C O U R D ' A P P E L D ' O R L É A N S
CHAMBRE SOCIALE - A -
Section 2
PRUD'HOMMES
Exp +GROSSES le 20 JUIN 2024 à
Me Sylvie GUILLEMAIN
la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE
ABL
ARRÊT du : 20 JUIN 2024
MINUTE N° : - 24
N° RG 22/02226 - N° Portalis DBVN-V-B7G-GUYT
DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE [Localité 5] en date du 06 Septembre 2022 - Section : COMMERCE
APPELANTE :
Madame [M] [C]
née le 04 Juillet 1960 à [Localité 5]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Sylvie GUILLEMAIN, avocat au barreau de [Localité 5]
ET
INTIMÉE :
KEOLIS [Localité 5] S.A.R.L. Prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliée en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF& LHERMITTE avocat au barreau de Rennes
ayant pour avocat plaidant Me Pascal GEOFFRION avocat au barreau de Paris
Ordonnance de clôture : le 15 mars 2024
Audience publique du 20 Juin 2024 tenue par Mme Laurence DUVALLET, Présidente de chambre, et ce, en l'absence d'opposition des parties, assisté/e lors des débats de Monsieur Jean-Christophe ESTIOT, Greffier,
Après délibéré au cours duquel Mme Laurence DUVALLET, Présidente de chambre a rendu compte des débats à la Cour composée de :
Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre, présidente de la collégialité,
Monsieur Xavier AUGIRON, conseiller,
Madame Anabelle BRASSAT-LAPEYRIERE, conseiller,
Puis le 20 juin 2024 , Mme Laurence DUVALLET, présidente de Chambre, présidente de la collégialité, assistée de Monsieur Jean-Christophe ESTIOT, Greffier a rendu l'arrêt par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
FAITS et PROCÉDURE
Mme [M] [C], née en 1960, a été embauchée à compter du 18 mai 1992
par la Compagnie des transports de [Localité 5] aux droits de laquelle intervient la SARL Kéolis [Localité 5] en qualité de conducteur-receveur suivant contrat de travail à durée indéterminée du 29 avril 1992.
La société exploite le réseau de transport urbain de [Localité 5] et applique la convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageurs du 11 avril 1986.
Le 25 août 2017, Mme [C] a été victime d'un accident du travail pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels.
La consolidation des lésions a été fixée au 1er décembre 2017, reportée au 31 décembre 2017 par le médecin conseil de la caisse, puis au 13 septembre 2019 par jugement du 23 décembre 2019 du Pôle social du tribunal judiciaire de Tours.
Par courrier du 13 octobre 2020, la société a informé Mme [C] de la mise en place d'un échéancier de remboursement d'un trop perçu relatif au maintien de son salaire intégral pour la période postérieure du 14 septembre 2019 au 30 juin 2020.
Invoquant une exécution déloyale de son contrat de travail, Mme [C] a saisi le 10 février 2021 le conseil de prud'hommes de Tours.
Le 26 juillet 2022, Mme [C] a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement après une rechute prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnelles par la caisse.
Le conseil de prud'hommes de Tours, selon jugement du 6 septembre 2022, a :
- débouté Mme [C] de l'ensemble de ses demandes ;
- débouté la SARL Keolis [Localité 5] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- laissé à chacune des parties la charge de leurs propres dépens.
Par déclaration du 26 septembre 2022, Mme [C] a interjeté appel de la décision prud'homale.
PRÉTENTIONS et MOYENS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 22 décembre 2022, Mme [C] demande à la cour de :
$gt; La Recevoir en son appel et l'y déclarer bien fondée.
$gt; Infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Tours en ce qu'il l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes.
Statuant à nouveau,
$gt; Condamner la SARL Keolis [Localité 5] à lui régler les sommes suivantes :
- 15.037,86 euros à titre de dommages et intérêts au titre de son préjudice financier,
- 5.000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de son préjudice moral,
$gt; Condamner la SARL Keolis [Localité 5] aux entiers dépens qui comprendront les frais éventuels d'exécution et au paiement d'une somme de 4 .000 euros en application de l'arti cle 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 20 mars 2023, la SARL Keolis [Localité 5] demande à la cour de :
$gt; Confirmer le jugement rendu le 6 septembre 2022 par le Conseil de prud'hommes de
Tours,
En conséquence,
- Débouter Mme [C] de l'ensemble de ses demandes,
Y ajoutant,
- Condamner Mme [C] à lui verser une indemnité de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 15 mars 2024.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières conclusions conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
- Sur la demande en paiement de dommages-intérêts au titre de la responsabilité contractuelle de l'employeur
En application de l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.
Il résulte par ailleurs des dispositions des articles 1103 et 1217 du code civil que la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté ou l'a été imparfaitement peut demander réparation des conséquences de l'inexécution.
Les articles 1302 et 1302-1 du code civil prévoient quant à eux que ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution et que celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu.
En l'espèce, Mme [C] sollicite le paiement des sommes de 15.037,86 euros en réparation de son préjudice financier et 5.000 euros en réparation de son préjudice moral aux motifs que l'erreur de la SARL Keolis [Localité 5] d'avoir maintenu à tort le maintien de son salaire du 14 septembre 2019 au 30 juin 2020 relève d'une légèreté blâmable et est de ce fait constitutive d'une faute à son égard lui ayant occasionné un préjudice.
Elle estime en effet que la société, subrogée dans ses droits, ne pouvait ignorer la cessation du versement d'indemnités journalières par la CPAM à compter du 1er septembre 2019 ; qu'au surplus, cette décision, intervenue avant même le jugement du 23 décembre 2019 du Pôle social du tribunal judiciaire sur la date de consolidation s'explique par le fait que l'employeur n'a plus transmis d'attestation de salaire et n'est donc pas liée au contentieux avec la caisse, de sorte qu'il est indifférent que l'employeur n'en soit pas partie ; qu'en toute hypothèse, la société a eu connaissance de la date de consolidation fixée au 13 septembre 2019 a minima dès le 5 juin 2020 et a continué à maintenir son salaire jusqu'au 30 juin 2020 ; que la crise sanitaire ne saurait être un justificatif opérant pour avoir débuté le 17 mars 2020 et alors que la société a adopté le même comportement en 2021 lors de sa rechute ; qu'aucune faute ne saurait lui être reprochée dans la mesure où elle ne pouvait, antérieurement au 21 février 2020, informer son employeur d'une date de consolidation qui n'était pas définitive de la même façon qu'il ne peut lui être fait grief d'avoir continué à adresser à son employeur ses arrêts maladie en temps partiel thérapeutique et de l'avoir ainsi induit en erreur ; qu'elle a agi en toute bonne foi et s'est trouvée privée de la chance de changer de régime et d'être indemnisée par la CPAM et la prévoyance (CARCEPT) au titre de la maladie simple outre les 'tracasseries' engendrées.
De son côté, l'employeur soutient que l'erreur n'est pas créatrice de droit et que selon les dispositions de l'article 1302 du code civil '...ce qui a été payé sans être dû, est sujet à répétition'. Il relève également que le paiement en connaissance de cause ou une éventuelle faute ne fait pas obstacle à l'exercice par son auteur de l'action en répétition de l'indu. Il se défend en outre d'avoir été informé en temps utile de la nouvelle date de consolidation fixée par décision judiciaire et affirme qu'aucune pièce adverse n'en atteste avant le mois de juin 2020, période à partir de laquelle il a fait le point sur la situation de la salariée avec la caisse, a attendu la régularisation de celle-ci avant d'enclencher l'action querellée. Il observe par ailleurs que la salariée ne lui a pas fait part de ses démarches envers la caisse et se défend de toute carence fautive, rappelant le bien fondé de son action.
Au préalable, il sera noté que le principe de l'existence d'un indu n'est pas remis en cause par la salariée.
Il s'avère que le 25 août 2017, Mme [C] a été victime d'un accident du travail pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels, la date de consolidation de ses lésions ayant été finalement fixée au 23 décembre 2019 selon jugement du Pôle social du tribunal judiciaire de Tours,auquel l'employeur n'était pas partie.
Selon l'article L.433-1 du code de la sécurité sociale, une indemnité journalière est versée, ensuite d'un accident du travail, pendant toute la durée d'incapacité de travail qui précède soit la guérison complète, soit la consolidation de la blessure.
Au cas présent, la caisse a versé des indemnités journalières à Mme [C] jusqu'au 13 septembre 2019 mais l'employeur, subrogé dans ses droits, a maintenu son salaire jusqu'au 30 juin 2020 avant d'opérer, selon courrier du 13 octobre 2020, la répétition des salaires indument versés suite à la cessation du versement des indemnités journalières pour la période du 14 septembre 2019 au 30 juin 2020.
Ainsi qu'il l'admet dans un courrier du 22 janvier 2021 puis dans ses écritures, l'employeur a commis une erreur en ne s'apercevant pas de l'arrêt du versement des indemnités journalières à son bénéfice en sa qualité de subrogé de l'assurée avant le 30 juin 2020.
Il indique à cette occasion 'Nous tenons à préciser que l'Assurance maladie n'a à aucun moment informé l'entreprise que la salariée n'était plus éligible aux IJSS depuis le 14 septembre 2019.'
Sur ce point, il ressort des pièces versées aux débats que :
- le 5 juin 2020, la CPAM a informé l'employeur que l'arrêt de travail correspondant n'était pas indemnisable ;
- le 3 juillet 2020, l'assistante sociale de l'entreprise a sollicité le service paie pour connaître la position de l'entreprise dans des situations similaires (un salarié qui ne perçoit plus d'indemnités journalières mais dont le mi-temps thérapeutiques est justifié) et rassurer la salariée ;
- le 7 juillet 2020, la CPAM d'Indre-et-Loire a indiqué à la salariée 'un échange de mail avec le service en charge des risques professionnels à la CPAM atteste que votre employeur avait connaissance de cette date de consolidation', sans pour autant que celle-ci soit précisée et sans que cela soit contraire au mail du 9 juillet 2020 de la gestionnaire de paie, laquelle répond à l'assistante sociale qu'après plusieurs appels et mails avec la CPAM, aucun arrêt à temps complet ou mi-temps thérapeutique ne serait indemnisé au-delà du 13 septembre 2019 joignant un mail du même jour de la caisse le confirmant et indiquant que Mme [C] en a été informée le 4 novembre 2019 et le 21 février 2020.
Par ailleurs, il ne peut être omis d'une part que la situation de Mme [C] était complexe avec plusieurs reports de la date de consolidation de ses lésions et donc d'arrêts et reprises des indemnisations outre son retour à temps partiel, d'autre part qu'à compter du mois de mars 2020, les entreprises ont été fortement impactées par la crise sanitaire du COVID 19 et enfin que la salariée n'a pas alerté son employeur de son changement de situation dont elle était informée dès le mois novembre 2019.
Il s'en déduit que la 'légèreté blâmable' reprochée à l'employeur au titre d'un manquement à ses obligations contractuelles, notamment de loyauté, n'est pas caractérisée et qu'il convient de confirmer la décision déférée.
- Sur les autres demandes, les dépens et les frais irrépétibles :
Le jugement querellé est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
La salariée, qui succombe, sera condamnée aux dépens d'appel. L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe et en dernier ressort :
Confirme le jugement rendu entre Mme [M] [D] et la SARL KEOLIS [Localité 5], le 6 septembre 2022, par le conseil de prud'hommes de Tours en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant :
Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [M] [C] aux dépens d'appel ;
Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre, président de la collégialité, et par le greffier
Jean-Christophe ESTIOT Laurence DUVALLET