COUR D'APPEL D'ORLÉANS
C H A M B R E C I V I L E
GROSSES + EXPÉDITIONS : le 02/07/2024
la SCP LAVISSE BOUAMRIRENE GAFTONIUC
la SELARL AVOCAT LOIRE CONSEIL
ARRÊT du : 2 JUILLET 2024
N° : - 24
N° RG 21/02043 - N° Portalis DBVN-V-B7F-GNBH
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'ORLEANS en date du 07 Juillet 2021
PARTIES EN CAUSE
APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265268420279467
S.C.I. 4P
Société civile immobilière au capital de 1 000,00 € immatriculée au RCS de ORLEANS sous le n° 490930260, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège,
[Adresse 3]
[Localité 5]
représentée par Me Pascal LAVISSE de la SCP LAVISSE BOUAMRIRENE GAFTONIUC, avocat au barreau D'ORLEANS
D'UNE PART
INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265268494690592
S.A.S. SOFIMMO
Société par Actions Simplifiée au capital social de 100.000,00 €, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés d'ORLEANS 409.942.273, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège
[Adresse 1]
[Localité 7]
représentée par Me Eric GRASSIN de la SELARL AVOCAT LOIRE CONSEIL, avocat au barreau D'ORLEANS
D'AUTRE PART
DÉCLARATION D'APPEL en date du : 19 Juillet 2021.
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 11 mars 2024
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats à l'audience publique du 14 Mai 2024 à 14h00, l'affaire a été plaidée devant M. Laurent SOUSA, Conseiller, en l'absence d'opposition des parties ou de leurs représentants.
Lors du délibéré, au cours duquel M. Laurent SOUSA, Conseiller a rendu compte des débats à la collégialité, la Cour était composée de:
Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de chambre,
Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller,
Madame Laure- Aimée GRUA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
GREFFIER :
Mme Karine DUPONT, Greffier lors des débats et du prononcé.
ARRÊT :
Prononcé publiquement le 2 juillet 2024 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
***
FAITS ET PROCÉDURE
Suivant promesse unilatérale de vente du 12 mars 2020, la SCI 4P a promis de vendre à la société Sofimmo des locaux situés [Adresse 4], mais la SCI 4P n'a pas régularisé la vente par acte authentique.
La société Sofimmo a fait assigner la SCI 4P à jour fixe devant le tribunal judiciaire d'Orléans aux fins de réalisation forcée de la vente.
Par jugement en date du 7 juillet 2021, le tribunal judiciaire d'Orléans a :
- déclaré les demandes recevables ;
- rejeté les exceptions de nullité de l'assignation ;
- prononcé la vente entre la société Sofimmo et la SCI 4P portant sur le bien situé dans un ensemble immobilier dénommé « [Adresse 4] » situé à [Adresse 4] identifié lot 25 de la [Adresse 8], cadastré section AZ n° [Cadastre 2] lieudit [Adresse 4] avec une surface de 00 ha 46 a 33 ca et constitué des lots : n°2 (un local à usage de bureaux avec sanitaires et les 441/10143e des parties communes générales ; n° 71 (un emplacement de stationnement
portant le numéro 71 et 11/10143e des parties communes générales) ; n°72 (un emplacement de stationnement portant le numéro 72 et les 11/10143e des parties communes générales) ; n°73 (un emplacement de stationnement portant le numéro 73 et les 11/10143e des parties communes générales) ;
- ordonné la publication de la présente décision à la conservation des hypothèques ;
- condamné la société Sofimmo à payer au notaire rédacteur, Me [H] le solde du prix de vente ;
- condamné la SCI 4P à remettre les clés au même notaire, dans le délai de 8 jours et sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision ;
- condamné la société 4P à payer à la société Sofimmo : la somme de 21 465,73 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice de jouissance, arrêtée au 21 mars 2021, avec intérêts au taux légal à compter du 1er juillet 2020 ; une somme mensuelle de 1 638,40 euros à titre de préjudice de jouissance à compter du 1er avril 2021 jusqu'à la remise des clés du bien ;
- ordonné la compensation des sommes dues entre les parties ;
- débouté la SCI 4P de l'ensemble de ses demandes, tant principales qu'accessoires et incluant la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, d'annulation de la vente ;
- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
- condamné la SCI 4P à payer à la société Sofimmo la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la SCI 4P aux dépens.
Par déclaration en date du 19 juillet 2021, la SCI 4P a interjeté appel de tous les chefs du jugement sauf en ce qu'il a déclaré recevables les demandes et condamné la société Sofimmo à payer au notaire rédacteur, Me [H] le solde du prix de vente.
Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 6 février 2024, la SCI 4P demande à la cour de :
- la recevoir la société 4P en son appel bien fondé et y faire droit ;
- déclarer la société Sofimmo irrecevable et à tout le moins mal fondée en l'ensemble de ses demandes, y compris à titre d'appel incident et l'en débouter ;
- débouter la société Sofimmo de son appel incident, mal fondé ;
- annuler et infirmer le jugement déféré en ce qu'il a : rejeté les exceptions de nullité de l'assignation ; débouté la SCI 4P de ses demandes reconventionnelles ; prononcé la vente entre la société Sofimmo et la SCI 4P portant sur le bien situé dans un ensemble immobilier dénommé « [Adresse 4] », situé à [Adresse 4] identifié « Lot 25 » de la [Adresse 8] cadastré section AZ n°[Cadastre 2] ; ordonné la publication du jugement à la conservation des hypothèques ; condamné la SCI 4P à remettre les clefs à Me [H], notaire rédacteur, dans un délai de
8 jours et sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision intervenue ; condamné la SCI 4P à payer à la société Sofimmo les sommes de 21 465,73 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice de jouissance arrêtée au 21 mars 2021 avec intérêts au taux légal à compter du 1er juillet 2020 et de 1638,40 euros à titre de préjudice de jouissance à compter du 1er avril 2021 jusqu'à la remise des clefs du bien ; débouté la SCI 4P de l'ensemble de ses demandes tant en principales qu'accessoires et incluant la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, d'annulation de vente ; condamné la SCI 4P à payer à la société Sofimmo la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; condamné la SCI 4P aux entiers dépens ;
- confirmer le jugement entrepris uniquement en ce qu'il a débouté la société Sofimmo de sa demande d'indemnisation en réparation du préjudice allégué ;
Statuant à nouveau :
Sur la forme,
- déclarer la société Sofimmo irrecevable en ses demandes faute d'avoir justifié de la publication effective et admise de son assignation aux registres de la publicité foncière ;
- prononcer la nullité de l'assignation adverse à jour fixe pour non-respect des conditions de forme exigées sous peine de nullité par les articles 788 et suivants du code de procédure civile ;
Sur le fond,
- ordonner avant dire droit et dire nécessaire de mettre en place une conciliation entre les parties vu la nature du problème ;
- débouter la société Sofimmo de sa demande de réitération par jugement en l'absence de la clause fiscalement obligatoire dans la mesure où l'acte précontractuel visé aux débats est entaché d'une erreur matérielle qui est non créatrice de droits pour Sofimmo et qui n'a pu être détectée par 4P non présente à la signature pour cause de risques covid invoqué par les notaires à titre de précaution, et du fait de la nature de VEFA sur locaux commerciaux avec récupération de TVA sur travaux la clause de continuation de l'engagement est de l'essence de l'accord qui n'aurait jamais été accepté sans par 4P et a été simplement omise par erreur de rédaction ;
- lui donner acte de son accord pour signer un acte authentique réitératif contenant la clause de reprise d'engagement de maintien sous le régime de la TVA pour la durée restant de l'engagement initial ;
- déclarer que la vente ne peut pas se réaliser en l'espèce faute d'accord sur la chose et le prix ;
- annuler la promesse de vente en date du 12 mars 2020 ;
- déclarer n'y avoir lieu à signature définitive vu la mauvaise foi réitérée par la société Sofimmo ;
Très subsidiairement,
- ordonner la vente mais en même temps :
- condamner la société Sofimmo à combler le préjudice impacté par son choix sous forme de dommages intérêts à hauteur de 23 000 euros ;
- condamner la société Sofimmo qui a commis en l'espèce un dol à son détriment ;
- annuler la promesse de vente en date du 12 mars 2020 pour cause de vice de consentement ;
Très subsidiairement,
- ordonner la vente mais en même temps :
- condamner Sofimmo à combler le préjudice impacté par son choix sous forme de dommages intérêts à hauteur de 23 000 euros ;
En tout état de cause,
- ordonner le versement à son profit de la somme de 10 050 euros séquestrée entre les mains du notaire rédacteur à titre d'indemnité d'immobilisation ;
- condamner la société Sofimmo à lui payer les sommes de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et de 60 000 euros pour pertes locatives ;
- condamner la société Sofimmo à lui payer la somme de 981,30 euros au titre de la taxe foncière 2021, avec intérêts au taux légal à compter du 10 septembre 2021 ;
- condamner la société Sofimmo à lui payer la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société Sofimmo aux entiers dépens avec bénéfice de l'article 699 au profit de la société LBG.
Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 5 mars 2024, la société Sofimmo demande à la cour de :
- recevoir la SCI 4P en son appel ;
- la débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
- recevoir la société Sofimmo en son appel incident ;
- confirmer le jugement sur le prononcé de la vente et les indemnisations prononcées à son profit ;
- infirmer le jugement du chef des dommages et intérêts non alloués à la société Sofimmo ;
Et, statuant à nouveau,
- condamner la SCI 4P à lui payer une somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi au titre de temps perdu, des frais de déménagement à venir, de perte de repère pour la clientèle justifiant la multiplication des démarches et formalités administratives, etc. ;
- condamner la SCI 4P à lui payer une somme de 37 570,38 euros en réparation de son préjudice financier (somme à parfaire) ;
- prononcer la publication de l'arrêt à intervenir au service de publicité foncière du lieu de situation de l'immeuble par la partie la plus diligente ;
- condamner la SCI 4P à lui payer une somme de 8 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions.
MOTIFS
Sur la nullité de l'assignation
Moyens des parties
L'appelante soutient que l'assignation délivrée ne répond pas intégralement aux exigences du code de procédure civile dans la mesure où elle ne vise que la requête et non pas l'ordonnance rendue par le président du tribunal judiciaire ayant autorisé l'assignation à jour fixe et ne somme pas le défendeur de communiquer, avant la date d'audience, les pièces dont il entend faire débat ; qu'aucune copie de la requête et de l'ordonnance n'est jointe ; qu'en se bornant simplement à retenir de façon très laconique que l'assignation délivrée le 4 août 2020 mentionnerait « à deux reprises l'ordonnance rendue le 28 juillet 2020 » pour conclure abruptement que la procédure serait régulière, le tribunal a omis de répondre à ses moyens ; que l'ordonnance n'a jamais été ni annexée ni dénoncée ce qui lui cause grief ; que le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.
L'intimée réplique que les articles 788 et 789 du code de procédure civile visés par l'appelante n'intéressent pas le présent litige ; qu'elle a régulièrement rappelé la disposition de l'article 841 du code de procédure civile dans son acte introductif d'instance, de sorte que son assignation n'est pas entachée de nullité ; que le procès-verbal de signification de l'assignation vise 15 pages, soit 10 pages pour l'assignation à jour fixe et 5 pages pour la requête et l'ordonnance ; qu'il a été fait sommation à la SCI 4P de verser aux débats l'original de l'assignation à jour fixe à laquelle est jointe la requête ; que la SCI 4P n'a jamais produit le document contesté alors même que sa simple lecture aurait permis de vérifier les paginations entre les mains de celui qui, aujourd'hui, prétend ne pas les avoir reçus avec la plus parfaite mauvaise foi ; que la SCI 4P sera déboutée de sa demande.
Réponse de la cour
L'article 840 du code de procédure civile dispose : « Dans les litiges relevant de la procédure écrite ordinaire, le président du tribunal peut, en cas d'urgence, autoriser le demandeur, sur sa requête, à assigner le défendeur à jour fixe. Il désigne, s'il y a lieu, la chambre à laquelle l'affaire est distribuée.
