
D'AUTRE PART
DÉCLARATION D'APPEL en date du : 17 Septembre 2021.
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 11 mars 2024
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats à l'audience publique du 14 Mai 2024 à 14h00, l'affaire a été plaidée devant M. Laurent SOUSA, Conseiller, en l'absence d'opposition des parties ou de leurs représentants.
Lors du délibéré, au cours duquel M. Laurent SOUSA, Conseiller a rendu compte des débats à la collégialité, la Cour était composée de:
Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de chambre,
Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller,
Madame Laure- Aimée GRUA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
GREFFIER :
Mme Karine DUPONT, Greffier lors des débats et du prononcé.
ARRÊT :
Prononcé publiquement le 2 juillet 2024 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
***
FAITS ET PROCÉDURE
La société [4] exploite un restaurant [Adresse 2] à [Localité 5], sous l'enseigne Studio 16, l'établissement étant assuré auprès des sociétés MMA Iard SA et MMA Iard assurances mutuelles.
La société [4] a fait l'objet d'une mesure de fermeture de son établissement au public en application de l'arrêté du 14 mars 2020 du ministre de la santé ordonnant la fermeture des restaurants et des débits de boissons à compter du 15 mars et jusqu'au 15 avril 2020 et prolongé par le décret du 14 avril 2020 jusqu'au 11 mai 2020.
Elle a déclaré un sinistre pour sa perte d'exploitation subie pendant cette période auprès de son assureur qui lui a opposé un refus de garantie.
Une nouvelle fermeture de l'établissement au public est intervenue du 29 octobre 2020 au 18 mai 2021, qui a donné lieu à une nouvelle déclaration de sinistre et à un nouveau refus de prise en charge par l'assureur.
Par acte d'huissier de justice en date du 10 juin 2021, la société [4] a fait assigner à jour fixe les sociétés MMA Iard SA et MMA Iard assurances mutuelles devant le tribunal judiciaire d'Orléans en indemnisation de son préjudice.
Par jugement en date du 19 août 2021, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal judiciaire d'Orléans a :
- débouté la société [4] de l'ensemble de ses demandes ;
- débouté les sociétés MMA Iard SA et MMA Iard assurances mutuelles de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société [4] aux entiers dépens.
Par déclaration en date du 17 septembre 2021, la société [4] a interjeté appel de tous les chefs du jugement.
Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 9 décembre 2022, la société [4] demande à la cour de :
- la déclarer recevable et bien fondée en son appel ;
- infirmer le jugement en ce qu'il a considéré que la clause exclusive de garantie alléguée par les MMA excluait leur garantie au titre des fermetures administratives subies du 15 mars 2020 au 11 mai 2020 et du 29 octobre 2020 au 18 mai 2021 et l'a déboutée de ses demandes ;
Statuant à nouveau,
- déclarer que la clause exclusive de garantie opposée par les MMA pour lui refuser leur garantie ne s'applique pas aux fermetures administratives subies 15 mars 2020 au 11 mai 2020 et du 29 octobre 2020 au 18 mai 2021 dès lors que lesdites fermetures ne concernent qu'un établissement ;
Subsidiairement,
- déclarer que ladite clause lui est inopposable parce qu'elle est sujette à interprétation, n'est pas formelle, vide de sa substance l'extension de garantie « Perte d'exploitation » en cas de fermeture administrative, qu'elle méconnaît la commune intention des parties, enfin qu'elle n'apparaît pas en caractères très apparents, en application respectivement des articles L.113-1 du code des assurances, 1170 du code civil, et ensemble 1103 et 1104, 1188 alinéa 1, 1189 et L.112-4 du code des assurances ;
Encore plus subsidiairement,
- déclarer que la convention, en cas de doute, doit s'interpréter en faveur de l'assurée en application de l'article 1190 in fine du code civil ;
En conséquence,
- déclarer que les sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles lui doivent garantie en application de la convention n° 145 747 590 « Perte d'exploitation » conclue entre les parties au titre des fermetures administratives subies du 15 mars 2020 au 11 mai 2020 et du 29 octobre 2020 au 18 mai 2021 ;
- condamner solidairement les sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles à lui régler la somme de 500 000 €en paiement de l'indemnité maximale prévue au contrat sur les deux périodes de fermeture administrative ;
- si par impossible, une expertise devait être ordonnée malgré l'évidence du quantum, déclarer que la mission d'expertise prendra en considération les économies réalisées par l'assuré ainsi que ses frais d'exploitation supplémentaires mais que les seuls facteurs externes à prendre en considération sont ceux indépendants du sinistre ;
- condamner solidairement les sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles à lui régler la provision de 500 000 € ;
- débouter les sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles de leurs demandes, fins et conclusions ;
- condamner solidairement les sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles à lui régler la somme de 12 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner solidairement les sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles aux entiers dépens lesquels seront recouvrés par la société Acte Avocats Associés pour ceux dont elle aura fait l'avance.
Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 21 février 2024, les sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles demandent à la cour de :
A titre principal :
- juger que les conditions de la garantie « fermeture administrative » de la police n° 145 747 590 souscrite par la société [4] ne sont pas réunies ;
- confirmer, par substitution de motifs, le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société [4] de l'ensemble de ses demandes ;
- débouter la société [4] de l'ensemble de ses demandes, fins, et conclusions, à leur encontre ;
A titre subsidiaire :
- juger que l'exclusion en cas de « fermeture collective d'établissement » est applicable ;
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société [4] de l'ensemble de ses demandes ;
- débouter la société [4] de l'ensemble de ses demandes, fins, et conclusions, à leur encontre ;
A titre très subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour retiendrait que la garantie « fermeture administrative » est applicable :
- juger que la société [4] ne rapporte pas la preuve des pertes d'exploitation qu'elle allègue ;
- débouter la société [4] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à leur encontre ;
A titre infiniment subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour ordonnerait une mesure d'instruction :
- désigner tel expert qui lui plaira, aux frais avancés de la société [4], avec pour mission de chiffrer le montant des pertes d'exploitation garanties, avec les précisions suivantes : convoquer les parties et les entendre, ainsi que tout sachant ; évaluer le montant des pertes d'exploitation subies par la société [4] contractuellement indemnisables sur les périodes d'indemnisation comprises entre le 15 mars et 2 juin 2020 d'une part, et entre les 30 octobre 2020 et 30 janvier 2021 d'autre part ; se faire communiquer tous les documents utiles et se rendre dans tout lieu utile pour mener à bien sa mission ; tenir compte, dans le calcul de la perte de marge subie de « la tendance générale de l'évolution d'entreprise » au regard des comptes arrêtés pour les exercices antérieurs à l'exercice en cause et des « facteurs extérieurs et intérieurs » susceptibles d'avoir eu, indépendamment du sinistre, une influence sur son activité et ses résultats ; retrancher de la perte de marge subie les montants de charges constitutives de la marge brute que l'entreprise cesserait de supporter du fait du sinistre, pendant la période d'indemnisation, ainsi que l'ensemble des aides et subventions perçues de tous organismes publics et privés ; déduire de la perte de chiffre d'affaires ainsi calculée, le chiffre d'affaires supplémentaire réalisé en click and collect et en ventes à emporter ; faire application, dans le cadre de l'évaluation, de la franchise contractuelle de 3 jours ouvrés par événement ;
- dire que le coût de cette mesure sera à la charge exclusive de la société [4] ;
- surseoir à statuer sur les demandes indemnitaires de la société [4] dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise ;
- débouter la société [4] de sa demande de provision ;
- après dépôt du rapport d'expertise, faire application des dispositions contractuelles et du principe indemnitaire pour fixer le montant de l'indemnité due en application de la police d'assurance ;
- faire application des plafonds et limites de garantie prévus par la police ;
En tout état de cause,
- condamner la société [4] à leur payer la somme de 8 000 € au titre de l'article 700 du
code de procédure civile ;
- débouter la société [4] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ou subsidiairement la réduire à de plus justes proportions ;
- condamner la société [4] à supporter les entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Didier Caillaud, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions.
MOTIFS
Sur la garantie perte d'exploitation
Moyens des parties
L'appelante soutient que la fermeture totale ou partielle de son établissement est la conséquence d'une décision des autorités administratives et entre dans le champ de la garantie « pertes d'exploitation » ; que les MMA ajoutent au contrat en prétendant que la garantie est cependant assortie d'une exclusion en cas de fermeture collective ordonnée au plan régional ou national, afin de circonscrire le risque assuré aux seules hypothèses de fermetures individuelles, telles que celles ordonnées en application de l'article L.3332-15 du code de la santé publique ; que contrairement à ce que le tribunal a retenu, en procédant à une interprétation de la clause exclusive de garantie litigieuse, cette fermeture administrative ne relève pas de l'exclusion alléguée par les MMA puisqu'elle a un seul établissement, dans la même région et sur le plan national, qui est concerné par la fermeture administrative ; que le terme « établissement » ne fait jamais référence à autre chose qu'aux biens appartenant à l'assuré : la convention ne fait référence à la notion d'établissement que pour désigner l'établissement assuré ou garanti ou désigné au contrat ou pour se référer explicitement et expressément aux biens de l'assuré ; que l'exclusion ne vise en réalité que la seule fermeture collective d'établissement assuré dans une même région ou sur le plan national, savoir le cas très limité où les autorités administratives ou judiciaires auraient pris la décision de fermer collectivement différents établissements appartenant à l'assuré sur un territoire important, à savoir à l'échelle régionale ou nationale ; que dès lors, si l'assuré dispose uniquement de plusieurs établissements au sein d'une même ville, d'une même agglomération ou d'un même département, l'exclusion ne s'applique pas en cas de fermeture collective de ses établissements ; que si la notion d'établissement s'entend comme « tous les restaurants et débits de boissons au niveau national » et non comme les seuls établissements de l'assuré, l'assureur ne pourrait pas faire jouer la clause d'exclusion, car la décision de fermeture toucherait uniquement les seuls établissements de l'assuré ; que la clause d'exclusion n'est pas formelle dès lors qu'elle est imprécise sur le critère qui permet de différencier une fermeture « collective » d'une fermeture « individuelle » ; que la définition de la notion de « fermeture collective d'établissement » retenue par le tribunal à la demande des MMA est parfaitement incompatible avec la clause de garantie elle-même qui traite indifféremment des fermetures administratives et judiciaires ; que la seule fermeture collective qui s'avère possible, tant d'un point de vue judiciaire qu'administratif, est la fermeture générale et indifférenciée des
établissements appartenant à l'assuré ; que cela signifie donc que la clause d'exclusion ne peut jouer que si l'assuré est propriétaire de différents établissements faisant l'objet d'une décision de fermeture collective décidée par l'autorité administrative ou par un tribunal judiciaire sur le plan régional ou national ; que la convention n'exclut pas les pertes d'exploitation qui résulteraient d'une épidémie ou d'une pandémie ou autre maladie, ces deux notions étant totalement absentes des conditions générales et particulières du contrat ; que l'utilisation même des notions d'épidémie et de maladie contagieuse par la clause exclusive de garantie, alors qu'elles ne sont pas définies contractuellement, suffisent à considérer la clause exclusive ni formelle ni limitée ; que la clause d'exclusion litigieuse ne satisfaisait pas aux conditions de l'article L.113-1 du code des assurances et doit être réputée non écrite ; que la clause d'exclusion nécessite que l'on recherche ce qu'elle a voulu exprimer et elle doit donc être écartée, car elle est sujette à interprétation, elle n'est pas formelle, elle vide de sa substance l'extension de garantie « perte d'exploitation » en cas de fermeture administrative (avec la notion de fermeture collective), et méconnaît la commune intention des parties, qui est pour l'assurée de voir son unique établissement garanti en cas de fermeture administrative quelle que soit sa cause ; qu'enfin, ladite clause n'apparaît pas en caractères très apparents et doit être écartée en application de l'article L.112-4 du code des assurances ; qu'en toutes hypothèses, les clauses d'exclusion s'interprètent contre l'assureur, dans le sens le plus favorable à l'assuré, et pour ce motif également, le tribunal aurait dû exclure l'application de cette clause exclusive de garantie ; que le jugement sera infirmé en ce qu'il décide que la clause exclusive de garantie prévue au contrat est valide et s'applique à la fermeture administrative subie à deux reprises par la société [4] et l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes en paiement ; qu'elle a subi, sur chacune des périodes, une perte marge brute qui est supérieure au montant du plafond de la garantie soit la somme de 250 000 € pour chaque période de fermeture administrative subie soit au total la somme de 500 000 €, à laquelle l'assureur doit être condamné.
Les sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles répliquent que l'arrêté du 14 mars 2020, et les textes subséquents, énoncent expressément que les restaurants étaient autorisés à maintenir des activités de vente à emporter et de livraison, de sorte qu'il ne saurait être qualifié de décision de fermeture ; qu'il convient en réalité de distinguer la mesure de fermeture d'un établissement de l'interdiction d'accueillir du public qui ne constitue pas une décision de fermeture administrative ; que les restaurants avaient la possibilité d'effectuer de la vente à emporter, confirmant que les restaurants et débits de boissons étaient autorisés à rester ouverts ; que c'est donc à tort que les premiers juges ont retenu qu'eu égard à l'activité de restauration traditionnelle de l'appelante, qui excluait la vente à emporter, lui interdire de recevoir du public la contraignait nécessairement à fermer son établissement ; que les décisions de fermeture administrative sont, par
nature, des décisions prononcées à titre individuel, ayant pour objet de fermer l'établissement consécutivement à un fait trouvant son origine dans les locaux assurés (non-respect des normes d'hygiène dans le restaurant, non-respect des règles de sécurité telles que la protection contre l'incendie, etc.), et sont prises par les services localement compétents, à l'issue d'une procédure contradictoire ; que l'arrêté du 14 mars 2020 n'ordonnait pas une telle fermeture administrative, car il laissait aux restaurants une possibilité de poursuivre leur activité par la mise en place d'une vente à emporter ou d'un service de livraison, il n'était pas une décision individuelle rendue au regard de la situation particulière du restaurant exploité par la société [4], mais était une réponse à une pandémie mondiale ; que l'appelante ne rapporte donc aucunement la preuve que, juridiquement, son établissement a fait l'objet d'une mesure de fermeture de la part des pouvoirs publics ; que les conditions de mise en 'uvre de la garantie « fermeture administrative » n'étant pas réunies, la cour confirmera, par substitution de motifs, la décision querellée en ce qu'elle a débouté la société [4] de l'ensemble de ses demandes à leur encontre.
Subsidiairement, l'assureur fait valoir que la garantie n'est pas mobilisable du fait de l'exclusion des « dommages résultant de la fermeture collective d'établissement » dans une même région ou sur le plan national » ; que cette exclusion, usuelle en matière de polices de dommages aux biens, vise à circonscrire le champ de la garantie aux seules hypothèses où une mesure individuelle de fermeture serait ordonnée à l'encontre de l'établissement assuré, telles que celles ordonnées en application de l'article L.3332-15 du code de la santé publique ; que sont ainsi exclus les cas de fermetures collectives qui, au plan assurantiel, constituent un risque systémique pour lequel il est techniquement impossible de procéder à la fixation d'une prime ; qu'en l'espèce, les arrêtés et décrets pris dans le cadre de la crise sanitaire ont interdit, au niveau national, aux restaurants traditionnels d'accueillir du public ; qu'à supposer que ces textes constituent une mesure de fermeture, cette dernière revêt donc incontestablement un caractère collectif ; que le terme « établissement » figurant dans la clause d'exclusion vise l'ensemble des entreprises et non pas les seuls sites exploités par l'assuré ; que le lexique détermine le terme d'établissement, sans considération du point de savoir si l'établissement est ou non assuré par la police ; que l'exclusion vise expressément l'hypothèse où serait ordonnée, dans une même région ou au niveau national, la fermeture collective d'établissements, entendus comme des ensembles de biens ayant chacun un même propriétaire et concourant à la même exploitation, que ces établissements soient ou non assurés au titre de la police ; que là où la clause de garantie vise l'établissement assuré, l'exclusion se contente d'évoquer « la fermeture collective d'établissement » ; que tel est manifestement le cas en l'espèce puisque, comme indiqué, l'arrêté du 14 mars 2020 et les textes subséquents pris dans le cadre de la crise sanitaire ont interdit, au niveau national, à l'ensemble des restaurants traditionnels d'accueillir du public ; qu'à suivre la société [4], les
