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12/06/2024 | FRANCE | N°24/01354

France | France, Cour d'appel d'Orléans, Chambre des rétentions, 12 juin 2024, 24/01354


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

Rétention Administrative

des Ressortissants Étrangers



ORDONNANCE du 12 JUIN 2024

Minute N°

N° RG 24/01354 - N° Portalis DBVN-V-B7I-HAAX

(1 pages)



Décision déférée : Juge des libertés et de la détention d'Orléans en date du 11 juin 2024 à 12h05



Nous, Claire Girard, président de chambre à la cour d'appel d'Orléans, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Hermine Bildstein, greff

ier, aux débats et au prononcé de l'ordonnance,



APPELANT :

M. X se disant [D] [W]

né le 11 septembre 2004 à [Localité 1] (Algérie), de nationali...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

Rétention Administrative

des Ressortissants Étrangers

ORDONNANCE du 12 JUIN 2024

Minute N°

N° RG 24/01354 - N° Portalis DBVN-V-B7I-HAAX

(1 pages)

Décision déférée : Juge des libertés et de la détention d'Orléans en date du 11 juin 2024 à 12h05

Nous, Claire Girard, président de chambre à la cour d'appel d'Orléans, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Hermine Bildstein, greffier, aux débats et au prononcé de l'ordonnance,

APPELANT :

M. X se disant [D] [W]

né le 11 septembre 2004 à [Localité 1] (Algérie), de nationalité algérienne,

actuellement en rétention administrative dans des locaux ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire du centre de rétention administrative d'[Localité 2],

comparant par visioconférence, assisté de Me Sylvie Célérier, avocat au barreau d'Orléans, substituée par Me Jean-Michel Licoine,

en présence de Mme [Z], interpète en langue arabe, expert près la cour d'appel d'Orléans, qui a prêté son concours lors de l'audience et du prononcé ;

INTIMÉ :

LA PRÉFECTURE DE LA SARTHE

non comparante, non représentée ;

MINISTÈRE PUBLIC : avisé de la date et de l'heure de l'audience ;

À notre audience publique tenue en visioconférence au Palais de Justice d'Orléans, conformément à l'article L. 743-8 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), le 12 juin 2024 à 14 heures ;

Statuant en application des articles L. 743-21 à L. 743-23 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), et des articles R. 743-10 à R. 743-20 du même code ;

Vu l'ordonnance rendue le 11 juin 2024 à 12h05 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire d'Orléans faisant droit à la demande de troisième prolongation et ordonnant la prolongation du maintien de M. X se disant [D] [W] dans les locaux non pénitentiaires pour un délai maximum de quinze jours à compter du 11 juin 2024 ;

Vu l'appel de ladite ordonnance interjeté le 11 juin 2024 à 15h50 par M. X se disant [D] [W] ;

Après avoir entendu :

- Me Jean-Michel Licoine, en sa plaidoirie,

- M. X se disant [D] [W], en ses observations, ayant eu la parole en dernier ;

AVONS RENDU ce jour, publiquement et contradictoirement, l'ordonnance suivante :

Aux termes de l'article L. 742-5 du CESEDA : « À titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l'article L. 742-4, lorsqu'une des situations suivantes apparait dans les quinze derniers jours :

1° L'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la décision d'éloignement ;

2° L'étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d'éloignement :

a) une demande de protection contre l'éloignement au titre du 5° de l'article L. 631-3 ;

b) ou une demande d'asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;

3° La décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé et qu'il est établi par l'autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.

Le juge peut également être saisi en cas d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public.

L'étranger est maintenu en rétention jusqu'à ce que le juge ait statué.

Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l'expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d'une durée maximale de quinze jours.

Si l'une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° ou au septième alinéa du présent article survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application de l'avant-dernier alinéa, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas quatre-vingt-dix jours ».

Selon les dispositions de l'article L. 741-3 du même code : « Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet ».

Il convient de considérer que c'est par une analyse circonstanciée et des motifs particulièrement pertinents qu'il y a lieu d'adopter que le premier juge a statué sur l'ensemble des moyens de fond soulevés devant lui et repris devant la cour, étant observé, au vu des termes de la déclaration d'appel du retenu du 11 juin 2024 et des moyens repris lors des débats de ce jour :

Sur la discussion des conditions résultant de l'article L. 742-5 du CESEDA, M. [D] [W] rappelle les dispositions résultant de cet article et conteste l'analyse retenue par le premier juge, qui a prolongé exceptionnellement sa rétention pour une durée de 15 jours à compter du 11 juin 2024. Il rappelle n'avoir commis aucune obstruction à l'exécution d'office de la mesure d'éloignement dont il fait l'objet et indique qu'en l'état des diligences accomplies par l'administration, il apparait de façon incontestable que la délivrance des documents de voyage nécessaires à son éloignement ne pourra pas intervenir à bref délai.

Sur ce point, la cour rappelle que les dispositions de l'article L.742-5 du CESEDA prévoient plusieurs situations dans lesquelles il est possible de prolonger la rétention administrative de l'étranger, au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l'article L. 742-4 du CESEDA, et qu'il n'y a pas lieu d'exiger la combinaison de ces dernières pour autoriser la prolongation.

En l'espèce, il n'est pas établi par la préfecture de la Sarthe que la délivrance d'un laissez-passer consulaire est susceptible d'intervenir à brève échéance, et ce en raison d'une part du refus des autorités algériennes de reconnaitre M. [D] [W], ce qui ressort du courriel du 31 mai 2024 émis par ces dernières, et d'autre part de l'inertie des autorités consulaires tunisiennes, saisies depuis le 4 juin 2024.

Par ailleurs, il ne ressort ni de la motivation de la requête préfectorale du 10 juin 2024 sollicitant une troisième prolongation de rétention, ni des pièces du dossier que l'intéressé aurait, au cours des quinze derniers jours, fait obstruction à l'exécution d'office de la décision d'éloignement ou aurait, dans le seul but de faire échec à cette dernière, présenté une demande d'asile ou une demande de protection contre l'éloignement.

Toutefois, le préfet de la Sarthe était en droit de se fonder sur l'urgence absolue ou la menace que représente l'intéressé pour l'ordre public, afin de solliciter une telle prolongation, en application du septième alinéa de l'article L. 742-5 du CESEDA.

Pour l'application de cet alinéa, créé par la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, il appartient à l'administration de caractériser l'urgence absolue ou la menace pour l'ordre public.

Dans le cadre adopté par le législateur, la notion de menace à l'ordre public a pour objectif manifeste de prévenir, pour l'avenir, les agissements dangereux commis par des personnes en situation irrégulière sur le territoire national.

La qualification de menace pour l'ordre public donne lieu à un contrôle normal du juge administratif et il y a lieu de procéder à ce même contrôle de l'erreur d'appréciation lors de l'examen des conditions de troisième et quatrième prolongation telles que résultant de la loi n° 2024-42 précitée.

Le juge apprécie in concreto la caractérisation de la menace pour l'ordre public, au regard d'un faisceau d'indices permettant, ou non, d'établir la réalité des faits, la gravité, la récurrence ou la réitération, et l'actualité de la menace selon le comportement de l'intéressé et, le cas échéant, sa volonté d'insertion ou de réhabilitation.

Dans ce contexte, l'appréciation de cette menace doit prendre en considération les risques objectifs que l'étranger en situation irrégulière fait peser sur l'ordre public et il y a lieu de considérer, à l'instar du juge administratif, que la commission d'une infraction pénale n'est pas de nature, à elle seule, à établir que le comportement de l'intéressé présenterait une menace pour l'ordre public.

En l'espèce, il ressort des pièces accompagnant la requête préfectorale du 11 mai 2024 que l'intéressé, qui a déclaré dans son acte d'appel être arrivé en France en 2023, a été condamné le 17 juin 2022, par le tribunal correctionnel du Mans, à une peine de 6 mois d'emprisonnement avec maintien en détention pour des faits de vol avec destruction ou dégradation et de tentative de vol avec destruction ou dégradation, et le 28 janvier 2024, par la même juridiction, à une peine de 3 mois d'emprisonnement avec maintien en détention et de 5 ans d'interdiction de séjour dans le département de la Sarthe pour des faits de détention et d'usage illicite de stupéfiants.

Ainsi, malgré une entrée récente sur le territoire, M. [D] [W] s'est rendu coupable de plusieurs faits délictueux ayant récemment justifié le prononcé de deux peines d'emprisonnement avec maintien en détention à son égard, étant précisé que pour chacune d'entre elles, la commission d'application des peines a refusé d'accorder une libération sous contrainte de plein droit. Ces éléments laissent craindre une réitération du passage à l'acte délictueux et caractérisent une menace pour l'ordre public de nature à faire droit à la troisième prolongation de la rétention administrative de l'intéressé. Le moyen est donc rejeté.

Sur les perspectives raisonnables d'éloignement, il convient de considérer que la saisine des autorités tunisiennes est récente et qu'à ce stade, il ne peut être considéré qu'il n'existe aucune possibilité de délivrance d'un laissez-passer par ces dernières. Au surplus, la cour constate que l'intéressé a, tout au long de la procédure administrative d'éloignement dont il fait l'objet, y compris à l'audience de ce jour, affirmé être de nationalité algérienne alors même que les autorités de ce pays ne le reconnaissent pas. Or, de telles affirmations ont nécessairement entraîné un retard dans les diligences accomplies auprès des pays du maghreb pour tenter de le faire identifier par l'un de ces pays. Dans ces conditions, l'intéressé ne peut se prévaloir de l'absence de perspectives d'éloignement alors qu'il a lui-même, par ses déclarations, amené l'administration à effectuer des vérifications auprès d'autorités consulaires d'un pays dont il n'est pas ressortissant. Le moyen est donc rejeté.

En l'absence de toute illégalité susceptible d'affecter les conditions, découlant du droit de l'Union, de la légalité de la rétention et à défaut d'autres moyens présentés en appel, il y a lieu de confirmer l'ordonnance attaquée.

PAR CES MOTIFS,

DÉCLARONS recevable l'appel de M. [D] [W] ;

DÉCLARONS non fondés l'ensemble des moyens et les rejetons ;

CONFIRMONS l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 11 juin 2024 ayant ordonné la prolongation de la rétention administrative pour une durée de 15 jours.

LAISSONS les dépens à la charge du Trésor ;

ORDONNONS la remise immédiate d'une expédition de la présente ordonnance à la préfecture de la Sarthe, à M. X se disant [D] [W] et son conseil, et au procureur général près la cour d'appel d'Orléans ;

Et la présente ordonnance a été signée par Claire Girard, président de chambre, et Hermine Bildstein, greffier présent lors du prononcé.

Fait à Orléans le DOUZE JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE, à heures

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Hermine BILDSTEIN Claire GIRARD

Pour information : l'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien la rétention et au ministère public. Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification. Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.

NOTIFICATIONS, le 12 juin 2024 :

La préfecture de la Sarthe, par courriel

Monsieur le procureur général près la cour d'appel d'Orléans, par courriel

M. X se disant [D] [W], copie remise par transmission au greffe du CRA

Me Sylvie Celerier, avocat au barreau d'Orléans, copie remise en main propre contre récépissé

L'interprète L'avocat de l'intéressé


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : Chambre des rétentions
Numéro d'arrêt : 24/01354
Date de la décision : 12/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-12;24.01354 ?
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