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12/06/2024 | FRANCE | N°23/02490

France | France, Cour d'appel d'Orléans, Chambre des urgences, 12 juin 2024, 23/02490


COUR D'APPEL D'ORLÉANS







CHAMBRE DES URGENCES





COPIES EXECUTOIRES + EXPÉDITIONS :

Me Johan HERVOIS

la SELARL MALLET-GIRY, ROUICHI, AVOCATS ASSOCIES

ARRÊT du : 12 JUIN 2024



n° : N° RG 23/02490 - N° Portalis DBVN-V-B7H-G4BU



DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'ORLEANS en date du 12 Septembre 2023



PARTIES EN CAUSE



APPELANTE : timbre fiscal dématérialisé n°: 1265294828310247





Madame AGENT

JUDICIAIRE DE L'ETAT Représentant l'Etat français

[Adresse 4]

[Localité 5]





représentée par Me Johan HERVOIS, avocat au barreau d'ORLEANS





INTIMÉE : timbre fiscal dématériali...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE DES URGENCES

COPIES EXECUTOIRES + EXPÉDITIONS :

Me Johan HERVOIS

la SELARL MALLET-GIRY, ROUICHI, AVOCATS ASSOCIES

ARRÊT du : 12 JUIN 2024

n° : N° RG 23/02490 - N° Portalis DBVN-V-B7H-G4BU

DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'ORLEANS en date du 12 Septembre 2023

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE : timbre fiscal dématérialisé n°: 1265294828310247

Madame AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT Représentant l'Etat français

[Adresse 4]

[Localité 5]

représentée par Me Johan HERVOIS, avocat au barreau d'ORLEANS

INTIMÉE : timbre fiscal dématérialisé n°: 1265293244657983

Madame [U] [S]

née le [Date naissance 1] 1985 à

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Christophe ROUICHI de la SELARL MALLET-GIRY, ROUICHI, AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d'ORLEANS

' Déclaration d'appel en date du 17 Octobre 2023

' Ordonnance de clôture du 16 avril 2024

Dossier régulièrement communiqué au Ministère Public le 24 novembre 2023

L'avis du Ministère public a été communiqué aux avocats des parties le 02 avril 2024

Lors des débats, à l'audience publique du 17 AVRIL 2024, Monsieur Michel Louis BLANC, Président de Chambre, a entendu les avocats des parties, avec leur accord, par application des articles 786 et 910 du code de procédure civile ;

Lors du délibéré :

Monsieur Michel BLANC, président de chambre,

Monsieur Yannick GRESSOT, conseiller,

Madame Laure Aimée GRUA, Magistrat exerçant des fonctions juridictionnelles

Greffier : Madame Fatima HAJBI, greffier lors des débats et du prononcé par mise à disposition au greffe ;

Arrêt : prononcé le 12 JUIN 2024 par mise à la disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Par acte en date du 16 janvier 2023, [U] [S] saisissait le tribunal judiciaire d'Orléans d'une action en responsabilité de l'État sur le fondement de l'article L 141 '1 du code de l'organisation judiciaire pour déni de justice, et sollicitait la condamnation de l'Agent judiciaire de l'État au paiement de la somme de 9900 € à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral et de la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

[U] [S] exposait qu'elle avait été embauchée par la société Christian Dior Parfum en qualité d'intérimaire.

Elle indiquait qu'elle avait saisi le conseil de prud'hommes d'Orléans le 16 mars 2018, et prétendait qu'il avait été statué sur son affaire au terme d'un délai anormalement long, puisque par un procès-verbal de partage des voix en date du 6 décembre 2018, l'affaire avait été renvoyée à une audience de départage en date du 22 janvier 2019, le délibéré se trouvant prolongée à plusieurs reprises pour aboutir à un jugement rendu le 28 février 2020, précisant qu'un appel avait été interjeté le 12 février 2020 et que ce n'est que par un arrêt en date du 7 juillet 2022 que la cour d'appel de céans a statué.

Par un jugement en date du 12 septembre 2023, le tribunal judiciaire d'Orléans, estimant que le délai raisonnable pour statuer avait été dépassé de 26 mois, accueillait les demandes de [U] [S] et lui allouait la somme de 8000 € à titre de dommages-intérêts pour l'indemnisation de son préjudice moral et la somme de 2000 € en application des dispositions de l'article 700 du code procédure civile.

Par une déclaration déposée au greffe le 17 octobre 2023, l'Agent judiciaire de l'État interjetait appel de cette décision, estimant que l'indemnisation octroyée avait été excessive, précisant que le montant de la réparation du préjudice moral est fixée par la jurisprudence à 150 € par mois excédant le délai raisonnable pour juger.

Par ses dernières conclusions, l'Agent judiciaire de l'État sollicite l'infirmation du jugement entrepris et la réduction à de plus justes proportions des sommes allouées ;

Par ses dernières conclusions, [U] [S] sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a jugé que l'État avait commis un déni de justice, faute ouvrant droit à indemnisation de son préjudice, mais son infirmation en ce qu'il a jugé que le délai déraisonnable était de 26 mois et en ce qu'il a limité le montant des dommages-intérêts à la somme de8000 €, demandant à la cour, statuant à nouveau, de juger que le délai déraisonnable est de 37mois et 20 jours s'agissant d'un dossier de requalification de contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée qui aurait dû être jugé par le conseil de prud'hommes dans le délai d'un mois, et en conséquence de condamner l'agent judiciaire de l'État à lui payer la somme de 9900 € à titre de dommages-intérêts.

[U] [S] demande le paiement de la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure devant la cour d'appel .