restaurateurs n'exploitant qu'un seul établissement ne seraient jamais concernés par une décision de fermeture administrative prise au plan régional ou national, ce qui n'a aucun sens, et on aboutirait ainsi à l'hypothèse, ubuesque, où si la société [4] exploitait plusieurs restaurants elle ne serait pas garantie, alors qu'en exploitant un seul établissement, elle serait garantie ; qu'il ressort des stipulations contractuelles que les parties ont convenu de ce que la garantie « fermeture administrative » n'aurait pas vocation à garantir les fermetures collectives ordonnées dans une même région ou sur le plan national ; qu'une telle garantie laisse ainsi subsister dans le champ du périmètre de la couverture d'assurance l'hypothèse d'une fermeture individuelle de l'établissement assuré, qui demeure le risque le plus probable comparé à des mesures sanitaires exceptionnelles prises dans le cadre d'une pandémie historiquement inédite ; que c'est de manière bien opportune que la société [4] argue aujourd'hui d'un prétendu défaut rédactionnel de la clause d'exclusion pour obtenir le bénéfice d'une indemnité d'assurance pour un risque pour lequel elle n'a jamais payé de prime ; que la clause est claire et non ambiguë et se réfère à une définition contractuellement convenue du terme « établissement » ; qu'elle n'est donc pas sujette à interprétation et est donc limitée au sens de l'article L.113-1 du code des assurances ; que la notion de « fermeture collective » ne rend pas la clause sujette à interprétation ; que la clause d'exclusion est claire et dénuée d'ambiguïté : sont exclus les dommages résultant des mesures de fermeture collective d'établissements dans une même région ou sur le plan national, c'est-à-dire une mesure visant, indistinctement, les établissements d'une catégorie similaire, indifféremment du point de savoir s'ils sont assurés ou non auprès des MMA ; qu'est individuelle la fermeture qui ne vise que l'assuré, et est collective la fermeture qui vise une catégorie d'établissement donnée dans une zone géographique définie, sans considération du point de savoir s'ils sont assurés chez MMA ; que la clause de garantie vise l'hypothèse d'une fermeture ordonnée par les autorités administratives ou judiciaires, il est donc inopérant que les mesures de fermeture collective d'établissements visées dans l'exclusion ne puissent être ordonnées que par l'administration ; que la clause d'exclusion n'est pas contradictoire avec le libellé de la garantie ; que la clause de garantie demeure formelle et limitée quand bien même elle ne s'intéresse pas à la cause de la fermeture ordonnée contre l'assuré ; qu'un tel procédé rédactionnel s'explique par le fait qu'au sens de la garantie, le sinistre est constitué par la mesure de fermeture prise à l'encontre de l'assuré, sans considération de sa cause ; que la cause de la fermeture ordonnée à l'encontre de l'assuré n'est prise en compte qu'au titre de la seconde exclusion relative aux « dommages résultant du non-respect par l'assuré de la réglementation en vigueur », inapplicable en l'espèce ; que ce procédé rédactionnel est d'ailleurs le plus favorable à l'assuré, puisqu'il ne vient pas limiter le champ de la garantie à des fermetures administratives ordonnées pour des causes limitativement prévues ; que la clause est rédigée en caractères très apparents au sens de l'article L.112-4 du code des assurances ; qu'en l'espèce, la clause d'exclusion est annoncée par une section dénommée « ce qui est exclu » figurant juste au-dessous du libellé de la garantie et se détache ainsi bien des autres stipulations des conditions de garantie ; qu'étant présente juste en-dessous du texte de la garantie, et
en caractères gras, l'assuré ne peut raisonnablement prétendre n'avoir eu connaissance que des conditions de garantie ; qu'enfin, la clause d'exclusion ne vide pas davantage la garantie fermeture administrative de sa substance puisque demeurent garantis les cas de fermeture individuelle prononcée à l'encontre de l'établissement assuré ; qu'à titre très subsidiaire, la société [4] ne rapporte pas la preuve des pertes d'exploitation qu'elle allègue, de sorte qu'elle sera déboutée de ses demandes.
