COUR D'APPEL D'ORLÉANS
C H A M B R E C I V I L E
GROSSES + EXPÉDITIONS : le 02/07/2024
la SARL ARCOLE
la SCP [N] - FIRKOWSKI - DEVAUCHELLE AVOCATS ASSOCIES
ARRÊT du : 2 JUILLET 2024
N° : - 24
N° RG 21/02105 - N° Portalis DBVN-V-B7F-GNF5
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement Président du TJ de TOURS en date du 30 Juin 2020
PARTIES EN CAUSE
APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265269709238165
SMABTP
immatriculée au RCS de PARIS sous le n° D 775 684 764, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Anne-Sophie LERNER de la SARL ARCOLE, avocat au barreau de TOURS
D'UNE PART
INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265277961858000
S.A.R.L. MEIRELES Société par actions simplifiée, au capital de
100.000 euros, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de BOBIGNY sous le numéro 413.354.283, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié ès qualités au siège,
[Adresse 1]
[Adresse 1]
ayant pour avocat postulant Me Olivier LAVAL de la SCP LAVAL - FIRKOWSKI - DEVAUCHELLE AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d'ORLEANS,
ayant pour avocat plaidant Me Eric COURMONT de la SELARL SELARL COURMONT, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE
D'AUTRE PART
DÉCLARATION D'APPEL en date du : 21 Juillet 2021.
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 11 mars 2024
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats à l'audience publique du 14 Mai 2024 à 14h00, l'affaire a été plaidée devant M. Laurent SOUSA, Conseiller, en l'absence d'opposition des parties ou de leurs représentants.
Lors du délibéré, au cours duquel M. Laurent SOUSA, Conseiller a rendu compte des débats à la collégialité, la Cour était composée de:
Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de chambre,
Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller,
Madame Laure- Aimée GRUA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
GREFFIER :
Mme Karine DUPONT, Greffier lors des débats et du prononcé.
ARRÊT :
Prononcé publiquement le 2 juillet 2024 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
***
FAITS ET PROCÉDURE
La société Groupe Norbert Dentressangle a fait édifier un bâtiment à [Localité 4] dont la réception est intervenue le 26 avril 2007, l'assureur dommages-ouvrage étant la SMABTP.
L'entreprise générale a sous-traité les travaux d'étanchéité à la société Etanchisol assurée auprès de la SMABTP au titre de ses garanties obligatoires, qui a elle-même sous-traité la pose de la couverture étanche à la société Établissements Meireles.
Le 10 juillet 2013, la société Groupe Norbert Dentressangle a déclaré un sinistre à l'assureur dommages ouvrage concernant des infiltrations en toiture. L'expert diligenté par l'assureur a conclu que le dommage était lié à une insuffisance de 'xation de la membrane PVC principalement imputable à la société Meireles agissant en qualité de sous-traitante.
La SMABTP ès qualités d'assureur de la société Etanchisol a réglé à l'assureur dommages-ouvrage la somme de 82 883,75 euros et a fait assigner la société la société Meireles devant le tribunal de grande instance de Tours aux fins de paiement de ladite somme.
Par jugement en date du 30 juin 2020, le tribunal judiciaire de Tours a :
- dit que le rapport d'expertise Saretec du 14 février 2014 n'est pas opposable à la société Établissements Meireles ;
- dit que la SMABTP ne démontre pas l'existence d'une faute de la société Établissements Meireles en lien de causalité avec le préjudice invoqué ;
- débouté en conséquence la SMABTP de son recours subrogatoire à l'encontre de la société Établissements Meireles,
- condamné la SMABTP aux dépens de l'instance qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile par Me Christophe Moysan ;
- condamné la SMABTP à verser à la société Établissements Meireles une somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- déclaré sans objet la demande d'exécution provisoire ;
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Par déclaration en date du 21 juillet 2021, la SMABTP a interjeté appel de tous les chefs du jugement.
Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 2 mai 2022, la SMABTP demande à la cour de :
- infirmer le jugement déféré et statuant à nouveau :
- condamner la société Meireles à lui régler la somme de 82 883,75 € avec intérêts de droit à compter du 17 juillet 2015 ;
- ordonner l'exécution provisoire de la décision ;
- condamner la société Meireles à lui régler la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
- condamner la société Meireles aux entiers dépens et faire application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Maître Anne-Sophie Lerner, avocat au barreau de Tours, membre de la SARL Arcole.
Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 9 décembre 2021, la société Meireles demande à la cour de :
- confirmer le jugement déféré ;
- rejeter toutes fins, moyens et conclusions contraires ;
- déclarer la SMABTP mal fondée en toutes ses demandes, et l'en débouter ;
- condamner la SMABTP à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la SMABTP aux entiers dépens ;
- dire que, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, Maître [F] [N] pourra recouvrer directement les frais dont il a fait l'avance sans en avoir reçu provision.
Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions.
MOTIFS
Sur le recours subrogatoire
Moyens des parties
La SMABTP agissant en qualité d'assureur de la société Etanchisol soutient qu'elle est subrogée dans les droits de la SMABTP assureur dommages-ouvrage suivant la subrogation conventionnelle versée aux débats ; que subrogée dans les droits de l'assureur dommages-ouvrage, elle dispose donc d'un recours de nature délictuelle à l'encontre de la société Meireles, sur le fondement des articles 1382 et suivants anciens du code civil ; que l'intégralité des rapports d'expertise dommages-ouvrage versés aux débats et qui ont été dénoncés à la société Meireles suivant l'accusé de réception qu'elle a signé, démontre l'existence d'un dommage par la réalisation d'infiltrations multiples et variées en couverture du local ; que les investigations menées dans le cadre de cette expertise démontrent que la société Meireles en charge de la mise en 'uvre de la couverture étanche a procédé à la mise en 'uvre de fixations trop près des lès et a laissé un espace trop important au niveau des fixations ; qu'elle n'en cela pas respecté l'avis technique FLAG qui limitait la largeur à 1,60 m alors qu'elle a posé ses fixations tous les 2 mètres ; que dans le cadre de l'exécution de son chantier la société Meireles a commis une faute engageant sa responsabilité délictuelle ; qu'elle est donc bien fondée à solliciter la condamnation de la société Meireles à lui régler une somme de 82 883,75 € avec intérêts de droit à compter de la lettre de mise en demeure en date du 17 juillet 2015 ; que la société Meireles a reçu le courrier recommandé avec le rapport préliminaire de l'expert diligenté par l'assureur dommages-ouvrage et n'a strictement rien entrepris, notamment pour solliciter un délai supplémentaire ; que pour se dédouaner, la société Meireles verse aux débats un rapport de la société IXI qui est intervenue suite à une déclaration de sinistre de faite à son assureur, mais qui ne concerne pas la présente affaire ; que si la société Meireles indique que la décision ne peut se fonder sur le seul rapport d'expertise amiable versé aux débats, cette allégation est sans effet, dès lors que le rapport versé aux débats est un rapport d'expertise dommages-ouvrage, qui n'a donc pas été diligenté à la demande de la requérante mais d'un tiers, à savoir l'assureur dommages-ouvrage ; que les rapports d'assurance dommages-ouvrage sont par nature opposables aux parties, puisqu'il s'agit d'une procédure spécifique prévue par le code des assurances ; que quand bien même le rapport d'expertise Saretec ne serait pas opposable à la société Meireles, la cour ne peut écarter des débats ce document qui constitue un élément de preuve de la responsabilité délictuelle dénonçant la faute commise par la société Meireles ; que l'expertise dommages-ouvrage a porté sur des infiltrations en toiture et l'examen de ces infiltrations s'est fait au droit des lanterneaux où il a été constaté que le relevé d'étanchéité de la membrane avait été mal positionné et était dégradé ; que même si le
revêtement souffrirait d'un dommage ou d'un vice, celui-ci n'est pas la cause des infiltrations ayant justifié la mise en 'uvre de la garantie dommages-ouvrage du fait de l'impropriété des locaux à leur destination ; qu'une technique défectueuse ou des matériaux défectueux ont été jugés comme ne constituant pas une cause étrangère ; que la tempête alléguée par la société Meireles n'a rien à voir avec la mauvaise réalisation des travaux ; que de plus, l'évènement climatique dont elle fait état ne constitue aucunement un évènement imprévisible et irrésistible puisqu'il ne s'agit pas d'une intempérie d'une ampleur exceptionnelle ; qu'un phénomène météorologique remarquable dans la presse n'est pas pour autant de façon certaine un phénomène pouvant être qualifié de force majeure au sens du droit et de la jurisprudence de la Cour de cassation.
La société Meireles réplique que la SMABTP recherche sa responsabilité délictuelle sans établir l'existence d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre la faute et le préjudice ; que l'assureur s'appuie sur le rapport établi le 14 février 2014 par l'expert de l'assurance dommages-ouvrage, la société Saretec ; qu'elle n'a jamais été conviée à la moindre réunion d'expertise organisée par la société Saretec ; que le seul courrier reçu, datant du 22 janvier 2014, n'a eu que pour objet de communiquer les rapports préliminaires, évaluant le coût de la reprise à 30 000 € et de solliciter ses éventuelles observations ; qu'elle n'a pas été en mesure de répondre à ce courrier dans le délai imparti par l'expert Saretec ; que les opérations d'expertise n'ayant pas été réalisées de manière contradictoire en ce qui la concerne, le rapport d'expertise du cabinet Saretec lui est donc inopposable et la cour ne pourra que confirmer le jugement déféré sur ce point ; que subsidiairement, les juges du fond ne peuvent en aucun cas fonder exclusivement leur décision sur une expertise amiable diligentée par l'une des parties à l'instance ; que la SMABTP ne produit à l'appui de ses prétentions que le rapport d'expertise de son propre expert, le cabinet Saretec, et cela ne peut suffire pour emporter la conviction de la juridiction ; qu'en outre, à la même époque de construction, elle est intervenue également en qualité de sous-traitant de la société Etanchisol sur autre chantier situé à [Localité 3], le maître d'ouvrage étant également le groupe Norbert Dentressangle ; que la réception a eu lieu en janvier 2005 et les désordres sont survenus en octobre 2013, se traduisant par des fuites en toiture ; que le cabinet IXI a été désigné en qualité d'expert pour compte commun par l'assureur dommages-ouvrage, et a conclu à une usure prématurée de l'étanchéité PVC entraînant des infiltrations d'eau dans le bâtiment, de sorte que l'expert a considéré que sa responsabilité n'était pas engagée dans cette affaire ; qu'aucune faute ne pouvait être retenue à son encontre dans le cadre des désordres affectant la toiture du bâtiment situé à [Localité 4], la construction ayant été réalisée au même moment, par les mêmes entreprises et selon les mêmes moyens ; qu'à titre infiniment subsidiaire, il y a lieu de relever que les désordres ont largement augmenté à la suite d'une « mini-tempête », le coût de reprise augmentant de près de
60 000 € ; que cette mini-tempête peut certainement s'analyser comme un élément de force majeure, excluant sa responsabilité, or, la subrogation légale ne permet un recours subrogatoire de l'assureur que pour autant que les indemnités versées étaient dues en application de la police d'assurance ; que le lien de causalité n'est pas plus justifié au regard de ce qui précède ; que la SMABTP ne pourra qu'être déboutée de sa demande.
Réponse de la cour
Aux termes de l'article L.121-12 du code des assurances, l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur.
En l'espèce, la SMABTP agissant en qualité d'assureur décennal de la société Etanchisol produit une quittance subrogative de l'assureur dommages-ouvrage en date du 14 mars 2017, d'un montant de 82 883,75 euros.
Il lui appartient cependant, dans le cadre de son recours subrogatoire, d'établir l'existence d'une faute délictuelle commise par la société Meireles en lien avec le préjudice subi évalué à la somme de 82 883,75 euros.
Pour ce faire, la SMABTP se prévaut du rapport d'expertise dommages-ouvrage établi par la société Saretec, en considérant qu'il est opposable par nature à la société Meireles.
Cependant, le sous-traitant n'étant pas lié au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage, le rapport d'expertise dommages-ouvrage ne lui est pas opposable, quand bien même il aurait été convoqué aux opérations d'expertise, ainsi que l'a d'ailleurs jugé la Cour de cassation (3e Civ., 14 novembre 2001, pourvoi n° 00-11.037, Bull. 2001, III, n° 129 ; 3e Civ., 3 novembre 2009, pourvoi n° 08-19.871).
La société Meireles étant sous-traitante de la société Etanchisol, non liée au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage, la SMABTP ne peut se prévaloir de l'opposabilité du rapport d'expertise de la société Saretec à son égard.
En revanche, il convient de rappeler que tout rapport d'expertise amiable peut valoir à titre de preuve dès qu'il est soumis à la libre discussion des parties, mais le juge ne peut se fonder exclusivement sur une telle expertise ainsi que l'a d'ailleurs jugé la Cour de cassation (Ch. mixte, 28 septembre 2012, n° 11-18.710 ; 2e Civ., 13 septembre 2018, n° 17-20.099 ; 3e Civ., 14 mai 2020, n° 19-16.278 et 19-16.279).
La SMABTP n'allègue ni ne justifie d'éléments susceptibles de corroborer le rapport de l'expert dommages-ouvrages attribuant une part de responsabilité de 90 % à la société Meireles dans la survenance des désordres d'infiltration, de sorte que l'assureur ne rapporte pas la preuve d'une faute délictuelle de la société Meireles à l'origine des dommages pris en charge par l'assureur dommages-ouvrage.
En conséquence, la SMABTP doit être déboutée de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de la société Meireles. Le jugement sera donc confirmé en l'ensemble de ses dispositions.
Sur les frais de procédure
La SMABTP sera condamnée aux dépens d'appel avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer à la société Meireles une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel.
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;
Y AJOUTANT :
CONDAMNE la SMABTP à payer à la société Meireles la somme complémentaire de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la SMABTP aux entiers dépens d'appel ;
AUTORISE les avocats de la cause à recouvrer directement et à leur profit, contre la partie condamnée aux dépens, ceux dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision.
Arrêt signé par Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de Chambre et Mme Karine DUPONT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT