La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/07/2024 | FRANCE | N°21/02012

France | France, Cour d'appel d'Orléans, Chambre civile, 02 juillet 2024, 21/02012


COUR D'APPEL D'ORLÉANS



C H A M B R E C I V I L E



GROSSES + EXPÉDITIONS : le 2/07/2024

Me Nelly GALLIER

la SCP HERVOUET/CHEVALLIER/GODEAU





ARRÊT du : 2 JUILLET 2024



N° : - 24



N° RG 21/02012 - N° Portalis DBVN-V-B7F-GM7K





DÉCISION ENTREPRISE : Jugement TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BLOIS en date du 22 Avril 2021



PARTIES EN CAUSE



APPELANT :

- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265270058544380



Monsieur [P] [M]<

br>
né le 09 Juin 1973 à [Localité 12]

[Adresse 1]

[Localité 6]



représenté par Me Nelly GALLIER, avocat au barreau de BLOIS



D'UNE PART



INTIMÉS :

- Timbre fiscal dématérialisé



Monsieu...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

C H A M B R E C I V I L E

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 2/07/2024

Me Nelly GALLIER

la SCP HERVOUET/CHEVALLIER/GODEAU

ARRÊT du : 2 JUILLET 2024

N° : - 24

N° RG 21/02012 - N° Portalis DBVN-V-B7F-GM7K

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BLOIS en date du 22 Avril 2021

PARTIES EN CAUSE

APPELANT :

- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265270058544380

Monsieur [P] [M]

né le 09 Juin 1973 à [Localité 12]

[Adresse 1]

[Localité 6]

représenté par Me Nelly GALLIER, avocat au barreau de BLOIS

D'UNE PART

INTIMÉS :

- Timbre fiscal dématérialisé

Monsieur [Z] [S]

né le 17 Octobre 1945 à [Localité 15]

[Adresse 2]

[Localité 6]

représenté par Me Alexandre GODEAU de la SCP HERVOUET/CHEVALLIER/GODEAU, avocat au barreau de BLOIS

Madame [L] [F] épouse [K]

née le 07 Février 1956 à [Localité 13]

[Adresse 10]

[Localité 11]

représentée par Me Alexandre GODEAU de la SCP HERVOUET/CHEVALLIER/GODEAU, avocat au barreau de BLOIS

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 13 Juillet 2021.

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 8 avril 2024

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats à l'audience publique du 6 mai 2024 à 14h00, l'affaire a été plaidée devant Madame Anne-Lise COLLOMP, présidente de chambre et Madame Laure- Aimée GRUA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, en l'absence d'opposition des parties ou de leurs représentants.

Lors du délibéré, au cours duquel Madame Anne-Lise COLLOMP, présidente de chambre et Madame Laure- Aimée GRUA, Magistrat honoraire en charge du rapport, exerçant des fonctions juridictionnelles, ont rendu compte des débats à la collégialité, la Cour était composée de:

Madame Anne-Lise COLLOMP, Présidente de chambre,

Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, Conseiller,

Madame Laure- Aimée GRUA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

GREFFIER :

Mme Karine DUPONT, Greffier lors des débats et du prononcé.

ARRÊT :

Prononcé publiquement le 2 juillet 2024 (délibéré prorogé, initialement fixé au 18 juin 2024) par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

***

FAITS ET PROCÉDURE

M. [Z] [S] est propriétaire d'une parcelle de terre cadastrée section ZB n°[Cadastre 5] située sur la commune de [Localité 14].

Mme [L] [F] veuve [K] est propriétaire de parcelles voisines cadastrées section AL n°[Cadastre 7], [Cadastre 8] et [Cadastre 9].

M. [M] est propriétaire des parcelles cadastrées AL n°[Cadastre 3] et [Cadastre 4] jouxtant au Sud la voie communale, propriété de la commune de [Localité 14], grevées d'une servitude continue et passive d'écoulement naturel des eaux de ruissellement par un fossé ouvert sur lequel il a effectué des travaux au printemps 2014.

Par acte d'huissier en date du 7 septembre 2016, M. [S] et Mme [F] ont saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Blois afin de voir ordonner une expertise en vue notamment de faire constater des désordres affectant les parcelles leur appartenant et de donner les éléments permettant de déterminer si les travaux réalisés par M. [M] ont aggravé la servitude naturelle d'écoulement des eaux.

Par ordonnance en date du 8 novembre 2016, le juge des référés a rejeté la demande d'expertise judiciaire et a condamné M. [S] et Mme [F] à payer à la commune de [Localité 14] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par arrêt en date du 20 novembre 2017, notre cour a ordonné une expertise et commis pour y procéder M. [W].

Le rapport d'expertise a été déposé le 17 mai 2018.

Par acte d'huissier en date du 11 mars 2019, M. [S] et Mme [F] ont fait assigner M. [M] devant le tribunal de grande instance de Blois aux fins d'obtenir réparation de leur préjudice.

Par jugement en date du 22 avril 2021, le tribunal judiciaire de Blois a :

- déclaré recevable les demandes formées par M. [S] et Mme [F],

- condamné M. [M] à rétablir l'écoulement préexistant aux travaux effectués par lui en 2014 en procédant à la réouverture du fossé, dans un délai de quatre mois à compter de la signification de la présente décision,

- rejeté la demande d'astreinte formée par M. [S] et Mme [F],

- rejeté l'ensemble des demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [M] aux dépens, qui comprendront les frais de l'expertise judiciaire ordonnée par l'arrêt de la cour d'appel du 20 novembre 2017,

- autorisé les avocats à recouvrer ceux des dépens dont ils ont fait l'avance sans en avoir reçu provision,

- rejeté la demande de M. [S] et Mme [F] tendant à ce que les dépens comprennent les frais et honoraires de l'huissier chargé de l'exécution forcée.

Selon déclaration en date du 13 juillet 2021, M. [M] a relevé appel de ce jugement en ce qu'il a déclaré recevables les demandes formées par M. [S] et Mme [F] ; condamné M. [M] à rétablir l'écoulement préexistant aux travaux effectués par lui en 2014 en procédant à la réouverture du fossé, dans un délai de quatre mois à compter de la signification de la présente décision ; rejeté l'ensemble des demandes de M. [M] ainsi que celle sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; condamné M. [M] aux dépens, qui comprendront les frais de l'expertise judiciaire ordonnée par l'arrêt de la cour d'appel du 20 novembre 2017.

Les parties ont constitué avocat et ont conclu.

Par ordonnance en date du 2 octobre 2023, le magistrat chargé de la mise en état a donné injonction aux parties de rencontrer M. [B] [N], médiateur.

La médiation ordonnée n'a pu abouti faute d'accord des parties.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 8 avril 2024.

Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 2 avril 2024, M. [M] demande à la cour de :

- déclarer son appel recevable et bien fondé ;

- déclarer M. [S] et Mme [F] mal fondés en leur appel incident ;

- infirmer le jugement en ce qu'il déclare recevable les demandes formées par M. [S] et Mme [F] ; le condamne à rétablir l'écoulement préexistant aux travaux effectués par lui en 2014 en procédant à la réouverture du fossé, dans un délai de quatre mois à compter de la signification de la présente décision ; rejette l'ensemble de ses demandes y compris celle fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ; le condamne aux dépens, qui comprendront les frais de l'expertise judiciaire ordonnée par l'arrêt de la cour d'appel du 20 novembre 2017 ;

Et statuant à nouveau ;

- déclarer M. [S] et Mme [F] mal fondés en toutes leurs demandes;

- les débouter de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

- condamner M. [S] et Mme [F] à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [S] et Mme [F] aux entiers dépens de première instance, qui comprendront les frais d'expertise judiciaire, et d'appel dont distraction au profit de Maître N. Gallier, avocat.

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 3 janvier 2022, M. [S] et Mme [F] demandent à la cour de :

- confirmer purement et simplement la décision en ce qu'elle condamne M. [M] à rétablir l'écoulement préexistant aux travaux effectués par lui en 2014 en procédant à la réouverture du fossé ;

- débouter purement et simplement M. [M] de l'ensemble de ses demandes ;

- infirmer la décision rendue en ce qu'elle rejette leur demande d'astreinte ;

Statuant de nouveau :

- assortir la condamnation de M. [M] d'une astreinte de 100 euros par jour de retard

passé le délai d'un mois à compter de la signification de la décision à intervenir ;

- condamner M. [M] au paiement de cette astreinte ;

En tout état de cause :

- condamner M. [M] à verser à M. [S] et Mme [F] la somme de 2 000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [M] aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions.

MOTIFS

Sur l'origine des désordres affectant les parcelles de M. [S] et Mme [F]

Moyens des parties

M. [M] soutient qu'il doit être non seulement démontré l'existence d'une servitude légale d'écoulement des eaux pluviales mais que doit aussi être rapportée la preuve de ce que le remblaiement et le busage des eaux pluviales réalisés par lui constituent un obstacle fautif entravant l'écoulement des eaux pluviales des parcelles des intimés.

Il fait plaider que les intimés ont prétendu qu'il devait répondre de ces travaux, qui seraient irréguliers, sans s'en expliquer ; pour répondre à leurs affirmations et aux réponses de l'expert, il a missionné M. [U] [C], expert près la cour d'appel de Riom, qui a fait les constatations suivantes :

' L'état des travaux de passage busé sous la route. Réalisation irréprochable.

' La différence effective de cote altimétrique entre le niveau de l'ancien busage plus profond et le nouveau busage sous la route ne s'oppose pas à l'évacuation du trop-plein quand le fond du trou se remplit.

' Le calibre du fossé au sud de la route : l'expert [V] le qualifie « d'un calibre suffisant pour évacuer les eaux de ruissellement du secteur » ; il confirme cet avis.

' Le fossé au Nord de la route est parfaitement entretenu par la commune de [Localité 14].

' Le trou se remplit à la faveur des fortes précipitations et n'a rien d'un point d'eau au sens hydraulique et encore moins d'une mare permanente.

Il reproche au premier juge d'avoir retenu qu'il aurait commis une faute en réalisant les travaux de comblement du fossé existant sur sa propriété, alors que selon l'article 640 du code civil, Les fonds inférieurs sont assujettis envers ceux qui sont plus élevés, à recevoir les eaux qui en découlent naturellement sans que la main de l'homme y ait contribué, prétend que l'écoulement des eaux dont font état les intimés n'a absolument rien de naturel puisqu'il résulte d'une traversée de route à 2,80 mètres de profondeur réalisée par la main de l'homme au moyen de buses béton qui arrivent sur la propriété [M] ; tout a été aménagé plusieurs fois par la main de l'homme, seule la réalisation en 1866 de la route actuelle a créé une digue en travers du tracé originel de l'ancien chemin creux, et nullement les travaux réalisés par lui en 2015.

Il précise qu'il a régulièrement contesté l'existence d'un écoulement naturel lié à l'exutoire d'un talweg dans le cadre des opérations d'expertise judiciaire ; il n'est absolument pas démontré que sa propriété constituerait le fonds inférieur, les relevés altimétriques effectués tant par l'expert judiciaire que par M. [C] démontrant le contraire, les intimés ne peuvent revendiquer l'existence d'une servitude continue et passive relevant d'un écoulement naturel des eaux de ruissellement sur le fonds lui appartenant et ont, de plus quelque peine à expliquer en quoi les travaux réalisés par la commune ou lui-même constituent une faute, puisque suite à des travaux de comblement, M.

[M] et la commune de [Localité 14] se sont mis d'accord pour exécuter des travaux complémentaires conformément à la solution préconisée par M. [G], expert amiable, intervenu en mai 2015 ; les travaux ainsi réalisés n'empêchent absolument pas l'écoulement normal des eaux lors des fortes précipitations, au contraire, tous les experts intervenus dans cette affaire sont unanimes sur les capacités hydrauliques des deux fossés latéraux à évacuer sans aucune difficulté les eaux de ruissellement.

Il ajoute, en tout état de cause, qu'il n'a aucune responsabilité sur la cote altimétrique à laquelle la buse a été posée sous la route par la commune de [Localité 14], seuls les travaux de remblaiement du terrain de M. [S] n'ont pas été réalisés, ce dernier ayant refusé de signer le protocole établi en ce sens par M. [G] et il considère que l'existence de sa faute n'est pas rapportée.

M. [S] et Mme [F] indiquent que l'expert judiciaire relève, aux termes de son rapport, que lors des opérations d'expertise personne n'a nié que la cause [des désordres] était due aux travaux effectués par les époux [M] sur les accotements de la voirie et le bouchage de l'exutoire de la buse la plus profonde. C'est bien la main de l'homme qui a entravé l'écoulement préexistant. L'évacuation de cette retenue d'eau durerait de nombreux jours, ce qui entraîne un trouble de jouissance du bien des plaignants, M. [M] n'ayant jamais contesté avoir réalisé les travaux décrits par l'expert et leurs conséquences relevées par celui-ci et il est incontestable qu'il doit en répondre.

Ils font valoir que l'intervention de l'appelant correspond donc incontestablement à un fait de l'homme visé à l'article 1241 du code civil ; au surplus il s'agit incontestablement d'une faute au regard des dispositions de l'article 640 du Code civil, pour avoir modifié, par son intervention, c'est-à-dire par la main de l'homme, les modalités naturelles ou préexistantes de l'écoulement des eaux ; il est incontestable et parfaitement établi par l'expert judiciaire que M. [M] a bouché l'exutoire de la buse la plus profonde qui existait depuis de très nombreuses années, et que ce sont ces travaux qui sont à l'origine du désordre relevé ; en outre, il est manifestement inopposable à M. [S] de prétendre que M. [M] et la commune de [Localité 14] se seraient mis d'accord pour exécuter les travaux complémentaires, conformément à la solution préconisée par M. [G], expert amiable, alors intervenu en mai 2015, puisqu'il a en effet été relevé, à plusieurs reprises, que la nouvelle canalisation installée se trouve bien plus haute que la canalisation bouchée par M. [M], ce qui ne permet par conséquent pas d'écouler la totalité de l'eau ; l'expert judiciaire, connaissance prise de ces observations dans le cadre d'un dire, les ayant écartées et confirmé sans la moindre ambiguïté que le désordre a été créé suite aux travaux effectués en 2014 ' 2015, les travaux visés, étant incontestablement ceux effectués par M. [M], qui ont modifié l'écoulement antérieur des eaux pluviales.

Réponse de la cour

Il est de principe, énoncé à l'article 640 du code civil que,

Les fonds inférieurs sont assujettis envers ceux qui sont plus élevés à recevoir les eaux qui en découlent naturellement sans que la main de l'homme y ait contribué.

Le propriétaire inférieur ne peut point élever de digue qui empêche cet écoulement.

Le propriétaire supérieur ne peut rien faire qui aggrave la servitude du fonds inférieur.

Il ressort du rapport de M. [W], dont la réunion du 7 février 2018 s'est tenue, notamment, en présence du maire et d'un adjoint de la commune de [Localité 14] et du président de l'Association foncière de [Localité 14], que lors de la visite, il a été constaté :

- une étendue d'eau figurant à la jonction des parcelles AL n°[Cadastre 9], Mme [F], et ZB n°[Cadastre 5], M. [S],

- la présence d'une buse en traversée de chaussée,

- le secteur était totalement inondé, il a été impossible de visualiser une deuxième buse plus profonde que la précédente, mais personne n'a nié qu'elle était présente le long de la voie et permettait d'évacuer les eaux du fossé qui sépare les parcelles AL n°[Cadastre 9], Mme [F], et ZB n°[Cadastre 5], M. [S] ; personne n'a nié que M. [M] a comblé le fossé qui traversait sa propriété et qui arrivait non loin de son habitation. Ce fossé était l'exutoire du talweg provenant des parcelles précitées, M. [M] justifiant ce comblement par le fait que le fossé, très profond, était dangereux et compliqué à entretenir.

Il a attribué l'origine des désordres au bouchage de la buse la plus profonde, posée depuis une cinquantaine d'année au moins, la nouvelle buse étant 1,54 mètres moins profonde que la précédente, une retenue d'eau se crée à cet emplacement, ce qui était parfaitement visible lors de l'expertise. Il a ajouté que personne n'a nié que la cause en était due aux travaux effectués par M. [M] sur les accotements de la voirie et le bouchage de l'exutoire de la buse la plus profonde et considéré que c'est bien la main de l'homme qui a entravé l'écoulement préexistant.

M. [M] prétend que tout a été aménagé plusieurs fois par la main de l'homme, seule la réalisation en 1866 de la route actuelle a créé une digue en travers du tracé originel de l'ancien chemin creux, et nullement les travaux réalisés par lui en 2015. Cependant, il est incontestable qu'avant les travaux qu'il a réalisés, l'eau s'écoulait naturellement, aucune retenue d'eau ne se formant à la jonction des parcelles de Mme [F] et de M. [S].

Par ailleurs, si des travaux de busage et de création de fossés de part et d'autre de la voie communale ont été réalisés par la commune et payés en partie par M. [M] il ne peut être demandé à M. [S] et Mme [F] de rehausser leur fond afin que les eaux pluviales puissent être évacuées par ces fossés récemment créés. Répondant à l'argument de l'expert de M. [M] qui lui reprochait une absence d'étude hydraulique, l'expert a relevé que si l'écoulement s'effectuait sans encombre avant les travaux, cela signifie que la buse bouchée suffisait.

Il est de principe que l'eau ruisselle en suivant la pente naturelle des terres sur lesquelles elle tombe créant ainsi naturellement un fonds dominant qui évacue l'eau et un fonds servant qui la reçoit, M. [M], qui ne conteste

pas que les eaux provenant des parcelles AL n°[Cadastre 9], Mme [F], et ZB n°[Cadastre 5], M. [S], sont reçues sur son fonds, celui-ci constitue, nécessairement, le fonds inférieur soumis à la servitude de ruissellement de l'article 640 précité, à savoir, l'obligation de recevoir l'eau provenant du fonds supérieur, servitude continue puisqu'elle s'exerce sans l'intervention de l'homme.

S'il est permis au propriétaire du fonds inférieur de faire aménager des installations pour alléger la charge qui grève son terrain, c'est à la condition qu'il ne nuise en rien à l'exercice de cette servitude.

M. [M] ayant, par ses travaux, entravé le bon exercice de la servitude, portant ainsi atteinte à l'écoulement de l'eau venant des parcelles précitées, il a commis une faute à l'origine des désordres dénoncés par M. [S] et Mme [F], à savoir, la retenue d'eau créée à la jonction de leurs parcelles respectives et doit être tenu responsable de la retenue causée par les travaux empêchant le libre écoulement des eaux, engendrant un préjudice de jouissance.

Sur la réparation des désordres

Moyens des parties

Alors que M. [S] et Mme [F] demandent le rétablissement des lieux en leur état antérieur, M. [M] prétend que la réouverture du fossé ne modifiera pas la cote de la buse passant sous la route, mise en place par la commune, et qui se trouve plus élevée ; les fossés latéraux continueront à évacuer prioritairement l'eau et la création d'un fossé sur sa parcelle ne servira à rien. Il ajoute que la création d'un tel fossé s'avère aujourd'hui impossible en raison de la mise en place du réseau de tout à l'égout sur sa parcelle.

M. [S] et Mme [F] maintiennent leur demande de remise en état des lieux en leur état antérieur, estimant que si, ainsi que l'a dit l'expert, la solution la moins coûteuse serait le comblement de leurs terrains, ils n'ont pas à supporter les conséquences des travaux réalisés, sans autorisation, par M. [M].

Réponse de la cour

L'expert a envisagé les solutions propres à remédier aux désordres occasionnés et considéré que la moins coûteuse consisterait dans le comblement des terrains de M. [S] et Mme [F] afin qu'ils soient rehaussés et puissent évacuer leurs eaux de ruissellement par l'exutoire existant, pour un coût de 3 000 €HT ; celle consistant en la création d'une pompe de refoulement des eaux pluviales afin de vider la retenue d'eau qui se crée après chaque pluie étant d'un coût supérieur à 40 000 €TTC ; une autre consistant à recréer le système hydraulique existant avant les travaux par un système aérien ou un système de buse enterrée serait d'un coût de 21 230 HT en accotement de la voirie, hypothèse 1, ou dans le terrain de M. [M], pour un coût de 16 000 €HT, hypothèse 2, étant

précisé que M. [M] ayant réalisé le raccordement eaux usées de son habitation, il est possible que cette hypothèse ne soit pas possible techniquement à cause du croisement de réseaux ; la dernière solution étant de recréer exactement la situation antérieure, consistant en la réouverture du fossé comblé par M. [M], créant la situation actuelle.

M. [M] étant responsable des désordres occasionnés aux fonds de M. [S] et Mme [F], il ne peut leur être demandé de supporter des travaux sur leurs parcelles ou d'effectuer la moindre dépense pour y remédier. En conséquence, la décision doit être confirmée en ce qu'elle condamne M. [M] à rétablir l'écoulement préexistant à ses travaux, le raccordement de son habitation aux eaux usées n'y faisant pas obstacle.

Sur les demandes annexes

La gêne occasionnée à M. [S] et Mme [F] durant depuis l'année 2014, la demande d'astreinte se justifie et, passé le délai de quatre mois pour réaliser les travaux qui lui sera à nouveau alloué, une astreinte provisoire de 100 euros par mois commencera à courir.

Il y a lieu de condamner M. [M] qui succombe au paiement des entiers dépens d'appel et d'une indemnité de procédure de 2 000 euros à M. [S] et Mme [F], chacun, au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par décision contradictoire, mise à disposition au greffe, en dernier ressort ;

Confirme le jugement, en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant ;

Dit que les travaux de remise des lieux en leur état antérieur devront être réalisés dans le délai de quatre mois à compter de la signification de la présente décision ;

Dit qu'à défaut, une astreinte provisoire de 100 euros par mois commencera à courir à courir ;

Condamne M. [P] [M] au paiement des entiers dépens d'appel et d'une indemnité de procédure de 2 000 euros à M. [Z] [S] et Mme [L] [F], chacun, au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Mme Anne-Lise COLLOMP, Présidente de Chambre et Mme Karine DUPONT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/02012
Date de la décision : 02/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-02;21.02012 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award