Réponse de la cour
L'article 1103 du code civil dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
Le contrat d'assurance comporte une garantie des pertes d'exploitation de l'assurée, applicables aux dommages assurés dès lors qu'ils sont la conséquence de dommages matériels survenant aux lieux désignés par la convention, atteignant les biens désignés aux tableaux de garanties, et garantis, au jour du sinistre, pour les événements énumérés par la police d'assurance.
Il comporte également une extension de garantie applicable en cas de fermeture administrative, avec les stipulations suivantes :
« CE QUI EST GARANTI
Sont garantis les dommages dé'nis au paragraphe 'Dommages assurés' ci-avant, résultant de la fermeture temporaire obligatoire de tout ou partie de l'établissement* assuré par suite d'une décision des autorités administratives ou judiciaires compétentes.
La période d'indemnisation* commençant le jour du début de la fermeture obligatoire est égale à la durée de ladite fermeture obligatoire avec un maximum de trois mois.
CE QUI EST EXCLU
Outre les exclusions citées aux conditions générales*, ne sont pas garantis :
- les dommages résultant de la fermeture collective d'établissement* dans une même région ou sur le plan national ;
- les dommages résultant du non respect par l'assuré* de la réglementation en vigueur ».
Aux termes du lexique intégré à la police d'assurance, l'établissement est défini comme un « ensemble de biens appartenant au même propriétaire, concourant à la même exploitation et réunis dans un périmètre tel qu'aucun de ces biens n'est séparé du bien le plus voisin par une distance supérieure à 200 mètres ».
L'article 1er de l'arrêté du 14 mars 2020 dispose que les restaurants et débits de boissons ne peuvent plus accueillir de public mais qu'ils sont autorisés à maintenir leurs activités de vente à emporter et de livraison.
Le tribunal a justement retenu que l'activité de l'assurée de restauration traditionnelle-brasserie avait fait l'objet d'une interdiction d'accueillir du public, de sorte que quand bien même l'assurée pouvait encore pratiquer la seule vente à emporter, elle avait subi une fermeture temporaire obligatoire d'une partie de l'établissement assuré par suite d'une décision des autorités administratives compétentes, au sens de la police d'assurance qui ne limite pas le champ de la garantie aux cas et à la procédure prévue à l'article L.3332-15 du code de la santé publique. Il en est de même pour la seconde période de fermeture résultant du décret du 29 octobre 2020. L'assureur n'est donc pas fondé à soutenir que la condition de garantie tenant à l'existence d'une « fermeture administrative » n'est pas remplie.
L'article L.113-1 du code des assurances dispose que « Les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police ».
En application de ces dispositions, la clause d'exclusion être rédigée en des termes clairs, précis, qui n'appellent pas d'équivoque et ne doit pas aboutir à vider la garantie de sa substance.
En l'espèce, le champ de la garantie porte sur les dommages causés par la fermeture temporaire administrative ou judiciaire de tout ou partie de l'établissement assuré. Par opposition à cette fermeture frappant individuellement l'assurée, la clause d'exclusion litigieuse vise les dommages résultant de la fermeture collective d'établissement sans faire référence à l'établissement assuré, résultant d'une même décision émanant des autorités administratives ou judiciaires. Aucune stipulation de la police d'assurance ne prévoit que la fermeture collective d'établissement viserait la pluralité d'établissements dont un assuré pourrait être propriétaire. Au contraire, en visant un autre établissement que celui de l'établissement assuré, la clause vise à exclure la garantie, par des termes dépourvus d'équivoque, lorsque n'importe quel établissement exerçant une activité identique à celle assurée faisait l'objet d'une mesure de fermeture administrative pour une cause identique.
