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11/06/2024 | FRANCE | N°24/01334

France | France, Cour d'appel d'Orléans, Chambre des rétentions, 11 juin 2024, 24/01334


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

Rétention Administrative

des Ressortissants Étrangers



ORDONNANCE du 11 JUIN 2024

Minute N°

N° RG 24/01334 - N° Portalis DBVN-V-B7I-G77K

(1 pages)



Décision déférée : Juge des libertés et de la détention d'Orléans en date du 9 juin 2024 à 14h20



Nous, Alexandre David, président de chambre à la cour d'appel d'Orléans, agissant par délégation du premier président de cette cour, assisté de Hermine Bildstein, greff

ier stagiaire en pré-affectation sur poste, aux débats et au prononcé de l'ordonnance,





APPELANT :

M. [P] [R]

né le 6 août 1998 à [Localité 6],...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

Rétention Administrative

des Ressortissants Étrangers

ORDONNANCE du 11 JUIN 2024

Minute N°

N° RG 24/01334 - N° Portalis DBVN-V-B7I-G77K

(1 pages)

Décision déférée : Juge des libertés et de la détention d'Orléans en date du 9 juin 2024 à 14h20

Nous, Alexandre David, président de chambre à la cour d'appel d'Orléans, agissant par délégation du premier président de cette cour, assisté de Hermine Bildstein, greffier stagiaire en pré-affectation sur poste, aux débats et au prononcé de l'ordonnance,

APPELANT :

M. [P] [R]

né le 6 août 1998 à [Localité 6], de nationalité algérienne,

actuellement en rétention administrative dans des locaux ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire du centre de rétention administrative d'[Localité 5],

comparant par visioconférence, assisté de Me Karima Hajji, avocat au barreau d'Orléans,

en présence de M. [X] [C], interpète en langue arabe, expert près la cour d'appel d'Orléans, qui a prêté son concours lors de l'audience et du prononcé ;

INTIMÉ :

LA PRÉFECTURE DU CALVADOS

non comparante, non représentée ;

MINISTÈRE PUBLIC : avisé de la date et de l'heure de l'audience ;

À notre audience publique tenue en visioconférence au Palais de Justice d'Orléans, conformément à l'article L. 743-8 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), le 11 juin 2024 à 10 heures ;

Statuant en application des articles L. 743-21 à L. 743-23 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), et des articles R. 743-10 à R. 743-20 du même code ;

Vu l'ordonnance rendue le 9 juin 2024 à 14h20 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire d'Orléans ordonnant la jonction des procédures de demande de prolongation par la préfecture et de recours contre l'arrêté de placement en rétention administrative par le retenu, rejetant les exceptions de nullité soulevées, rejetant le recours formé par le retenu contre l'arrêté de placement en rétention administrative, et ordonnant la prolongation du maintien de M. [P] [R] dans les locaux non pénitentiaires pour une durée de vingt huit jours à compter du 9 juin 2024 à 10h35 ;

Vu l'appel de ladite ordonnance interjeté le 10 juin 2024 à 12h15 par M. [P] [R] ;

Vu les pièces et observations de la préfecture du Calvados, reçues au greffe le 10 juin 2024 à 15h57 ;

Vu les conclusions du conseil de M. [P] [R], reçues au greffe le 11 juin 2024 à 7h57 ;

Après avoir entendu :

- Me Karima Hajji, en sa plaidoirie,

- M. [P] [R], en ses observations, ayant eu la parole en dernier ;

AVONS RENDU ce jour, publiquement et contradictoirement, l'ordonnance suivante :

Il résulte de l'article 66 de la Constitution et de l'article L. 743-9 du CESEDA que le juge des libertés doit s'assurer que l'étranger est pleinement informé de ses droits et placé en état de les faire valoir lorsqu'il se trouve placé en rétention administrative.

Aux termes de l'article L. 743-12 du CESEDA, en cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, toute juridiction, y compris la Cour de cassation, qui est saisie d'une demande d'annulation ou qui relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la main levée de la mesure de placement en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l'étranger.

Selon l'article L. 741-3 du CESEDA, « un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps nécessaire à son départ, l'administration étant tenue d'exercer toutes diligences à cet effet, dès le placement en rétention ».