La requête doit exposer les motifs de l'urgence, contenir les conclusions du demandeur et viser les pièces justificatives.
Copie de la requête et des pièces doit être remise au président pour être versée au dossier du tribunal ».
L'article 841 du code de procédure civile dispose : « L'assignation indique à peine de nullité les jour et heure fixés par le président auxquels l'affaire sera
appelée ainsi que la chambre à laquelle elle est distribuée. Copie de la requête est jointe à l'assignation.
L'assignation informe le défendeur qu'il peut prendre connaissance au greffe de la copie des pièces visées dans la requête et lui fait sommation de communiquer avant la date de l'audience celles dont il entend faire état ».
La SCI 4P soulève l'irrégularité de l'assignation sans produire l'acte qui lui a été signifié. En conséquence, elle n'établit pas que l'assignation qui lui a été délivrée ne comporterait pas la copie de la requête adressée au président du tribunal et de l'ordonnance prononcée par celui-ci. Il convient d'ailleurs de constater que le procès-verbal de signification de l'assignation vise 15 pages alors que l'exemplaire de l'assignation produit par la société Sofimmo comporte 10 pages, de sorte que d'autres documents ont été signifiés avec l'assignation à la SCI 4P.
Par ailleurs, l'exemplaire de l'assignation produit par la société Sofimmo comporte la mention suivante : « Vous pouvez prendre connaissance au greffe de la copie des pièces visées dans la requête et il vous est fait sommation de communiquer avant la date de l'audience celles dont vous entendez faire état, conformément aux dispositions de l'article 841 du code de procédure civile ».
En conséquence, la SCI 4P n'établit pas la preuve d'une violation des dispositions de l'article 841 du code de procédure civile qui lui causerait grief. L'exception de nullité de l'assignation doit donc être rejetée, de sorte que le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur la recevabilité des demandes
Moyens des parties
L'appelante soutient qu'à peine d'irrecevabilité de la demande, l'assignation portant sur la vente immobilière doit être publiée dans les registres du service chargé de la publicité foncière et la partie en demande doit pouvoir en justifier ; que dans la mesure où la société Sofimmo ne justifie pas de la publication de l'assignation dans les registres du service chargé de la publicité foncière, il en résulte, en application des articles 28, 4°, c) et 30, 5°, du décret n°55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière, que ses demandes ne sont pas recevables ; que ce n'est que très tardivement, le 6 avril 2021 au soir, pratiquement la veille de l'audience prévue le 8 avril 2021, que la partie adverse a daigné produire le justificatif de sa demande de publication de son assignation au service de la publicité foncière ; que cette transmission extrêmement tardive n'est explicable que par la volonté adverse de nuire à la SCI 4P et en tout état de cause viole le principe du contradictoire ; que
surtout une demande de publication ne vaut pas publication effective acceptée par les hypothèques. Elle indique également que depuis le 1er janvier 2020, avant d'engager une action judiciaire, la recherche de solution amiable par conciliation ou médiation doit être mise en place et à défaut l'irrecevabilité de la procédure peut être soulevée ; que la procédure à jour fixe n'est pas exclue de ce préalable ; que la procédure telle qu'engagée est
irrecevable et la société Sofimmo sera renvoyée à la mise en place d'une conciliation ou d'une médiation à laquelle elle donne par avance son accord.
L'intimée réplique qu'elle rapporte la preuve de la publication de l'assignation portant sur la vente immobilière auprès de la conservation des hypothèques du lieu de situation de l'immeuble, effectuée le 7 septembre 2020 ; que s'il lui est reproché une publication tardive, il convient d'indiquer qu'elle avait saisi la conservation des hypothèques aux fins de publication et il a fallu attendre et relancer à de multiples reprises les services de publication pour obtenir le justificatif de cette dernière ; qu'au jour des plaidoiries, ce que reconnaît d'ailleurs indirectement la SCI 4P, l'inscription était effective et justifiée, la pièce étant d'ailleurs produite en annexe ; que ses demandes sont donc parfaitement recevables ; que s'agissant de la recherche préalable d'une solution amiable, les dispositions de l'article 750-1 du code de procédure civile ne sont pas applicables au cas d'espèce, puisque le présent litige ne relève pas des cas qui y sont énumérés ; qu'en tout état de cause, elle s'y oppose et invoque le motif légitime tenant à l'absence de siège social la privant d'accomplir ses activités ; que la SCI 4P sera déboutée de sa demande formée à ce titre.
Réponse de la cour
La société Sofimmo justifie de la publication de l'assignation au service de la publicité foncière avant l'ouverture des débats devant les premiers juges. Sa demande est donc recevable et la SCI 4P sera déboutée de la fin de non-recevoir soulevée à ce titre.
L'article 750-1 du code de procédure civile, dont l'application est invoquée par l'appelante, dispose :
« En application de l'article 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, à peine d'irrecevabilité que le juge peut prononcer d'office, la demande en justice est précédée, au choix des parties, d'une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d'une tentative de médiation ou d'une tentative de procédure participative, lorsqu'elle tend au paiement d'une somme n'excédant pas 5 000 euros ou lorsqu'elle est relative à l'une des actions mentionnées aux articles R. 211-3-4 et R. 211-3-8 du code de l'organisation judiciaire ou à un trouble anormal de voisinage ».
L'action de la société Sofimmo ne tendant pas au paiement d'une somme inférieure à 5 000 euros, et n'étant pas relative à un trouble anormal de voisinage ou à une action relevant des articles R. 211-3-4 et R. 211-3-8 du code de l'organisation judiciaire, la SCI 4P est mal-fondée à soutenir qu'elle serait irrecevable pour défaut de recherche d'une solution amiable.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a déclaré les demandes de la société Sofimmo recevables.
Sur la réalisation de la vente
Moyens des parties
L'appelante soutient que la promesse de vente vise que le bien immobilier avait été acquis par elle en VEFA, ce qui entraîne automatiquement un effet fiscal ; qu'en acquérant des locaux à usage commercial ou de bureau donc professionnels, elle a opté initialement au régime de la TVA et a amorti et déduit la TVA afférente à cette acquisition-construction comme tout acquéreur de locaux professionnels en VEFA ; que dans un tel cas la revente n'est envisageable pour le vendeur qu'à une entité relevant du régime de la TVA avec continuation du régime par l'acquéreur comme ses sous-acquéreurs pour la durée restant de l'engagement initial, et à défaut un redressement fiscal est encouru et automatique ; qu'il doit fiscalement être inséré une clause de style aux termes de laquelle il est simplement prévu que l'acquéreur reprend l'engagement fiscal pour la durée restant à courir ce qui ne lui nuit absolument pas puisque l'immeuble est à usage de bureaux et que la société qui y a élu domicile est commerciale ; qu'à défaut le vendeur est ipso facto redressé pour violation de son engagement par la non-continuation par son successeur et doit fermement payer sans alternative aux services fiscaux le montant de TVA non amorti sur la période non continuée, outre pénalités et risque de redressement rétroactif ; qu'il apparaît que les deux notaires rédacteurs ont oublié à la rédaction et à la signature une simple phrase retraçant le simple engagement de continuation de soumission à la TVA pour la durée restante ce qui est une manifeste erreur matérielle ; que l'erreur matérielle n'est pas créatrice de droit, et le tribunal aurait du, en interprétant l'intention des parties, juger que l'acte définitif devra contenir engagement par Sofimmo de poursuivre l'application du régime de la TVA pour la période courant ce qui relevait de l'accord initial et pourra alors renvoyer les parties vers les notaires ; que la cour sanctionnera l'erreur commise en première instance, infirmera le jugement entrepris et jugera que la vente ne peut être réalisée en l'espèce faute d'accord sur la chose et sur le prix ; que la vente ne peut pas être réalisée faute d'accord sur la présence ou non de cette clause et sur la reprise de l'obligation fiscale, élément essentiel du contrat pour elle ; qu'elle n'a jamais voulu signer un acte authentique incomplet et vendre en devant décaisser au fisc au moins 23 000 euros ; que la société Sofimmo a manqué à son obligation de loyauté et n'est pas de bonne foi ; que si une seule fois, la société Sofimmo avait clairement indiqué qu'elle entendait ne pas se soumettre à ce régime, elle n'aurait pas accepté le principe de la cession impliquant pour elle un redressement automatique de sorte que la société Sofimmo a commis une faute à ce titre par sa dissimulation ; que la société Sofimmo va incontestablement louer à la société commerciale du même dirigeant sous le régime de la TVA que la locataire récupère et ne pas accepter la clause procède de la mauvaise foi la plus totale afin de nuire et d'obtenir une remise forcée sur prix soit par discussion soit par compensation ; que la société Sofimmo qui avait indiqué
dans un premier temps que sa société était bien soumise à TVA, a ensuite fait volte-face et fait connaître au vendeur que finalement il refusait de simplement continuer l'engagement fiscal, ce qui constitue un dol ; que si on admet qu'il ne s'agit pas seulement d'une erreur matérielle des notaires, alors son consentement a été vicié par le dol adverse orchestré volontairement pour lui soutirer une réduction de plus ; que le pré-accord est nul pour vice de consentement.
La société Sofimmo indique que la vente est parfaite et les conséquences attachées sont l'exécution forcée de la vente conformément aux dispositions de l'article 1124 du code civil ; que la SCI 4P a définitivement consenti à la vente et se trouve depuis le 12 mars 2020 débitrice de l'obligation de transférer la propriété à son profit ; que compte-tenu de l'attitude de la SCI 4P depuis la signature de la promesse de vente, elle entend solliciter la confirmation de la décision entreprise, le tribunal ayant rendu un jugement valant vente, compte tenu du défaut de réitération par acte authentique de la vente dans le délai imparti par l'huissier ; que consciente de sa carence, la SCI 4P fait feu de tout bois et soutient des moyens multiples et contradictoires, allant de la simple erreur matérielle non créatrice de droit au défaut d'accord sur la chose et le prix et finalement la nullité de la promesse pour vice de consentement ; que la SCI 4P ne peut pas soutenir tout à la fois une simple erreur matérielle non créatrice de droit et le vice de consentement affectant par là même la validité de la promesse ; qu'il n'existe pas d'erreur matérielle pas plus qu'il n'existe un désaccord sur la chose et le prix ; que la SCI 4P ne raisonne que par voie d'allégations et ne rapporte aucune preuve à l'appui de celles-ci ; que le prétendu engagement de continuation de l'obligation fiscale n'a jamais été abordé entre les parties de sorte qu'il n'a jamais été contractualisé dans la promesse ; que pour démontrer sa bonne foi, elle verse aux débats l'attestation de Maître [S] qui indique que Maître [H], ès-qualités de notaire rédacteur de l'avant-contrat et notaire de la SCI 4P, n'a jamais évoqué la question de la régularisation de la TVA ni avant la signature de la promesse, ni durant le rendez-vous de signature ; que la production d'un courriel de la concluante daté du 30 avril 2020 n'est pas de nature à établir que les parties s'étaient entendues sur la reprise de l'engagement de la TVA ; que s'il est exact que la présidente s'est interrogée, il ne s'agit pas d'un accord, ce d'autant que ce courriel a été adressé alors que l'avant-contrat avait été signé six semaines auparavant ; que la promesse comportait expressément le défaut d'assujettissement du vendeur à la taxe sur la valeur ajoutée au sens de l'article 256 du code général des impôts ; qu'il n'existe aucune obligation de reprendre les engagements fiscaux des vendeurs en matière de TVA lors d'un achat immobilier ; qu'elle n'a jamais formalisé le souhait de reprendre à son compte l'engagement fiscal de TVA dans le cadre de cette vente ; que les moyens ainsi développés par la SCI 4P ne sont que des man'uvres visant à faire échouer la vente ; que tous les moyens soulevés par la SCI 4P seront rejetés.
Réponse de la cour
L'article 1103 du code civil dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
L'article 1124 du code civil prévoit que la promesse unilatérale est le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l'autre, le bénéficiaire, le droit d'opter pour la conclusion d'un contrat dont les éléments essentiels sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire.
En l'espèce, aux termes d'un acte établi le 12 mars 2020, la SCI 4P, assisté de son notaire, Me [H], a promis de vendre à la société Sofimmo les lots de copropriété n° 2, 71, 72 et 73 de l'ensemble immobilier situé [Adresse 4] à Olivet, pour le prix de 201 000 euros. Cet acte a été signé des parties et de leurs notaires respectifs, de sorte qu'il est établi qu'il existait un accord sur la chose et sur le prix.
La promesse unilatérale de vente ne comporte aucune stipulation relative à la reprise de l'engagement fiscal du vendeur par l'acquéreur au titre de la TVA, l'acte mentionnant seulement, au titre du régime fiscal de la vente que le vendeur et l'acquéreur indiquaient ne pas agir « en qualité d'assujettis en tant que tels à la taxe sur la valeur ajoutée au sens de l'article 256 du code général des impôts ».
La SCI 4P indique que la reprise de l'engagement fiscal était une condition déterminante de son consentement. Toutefois, elle ne produit aucun élément propre à établir que cette condition ait été portée à la connaissance de l'acquéreur avant la signature de la promesse unilatérale de vente, silencieuse sur ce point, qui fixe les conditions dans lesquelles la SCI 4P entendait voir vendre le bien en cas de levée de l'option par le bénéficiaire, la société Sofimmo.
L'intimée corrobore ce fait par la production d'une attestation de son notaire, Me [S], en date du 26 avril 2021, indiquant que « Me [H], notaire rédacteur de l'avant-contrat (et notaire des vendeurs), n'a jamais évoqué une régularisation de TVA, ni avant la signature de la promesse de vente en date du 12 mars 2021, ni durant le rendez-vous de signature. Cette reprise d'engagement fiscal ne m'a été proposée par Me [H] que par un mail du 18 mars 2021 ».
La SCI 4P est donc mal-fondée à soutenir l'existence d'une erreur matérielle dans la promesse de vente qu'elle a signée après avoir procédé à sa lecture, alors que la reprise de l'engagement fiscal n'avait pas été évoquée par les parties.
Les échanges entre les parties produits par la SCI 4P établissent que ce n'est que postérieurement à la promesse de vente que la reprise de l'engagement fiscal a commencé à être débattue entre les parties, sans que le vendeur ne puisse contraindre l'acquéreur à modifier les modalités de vente initialement convenues.
En l'absence de connaissance par l'acquéreur du caractère déterminant pour le vendeur de la reprise de l'engagement fiscal, la SCI 4P est mal-fondée à se prévaloir d'un dol commis à son préjudice par la société Sofimmo. De même, la SCI 4P qui n'a évoqué que tardivement son souhait de voir reprendre l'engagement fiscal, ne peut se prévaloir d'un manquement de l'acquéreur à son obligation de loyauté et d'exécution de bonne foi de la convention souscrite qui ne faisait nullement référence à la reprise de l'engagement fiscal.
La société Sofimmo ayant levé l'option dans le délai contractuel, et la SCI 4P ayant refusé de régulariser la vente par acte authentique pour le motif précité relatif à l'absence de reprise de l'engagement fiscal, l'acquéreur est bien fondé à voir réaliser la vente par décision judiciaire.
En conséquence, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la SCI 4P de sa demande d'annulation de la promesse de vente, prononcé la vente entre la société Sofimmo et la SCI 4P portant sur le bien litigieux, ordonné la publication de la décision à la conservation des hypothèques, condamné la société Sofimmo à payer au notaire rédacteur, Me [H] le solde du prix de vente, et condamné la SCI 4P à remettre les clés au même notaire.
Il convient d'ajouter que le présent arrêt sera publié au service de publicité foncière par la partie la plus diligente.
Sur les demandes indemnitaires de l'acquéreur
Moyens des parties
L'appelante indique que la société Sofimmo a réclamé et obtenu à la faveur d'une erreur d'appréciation commise en première instance la somme de 21 465,73 euros à titre de dommages et intérêts pour prétendu préjudice de jouissance qu'elle conteste ; que n'étant pas satisfaite de ce montant et souhaitant toujours plus, la partie adverse a cru bon devoir formuler dans le cadre de son appel incident des demandes supplémentaires à hauteur de 7 297,81 euros au titre de travaux de réfection et de 8 806,84 euros au titre de frais de location auprès du bailleur ; que la cour ne pourra que rejeter l'ensemble des demandes financières adverses ; que la non-réalisation de la vente en l'espèce est imputable exclusivement à la partie adverse qui en porte seule la responsabilité, de sorte que la société Sofimmo ne saurait lui
imputer un quelconque préjudice ; qu'il n'existe pas de préjudice quand il suffit pour faire disparaître le dossier d'accepter de signer un acte contenant une clause évidente qui ne nuit absolument pas à Sofimmo qui achète des bureaux dans un ensemble de bureaux sans usage privatif possible ; que de par ses propres choix et actions, la société Sofimmo est seule auteur et responsable de son préjudice ; que Sofimmo affirme avoir vendu l'immeuble où se situait son ancien siège social le 15 juin 2020 alors que la date butoir de la vente 4P n'était qu'au 1er juillet 2020 ; que cet écart démontre que Sofimmo n'était en réalité pas gênée par la vente de l'immeuble dans lequel fonctionnait son siège social et que pour le moins elle disposait de solutions en attendant de transférer son siège dans un autre endroit ; que le constat d'huissier de justice établi le 28 novembre 2021, la société Sofimmo ne figurait toujours pas à l'adresse de l'immeuble litigieux, où est censé se situer désormais son nouveau siège social ; que la société Sofimmo n'a effectué le transfert de son siège social au [Adresse 4] que très tardivement, le 21 janvier 2022 ce qui dénote l'absence totale d'empressement de sa part ; que la prétendue urgence d'assigner à jour fixe invoquée par la partie adverse pour cause de perte de son siège social n'existe pas ; qu'à aucun moment la partie adverse ne démontre sa prétendue difficulté à exercer son activité, à effectuer les renvois des courriers deux fois, à procéder à diverses formalités déclaratives, de l'existence de mobilier ou équipement abîmé lors des déménagements, etc ; que c'est à juste titre que le premier juge a débouté la société Sofimmo de sa demande d'indemnisation en réparation du préjudice au titre du temps perdu, des frais de déménagement à venir, de perte de repère pour la clientèle justifiant la multiplication des démarches et formalités administratives ; que la cour confirmera le jugement entrepris sur ce point, rejettera l'appel incident adverse et déboutera la société Sofimmo de sa demande complémentaire de 10 000 euros de dommages et intérêts réclamée à ce titre ; que contrairement à ce que prétend la partie adverse, les locaux cédés étaient en très bon état et ne présentaient pas de dégradations imposant des travaux de réfection lourds et coûteux de plus de 7 000 euros ; que le constat d'huissier réalisé par l'étude [Y] le 28 juillet 2021 à la demande de Sofimmo montre des locaux en bon état et sans dégradations, ne justifiant aucuns travaux de réfection ; que les travaux effectués par la société Sofimmo sont des travaux d'embellissements et non des réparations de prétendues dégradations ; qu'elle n'a pas à payer à Sofimmo les loyers pendant la durée de ces travaux d'embellissement qui procèdent d'un choix de la société Sofimmo et non pas d'une nécessité.
L'intimée fait valoir qu'elle s'est retrouvée, du fait de l'inertie de la SCI 4P, sans siège social l'empêchant d'exercer son activité, puisqu'elle a cédé son siège social le 1er juillet 2020 ; qu'afin de pallier cette situation, elle a été contrainte de prendre à bail un bien immobilier, dans l'attente du jugement ; qu'à la date du 26 mars 2021, elle occupait toujours les bureaux pris à bail le 3 septembre 2020 et son préjudice financier s'évaluait à la somme de 21 465,73 euros suivant justificatifs produits aux débats ; que son préjudice doit être actualisé dans la mesure où elle a enfin pu obtenir les clefs de ses bureaux le 23 juillet 2021 ; qu'elle a toutefois déploré à son arrivée sur les lieux que le bien immobilier avait été dégradé de sorte qu'elle a dû engager
de nombreux frais afin que le bien acquis soit conforme à ce qui était prévu dans la promesse de vente, et ce, avant d'envisager son déménagement ; qu'un constat des lieux a été dressé par huissier le 28 juillet 2021 pour un montant de 385 euros, que les réseaux informatique et téléphonique ont dû être remplacés eu égard au sectionnement de la ligne pour un montant de 2 511,18 euros, que les murs ont dû être repeints eu égard à leur dégradation pour un montant de 3 725,14 euros, et enfin, un réfrigérateur ainsi que des stores ont dû être achetés pour un montant de 673,49 euros ; que le total des frais de réfection des bureaux professionnels s'élève donc à la somme totale de 7 297, 81 euros ; qu'eu égard à la saison estivale, les artisans mandatés n'ont pu débuter les travaux dès le mois de juillet de sorte que les travaux se sont achevés le 14 octobre 2021 ; que dans ces conditions, la société Sofimmo n'a pu emménager dans ses bureaux que le lendemain, le 15 octobre 2021 ; que la SCI 4P a produit un procès-verbal d'huissier en date du 28 novembre 2021 pour essayer de démontrer qu'à cette date elle n'aurait toujours pas déménagé, alors qu'y figure explicitement le nom de la société Cogemec qui est une de ses sociétés d'exploitation ; qu'il est donc établi qu'à la date du 28 novembre 2021, elle avait bien déménagé ; que jusqu'à la date du 15 octobre 2021, elle a continué d'occuper les bureaux sis [Adresse 6] à Orléans, engendrant des frais pour la somme totale de 8 806,84 euros ; que les sommes de 8 806,84 et 7 297,81 euros doivent être ajoutées à la somme de 21 465,73 euros, portant le préjudice financier à la somme de 37 570,38 euros ; que la SCI 4P sera également condamnée à lui payer une somme complémentaire de 10 000 euros en réparation du préjudice subi au titre de temps perdu, des frais de déménagement à venir, de perte de repère pour la clientèle justifiant la multiplication des démarches et formalités administratives, etc. ; qu'en raison du refus de la SCI 4P de signer l'acte de vente, elle a dû prévenir tous ses clients, fournisseurs, banquiers et autres contacts de ses deux changements d'adresse à un an d'intervalle, effectuer les renvois de courrier deux fois, ce qui a pu entraîner certaines pertes de courrier, procéder à diverses formalités déclaratives à l'instar de la souscription de deux contrats d'électricité, déménager deux fois ; qu'étant toujours dans l'attente d'appréhender ses bureaux, tous ses dossiers étaient rangés dans des caisses d'archives, soit plus de 120, contenant chacune 5 classeurs et à chaque fois qu'elle avait besoin d'un document, elle devait chercher dans la bonne caisse puis le remettre à sa place.
Réponse de la cour
La société Sofimmo justifie avoir vendu son siège social situé [Adresse 1] à [Localité 7], le 1er juillet 2020, à savoir un bâtiment comprenant cinq bureaux, deux salles d'archives, deux locaux techniques, sanitaires avec deux toilettes, deux lavabos et douche avec espace de circulation et accueil, à la suite d'une promesse de vente du 12 mars 2020.
Il convient de relever que la promesse de vente de la SCI 4P au profit de la société Sofimmo a également été consentie le 12 mars 2020, pour une durée expirant le 1er juillet 2020, et portait sur un local à usage de bureaux avec sanitaires avec trois emplacements de stationnement. Il est donc établi que les locaux vendus par la SCI 4P étaient destinés à remplacer les locaux vendus par la société Sofimmo.
En l'absence de régularisation de la vente par la SCI 4P, la société Sofimmo a subi un préjudice de jouissance et elle justifie avoir conclu un contrat de bail portant sur des bureaux pour domicilier ses services, du 4 septembre 2020 au 3 mars 2021, prolongé jusqu'au 15 octobre 2021.
Les clés du local vendu par la SCI 4P ont été remises à la société Sofimmo le 23 juillet 2021, suite au jugement de première instance, qui prétend avoir été contrainte d'exécuter des travaux compte tenu des dégradations imputables au vendeur.
Aux termes de la promesse de vente, le promettant, la SCI 4P s'était notamment engagée à « délivrer le bien dans son état actuel ; ['] maintenir en bon état de fonctionnement les équipements du bien : chauffe-eau, électricité, climatisation, VMC, sanitaire ; ['] entretenir le bien et ses abords ». Toutefois, il n'est produit aucun état des lieux qui aurait été établi au moment de la conclusion de la promesse de vente, de sorte que l'état du bien existant au jour de cette convention n'est pas connu.
La société Sofimmo produit un procès-verbal de constat d'huissier de justice établi le 28 juillet 2021 suite à la remise des clés des locaux vendus par la SCI 4P qui énumère les dégradations affectant les murs et revêtements, ainsi que le fait que des câbles ont été sectionnés sans autre précaution particulière. En l'absence d'état des lieux lors de la promesse de vente, ce constat d'huissier ne permet pas d'établir l'existence de dégradations commises par le vendeur depuis la promesse de vente. En conséquence, il ne peut être retenu l'existence d'un préjudice de jouissance pendant la réalisation des travaux par l'acquéreur jusqu'au 15 octobre 2021.
En revanche, ce procès-verbal de constat mentionne que des stores sont manquants dans la salle principale et qu'aucun réfrigérateur ne se trouve dans les lieux. La promesse de vente mentionnait quant à elle les meubles garnissant les lieux vendus pour le prix total de 3 000 euros, dont un réfrigérateur et des stores coulissants dans les sanitaires. Le procès-verbal ne comportant aucune précision sur la présence ou l'absence de stores coulissants dans les sanitaires, il ne peut être retenu aucun préjudice à ce titre. En revanche, la société Sofimmo est bien-fondée à solliciter une indemnité au titre du réfrigérateur non délivré par le vendeur, qu'il convient de fixer au prix de la facture produite aux débats, soit la somme de 298,99 euros.
La société Sofimmo a en outre subi un préjudice financier résultant de la location d'un bien à titre temporaire, du 4 septembre 2020 au 23 juillet 2021 s'établissant comme suit :
- loyer de septembre 2020 : 1 474,56 €
- loyer d'octobre 2020 : 1 638,40 €
- loyer de novembre 2020 : 1 638,40 €
- loyer de décembre 2020 : 1 638,40 €
- loyer de janvier 2021 : 1 638,40 €
- loyer de février 2021 : 1 638,40 €
- loyer de mars 2021 : 1 638,40 €
- loyer d'avril 2021 : 1 638,40 €
- loyer de mai 2021 : 1 638,40 €
- loyer de juin 2021 : 1 638,40 €
- loyer du 1er juillet 2021 au 23 juillet 2021 : 1 057,03 € (1 638,40 € / 31 x 20 jours)
Soit un total de 17 277,19 euros
La SCI 4P qui a causé, par sa faute, ce préjudice financier sera donc condamnée à verser la somme de 17 277,19 euros à la société Sofimmo au titre de son préjudice financier, la date à laquelle elle a effectivement emménagé étant indifférente.
Le décompte de frais produits aux débats, d'un montant de 21 465,73 euros correspondant à la somme retenue par le tribunal, comporte en outre les frais d'assignation, du procès-verbal de constat, les honoraires pour la conclusion du bail, le coût d'un procès-verbal de constat d'état des lieux, les frais de nettoyage des locaux pris à bail, les frais de déménagement, les frais d'assurance et d'électricité et les frais d'avocat.
Les frais de procès non compris dans les dépens ne constituent pas un préjudice réparable et ne peuvent être remboursés que sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile (2e Civ., 8 juillet 2004, pourvoi n° 03-15.155, Bull., 2004, II, n° 365 ; 1re Civ., 10 avril 2019, pourvoi n° 17-13.307).
En conséquence, la société Sofimmo n'est pas fondée à solliciter des dommages et intérêts au titre du coût de l'assignation et des frais d'avocat dans le cadre de son action en responsabilité à l'encontre du vendeur qui relèvent de la demande de frais irrépétibles qui comprend également le coût du constat d'huissier de justice.
En l'absence de fait dommageable, la société Sofimmo aurait également exposé des dépenses d'électricité et d'assurance au titre du local acquis, et elle n'allègue ni ne justifie avoir supporté un surcoût à raison de la faute commise par la SCI 4P. La demande au titre des frais d'assurance et d'électricité doit donc être rejetée. Il en est de même des frais de nettoyage que la société Sofimmo aurait également exposé dans ses propres locaux, qui ne présentent pas de lien avec la faute de la SCI 4P.
Dans le cadre de la conclusion du contrat de bail temporaire conclu dans l'attente de la vente définitive du bien de la SCI 4P, la société Sofimmo a engagé des dépenses d'honoraires de négociation du contrat d'un montant de 1 168,20 euros, des frais d'huissier de justice d'un montant de 192,50 euros pour établir le constat d'état des lieux d'entrée, et des frais de déménagement à hauteur de 1 140 euros. Ces dépenses sont directement imputables à la faute commise par la SCI 4P, et doivent donc être supportées par elle. S'agissant des frais de déménagement, il convient de préciser que si, en l'absence du fait dommageable, la société Sofimmo aurait également supporté de tels frais, la faute de la SCI 4P l'a contrainte à réaliser deux déménagements, l'un dans le local temporaire, le second dans le local acquis auprès de la SCI 4P, de sorte que les frais de déménagement dans le local temporaire constituent un préjudice indemnisable.
En application du contrat de bail, la société Sofimmo a remboursé au bailleur la taxe foncière. Cependant, elle n'établit pas qu'elle aurait supporté une somme moindre au titre de l'acquisition du local vendu par la SCI 4P, de sorte que la demande formée à ce titre sera rejetée.