En outre, la notion de fermeture collective d'établissement n'avait pas à faire l'objet d'une définition spécifique, la clause se suffisant à elle-même, puisqu'elle vise une même décision de fermeture portant sur plusieurs établissements, quels que soient leurs propriétaires, dans une même région ou sur le territoire national, de sorte que seule l'identité de cause de la fermeture administrative est déterminante.
Par ailleurs, la clause d'exclusion de garantie ne mentionne pas le terme « épidémie » que l'assurée souhaitait voir définir dans un lexique. Ce terme n'apparaît qu'au titre d'une des conditions de la garantie telles que définies dans son champ d'application.
Ainsi, la circonstance particulière de réalisation du risque privant l'assuré du bénéfice de la garantie n'étant pas l'épidémie mais la situation dans laquelle, à la date de la fermeture, un autre établissement faisait l'objet d'une mesure de fermeture administrative pour une cause identique à l'une de celles énumérées par la clause d'extension de garantie, l'ambiguïté alléguée du terme « épidémie » est sans incidence sur la compréhension, par l'assuré, des cas dans lesquels l'exclusion s'appliquait, ainsi que l'a d'ailleurs jugé la Cour de cassation (2e Civ., 1er décembre 2022, pourvois n° 21-19.341, 21-19.342 21-19.343, 21-15.392, Bull.)
La clause d'exclusion invoquée par l'assureur présente donc un caractère formel, ses termes étant dépourvus d'interprétation et étant parfaitement compréhensibles pour l'assuré.
S'agissant du caractère limité de la clause d'exclusion, il convient de constater qu'elle laisse au profit de l'assurée la garantie des pertes d'exploitation subies à la suite d'une décision fermeture temporaire administrative ou judiciaire, dès lors qu'elle présente un caractère individuel, c'est-à-dire qu'elle ne concerne pas d'autres établissements d'une même région ou du territoire national, et ce qu'elle qu'en soit la cause. Il ne peut donc être considéré que la clause d'exclusion litigieuse viderait la garantie de sa substance.
En ce sens, il a d'ailleurs été jugé que n'a pas pour effet de vider la garantie de sa substance la clause qui exclut de la garantie des pertes d'exploitation consécutives à la fermeture administrative de l'établissement assuré, pour plusieurs causes qu'elle énumère, dont l'épidémie, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelles que soient sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique à l'une de celles énumérées (2e Civ., 1er décembre 2022, pourvois n° 21-19.341, 21-19.342 21-19.343, 21-15.392, Bull.).
La clause d'exclusion invoquée par les sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles est donc conforme aux dispositions de l'article L.113-1 du code des assurances.
Aux termes de l'article L.112-4 du code des assurances, les clauses des polices édictant des nullités, des déchéances ou des exclusions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents.
En l'espèce, la clause d'exclusion litigieuse est inscrite en caractère gras dans la police d'assurance, de sorte qu'elle est conforme aux dispositions de l'article L.112-4 du code des assurances. Le moyen formé à ce titre doit donc être rejeté.
Il est établi que la décision de fermeture prononcée par le ministre de la santé suivant arrêté du 14 mars 2020 ordonnant la fermeture des restaurants et des débits de boissons à compter du 15 mars et jusqu'au 15 avril 2020, afin de ralentir la propagation du virus covid-19, prolongé par le décret du 14 avril 2020 jusqu'au 11 mai 2020, et la décision de fermeture prononcée par le ministre de la santé suivant décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 ordonnant la fermeture des restaurants et des débits de boissons à compter du 30 octobre 2020 jusqu'au 18 mai 2021, ne concernaient pas exclusivement l'établissement de la société [4] mais s'appliquaient également à tous les établissements de restauration sur le territoire national.
En conséquence, la clause d'exclusion doit recevoir son plein effet de sorte que la société [4] est mal-fondée à solliciter l'application de la garantie « pertes d'exploitation ». La société [4] sera donc déboutée de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre des sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles. Le jugement sera confirmé en l'ensemble de ses dispositions.
Sur les frais de procédure
Il convient de condamner la société [4] aux entiers dépens de première instance et d'appel et de rejeter les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;
Y AJOUTANT :
REJETTE les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société [4] aux dépens d'appel.
Arrêt signé par Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de Chambre et Mme Karine DUPONT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT