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02/07/2024 | FRANCE | N°21/02087

France | France, Cour d'appel d'Orléans, Chambre civile, 02 juillet 2024, 21/02087


COUR D'APPEL D'ORLÉANS



C H A M B R E C I V I L E





GROSSES + EXPÉDITIONS : le 02/07/2024

Me Julie HELD

la SCP LAVAL - FIRKOWSKI - DEVAUCHELLE AVOCATS ASSOCIES





ARRÊT du : 2 JUILLET 2024



N° : - 24



N° RG 21/02087 - N° Portalis DBVN-V-B7F-GNE2





DÉCISION ENTREPRISE : Jugement TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'Orléans en date du 03 Juin 2021



PARTIES EN CAUSE



APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265269719744914

>
Madame [M] [G]

née le [Date naissance 2] 1984 à [Localité 9] (Chine)

[Adresse 1]

[Localité 5]



ayant pour avocat postulant Me Julie HELD, avocat au barreau d'ORLEANS,

ayant pour avocat ...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

C H A M B R E C I V I L E

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 02/07/2024

Me Julie HELD

la SCP LAVAL - FIRKOWSKI - DEVAUCHELLE AVOCATS ASSOCIES

ARRÊT du : 2 JUILLET 2024

N° : - 24

N° RG 21/02087 - N° Portalis DBVN-V-B7F-GNE2

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'Orléans en date du 03 Juin 2021

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265269719744914

Madame [M] [G]

née le [Date naissance 2] 1984 à [Localité 9] (Chine)

[Adresse 1]

[Localité 5]

ayant pour avocat postulant Me Julie HELD, avocat au barreau d'ORLEANS,

ayant pour avocat plaidant Me Céline BOUCHEREAU, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE

D'UNE PART

INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265265851232624

S.E.L.A.R.L. [E] [T] agissant en qualité de représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 3]

[Localité 4]

ayant pour avocat postulant Me Olivier LAVAL de la SCP LAVAL - FIRKOWSKI - DEVAUCHELLE AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d'ORLEANS

ayant pour avocat plaidant la SCP HOCQUARD & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS,

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 20 Juillet 2021.

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 11 mars 2024

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats à l'audience publique du 14 Mai 2024 à 14h00, l'affaire a été plaidée devant M. Laurent SOUSA, Conseiller, en l'absence d'opposition des parties ou de leurs représentants.

Lors du délibéré, au cours duquel M. Laurent SOUSA, Conseiller a rendu compte des débats à la collégialité, la Cour était composée de:

Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de chambre,

Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller,

Madame Laure- Aimée GRUA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

GREFFIER :

Mme Karine DUPONT, Greffier lors des débats et du prononcé.

ARRÊT :

Prononcé publiquement le 2 juillet 2024 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

***

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte sous seing privé du 22 février 2013, Mme [G] s'est portée caution solidaire du remboursement du prêt souscrit auprès de la société HSBC par la société Bistrot 8 [Localité 7] dont elle était la gérante, dans la limite de 163 200 euros.

Plusieurs échéances du prêt souscrit par la société Bistrot 8 [Localité 7] n'ont pas été payées, et la société a été placée en liquidation judiciaire, par jugement du tribunal de commerce de Bobigny du 13 août 2015.

Par acte d'huissier en date du 8 février 2016, la société HSBC a fait assigner Mme [G] devant le tribunal de commerce de Versailles en sa qualité de caution solidaire de la société Bistrot 8 [Localité 7].

Par jugement en date du 21 septembre 2016 signifié le 7 octobre 2016, le tribunal de commerce l'a condamnée en son absence à payer à la société HSBC la somme principale de 163 200 euros avec intérêts au taux légal à compter du 19 octobre 2015, outre la capitalisation des intérêts et une somme de 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [G] a interjeté appel de cette décision et Maître Géraldine Dufrien, avocat au barreau de Versailles, a régularisé une déclaration d'appel le 8 novembre 2016.

Par ordonnance d'incident en date du 23 mars 2017, l'appel a été déclaré irrecevable pour cause de forclusion.

Par acte d'huissier en date du 26 juillet 2018, Mme [G] a fait assigner Me [S], avocat au barreau de Versailles et la SELARL [E] [T] devant le tribunal de grande instance d'Évry en reconnaissance de leur responsabilité civile professionnelle conjointe et solidaire et en réparation du préjudice subi.

Par ordonnance en date du 18 avril 2019, l'affaire a été renvoyé devant le tribunal de grande instance d'Orléans.

Par jugement en date du 3 juin 2021, le tribunal judiciaire d'Orléans a :

- débouté Mme [G] de l'ensemble de ses demandes ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;

- condamné Mme [M] [G] à payer à la société [T] d'une part et à Me [Z] [S] d'autre part, chacun une somme de 500 euros sur le fondement de l'article de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné Mme [M] [G] aux dépens, et accordé à Me Daude le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

Par déclaration en date du 20 juillet 2021, Mme [G] a relevé appel de l'intégralité des chefs de ce jugement en ne visant que la SELARL [E] [T].

Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 9 mai 2022, Mme [G] demande à la cour de :

- dire et juger son appel recevable et bien fondé ;

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau :

- dire et juger que la société [E] [T] a commis une faute engageant sa responsabilité professionnelle en ne se présentant pas à l'audience fixée par le tribunal de commerce de Versailles, le 29 juin 2016, et en ne lui remettant pas ses écritures ;

- dire et juger que la société [E] [T] a commis une faute engageant sa responsabilité professionnelle en ne l'informant pas de la portée de la signification et du délai d'appel et en ne relevant pas appel, dans les délais légaux, du jugement rendu par le tribunal de commerce de Versailles le 21 septembre 2016 et ce, malgré ses instructions ;

En conséquence,

- condamner la société [E] [T] à lui régler la somme de 163 200 euros, outre les intérêts légaux dus depuis le 19 octobre 2015 à titre de

dommages et intérêts du fait de la perte de chance de ne pas être condamnée par le tribunal de commerce de Versailles ou de voir réformer le jugement intervenu ;

- débouter la société [E] Me [T] de toutes ses demandes ;

- condamner la société [E] [T] à lui régler la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de la procédure qui pourront être recouvrés directement par Me Alexis Devauchelle, avocat au barreau d'Orléans, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 30 décembre 2021, la société [E] [T] demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 3 juin 2021 ;

- débouter Mme [G] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

Y ajoutant,

- condamner Mme [G] en tous les dépens d'appel ;

- condamner Mme [G] au paiement d'une somme de 7 500 euros sur la base de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions.

MOTIFS

Sur la faute de l'avocat

Moyens des parties

Mme [G] soutient que la SELARL [E] [T] a manqué à son obligation de diligence en omettant de se présenter à l'audience fixée devant le tribunal de commerce de Versailles, le 29 juin 2016 et en ne remettant pas à celui-ci ses conclusions, rédigées dans son intérêt ; que Maître [S] n'a quant à elle pas relevé appel du jugement rendu par le tribunal de commerce de Versailles, dans le délai d'un mois prévu par l'article 538 du code de procédure civile et ce, contrairement aux instructions données, donnant ainsi lieu à une déclaration d'irrecevabilité de l'appel ; que ces négligences l'ont empêchée de faire valoir ses arguments et lui ont nécessairement causé un préjudice dès lors que le tribunal de commerce de Versailles l'a condamnée à régler à la société HSBC la somme de 163 200 €, alors que le jugement présentait les plus grandes chances d'être réformé en appel ; que l'avocat a soutenu devant le tribunal que sa mission n'aurait pas été clairement définie et qu'il n'aurait pas eu de rapport direct avec sa cliente ; quel''existence de ce mandat ad litem peut être prouvée par tout moyen, et elle produit plusieurs pièces établissant les liens contractuels avec l'avocat ; qu'il est évident que Me [T] n'aurait pu établir les conclusions communiquées sans avoir obtenu au préalable des informations et des documents auprès de sa cliente ; que

Me [T] a été mandaté par écrit par dès le 5 décembre 2015 pour négocier au mieux de ses intérêts et à défaut la représenter dans le cadre de toutes procédures, vis-à-vis de la banque HSBC ; que ce mandat est très clair et il appartenait à l'avocat de définir les diligences à mettre en 'uvre pour l'accomplir au mieux des intérêts de sa cliente ; qu'il ressort en effet du jugement rendu par le tribunal de commerce qu'elle était représentée par son conseil à l'audience de mise en état ce qui signifie que Me. [T] était présent ou substitué à cette audience du 24 février 2016 à laquelle ou à la suite de laquelle, il a été informé de l'audience de plaidoirie du 29 juin 2016 ; que dans la mesure où elle était représentée par un avocat, elle n'a pas reçu personnellement cette convocation et n'avait pas connaissance de cette audience, et ne s'est donc pas étonnée que son conseil lui transmette des conclusions postérieurement à cette audience, le 1er septembre 2016 ; que Me [T] savait que l'absence de transmission des conclusions et surtout l'absence de comparution à l'audience privaient de toute utilité les écritures rédigées et adressées à sa cliente ; que tenu d'une obligation de conseil à son égard, il lui appartenait de définir lui-même le cadre de sa mission en expliquant les conséquences éventuelles de son absence de diligence ; qu'il appartenait à l'avocat d'informer sa cliente de la nécessité de soutenir oralement ses conclusions à l'audience ce qu'il n'a pas fait ; que Me [T] a donc commis une faute en s'abstenant de conseiller sa cliente sur les diligences qu'il convenait d'accomplir pour assurer efficacement sa défense devant le tribunal de commerce et en s'abstenant de l'informer sur les conséquences du défaut de comparution à l'audience de plaidoirie ; que s'agissant de l'appel, Me [T] aurait été informé des termes du jugement s'il s'était présenté à l'audience, et il lui appartenait de s'enquérir auprès de sa cliente de la date à laquelle la signification avait été effectuée pour s'assurer de l'efficacité de la déclaration d'appel ; qu'il a donc à nouveau failli à son devoir de conseil et d'information en ne prévenant passa cliente à l'avance des conséquences de la signification à venir et en ne l'interrogeant pas sur la date à laquelle cet acte était intervenu ; que si Maître [T] prétend qu'il n'avait aucune obligation de déposer les conclusions rédigées ni de plaider le dossier au motif qu'il n'a reçu que des instructions verbales, et qu'aucune convention d'honoraire n'a été établie, il lui appartenait pourtant notamment en application de l'art. 411 du code de procédure civile mais aussi de l'article 1147 du code civil et du règlement intérieur national des avocats, d'informer sa cliente des modalités selon lesquelles son mandat pourrait être accompli et de ses obligations à son égard ; que l'avocat se devait de soumettre à sa cliente une proposition de convention d'honoraires, l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 imposant à l'avocat de conclure par écrit avec son client une convention d'honoraires précisant notamment le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours engagés ; que l'avocat s'est uniquement préoccupé de donner l'apparence d'une intervention et de l'organisation d'une défense auprès de sa cliente, et s'est bien gardé de l'informer en lui faisant faussement espérer être défendue d'une part et avoir une chance d'obtenir gain de cause, d'autre part ; que la faute de l'avocat est donc parfaitement établie en l'espèce.

La SELARL [E] [T] réplique que Maître [T] n'a pas eu une mission clairement définie, tant devant le tribunal, que pour l'appel, pour lequel il s'est contenté, sur les instructions verbales de Mme [G], de demander à Maître [S] de relever appel du jugement du tribunal de commerce de Versailles l'ayant condamnée sur la demande formée à son encontre par la société HSBC France ; qu'il est intervenu sans que sa mission soit précisée et n'a rédigé des conclusions pour le tribunal de commerce qu'à titre conservatoire, à défaut de la moindre instruction, et ce sans le moindre honoraire ; que Maître [T] n'a pas eu de rapport direct avec Mme [G] et n'a même pas été informé de la date de signification du jugement ; qu'il lui a été demandé d'intervenir sur l'assignation qu'elle avait reçue à comparaître devant le tribunal de commerce de Versailles, à la requête de HSBC, par une relation commune, cousin de Mme [G], et a accepté d'apprécier le dossier et d'intervenir dans l'intérêt de Mme [G] devant le tribunal ; que la mission de la SELARL [E] [T] est restée verbale, sommaire au vu de quelques pièces qui lui ont été remises, pour tenter de s'opposer à la demande de la société HSBC France ; que des conclusions en défense ont néanmoins été établies pour organiser une défense et une intervention donnant l'apparence d'une consistance ; que ce n'est pas parce qu'il a rédigé des conclusions qu'elles étaient susceptibles de lui donner gain de cause en droit et en fait et à aucun moment ; il ne lui a été demandé de les soutenir ; qu'aucune modalité n'a pu être précisément arrêtée pour l'intervention de Maître [T] devant le tribunal de commerce, ni ensuite devant la cour ; qu'il n'y a eu ni lettre de mission ni de convention d'honoraires, ni d'instructions et aucun mandat exprès ; que Maître [T] n'est pas intervenu lors de l'audience préliminaire procédurale devant le tribunal, Mme [G] s'étant présentée seule et il n'est pas non plus intervenu à l'audience de plaidoirie n'ayant toujours pas d'instructions ni de mission précises à cet effet ; que Maître [T] s'est contenté d'adresser au tribunal de commerce les conclusions en défense qu'il avait établies, sans pour autant que celles-ci soient recevables en raison de son absence à l'audience, la procédure devant le tribunal de commerce étant une procédure orale à l'occasion de laquelle la présence de l'avocat eut été nécessaire pour valider le dépôt de ses écritures ; que ces conclusions n'ont pas été validées par Mme [G] ; qu'elle n'a même pas été informée du jugement qui a été rendu par le tribunal de commerce ; que sa mission n'a pas dépassé ce stade indéfini, et insuffisant faute de mission précise pour engager sa responsabilité civile professionnelle et il en est de même au niveau de l'appel ; que Maître [T] a été informé par téléphone du jugement intervenu et a reçu alors verbalement instruction d'interjeter appel, sans que Mme [G] lui ait indiqué qu'elle avait reçu la signification dudit jugement, ni à quelle date elle avait reçu l'acte d'huissier portant signification ; que c'est donc en l'absence de cette précision que Maître [T] a néanmoins demandé à Maître [S], avocat à [Localité 8], de faire le nécessaire, sans pouvoir apprécier si cet appel était dans les délais ou tardif ; que là encore ses conditions d'intervention ont été précaires et sont considérées comme tardives, et il n'était pas informé

des délais, Mme [G] s'étant gardée de lui dire que le jugement avait été signifié et à quelle date ; que faute de mission précise, faute d'instructions précises, faute de mandat exprès, il ne peut être relevé de fautes à son encontre.

Réponse de la cour

L'avocat est responsable à l'égard de son client, des fautes commises dans l'exercice de sa mission, en application de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 applicable en la cause.

Il incombe à celui qui sollicite la mise en 'uvre de la responsabilité de l'avocat d'établir la preuve d'une faute de celui-ci, d'un préjudice, et d'un lien de causalité entre la faute et le préjudice.

Il convient de rappeler que l'avocat, consulté par un client en vue d'engager une procédure n'est tenu que d'une obligation de moyens, ainsi que l'a d'ailleurs jugé la Cour de cassation (Civ. 1re, 7 octobre 1998, n° 96-13.614). En revanche, il appartient à l'avocat dont un manquement à l'obligation de conseil est allégué, de rapporter la preuve de l'accomplissement de celle-ci.

En l'espèce, le tribunal a retenu l'absence de preuve d'un mandat conféré par Mme [G] à la SELARL [E] [T] pour défendre à l'action intentée à son encontre par la société HSBC.

Cependant, Mme [G] produit un courrier en date du 5 décembre 2015 adressé à Maître [E] [T], ainsi rédigé :

« Le 22 février 2013, la société BISTROT 8 [Localité 7] a fait un emprunt auprès de la banque HSBC, avec mon cautionnement solidaire, à concurrence de 163 000 €.

Je vous informe que je vous donne mandat pour négocier, au mieux de mes intérêts et suivant les instructions de M. [L] [B], en vue d'une solution amiable et à défaut pour me représenter dans le cadre de toutes procédures, vis-à-vis de la banque HSBC ».

Si à cette date, aucune action en justice n'avait été intentée par la société HSBC, il ressort des énonciations du jugement du tribunal de commerce de Versailles en date du 21 septembre 2016, que Mme [G] a été mise en demeure par le banquier, suivant courrier recommandé en date du 19 octobre 2015, en sa qualité de caution solidaire de la société Bistrot 8 [Localité 7], d'avoir à lui régler la somme de 163 200 euros, suite au prononcé de la liquidation judiciaire de ladite société par jugement du tribunal de commerce de Bobigny en date du 13 août 2015.

Mme [G] a été assignée à comparaître à l'audience du tribunal de commerce de Versailles du 24 février 2016, suivant acte d'huissier de justice délivré le 8 février 2016 à la requête de la société HSBC.

Dans un courrier électronique en date du 16 février 2016, Mme [G] a écrit à Maître [T] pour lui communiquer notamment l'avis de dépôt d'assignation du 9 février 2016 et l'avis de passage de l'huissier de justice et lui demande de retirer les actes à l'étude SELAS Officiales.

Ces éléments établissent sans aucune ambiguïté que la SELARL [E] [T] avait été mandatée par Mme [G] pour la défendre dans toute procédure introduite par la société HSBC sur le fondement du cautionnement souscrit par Mme [G], d'autant qu'il est établi que l'avocat a adressé à Mme [G], le 2 septembre 2016, un projet de conclusions qu'il entendait déposer au tribunal de commerce de Versailles dans son intérêt.

Ainsi, le courrier électronique du 2 septembre 2016 de Maître [T] à Mme [G] était rédigé comme suit :

« Voici le projet de conclusions que le cabinet entend (sous réserve du sens de votre réponse à mon courrier électronique d'hier) déposer auprès du tribunal de commerce de Versailles, dans votre intérêt. Merci de bien vouloir me faire part de vos observations ».

La veille, Maître [T], avait écrit un courrier électronique à Mme [G] rédigé comme suit :

« Le Cabinet prépare les conclusions dans votre intérêt contre la société HSBC, dans le cadre de la

procédure en cours devant le Tribunal de commerce de Versailles.

Il constate que l'emprunt que vous aviez souscrit en 2008 était de 400 000 euros, alors que votre part de votre maison d'[Localité 5] ([Adresse 1]) était de 20 % de la maison (valorisée à 730 000 euros), soit 146 000 euros.

Pouvez vous m'expliquer les raisons d'un emprunt aussi élevé '

Merci de votre réponse qui m'aidera dans la rédaction des conclusions ».

Le tribunal a considéré que lors de l'envoi des conclusions par l'avocat le 2 septembre 2016, les conditions du mandat n'étaient pas réglées puisque le courrier électronique de l'avocat renvoyait à des réserves en fonction de la réponse de Mme [G] à un courrier électronique de la veille. En réalité, les réserves mentionnées dans le courrier électronique du 2 septembre 2016 ne portaient pas sur les conditions du mandat, mais sur le contenu des conclusions qui était soumises à l'agrément de Mme [G]. Le tribunal a donc considéré, à tort, que Mme [G] ne rapportait pas la preuve d'un mandat conféré à la SELARL [E] [T] pour la défendre en justice.

Devant la cour, la SELARL [E] [T] n'évoque d'ailleurs pas l'absence de mandat, mais soutient que sa mission n'était pas clairement et suffisamment définie. Or, les éléments précités permettaient à l'évidence à l'avocat d'être certain qu'il avait été mandaté pour représenter Mme [G] dans le cadre de l'action en justice diligentée à son encontre par la société HSBC, et s'il considérait que sa mission n'était pas claire, il lui appartenait de demander à Mme [G] de préciser l'étendue de son mandat. Il convient de constater que l'avocat ne produit aucune suite aux courriers précités de Mme [G] en date des 5 décembre 2015 et 16 février 2016, et qu'il a établi des conclusions adressées à Mme [G] le 2 septembre 2016.

La SELARL [E] [T] n'est donc pas fondée à soutenir que sa mission n'était pas suffisamment définie.

S'agissant l'absence de convention d'honoraires, celle-ci n'est pas de nature à influer sur l'existence d'un mandat conféré par Mme [G] à la SELARL [E] [T], qui explique elle-même avoir accepté de défendre Mme [G] en raison d'une relation amicale entretenue avec un cousin de celle-ci.

La SELARL [E] [T] qui avait été mandatée par Mme [G] pour la représenter dans toute procédure intentée par la société HSBC France et informée par celle-ci de la délivrance d'une assignation devant le tribunal de commerce de Versailles, devait accomplir toute diligence pour représenter Mme [G] à l'audience, solliciter tout renvoi pour conclure, établir des conclusions communiquées en temps utile à la partie adverse, et soutenir lesdites conclusions à l'audience de plaidoirie.

Or, la SELARL [E] [T] ne justifie pas s'être renseignée sur les dates de renvoi ordonnées par la juridiction suite à l'audience du 24 février 2016, ni s'être présentée aux différentes audiences intermédiaires pour informer la juridiction de l'établissement de conclusions et solliciter le cas échéant un calendrier de procédure. C'est donc dans l'ignorance de l'audience de plaidoirie qui s'est tenue le 29 juin 2016 que la SELARL [E] [T] s'est mise à préparer des conclusions pour la défense de Mme [G] qu'elle lui a communiquées que le 2 septembre 2016 pour observations et validation. Le tribunal de commerce de Versailles s'est donc prononcée par jugement en date du 21 septembre 2016, sans que les moyens de défense de Mme [G] aient pu être présentés à la juridiction.

Il résulte de ces éléments que la SELARL [E] [T] a commis une faute contractuelle à l'égard de Mme [G], par défaut de diligence et défaut d'information de celle-ci sur le déroulement de la procédure.

S'agissant de la responsabilité de l'avocat au titre de la déclaration d'appel tardive, il convient de rappeler que l'avocat ne peut engager de son propre fait une seconde procédure, de sorte qu'il doit avoir reçu des instructions en ces sens (1re Civ., 17 mars 2011, pourvoi n 10-11.969, Bull. 2011, I, n° 55).

Le jugement a été signifié à Mme [G] par acte d'huissier de justice délivré le 7 octobre 2016, mentionne expressément qu'elle disposait d'un délai d'un mois à compter de la date de l'acte pour interjeter appel en chargeant un avocat postulant inscrit au barreau du ressort de la cour d'appel de Versailles d'accomplir les formalités nécessaires avant l'expiration de ce délai.

La déclaration d'appel a été formée par Maître [S] le 8 novembre 2016, soit après l'expiration du délai d'appel intervenue le 7 novembre 2016, et elle a été déclarée irrecevable par ordonnance du conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Versailles en date du 23 mars 2017.

Le tribunal a retenu, sur le fondement de pièces produites par Maître [S], non produites en cause d'appel, que Maître [T] avait demandé à l'avocat postulant de faire appel du jugement prononcé par le tribunal de commerce de Versailles, par courrier électronique du 7 novembre 2016 à 21h39, au plus tard le lendemain, et que le 8 novembre 2019, Maître [S] l'avait interrogé à 11 sur la date de signification de la décision, et Maître [T] lui avait répondu que le jugement avait été signifié le 9 octobre 2016 ce qui était inexact.

Le tribunal a justement retenu que le 7 novembre 2016, Maître [T] avait mandat de Mme [G] de faire appel du jugement rendu par le tribunal de commerce de Versailles, mais a considéré que la SELARL [E] [T] ignorait la date de signification dudit jugement et que Mme [G] ne démontrait pas avoir transmis les bonnes informations à temps à son conseil, lui permettant de faire interjeter appel dans les délais à l'encontre du jugement rendu par le tribunal de commerce.

Or, le seul fait que la SELARL [E] [T] ait communiqué à l'avocat postulant une date de signification erronée ne permet pas d'en déduire que Mme [G] aurait elle-même transmis à son conseil des informations erronées. Il y a lieu de relever que le fait d'indiquer à Maître [S] que le jugement avait été signifié le 9 octobre 2016 au lieu du 7 octobre 2016 permettait d'éviter que celle-ci ne s'interroge sur l'opportunité d'effectuer une déclaration d'appel qui serait nécessairement hors délai.

Par ailleurs, en ne comparant pas à l'audience de plaidoirie devant le tribunal de commerce de Versailles, la SELARL [E] [T] s'est elle-même placée dans l'impossibilité de connaître la date de délibéré annoncée par la juridiction lors de la clôture des débats, outre le fait qu'elle n'allègue ni ne justifie s'être renseignée sur la date de prononcé de la décision auprès du greffe de la juridiction, ce que démontre l'établissement et la communication de conclusions à Mme [G] le 2 septembre 2016, soit au cours du délibéré.

À l'inverse, si la SELARL [E] [T] avait été diligente en première instance en comparant à l'audience de plaidoirie, ou à défaut en se renseignant sur la date de prononcé du jugement, elle aurait été à même de prendre connaissance du jugement au greffe de la juridiction dès le 21 septembre 2016, afin de conseiller Mme [G] sur la voie de recours applicable et ses modalités, ainsi que sur les moyens pouvant être soulevés devant la cour d'appel pour tenter d'obtenir l'infirmation du jugement. À défaut, la SELARL [E] [T] est restée dans une posture passive, se contentant d'attendre des informations de Mme [G], puis en donnant de fausses informations à l'avocat postulant aux fins d'établir une déclaration d'appel.

Il résulte donc de l'ensemble de ces considérations que la SELARL [E] [T] a également commis des fautes contractuelles à l'égard de Mme [G] dans l'établissement de l'acte d'appel.

Sur le préjudice subi par Mme [G]

Moyens des parties

Mme [G] soutient que le cautionnement souscrit était manifestement disproportionné à ses biens et revenus au regard des dispositions de l'article L.341-4 ancien du code de la consommation, devenu l'article L.332-1 du même code, ce qui n'a pu être relevé par le tribunal de commerce ; qu'elle avait en effet un revenu de 1 380,33 € par mois en 2012 et un revenu de 720,58 € par mois en 2013 ; qu'elle était propriétaire, en indivision avec ses parents, à concurrence de 20 % des droits, d'un bien immobilier sis [Adresse 1] à [Localité 6], acquis au prix de 730 000 €, soit pour 146 000 € ; qu'elle demeurait redevable, en janvier 2013, d'une somme de 304 474,87 € au titre du prêt souscrit pour financer ce bien immobilier ; qu'elle n'était pas en mesure, au jour de son engagement de caution, de se substituer au débiteur principal, en cas de défaillance de ce dernier, en remboursant des échéances mensuelles d'un montant de 4 753,03 € ; que dans l'hypothèse même où un cautionnement ne saurait être qualifié de disproportionné quant aux biens et revenus de celui qui s'engage, le prêteur qui en bénéficie demeure néanmoins tenu à une obligation de mise en garde de la caution quant aux risques d'endettement excessif pouvant résulter de ses engagements ; qu'en l'espèce, la banque a gravement manqué à son obligation de mise en garde, en lui faisant souscrire un engagement de caution sans attirer son attention sur les risques qui en résultaient et alors même qu'elle savait pertinemment qu'elle ne serait pas en mesure de se substituer au débiteur principal, en cas de défaillance de celui-ci, de sorte qu'il en résultait pour elle un endettement excessif ; qu'elle était donc en tout état de cause en mesure d'obtenir la réparation de son préjudice caractérisé par la perte de chance de ne pas consentir ledit cautionnement ; qu'elle a nécessairement subi un préjudice du fait de l'absence de présentation de son argumentaire en première instance par la SELARL [E] [T] et de

l'absence de recours initié devant la cour d'appel, dans les délais, dès lors qu'elle a été condamnée par le tribunal de commerce de Versailles à régler à la société HSBC d'importantes sommes, alors qu'elle disposait de chances réelles et sérieuses d'obtenir le débouté des demandes formulées par la banque et, à tout le moins, l'infirmation du jugement rendu et de se voir déchargée de son engagement de caution ; qu'il est donc sollicité l'indemnisation, par la SELARL [E] [T], du préjudice subi qui peut être évalué à la somme de 163 200 €, outre les intérêts dus depuis le 19 octobre 2015 ; que si l'avocat estimait que les circonstances du dossier ne permettaient à l'évidence pas qu'il soit fait droit à ses demandes, il lui appartenait de la dissuader de se faire assister devant le tribunal de commerce et d'engager des frais ou, à tout le moins lui déconseiller de relever appel d'une décision dont il estime aujourd'hui qu'elle ne pouvait être réformée ; que la violation de l'obligation du devoir de conseil est à nouveau démontrée ; que Maître [T] lui a fait perdre une chance d'obtenir une décision favorable en première instance et le cas échéant en cause d'appel ; qu'il existe donc un lien de causalité certain entre la faute commise par l'avocat et le préjudice subi.

La SELARL [E] [T] explique que Mme [G] doit rapporter la preuve d'un préjudice certain et actuel caractérisant une perte de chance indemnisable ; que Mme [G] ne soutient pas sérieusement et n'établit pas que la cour d'appel de Versailles eut pu rendre une décision venant infirmer la décision rendue par le tribunal de commerce de Versailles qui a appliqué les règles de droit relatives aux cautions solidaires et a fait une application normale du droit positif en l'état ; que le quantum de la réclamation de la société HSBC était conforme aux engagements financiers de la société en liquidation et correspondait à l'engagement de caution de Mme [G] ; que même si elle avait soutenu l'engagement disproportionné de la caution, puis tenté de critiquer les accessoires de la créance, frais et pénalités, pour enfin demander que lui soit accordé les plus larges délais, les circonstances du dossier ne permettaient à l'évidence pas qu'il y soit fait droit, les aléas de la procédure ayant déjà amplement profité à l'intéressée, qui était apparemment totalement incapable de faire droit à ses obligations ; que le jugement du tribunal de commerce de Versailles est normalement motivé, et la société HSBC produisant les pièces justifiant de sa demande, celle-ci ne pouvait qu'être accueillie ; que la décision de justice ainsi rendue n'a fait que concrétiser ses engagements et son obligation à l'égard de la banque, sans que Mme [G] ne puisse venir aujourd'hui tenter de s'y soustraire au travers de la recherche de la responsabilité civile professionnelle de ses avocats ; que Mme [G] devra donc être déboutée de toutes ses demandes formées à son encontre.

Réponse de la cour

L'issue d'une instance n'étant jamais certaine, il appartient aux juges du fond de reconstituer la discussion qui n'a pu s'instaurer devant une juridiction par la faute d'un auxiliaire de justice, le préjudice du client de l'avocat fautif ne pouvant obtenir indemnisation qu'à hauteur de la perte de chance d'obtenir gain de cause en justice (1re Civ., 13 mai 2014, pourvoi n° 13-13.766).

En l'espèce, Mme [G] s'est portée caution solidaire, par acte du 22 février 2013, du remboursement du prêt souscrit pas la société Bistrot 8 [Localité 7] dans la limite de 163 200 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de 96 mois.

Les conclusions établies par la SELARL [E] [T] en vue d'être déposées au tribunal de commerce de Versailles comportait les prétentions suivantes :

- rejeter l'ensemble des demandes de la société HSBC France ;

En tout état de cause,

- rejeter les demandes de la société HSBC France portant sur les accessoires, frais et pénalités ;

A titre subsidiaire,

- accorder un délai de paiement de deux ans à [G].

Le moyen principal soulevé à l'appui de la demande de rejet des demandes de la société HSBC reposait sur l'existence d'une disproportion entre l'engagement de caution et les revenus et patrimoine de Mme [G] sur le fondement des dispositions de l'article L.341-4 du code de la consommation.

L'article L.341-3 du code de la consommation, dans sa version issue de la loi n° 2003-721 du 1er août 2003 pour l'initiative économique, dispose :

« Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ».

En application de ces dispositions, la disproportion du cautionnement s'apprécie en prenant en considération l'endettement global de la caution au moment où cet engagement est consenti, sans avoir à tenir compte de ses engagements postérieurs (Com., 3 novembre 2015, pourvois n° 14-26.051 et 15-21.769, Bull. 2016, n° 839), et au regard de la capacité de la caution à faire face, avec ses biens et revenus, non à l'obligation garantie, selon les modalités de paiement propres à celle-ci, c'est-à-dire, en l'espèce, aux mensualités des prêts, mais au montant de son propre engagement (Com., 11 mars 2020, pourvoi n° 18-25.390).

Les conclusions soumises pour observations à Mme [G], visaient dans le bordereau des pièces communiquées, notamment l'avis d'imposition de Mme [G] pour les années 2012 et 2013, un certi'cat de prêt de l'établissement Société Générale du 8 octobre 2015, des bulletins de salaires de Mme [G], un récapitulatif des versements du revenu de solidarité active (RSA) pour l'année 2014 et l'année 2015.

Les conclusions exposaient notamment :

- au mois de janvier 2013, Mme [G] était associée minoritaire à haute de 30 % du capital de la société Le Palace d'Asie, soit à hauteur de 3 000 euros ;

- au 8 janvier 2013, le compte bancaire de Mme [G] était créditeur de 30 728,93 euros ;

- Mme [G] était propriétaire indivise à hauteur de 20 % des droits d'un bien immobilier d'une valeur totale de 730 000 euros dont elle avait acquis la propriété avec ses parents, soit 146 000 euros ;

- Mme [G] était redevable, en janvier 2013, au titre d'un emprunt solidairement contracté avec ses parents pour l'acquisition du bien immobilier précité, de la somme de 360 000 euros ;

- Mme [G] a perçu une rémunération de 16 564 euros au titre de l'année 2012, et de 8 647 euros au titre de l'année 2013.

Ces éléments sont justifiés aux débats, étant toutefois précisé qu'il restait dû, au titre du prêt immobilier souscrit par Mme [G], la somme de 302 569,23 après l'échéance du 7 février 2013, largement supérieure à la part en capital de Mme [G] dans le bien immobilier.

Il résulte de ces éléments que le cautionnement souscrit par Mme [G] présentait une disproportion manifeste à ses biens et revenus au jour où il a été souscrit, de sorte qu'elle se trouvait dans l'impossibilité manifeste de faire face à un tel engagement avec ses biens et revenus.

En réponse au moyen tiré de la disproportion de l'engagement de la caution, la banque aurait pu exposer que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée lui permettait de faire face à son obligation.

Lors de l'action de la banque à l'encontre de la caution en février 2016, Mme [G] était détentrice de 130 parts sur 650 parts de la SCI Full House à laquelle le bien immobilier acquis par elle et ses parents a fait l'objet d'un apport. Cette maison étant l'unique bien de la SCI, la valeur des parts détenues par Mme [G] était au moins de 146 000 euros en l'absence de tout élément sur le passif de ladite SCI. L'endettement au titre du prêt immobilier s'élevait au 7 février 2016 à la somme de 228 690,81 euros, soit une somme toujours supérieure à la valeur des parts de la SCI détenant le bien immobilier. Il ne peut donc être considéré que la situation de Mme [G] lui permettait de faire face à son engagement de caution au jour où le prêteur de deniers a sollicité la mise en 'uvre du cautionnement.

En application de l'article L.341-4 du code de la consommation, la sanction du caractère manifestement disproportionné de l'engagement de la caution est l'impossibilité pour le créancier professionnel de se prévaloir de cet engagement, et cette sanction, qui n'a pas pour objet la réparation d'un préjudice, ne s'apprécie pas à la mesure de la disproportion, ainsi que l'a d'ailleurs jugé la Cour de cassation (Com., 22 juin 2010, pourvoi n° 09-67.814, Bull. 2010, IV, n° 112).

Au regard de ces éléments, il existait une forte chance pour Mme [G] de voir rejeter les prétentions de la société HSBC dans le cas où le moyen de défense tiré du caractère disproportionné de son engagement avait été exposé par son conseil devant le tribunal de commerce de Versailles, et à défaut de voir infirmer le jugement en cause d'appel celui-ci avait été formé avant l'expiration du délai de recours. Ce préjudice présente ainsi un lien de causalité avec les fautes commises par l'avocat.

La réparation d'une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée (1re Civ., 14 novembre 2019, pourvoi n° 18-23.915 ; 1re Civ., 16 juillet 1998, pourvoi n° 96-15.380).

En conséquence, Mme [G] ne peut solliciter la somme intégrale à laquelle elle a été condamnée en justice, dès lors que l'issue d'un procès n'est jamais certaine. En revanche, au regard des éléments précités qui démontrent l'existence d'un engagement de caution disproportionné, il convient d'évaluer à 80 % la chance perdue de Mme [G] de voir rejeter les prétentions de la société HSBC.

Il convient donc de condamner la SELARL [E] [T] à lui payer la somme de 130 450 euros (80 % x 163 200) en réparation de son préjudice. Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a débouté Mme [G] de l'ensemble de ses demandes.

Sur les frais de procédure

Le jugement sera infirmé en ses chefs statuant sur les dépens et les frais irrépétibles.

La SELARL [E] [T] sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer à Mme [G] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;

STATUANT À NOUVEAU :

DIT que la SELARL [E] [T] a commis des fautes engageant sa responsabilité contractuelle à l'égard de Mme [G] ;

CONDAMNE la SELARL [E] [T] à payer à Mme [G] une indemnité de 130 450 euros ;

CONDAMNE la SELARL [E] [T] à payer à Mme [G] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SELARL [E] [T] aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

AUTORISE les avocats de la cause à recouvrer directement et à leur profit, contre la partie condamnée aux dépens, ceux dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision.

Arrêt signé par Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de Chambre et Mme Karine DUPONT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/02087
Date de la décision : 02/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 09/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-02;21.02087 ?
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