Il convient de considérer que c'est par une analyse circonstanciée et des motifs pertinents qu'il y a lieu d'adopter que le premier juge a statué sur les moyens de nullité et de fond soulevés devant lui et repris en partie devant la cour, étant observé, au vu des termes de la déclaration d'appel du retenu du 10 juin 2024 et des moyens repris lors des débats de ce jour :

1. Sur l'irrégularité de la procédure préalable au placement en rétention administrative

M. [P] [R] a fait l'objet d'un contrôle d'identité fondé sur les réquisitions prises par le procureur de la République en application de l'article 78-2 alinéa 7 du code de procédure pénale, ces réquisitions sont jointes à la procédure. C'est par des motifs pertinents que la cour d'adopte que le premier juge a retenu que ce contrôle était régulier.

Sur le menottage, M. [P] [R] allègue la violation de ses droits fondamentaux au visa du droit au respect de la dignité garanti par la Constitution du 4 octobre 1958 et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales prohibant la torture et les traitements inhumains et dégradants. Sur ce point, se fondant sur les dispositions de l'article R. 434-17 du code de la sécurité intérieure, il estime avoir été menotté sans aucune raison lors de son interpellation.

Aux termes du premier alinéa de l'article 803 du code de procédure pénale, « nul ne peut être soumis au port des menottes ou des entraves que s'il est considéré soit comme dangereux pour autrui ou pour lui-même, soit comme susceptible de tenter de prendre la fuite ».

Selon le quatrième alinéa de l'article R. 434-17 du code de la sécurité intérieure, « l'utilisation du port des menottes ou des entraves n'est justifiée que lorsque la personne appréhendée est considérée soit comme dangereuse pour autrui ou pour elle-même, soit comme susceptible de tenter de s'enfuir ».

En l'espèce, lors du contrôle d'identité dont a fait l'objet M. [P] [R], les agents de police ont découvert une fiche de recherche portant sur une obligation de quitter le territoire français. Il y a lieu de préciser que, selon les mentions du procès-verbal de saisine qui font foi jusqu'à preuve contraire, non rapportée en l'espèce, les agents étaient expressément habilités à consulter le Fichier des Personnes Recherchées. Il ressort du procès-verbal d'interpellation que lorsqu'ils ont avisé l'intéressé de l'existence de cette fiche de recherche et lui ont expliqué qu'il allait devoir les suivre, ce dernier a commencé à regarder à droite et à gauche, ce qui laissait supposer qu'il recherchait à ce moment-là une échappatoire. Le risque de fuite, au sens des dispositions de l'article 803 du code de procédure pénale, justifiant qu'il soit procédé au menottage est ainsi caractérisé. Le moyen est donc rejeté.

Sur l'avis fait au procureur de la République du début de la mesure de retenue, M. [P] [R] estime qu'un délai de 31 minutes est excessif et que l'avis réalisé doit être considéré comme tardif en l'espèce.

Il résulte des dispositions de l'article L. 813-4 du CESEDA que « le procureur de la République est informé dès le début de la mesure de retenue et peut y mettre fin à tout moment ». Selon un arrêt de la chambre criminelle du 24 octobre 2017, l'heure du début de la garde à vue qui impose d'aviser le procureur de la République « dès le début de la mesure », au sens de l'article 63 du code de procédure pénale, s'entend de la présentation de l'intéressé à l'officier de police judiciaire.

La Cour de cassation a retenu la même règle de calcul pour le décompte des délais dans le cadre d'une retenue administrative pour vérification du droit au séjour ou de circulation (1ère Civ., 7 février 2018, pourvoi n° 16-24.824, publié).

En l'espèce, M. [P] [R] a été interpellé le 6 juin 2024 à 14h15 par un agent de police judiciaire, avant d'être présenté sur place à l'officier de police judiciaire. L'avis a ensuite été réalisé par l'officier de police judiciaire, qui a informé le substitut du procureur de la République près le tribunal judiciaire de Caen de la mesure de retenue prise à l'encontre de l'intéressé le 6 juin 2024 à 14h46, soit 31 minutes plus tard. Il y a lieu de retenir que l'information de ce magistrat a eu lieu dès le début de la retenue (en ce sens, 1ère Civ., 5 septembre 2018, pourvoi n° 17-22.507, publié). Le moyen est rejeté.

2. Sur la décision de placement et sa notification

C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a écarté le grief relatif à l'absence d'assistance d'un interprète lors de la notification de l'arrêté de placement en rétention. Il sera souligné qu'il résulte du procès-verbal de notification du placement en retenue que M. [R] était en mesure de comprendre le français et de s'exprimer dans cette langue.

Sur le défaut d'examen de la situation personnelle du retenu, M. [P] [R], se fondant sur les dispositions combinées des articles L. 731-1, L.741-1 et L. 612-3 8° du CESEDA, reproche à l'administration d'avoir privilégié la décision de placement sans prendre en considération son adresse stable au [Adresse 1] à [Localité 3] chez sa compagne, Mme [D] [E], qui est de nationalité française.

En vue de l'audience de ce jour, l'intéressé a également produit une attestation d'hébergement de sa compagne, qui s'est engagée à l'héberger dès sa sortie du centre de détention de [Localité 4], en joignant un avis d'échéance du mois de septembre 2023 et sa carte d'identité.

La cour rappelle au préalable que le préfet n'est pas tenu, dans sa décision, de faire état de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé dès lors que les motifs positifs qu'il retient suffisent à justifier le placement en rétention, qui est la date à laquelle le juge doit se placer pour apprécier la légalité de la décision de placement.

En l'espèce, le préfet du Calvados a notamment justifié sa décision de placement en rétention du 7 juin 2024 par le défaut d'adresse précise renseignée par l'intéressé, lequel avait déclaré lors de son audition du 6 juin 2024 être domicilié à [Localité 2] sans être en mesure de préciser le nom de la rue, par l'absence de document d'identité aggravée par la présence de sept identités ressortant de son bulletin judiciaire n°2 du 8 mars 2024, par le maintien en situation irrégulière sur le territoire français malgré trois mesures d'éloignement notifiées à son encontre le 16 mars 2017, le 11 juin 2021 et le 24 août 2023, par le non-respect d'une assignation à résidence du 5 mars 2024, et par sa volonté exprimée lors de son audition du 6 juin 2024 de ne pas se soumettre à la reconduite dans son pays d'origine.

Ainsi, le préfet du Calvados a suffisamment motivé sa décision au regard du risque de fuite devant la mise à exécution de la décision d'éloignement et n'a commis aucune erreur d'appréciation. La seule présence d'une attestation d'hébergement, non datée et mentionnant une adresse différente de celle qui a été évoquée lors l'audition administrative du 6 juin 2024 ne permet pas de caractériser l'existence de garanties effectives de représentation. Dans ces conditions, une mesure d'assignation à résidence n'apparaît pas suffisante pour garantir efficacement l'exécution effective de la décision d'éloignement. Le moyen est rejeté.

Il y a lieu d'observer que la requête du préfet tendant à la prolongation de la rétention est motivée tant en droit qu'en fait. En cause d'appel, cette requête a été réitérée.

C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a retenu que l'autorité administrative avait effectué les diligences nécessaires et suffisantes à ce stade de la procédure administrative de rétention, s'agissant d'une première demande de prolongation.

En l'absence de toute illégalité susceptible d'affecter les conditions découlant du droit de l'Union, de la légalité de la rétention et à défaut d'autres moyens présentés en appel, il y a lieu de confirmer l'ordonnance attaquée.

PAR CES MOTIFS,

DÉCLARONS recevable l'appel de M. [P] [R] ;

DÉCLARONS non fondés l'ensemble des moyens et les rejetons ;

CONFIRMONS l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 9 juin 2024 ayant ordonné la prolongation de la rétention administrative pour une durée de 28 jours.

LAISSONS les dépens à la charge du Trésor ;

ORDONNONS la remise immédiate d'une expédition de la présente ordonnance à la préfecture du Calvados, à M. [P] [R] et son conseil, et au procureur général près la cour d'appel d'Orléans ;

Et la présente ordonnance a été signée par Alexandre David, président de chambre, et Hermine Bildstein, greffier présent lors du prononcé.

Fait à Orléans le ONZE JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE, à heures

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Hermine BILDSTEIN Alexandre DAVID

Pour information : l'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien la rétention et au ministère public. Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification. Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.

NOTIFICATIONS, le 11 juin 2024 :

La préfecture du Calvados, par courriel

Monsieur le procureur général près la cour d'appel d'Orléans, par courriel

M. [P] [R] , copie remise par transmission au greffe du CRA

Me Karima Hajji, avocat au barreau d'Orléans, copie remise en main propre contre récépissé / par PLEX

L'interprète L'avocat de l'intéressé


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : Chambre des rétentions
Numéro d'arrêt : 24/01334
Date de la décision : 11/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 17/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-11;24.01334 ?
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