Par un avis écrit en date du 27 mars 2024, le Ministère Public sollicite la confirmation de la décision de première instance en ce qu'elle a fixé le délai de déni de justice à 26 mois, mais son infirmation pour le surplus, demandant à la cour de fixer le montant de dommages-intérêts octroyés à [U] [S] en réparation de son préjudice moral à une somme comprise entre 3900 et 5200 €, et à 1000 € le montant des frais irrépétibles de première instance.

Il demande également à la cour de débouter [U] [S] de ses demandes reconventionnelles.

L'ordonnance de clôture était rendue le 16 avril 2024.

SUR QUOI :

Attendu que pour prononcer comme il l'a fait, le premier juge indique qu'aux termes de l'article L 141 '1 du code de l'organisation judiciaire, l'État est tenu de réparer les dommages causés par le fonctionnement défectueux du service public de la justice, précisant que cette responsabilité n' est engagée que par une faute lourde ou par un déni de justice, le déni de justice correspondant à un refus d'une juridiction de statuer sur un litige qui lui est présenté ou au fait de ne procéder à aucune diligence pour instruire ou juger les affaires et constituant une atteinte à un droit fondamental s'appreciant sous l'angle d'un manquement du service public de la justice à sa mission essentielle , et englobant par extension tout manquement de l'État à son devoir de protection juridictionnelle de l'individu qui comprend celui de répondre sans délai anormalement long aux requêtes des justiciables conformément aux dispositions de l'article 6 ' 1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

Qu'il rappelle que l'appréciation d'un allongement excessif du délai de réponse judiciaire, susceptible d'être assimilé à un refus de juger, et, partant,à un déni de justice engageant la responsabilité de l'État, s'effectue de manière concrète au regard des circonstances propres à chaque procédure, en prenant en considération les conditions de déroulement de la procédure, la nature de l'affaire, son degré de complexité, les comportements des parties en cause ainsi que l'intérêt qu'il peut y avoir pour l'une ou l'autre des parties, compte tenu de sa situation particulière des circonstances propres au litige et, le cas échéant de sa nature même, à ce qu'il soit tranché rapidement, indiquant que le seul non-respect d'un délai légal n'est pas suffisant pour caractériser un déni de justice mettant en jeu la responsabilité de l'État ;

Attendu que le premier juge a relevé qu'en l'espèce, les conseils des parties ont respecté les obligations procédurales tant devant le conseil de prud'hommes que devant la cour d'appel ;

Attendu que l'Agent judiciaire de l'État reconnaît le dépassement du délai raisonnable à hauteur de 26 mois ,

Qu'il prétend que la somme allouée est disproportionnée, invoquant différentes précédents jurisprudentiels par lesquels le préjudice moral est évalué à 150 € par mois excédant le délai raisonnable ;

Attendu que la partie appelante propose une indemnisation de l'ordre de 125 à 150 € par mois en invoquant des précédents relatifs au contentieux devant le pont le conseil de prud'hommes ;

Que la partie intimée conteste cette argumentation en indiquant que dans l'hypothèse où le législateur aurait entendu plafonner l'indemnisation pour la rendre symbolique, il n'aurait pas hésité à fixer un barème comme il a pu le faire en de nombreuses matières ;

Attendu que le montant fixé par le premier juge pour l'évaluation du préjudice entraîné par les retards doit être réévalué eu égard au fait que le procès-verbal de partage de voix n'est intervenu que 8 mois et 20 jours après la saisine du conseil de prud'hommes et que le jugement de la formation présidée par le juge départiteur n'est intervenu que le 28 janvier 2020 ;

Qu'en la matière pourtant, la décision du conseil de prud'hommes est circonscrite à un délai d'un mois ;

Que, même si l'organisation matérielle d'une audience présidée par le juge départiteur suppose nécessairement l'allongement des délais de jugement sans faute de quiconque, il n'en demeure pas moins que le délai écoulé entre la saisine du conseil de prud'hommes et le jugement justifie une majoration de l'indemnité allouée à [U] [S] ;

Attendu qu'il échet de considérer en la cause que le montant fixé par le premier juge pour l'évaluation du préjudice entraîné par les retards a été équitablement arbitré dans le cadre d'une affaire de droit commun, mais doit être porté au montant réclamé par [U] [S] à raison de la gravité particulière du retard reproché en raison de la nature de l'affaire ;

Attendu que le jugement querellé devra être réformé sur ce point ;

Qu'il y a lieu d'allouer à [U] [S] la somme qu'elle réclame à titre principal ;

Attendu qu'il convient de considérer que la somme allouée à [U] [S] par la juridiction du premier degré en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile est quelque peu excessive ;

Qu'il convient de réformer sur ce point le jugement entrepris et de ramener ce montant à 1500 €;

Qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de [U] [S] l'intégralité des sommes qu'elle a dû exposer du fait que la procédure d'appel ;

Qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 1500 € ;

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que l'État avait commis un déni de justice, faute ouvrant droit à indemnisation du préjudice subi par [U] [S] , mais le réforme sur le montant des sommes allouées,

Statuant à nouveau sur les points infirmés,

CONDAMNE l'Agent judiciaire de l'État à payer à [U] [S] la somme de 9900 € à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral, et la somme de 1500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais

engagés en première instance,

Y ajoutant,

CONDAMNE l'Agent judiciaire Trésor à payer à [U] [S] la somme de 1500 € en application des dispositions de l'article 700 du code procédure civil au titre des frais engagés en appel,

CONDAMNE l'Agent judiciaire du Trésor aux dépens, et AUTORISE la SELARL Mallet Giry Rouichi à se prévaloir des dispositions de l'article 699 du code procédure civile.

Arrêt signé par Monsieur Michel Louis BLANC, président de chambre, et Madame Fatima HAJBI, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire ;

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : Chambre des urgences
Numéro d'arrêt : 23/02490
Date de la décision : 12/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-12;23.02490 ?
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