RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL D'ORLÉANS
Rétention Administrative
des Ressortissants Étrangers
ORDONNANCE du 27 JUIN 2024
Minute N°
N° RG 24/01542 - N° Portalis DBVN-V-B7I-HANL
(1 pages)
Décision déférée : Juge des libertés et de la détention d'Orléans en date du 25 juin 2024 à 12h45
Nous, Ferréole Delons, conseiller à la cour d'appel d'Orléans, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Hermine Bildstein, greffier, aux débats et au prononcé de l'ordonnance,
APPELANT :
M. X se disant [N] [V]
né le 25 juillet 1996 à [Localité 2] (Algérie), de nationalité algérienne,
actuellement en rétention administrative dans des locaux ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire du centre de rétention administrative d'[Localité 1],
comparant par visioconférence / non comparant, assisté de Me Laure Massiera, avocat au barreau d'Orléans,
en présence de M. [O] [J], interpète en langue arabe, expert près la cour d'appel d'Orléans, qui a prêté son concours lors de l'audience et du prononcé ;
INTIMÉ :
LA PRÉFECTURE DE MEURTHE-ET-MOSELLE
représentée par Me Wiyao Kao du cabinet Actis Avocats, avocat au barreau du Val-de-Marne ;
MINISTÈRE PUBLIC : avisé de la date et de l'heure de l'audience ;
À notre audience publique tenue en visioconférence au Palais de Justice d'Orléans, conformément à l'article L. 743-8 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), le 27 juin 2024 à 14 heures ;
Statuant en application des articles L. 743-21 à L. 743-23 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), et des articles R. 743-10 à R. 743-20 du même code ;
Vu l'ordonnance rendue le 25 juin 2024 à 12h45 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire d'Orléans ordonnant la jonction des procédures de demande de prolongation par la préfecture et de recours contre l'arrêté de placement en rétention administrative par le retenu, rejetant les exceptions de nullité soulevées, rejetant le recours formé contre l'arrêté de placement en rétention administrative, et ordonnant la prolongation du maintien de M. X se disant [N] [V] dans les locaux non pénitentiaires pour un délai maximum de vingt huit jours à compter du 24 juin 2024 à 20h05 ;
Vu l'appel de ladite ordonnance interjeté le 25 juin 2024 à 16h35 par M. X se disant [N] [V] ;
Après avoir entendu :
- Me Laure Massiera, en sa plaidoirie,
- Me Wiyao Kao, en sa plaidoirie,
- M. X se disant [N] [V], en ses observations, ayant eu la parole en dernier ;
AVONS RENDU ce jour, publiquement et contradictoirement, l'ordonnance suivante :
Il résulte de l'article 66 de la Constitution et de l'article L 743-9 du CESEDA que le juge des libertés doit s'assurer que l'étranger est pleinement informé de ses droits et placé en état de les faire valoir lorsqu'il se trouve placé en rétention administrative.
Aux termes de l'article L. 743-12 du CESEDA, en cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, toute juridiction, y compris la Cour de cassation, qui est saisie d'une demande d'annulation ou qui relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la main levée de la mesure de placement en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l'étranger.
Selon l'article L. 741-3 du CESEDA, « un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps nécessaire à son départ, l'administration étant tenue d'exercer toutes diligences à cet effet, dès le placement en rétention ».
Il convient de considérer que c'est par une analyse circonstanciée et des motifs particulièrement pertinents qu'il y a lieu d'adopter que le premier juge a statué sur l'ensemble des moyens de nullité et de fond soulevés devant lui, étant observé, au vu des termes de la déclaration d'appel du retenu du 25 juin 2024 et des moyens repris lors des débats de ce jour que le conseil de M. [N] [V] limite aux suivants :
1. Sur la contestation de l'arrêté de placement
M. [N] [V] reproche le défaut de diligences utiles de l'administration dans la mesure où les autorités allemandes n'ont pas été saisies d'une demande de reprise en charge en application du règlement UE n° 604/2013 du parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, dites règlement Dublin, alors même qu'il justifie de la demande d'asile déposée auprès de leurs autorités, en produisant une attestation. Il affirme également que les vérifications utiles n'ont pas été réalisées par la préfecture en ce qu'elle n'a pas sollicité la prise de ses empreintes sur le fichier Eurodac.
Sur ce point, la Cour constate au préalable que l'arrêté de placement du 22 juin 2024 pris à l'encontre de M. [N] [V] repose, sur le fondement des articles L. 741-1 et L. 731-1 1°, sur une obligation de quitter le territoire français sans délai lui ayant été notifiée le 14 mars 2024.
Par conséquent, le maintien en rétention de l'intéressé repose sur l'exécution d'une obligation de quitter le territoire et non pas sur l'article 28 du règlement Dublin et l'article L. 751-9 du CESEDA qui autorisent le placement en rétention de l'étranger faisant l'objet d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge dans le but de prévenir un risque de fuite.
Le fait de solliciter une reprise en charge en application du règlement Dublin revient à contester la mise à exécution de l'obligation de quitter le territoire dont M. [N] [V] fait l'objet, alors même que ce contentieux échappe à la compétence du juge judiciaire. Seul le juge administratif est en mesure d'apprécier les contestations relatives à la mesure d'éloignement dont l'intéressé fait l'objet.
S'agissant néanmoins des diligences réalisées par l'administration, que la Cour est tenue de vérifier au regard de l'article L. 741-3 du CESEDA, il sera constaté que la préfecture de Meurthe-et-Moselle n'avait pas été destinataire de la pièce intitulée « [V] - Carte demandeur d'asile Allemagne », avant que M. [N] [V] ne la transmette au greffe du juge des libertés et de la détention dans le cadre de sa requête en contestation de la décision de placement.
Toutefois, l'intéressé ayant mentionné sa demande d'asile en Allemagne lors de son audition administrative du 22 juin 2024, des vérifications avaient déjà été entreprises auprès du Centre de Coopération Policière et Douanière (CCPD) de Kehl, lequel a précisé que « l'intéressé ne possède aucun document en Allemagne et est déclaré parti vers une destination inconnue depuis le 02/03/2024 ».
Par conséquent, l'administration a procédé à un examen sérieux de la situation de M. [N] [V], et n'avait aucune raison d'engager des démarches auprès des autorités allemandes au jour de la décision de placement.
Toutefois, la pièce « Carte demandeur d'asile Allemagne », comportant la copie d'un document intitulé « Ankunftsnachweis (Bescheinigung Uber Die Meldung Als Asylsuchender) » semble prouver l'enregistrement d'une demande d'asile auprès des autorités allemandes, et constitue dès lors un élément nouveau dont la préfecture devra tenir compte.
Par conséquent, s'il n'est constaté aucune irrégularité affectant la légalité de la décision de placement, l'autorité administrative est invitée à tirer les conséquences de ce document et à poursuivre ses vérifications, si besoin en sollicitant la consultation du fichier Eurodac.
2. Sur la requête en prolongation de la rétention
S'agissant des diligences nécessaires à la mise à exécution de l'obligation de quitter le territoire du 14 mars 2024, les autorités consulaires algériennes ont été saisies d'une demande de laissez-passer le 9 avril 2024, puis relancées le 26 avril 2024, avant d'être informées du placement en rétention de l'intéressé par courriel du 24 juin 2024. Une audition consulaire avait également été programmée le 16 mai 2024 mais annulée face au refus de M. [N] [V] de se présenter au consulat. Ainsi, l'administration a réalisé des diligences nécessaires et suffisantes à ce stade de la procédure administrative de rétention, s'agissant d'une première demande de prolongation, étant rappelé qu'elle ne dispose d'aucun pouvoir de contrainte ou d'instruction sur les autorités consulaires, de sorte qu'il ne peut lui être reproché le défaut de délivrance de laissez-passer.
Étant observé qu'en cause d'appel, la requête du préfet tendant à la prolongation motivée tant en droit qu'en fait a été réitérée et en l'absence de toute illégalité susceptible d'affecter les conditions, découlant du droit de l'Union, de la légalité de la rétention et à défaut d'autres moyens présentés en appel, il y a lieu de confirmer l'ordonnance attaquée.
PAR CES MOTIFS,
DÉCLARONS recevable l'appel de M. [N] [V] ;
DÉCLARONS non fondés l'ensemble des moyens et les rejetons ;
CONFIRMONS l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 25 juin 2024 ayant ordonné la prolongation de la rétention administrative pour une durée de vingt huit jours ;
LAISSONS les dépens à la charge du Trésor ;
ORDONNONS la remise immédiate d'une expédition de la présente ordonnance à la préfecture de Meurthe-et-Moselle, à M. X se disant [N] [V] et son conseil, et au procureur général près la cour d'appel d'Orléans ;
Et la présente ordonnance a été signée par Ferréole Delons, conseiller, et Hermine Bildstein, greffier présent lors du prononcé.
Fait à Orléans le VINGT SEPT JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE, à heures
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Hermine BILDSTEIN Ferréole DELONS
Pour information : l'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien la rétention et au ministère public. Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification. Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
NOTIFICATIONS, le 27 juin 2024 :
La préfecture de Meurthe-et-Moselle, par courriel
Monsieur le procureur général près la cour d'appel d'Orléans, par courriel
M. X se disant [N] [V], copie remise par transmission au greffe du CRA
Me Laure Massiera, avocat au barreau d'Orléans, copie remise en main propre contre récépissé
la SELARL Actis Avocats, avocats au barreau de Val-de-Marne, par PLEX
L'interprète L'avocat de l'intéressé