RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL D'ORLÉANS
Rétention Administrative
des Ressortissants Étrangers
ORDONNANCE du 30 JUIN 2024
Minute N°
N° RG 24/01563 - N° Portalis DBVN-V-B7I-HAOZ
(1 pages)
Décision déférée : Juge des libertés et de la détention d'Orléans en date du 28 juin 2024 à 15h38
Nous, Laurent Sousa, conseiller à la cour d'appel d'Orléans, agissant par délégation du premier président de cette cour, assisté de Nathalie Fabre, greffier, aux débats et au prononcé de l'ordonnance,
APPELANT :
M. X se disant [E] [Y]
né le 9 septembre 1984 à [Localité 5] (Tunisie), de nationalité tunisienne,
actuellement en rétention administrative dans des locaux ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire du centre de rétention administrative d'[Localité 3],
comparant par visioconférence assisté de Me Rachid Bouzid, avocat au barreau d'Orléans,
Mentionnons que M. [E] [Y] n'a pas souhaité avoir recours à un interprète.
INTIMÉ :
LA PRÉFECTURE D'EURE-ET-LOIR
non comparante, non représentée ;
MINISTÈRE PUBLIC : avisé de la date et de l'heure de l'audience ;
À notre audience publique tenue en visioconférence au Palais de Justice d'Orléans, conformément à l'article L. 743-8 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), le 30 juin 2024 à 10 heures ;
Statuant en application des articles L. 743-21 à L. 743-23 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), et des articles R. 743-10 à R. 743-20 du même code ;
Vu l'ordonnance rendue le 28 juin 2024 à 15h38 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire d'Orléans ordonnant la jonction des procédures de demande de prolongation par la préfecture et de recours contre l'arrêté de placement en rétention administrative par le retenu, rejetant l'exception de nullité soulevée, rejetant le recours formé contre l'arrêté de placement en rétention administrative, et ordonnant la prolongation du maintien de M. X se disant [E] [Y] dans les locaux non pénitentiaires pour une durée de vingt huit jours à compter du 28 juin 2024 à 17h10 ;
Vu l'appel de ladite ordonnance interjeté le 28 juin 2024 à 16h38 par M. X se disant [E] [Y] ;
Après avoir entendu :
- Me Rachid Bouzid, en sa plaidoirie,
- M. X se disant [E] [Y], en ses observations, ayant eu la parole en dernier ;
AVONS RENDU ce jour, publiquement et contradictoirement, l'ordonnance suivante :
MOTIFS
En l'absence de conclusions de l'appelant notifiées au préfet et au ministère public, il ne peut être statué que sur les moyens figurant dans la déclaration d'appel, qui ne comportent aucune critique de la décision quant à la prise en compte de l'état de vulnérabilité du retenu.
Sur la régularité de l'interpellation
Moyens
M. [E] [Y] soutient qu'il été interpellé à l'occasion d'un contrôle de son titre de transport, mais ne ressort pas de la procédure que l'agent effectuant le contrôle aurait immédiatement informé un officier de police judiciaire compétent, et que celui-ci ait effectivement ordonné de le retenir ; que les contrôleurs l'ont retenu en dehors de tout cadre légal, sans avoir l'accord de l'officier de police judiciaire; qu'à défaut d'information immédiate de la police et d'un ordre autorisant à le retenir, l'agent effectuant le contrôle ne pouvait le retenir dans l'attente de l'arrivée de la police; que sa retenue est donc illégale.
Réponse
L'article L.2241-10 du code des transports dispose : « Les passagers des transports routiers, ferroviaires ou guidés doivent être en mesure de justifier de leur identité lorsqu'ils ne disposent pas d'un titre de transport valable à bord des véhicules de transport ou dans les zones dont l'accès est réservé aux personnes munies d'un titre de transport, ou lorsqu'ils ne régularisent pas immédiatement leur situation. Ils doivent, pour cela, être porteurs d'un document attestant cette identité ; la liste des documents valables est établie par arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre chargé des transports ».
L'article 78-2 du code de procédure pénale dispose que les officiers de police judiciaire et, sur l'ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, les agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints peuvent inviter à justifier, par tout moyen, de son identité toute personne à l'égard de laquelle existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction.
En l'espèce, M. [E] [Y] a voyagé en train sans être muni d'un titre de transport de sorte que les contrôleurs de la SNCF lui ont demandé de justifier de son identité, ce que l'intéressé a été dans l'incapacité de faire. La SNCF disposait donc du droit de retenir le voyageur sans titre de transport dans l'attente d'un officier de police judiciaire.
Le procès-verbal de saisine établi par la police nationale mentionne qu'elle a été requis le 26 juin 2024 à 12h35 pour se rendre à la gare de [Localité 2] afin de contrôler l'identité d'un voyageur sans titre de transport. L'officier de police judiciaire a procédé au contrôle d'identité de M. [E] [Y] à 12h45. Il en résulte que M. [E] [Y] a été retenu dans un cadre légal et dans un délai raisonnable, dans l'attente de son contrôle d'identité par un officier de police judiciaire.
Le moyen tiré de la nullité de la procédure doit donc être rejeté.
Sur le placement en rétention
Moyens
M. [E] [Y] soutient que son placement en rétention n'est pas nécessaire dès lors qu'il n'entre dans aucun des cas prévus par l'article L. 612-3 du CESEDA ; qu'il possède les documents exigés lui permettant de séjourner sur le territoire français ; que contrairement à ce qu'affirme le préfet, il a obtenu le renouvellement de son titre de séjour, mais il n'a pas pu le récupérer puisqu'il a perdu son passeport ; que son placement en rétention n'était pas nécessaire et doit par conséquent être annulé.
Réponse
L'article L.741-1 du CESEDA dispose que l'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de 48 heures, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision. Le risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3.
L'article L.731-1 du CESEDA dispose que l'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants :
«1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins de trois ans auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ;
2° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction de retour sur le territoire français prise en application des articles L. 612-6, L. 612-7 et L. 612-8 ;
3° L'étranger doit être éloigné pour la mise en 'uvre d'une décision prise par un autre État, en application de l'article L. 615-1 ;
4° L'étranger doit être remis aux autorités d'un autre Etat en application de l'article L. 621-1 ;
5° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction de circulation sur le territoire français prise en application de l'article L. 622-1 ;
6° L'étranger fait l'objet d'une décision d'expulsion ;
7° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une peine d'interdiction judiciaire du territoire prononcée en application du deuxième alinéa de l'article 131-30 du code pénal ;
8° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction administrative du territoire français».
L'article L. 612-3 du CESEDA dispose :
« Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants: [...]
8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5 ».
En l'espèce, M. [E] [Y] est dans le cas prévu à l'article L.731-1 du CESEDA précité puisqu'il a fait l'objet d'un arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai pris par la Préfecture des Yvelines le 23 avril 2024, notifié le jour-même.
M. [E] [Y] a été entendu par la police le 26 juin 2024 et a déclaré ne pas être en mesure de présenter un document l'autorisant à séjourner et à circuler en France. Interrogé sur son logement, il a déclaré vivre dans la rue et disposer d'une adresse postale au [Adresse 1] à [Localité 4] appartenant à une association.
En conséquence, M. [E] [Y] ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement, et aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.
Le moyen doit donc être rejeté.
Sur les diligences de l'administration
Moyens
M. [E] [Y] soutient que l'administration doit par ailleurs justifier de la saisine effective des autorités du pays de retour par la production des pièces afférentes ; que les diligences ne semblent pas suffisantes de sorte la prolongation de la rétention ne pouvait donc pas être accordée et l'ordonnance contestée devra être infirmée.
Réponse
Il appartient au juge, en application de l'article L.741-3 du CESEDA de rechercher concrètement les diligences accomplies par l'administration pour permettre que l'étranger ne soit maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. Cette recherche requiert la production de pièces par l'administration qui établissent ces diligences, en fonction de la situation de l'étranger et sauf circonstances insurmontables figurant en procédure.
En revanche il n'appartient pas au juge saisi de rechercher les irrégularités antérieures à la précédente prolongation au sens de l'article L. 743-11, ni la réalisation d'actes sans véritable effectivité, tels que des relances auprès des consulats, dès lors que l'administration ne dispose d'aucun pouvoir de contrainte sur les autorités consulaires (1re Civ., 9 juin 2010, pourvoi n° 09-12.165, publié), ni enfin des diligences ayant d'autres finalités que le départ de l'étranger (1re Civ. 12 mai 2021 pourvoi n° 19-24.305 publié).
Il ressort du dossier que la préfecture d'Eure-et-Loir, compte tenu des déclarations de l'intéressé, s'est adressée aux autorités consulaires de Tunisie le 27 juin 2024 à 11h27, aux fins d'identification du retenu en vue de son éloignement. Ainsi, l'autorité administrative a effectué des diligences nécessaires et suffisantes à ce stade de la procédure administrative de rétention, s'agissant d'une première demande de prolongation, étant rappelé qu'elle ne détient aucun pouvoir de contrainte ou d'instruction sur les autorités consulaires, de sorte qu'il ne peut lui être reproché le défaut de réponse du consulat. Le moyen doit être rejeté.
En cause d'appel, la requête du préfet tendant à la prolongation motivée tant en droit qu'en fait a été réitérée et en l'absence de toute illégalité susceptible d'affecter les conditions, découlant du droit de l'Union, de la légalité de la rétention et à défaut d'autres moyens présentés en appel, il y a lieu de confirmer l'ordonnance attaquée.
PAR CES MOTIFS,
CONFIRMONS l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 28 juin 2024 ayant ordonné la prolongation de la rétention administrative pour une durée de 28 jours à compter du 28 juin 2024 à 17h10 ;
LAISSONS les dépens à la charge du Trésor ;
ORDONNONS la remise immédiate d'une expédition de la présente ordonnance à la préfecture d'Eure-et-Loir, à M. X se disant [E] [Y] et son conseil, et au procureur général près la cour d'appel d'Orléans ;
Et la présente ordonnance a été signée par Laurent Sousa, conseiller, et Nathalie Fabre, greffier présent lors du prononcé.
Fait à Orléans le TRENTE JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE, à heures
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Nathalie FABRE Laurent SOUSA
Pour information : l'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien la rétention et au ministère public. Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification. Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
NOTIFICATIONS, le 30 juin 2024 :
La préfecture d'Eure-et-Loir, par courriel
Monsieur le procureur général près la cour d'appel d'Orléans, par courriel
M. X se disant [E] [Y] , copie remise par transmission au greffe du CRA
Me Rachid Bouzid, avocat au barreau d'Orléans, copie remise en main propre contre récipissé
L'avocat de l'intéressé