Au regard de l'ensemble de ces considérations, la SCI 4P sera condamnée à payer à la société Sofimmo la somme totale de 20 076,88 euros (17 277,19 + 298,99 + 1 168,20 + 192,50 + 1 140) en réparation de son préjudice.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a condamné la société 4P à payer à la société Sofimmo, la somme de 21 465,73 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice de jouissance, arrêtée au 21 mars 2021, avec intérêts au taux légal à compter du 1er juillet 2020 et une somme mensuelle de 1 638,40 euros à titre de préjudice de jouissance à compter du 1er avril 2021 jusqu'à la remise des clés du bien.
La société Sofimmo demande également de condamner la SCI 4P à lui payer une somme complémentaire de 10 000 euros en réparation du préjudice subi au titre de temps perdu, des frais de déménagement à venir, de perte de repère pour la clientèle justifiant la multiplication des démarches et formalités administratives, etc. Cependant, l'existence de ce préjudice n'est établie par aucun élément probant de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.
Sur les demandes reconventionnelles de la SCI 4P
Moyens des parties
La SCI 4P indique que la procédure adverse à jour fixe est abusive et la société Sofimmo sera condamnée à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ; que la société Sofimmo par son action l'a empêchée de revendre et de relouer son immeuble à quelqu'un d'autre ; qu'elle a subi une perte locative de 2 000 euros mensuelle minimum soit actuellement 60 000 euros, l'équivalent de 2 ans et demi de loyer ; que la société Sofimmo n'a pas réglé ce qu'elle lui devait au titre de la
taxe foncière 2021 proratisée, de sorte qu'elle lui doit encore la somme de 981,30 euros ; qu'en cas de vente, il convient de condamner la société Sofimmo à combler le préjudice impacté par son choix de ne pas reprendre l'engagement fiscal sous forme de dommages intérêts à hauteur de 23 000 euros.
La société Sofimmo réplique que l'avant-contrat est un contrat emportant exécution forcée, de sorte que sa mauvaise foi n'est pas établie ; que les demandes indemnitaires ayant trait à une procédure abusive, ainsi qu'à la réparation d'une soi-disant perte locative pendant 18 mois, seront rejetées ; que le reliquat de la taxe foncière a déjà versé à la SCI 4P qui doit donc être déboutée de sa demande.
Réponse de la cour
Compte-tenu de la réalisation de la vente, il y a lieu de débouter la SCI 4P de sa demande de restitution à son profit de la somme de 10 050 euros séquestrée par la société Sofimmo entre les mains du notaire et qui s'impute sur le montant du prix de vente. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.
Le tribunal a justement indiqué que la procédure à jour fixe, régulièrement autorisée par ordonnance du président du tribunal judiciaire a été introduite conformément aux dispositions du code de procédure civile, de sorte que la présente procédure ne peut être abusive, outre le fait que les demandes de la société Sofimmo sont partiellement fondées.
La vente ayant vocation à être régularisée par acte authentique par la SCI 4P conformément à la promesse de vente pour laquelle elle s'était engagée, la SCI 4P n'est pas fondée à solliciter des dommages et intérêts au titre de la perte de loyers.
La SCI 4P s'étant engagée à vendre le bien litigieux à la société Sofimmo sans faire état de la condition relative à la reprise de l'engagement fiscal, elle n'est pas fondée à solliciter réparation du préjudice invoqué relatif au redressement fiscal dont elle fait état mais qui n'est pas démontré, qui ne résulte pas d'une faute commise par la société Sofimmo.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la SCI 4P de ses demandes de dommages et intérêts.
La taxe foncière payée par la SCI 4P pour l'année 2021 s'élève à la somme de 2 194 euros, et celle-ci a sollicité un prorata de 5 mois et 11 jours à la société Sofimmo, qui a contesté ce calcul. La SCI 4P produit un courrier électronique de son notaire, Me [H], en date du 21 juillet 2021, indiquant au notaire de l'acquéreur que le vendeur avait déposé les clés du bien « ce
jour » à son étude, date à laquelle les parties avaient convenu d'établir le décompte de taxes foncières. Il s'ensuit que la société Sofimmo était en mesure de prendre possession du local au 21 juillet 2021 et non le 23 juillet 2021 comme il en fait mention dans les échanges entre les parties. Il s'ensuit que la SCI 4P était fondée à solliciter de la société Sofimmo le paiement du prorata de taxes foncières sur une période de 5 mois et 11 jours, soit la somme de 981,30 euros. La société Sofimmo justifie avoir réglé une somme 890,82 euros au titre des taxes foncières, de sorte qu'il convient de la condamner à payer à la SCI 4P le solde restant dû d'un montant de 90,38 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la demande en date du 10 septembre 2021.
Sur les frais de procédure
Le jugement sera confirmé en ses chefs statuant sur les dépens et les frais irrépétibles.
Il convient de condamner la SCI 4P aux dépens d'appel et à payer à la société Sofimmo une somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
INFIRME le jugement en ce qu'il a :
- condamné la société 4P à payer à la société Sofimmo : la somme de 21 465,73 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice de jouissance, arrêtée au 21 mars 2021, avec intérêts au taux légal à compter du 1er juillet 2020 ; une somme mensuelle de 1 638,40 euros à titre de préjudice de jouissance à compter du 1er avril 2021 jusqu'à la remise des clés du bien ;
CONFIRME le jugement en ses autres dispositions critiquées ;
STATUANT À NOUVEAU sur les chefs infirmés et Y AJOUTANT :
DIT que le présent arrêt sera publié au service de publicité foncière du lieu de situation de l'immeuble par la partie la plus diligente ;
CONDAMNE la SCI 4P à payer à la société Sofimmo la somme de 20 076,88 euros en réparation de son préjudice ;
CONDAMNE la société Sofimmo à payer à la SCI 4P la somme de 90,38 euros au titre du prorata de taxe foncière pour l'année 2021, avec intérêts au taux légal à compter du 10 septembre 2021 ;
CONDAMNE la SCI 4P à payer à la société Sofimmo la somme complémentaire de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la SCI 4P aux entiers dépens d'appel.
Arrêt signé par Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de Chambre et Mme Karine DUPONT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT