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11/06/2024 | FRANCE | N°21/01628

France | France, Cour d'appel d'Orléans, Chambre civile, 11 juin 2024, 21/01628


COUR D'APPEL D'ORLÉANS



C H A M B R E C I V I L E





GROSSES + EXPÉDITIONS : le 11/06/2024

Me Coraly VINCENT

Me Sandra DE BARROS





ARRÊT du : 11 JUIN 2024



N° : - 24



N° RG 21/01628 - N° Portalis DBVN-V-B7F-GMEA

(N° RG 21/02466 - N° Portalis DBVN-V-B7F-GN6T)



DÉCISIONS ENTREPRISES :



- Jugement du Tribunal Judiciaire d'ORLEANS en date du 5 mai 2021

(N° RG 21/01628 - N° Portalis DBVN-V-B7F-GMEA)

- Jugement rectificatif du Tribunal Judici

aire d'ORLEANS en date du 22 juin 2021 (N° RG 21/02466 - N° Portalis DBVN-V-B7F-GN6T)



PARTIES EN CAUSE



APPELANT :- Timbre fiscal dématérialisé N°: exonération



Monsieur [L] [V]...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

C H A M B R E C I V I L E

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 11/06/2024

Me Coraly VINCENT

Me Sandra DE BARROS

ARRÊT du : 11 JUIN 2024

N° : - 24

N° RG 21/01628 - N° Portalis DBVN-V-B7F-GMEA

(N° RG 21/02466 - N° Portalis DBVN-V-B7F-GN6T)

DÉCISIONS ENTREPRISES :

- Jugement du Tribunal Judiciaire d'ORLEANS en date du 5 mai 2021

(N° RG 21/01628 - N° Portalis DBVN-V-B7F-GMEA)

- Jugement rectificatif du Tribunal Judiciaire d'ORLEANS en date du 22 juin 2021 (N° RG 21/02466 - N° Portalis DBVN-V-B7F-GN6T)

PARTIES EN CAUSE

APPELANT :- Timbre fiscal dématérialisé N°: exonération

Monsieur [L] [V] [D] [U]

né le [Date naissance 3] 1975 à [Localité 6] (LOIRET)

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Me Coraly VINCENT, avocat au barreau d'ORLEANS

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/04816 du 20/08/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de ORLEANS)

D'UNE PART

INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265266820005671

Madame [P] [H] [K]

née le [Date naissance 2] 1975 à [Localité 6]

[Adresse 5]

[Localité 4]

représentée par Me Sandra DE BARROS, avocat au barreau d'ORLEANS

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 21 juin 2021.

ORDONNANCE DE JONCTION du : 3 janvier 2022

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 5 février 2024

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats à l'audience publique du 02 Avril 2024 à 14h00, l'affaire a été plaidée devant M. Laurent SOUSA, Conseiller, en l'absence d'opposition des parties ou de leurs représentants.

Lors du délibéré, au cours duquel M. Laurent SOUSA, Conseiller a rendu compte des débats à la collégialité, la Cour était composée de:

Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de chambre,

Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller,

Madame Laure- Aimée GRUA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

GREFFIER :

Mme Karine DUPONT, Greffier lors des débats et du prononcé.

ARRÊT :

Prononcé publiquement le 11 juin 2024 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

***

FAITS ET PROCÉDURE

Alléguant le défaut de remboursement partiel d'un prêt de 14 860 euros par M. [D] [U], Mme [K] a, par acte d'huissier en date du 4 octobre 2019, fait assigner celui-ci devant le tribunal de grande instance d'Orléans en paiement du solde dû.

Par jugement en date du 5 mai 2021, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal judiciaire d'Orléans a :

- condamné M. [D] [U] à payer à Mme [K] la somme de 10 460 euros correspondant au solde du prêt d'argent consenti le 12 juillet 2013, assortie des intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 4 octobre 2019 ;

- ordonné la capitalisation des intérêts échus en application de l'article 1343-2 du code civil ;

- débouté Mme [K] de ses autres demandes ;

- condamné M. [D] [U] à payer à Mme [K] la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [D] [U] aux dépens de l'instance en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

Par déclaration en date du 21 juin 2021, M. [D] [U] a interjeté appel de l'intégralité des chefs de ce jugement.

Par jugement du 22 juin 2021 statuant sur requête en omission de statuer, le tribunal judiciaire d'Orléans a :

- dit que le jugement du 5 mai 2021 est remplacé par celui figurant dans la nouvelle décision ;

- écarté le moyen tiré de la nullité de l'assignation ;

- condamné M. [D] [U] à payer à Mme [K] la somme de 10 460 euros correspondant au solde du prêt d'argent consenti le 12 juillet 2013, assortie des intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 4 octobre 2019 ;

- ordonné la capitalisation des intérêts échus en application de l'article 1343-2 du code civil ;

- débouté M. [D] [U] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté Mme [K] de ses autres demandes ;

- ordonné l'exécution provisoire ;

- condamné M. [D] [U] à payer à Mme [K] la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [D] [U] aux dépens de l'instance en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile ;

- dit que la décision rectificative sera mentionnée en marge de la minute et sur les expéditions du jugement du 5 mai 2021 ;

- laissé les dépens à la charge du Trésor.

Par déclaration en date du 21 septembre 2021, M. [D] [U] a interjeté appel de l'intégralité des chefs de ce jugement, sauf en ce qu'il a dit que le jugement du 5 mai 2021 est remplacé par celui figurant dans la nouvelle décision et laissé les dépens à la charge du Trésor.

Le conseiller de la mise en état a ordonné la jonction des deux instances d'appel par ordonnance en date du 3 janvier 2022.

Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 20 décembre 2021, M. [D] [U] demande à la cour de :

- le déclarer recevable et bien fondé en ses appels dirigés contre les jugements rendus par le tribunal judiciaire d'Orléans en date du 5 mai 2021 et du 22 juin 2021 ;

- ordonner la jonction de la présente procédure avec celle pendante devant la chambre civile de la cour d'appel d'Orléans enregistrée sous le numéro RG 21/01628 ;

Y faisant droit,

- infirmer lesdits jugements ;

En conséquence,

- le dire bien fondé en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- prononcer la nullité de l'assignation délivrée le 4 octobre 2019 par Mme [K] puisque dépourvue de fondement juridique ;

A titre subsidiaire,

- dire et juger Mme [K] irrecevable dans ses demandes sur le fondement de l'article 122 du code de procédure civile ;

En tout état de cause,

- débouter Mme [K] de toutes ses demandes plus amples et contraires ;

- condamner Mme [K] au paiement de la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Mme [K] aux entiers dépens de l'instance en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 20 janvier 2022, Mme [K] demande à la cour de :

- débouter M. [D] [U] de toutes ses demandes, faute de prétentions valablement formulées au dispositif de ses conclusions d'appelant ;

A titre subsidiaire,

- écarter la demande tendant à voir prononcer la prescription de son action ;

- écarter la demande tendant à voir prononcer la nullité de son action pour défaut de fondement juridique, faute de griefs pour M. [D] [U] ;

- juger qu'elle a qualité et intérêt pour agir ;

- débouter M. [D] [U] de toutes ses demandes, fins et conclusions plus amples, contraires et à venir ;

En tout état de cause,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

- débouter M. [D] [U] de toutes ses demandes, fins et conclusions plus amples contraires et à venir ;

Y ajoutant,

- condamner M. [D] [U] à lui payer la somme de 1 640 euros au titre des frais bancaire ;

- condamner M. [D] [U] à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [D] [U] aux entiers dépens d'appel.

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions.

La cour a interrogé les parties sur la recevabilité de l'exception de nullité soulevée devant les premiers juges, au regard des dispositions de l'article 771 du code de procédure civile, et de la compétence exclusive du juge de la mise en état pour statuer sur les exceptions de procédure.

La cour a également interrogé les parties sur l'application des dispositions du code civil dans leur version antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 au regard de la date du contrat de prêt allégué, notamment les articles 1147, 1341, 1347 et 1348 du code civil.

Par note en délibéré du 25 avril 2024, Mme [K] a indiqué que la nullité de l'assignation n'ayant pas été soulevée devant le juge de la mise en état, le tribunal n'était pas compétent pour statuer sur la demande du défendeur ; qu'au regard des dispositions de l'article 1148 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, elle établit qu'elle n'a pas eu la possibilité matérielle ou morale de se procurer une preuve littérale du prêt d'argent qu'elle a consenti à M. [D] [U], dès lors qu'elle a été sous l'emprise de son compagnon, lequel l'a harcelée et menacée de mort ; que les dispositions des articles 1147,1341 et 1347 devront être écartés à la lueur des dispositions de l'article 1348 du code civil.

MOTIFS

La demande de jonction des instances enregistrées sous les n° RG 21-1628 et 21-2466 formulée par M. [D] [U] est sans objet, pour avoir déjà été prononcée par le conseiller de la mise en état.

Sur la nullité de l'assignation

L'appelant soulève la nullité de l'assignation, sur le fondement de l'article 56 du code de procédure civile, au motif qu'elle ne comporte pas de visa au soutien de la demande de condamnation en paiement.

L'article 771 du code de procédure civile, dans sa rédaction applicable lors de l'introduction de l'instance, dispose que « lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour :

1. Statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l'article 47 et sur les incidents mettant fin à l'instance ; les parties ne sont plus recevables à soulever ces exceptions et incidents ultérieurement à moins qu'ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge ».

L'exception de nullité de l'assignation fondée sur les dispositions de l'article 56 du code de procédure civile est une exception de procédure au sens des articles 73 et suivants du code de procédure civile.

En l'espèce, M. [D] [U] a saisi le tribunal statuant au fond d'une exception de nullité pour des vices affectant l'assignation, existants et connus de lui, dès la délivrance de celle-ci, qui relevait de la compétence exclusive du juge de la mise en état. Le tribunal n'avait pas le pouvoir pour statuer sur l'exception de nullité de sorte qu'il convient de déclarer cette demande irrecevable.

Sur la recevabilité des demandes

Moyens des parties

L'appelant soutient que les demandes de Mme [K] sont irrecevables, celle-ci n'ayant ni qualité ni intérêt à agir à son encontre ; qu'elle est par ailleurs prescrite en ses demandes, l'assignation ayant été délivrée 6 années après le prêt souscrit par l'intimée.

L'intimée réplique que la cour n'est pas saisie d'une demande relative à la prescription puisque celle-ci n'est pas reprise au dispositif des conclusions de l'appelant ; qu'en outre, l'appelant ne peut rectifier ses demandes dès lors qu'à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond ; qu'il ressort clairement des pièces versées aux débats que M. [D] [U] n'a jamais formulé une prétention relative à la prescription de l'action, ou tendant aux mêmes fins, en première instance ; que même à considérer que la cour soit tenue de répondre à la prétention de M. [D] [U] relative à la prescription de l'action, il ne pourra qu'en être débouté ; que M. [D] [U] a effectué des versements réguliers jusqu'au 6 janvier 2015, date du dernier versement, de sorte qu'elle disposait d'un délai jusqu'au 6 janvier 2020 pour assigner en paiement M. [D] [U] ; qu'en assignant M. [D] [U] par acte du 4 octobre 2019, son action n'était pas prescrite.

Réponse de la cour

Il est constant que l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action, et que l'existence du préjudice invoqué par le demandeur n'est pas une condition de recevabilité de son action, mais de son succès, ainsi que l'a d'ailleurs jugé la Cour de cassation (2e Civ., 6 mai 2004, pourvoi n° 02-16.314, Bull., 2004, II, n° 205 ).

En conséquence, Mme [K] qui dispose d'un intérêt à agir en recouvrement de la somme qu'elle allègue être due, ne peut être déclarée irrecevable en son action au seul motif que l'appelant considère qu'elle n'établit pas la preuve du droit qu'elle invoque.

S'agissant de la demande tendant à voir déclarer la demande en paiement prescrite, le dispositif des conclusions de l'appelant mentionne expressément une demande tendant à voir déclarer Mme [K] irrecevable en ses demandes sur le fondement de l'article 122 du code de procédure civile. La cour est donc bien saisie de la fin de non-recevoir tirée de la prescription, le moyen fondant la demande n'ayant pas à figurer dans le dispositif des conclusions.

En outre, il est établi que l'appelant a formé sa demande de prescription dès ses premières conclusions d'appel de sorte que l'irrecevabilité prévue à l'article 910-4 du code de procédure civile n'est pas encourue.

Il résulte des énonciations du jugement que M. [D] [U] avait soulevé l'irrecevabilité des demandes de Mme [K] devant le tribunal qui n'y a pas répondu, sans qu'il soit précisé si la fin de non-recevoir tirée de la prescription avait été soulevée.

En tout état de cause, aux termes de l'article 123 du code de procédure civile, les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt.

Il s'ensuit que les fins de non-recevoir peuvent être formulées pour la première fois en cause d'appel sans encourir l'irrecevabilité prévue à l'article 564 du code de procédure civile, ainsi que l'a d'ailleurs jugé la Cour de cassation (2e Civ., 1er décembre 2016, pourvoi n° 15-24.143).

En conséquence, M. [D] [U] peut solliciter l'irrecevabilité des demandes de Mme [K] pour cause de prescription devant la cour sans encourir l'irrecevabilité de sa prétention prévue à l'article 564 du code de procédure civile.

L'article 2224 du code civil dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

En l'espèce, Mme [K] se prévaut d'un prêt d'argent consenti le 12 juillet 2013 à M. [D] [U], d'un montant de 14 860 euros sans terme et sans modalités de remboursement, dont le remboursement a débuté à compter du 28 août 2013 jusqu'au 6 janvier 2015, date du dernier remboursement.

Le point de départ du délai de prescription ne peut être fixé au jour de la remise des fonds dès lors qu'il est justifié que M. [D] [U] a effectué des remboursements chaque mois à compter du 28 août 2013, ces versements constituant par ailleurs une reconnaissance du droit de celle contre laquelle il prescrivait, interruptive de prescription en application de l'article 2240 du code civil.

Le délai de prescription a donc commencé à courir à compter du 7 janvier 2015, date à partir de laquelle le prêt n'était plus remboursé, et à partir de laquelle Mme [K] avait connaissance du défaut de remboursement lui permettant d'agir en justice. Il s'ensuit que Mme [K] disposait d'un délai de prescription expirant le 7 janvier 2020 pour agir à l'encontre de son débiteur.

L'assignation ayant été délivrée le 4 octobre 2019, l'action de Mme [K] n'est pas atteinte par la prescription de sorte que ses demandes seront déclarées recevables et la fin de non-recevoir soulevée par M. [D] [U] sera rejetée.

Sur la demande de remboursement du prêt

Moyens des parties

L'appelant soutient que la juridiction de première instance a, en méconnaissance de la loi, considéré qu'il avait souscrit une reconnaissance de dette ; que d'une part, rien n'empêchait Mme [K] de procéder par voie d'écrit, et d'autre part l'intimée n'a aucunement prouvé une situation matérielle ou morale justifiant l'absence d'écrit ; qu'enfin et surtout, le prêt qui n'est pas consenti par un établissement de crédit est un contrat réel qui, pour exister, suppose un consentement, et la remise d'une chose ; qu'il ne conteste nullement que les fonds ont transité sur son compte en raison de la relation amoureuse qu'il entretenait avec la demanderesse ; qu'il n'a toutefois jamais consenti une reconnaissance de dette ; que surtout, Mme [K] ne justifie pas du règlement des échéances du prêt et encore moins de l'affectation de l'argent prêté par l'organisme bancaire ; qu'elle n'a pas déféré à la sommation de justifier de l'affectation des fonds, et il en sera tiré les conséquences de droit en cause d'appel ; que la reconnaissance de dette litigieuse n'a aucune cause et est donc inexistante ; que l'intimée est la seule contractante du prêt et sa demande ne repose que sur de simples allégations ; que la production de relevés bancaires mentionnant des virements de sa part ne valent absolument pas preuve de reconnaissance de dette, et d'un commencement d'exécution ; que les virements effectués sur le compte de Mme [K] portent non seulement sur des sommes différentes mais également avaient pour seule vocation de contribuer aux charges d'un couple également parent d'un enfant ; que l'intimée n'a produit que des relevés bancaires sur lesquels ne figurent pas la cause des paiements effectués ; que Mme [K] argue du fait qu'elle était sous son emprise pour ne pas avoir faire de reconnaissance, or les faits dont cette dernière fait état sont bien plus récents que le prêt ; qu'il sera pris acte que les décisions produites du 29 octobre 2015, et du 8 novembre 2018 par l'intimée porte sur des faits postérieures à la séparation ; qu'il y a donc lieu de débouter Mme [K] de sa demande en paiement.

Mme [K] réplique qu'elle étant dans une situation qui ne lui permettait pas d'obtenir d'écrit de la part de M. [D] [U] pour le prêt consenti à celui-ci ; que les parties ont vécu en couple, ce qui rendait difficile l'exigence d'un écrit ; qu'elle a été sous l'emprise de son compagnon, lequel l'a harcelée et menacée de mort, ainsi qu'il est établi par les décisions pénales rendues à l'encontre de M. [D] [U] ; que si ces faits pénalement sanctionnés ont été postérieurs à la séparation du couple, ils confirment les violences psychologiques subies par elle du temps de la vie

commune qu'elle ne parvenait pas à dénoncer tant l'emprise de M. [D] [U] était prégnante ; que les dispositions de l'article 1361 du code civil prévoient qu'il puisse être suppléé à l'écrit par un commencement de preuve par écrit corroboré par un autre moyen de preuve ; que M. [D] [U] a été destinataire d'une somme de 14 860 € versé par elle sur son compte personnel ainsi qu'il le reconnaît ; qu'elle justifie que M. [D] [U] a commencé à assurer le remboursement de la somme versée sur son compte par des versements correspondant au montant de la mensualité supportée par elle augmentée des frais bancaires ; qu'elle établit donc qu'il s'agissait d'un prêt au bénéfice de M. [D] [U] qu'il a régulièrement remboursé, avant de cesser les remboursements ; qu'elle est donc fondée à solliciter sa condamnation au paiement du solde des sommes dues ; qu'il est totalement incongru de lui reprocher de ne pas justifier l'affectation du montant du prêt, dès lors qu'elle justifie que c'est précisément M. [D] [U] qui en a été le seul bénéficiaire ; qu'une fois la somme de 14 860 € virée sur le compte de M. [D] [U], celui-ci ne lui a fait des virements que pour rembourser le prêt dont il a seul bénéficié ; qu'il est donc totalement faux de prétendre que les versements opérés sur ce compte par M. [D] [U] correspondraient à une contribution aux charges de la vie du couple ; qu'en réalité, M. [D] [U] ne pouvait obtenir de prêt à son nom et a fait pression sur elle pour qu'elle en souscrive un à son nom et lui reverse ladite somme, en refusant d'établir une reconnaissance de dette et en la manipulant grâce à la relation « amoureuse » entretenue ; que M. [D] [U] sera bien en peine de prouver que la somme de 14 860 € ne lui aurait pas bénéficié à lui seul puisqu'elle a été versée sur un compte qui lui était personnel ; que le compte litigieux n'avait été ouvert que pour gérer le prêt bancaire souscrit pour le compte de M. [D] [U] et elle a sollicité la clôture dudit compte dès le 9 juillet 2015 ; qu'il sera donc fait droit à sa demande principale en paiement ; qu'en revanche, le jugement rectifié du 22 juin 2021 l'a déboutée de sa demande de paiement de la somme de 1 640 € formulée au titre des frais bancaires considérant qu'ils n'apparaissent pas directement consécutifs, ni en lien direct avec le non-remboursement intégral du prêt consenti au défendeur ; que cependant, le compte ouvert par elle au sein de la Banque Populaire n'a eu d'autre utilité que celle liée au prêt consenti à M. [D] [U] ; qu'en conséquence, les frais bancaires (frais d'intervention, agios et de tenue de compte) générés par ce compte, et in fine supportés par elle n'ont existé qu'en raison du prêt qu'elle a souscrit et dont il a été établi que le seul bénéficiaire a été M. [D] [U] qui devra donc les supporter par application combinée des dispositions des articles 1353, 1359, 1360 et 1363 du code civil.

Réponse de la cour

Aux termes de l'article 2 du code civil, la loi ne dispose que pour l'avenir et n'a point d'effet rétroactif. Il s'ensuit que les effets des contrats en cours demeurent déterminés par la loi en vigueur au moment où ils ont été formés.

S'agissant de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, il convient de relever que son article 9 prévoit que les dispositions de cette

ordonnance sont entrées en vigueur le 1er octobre 2016 et que les contrats conclus avant cette date demeurent soumis à la loi ancienne.

En l'espèce, le contrat de prêt allégué datant du 12 juillet 2013, il ne peut être fait application que des dispositions du code civil dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. Le jugement est donc erroné en ce qu'il a fait application des articles 1359 et 1360 du code civil résultant de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 non applicables à un contrat conclu antérieurement à son entrée en vigueur.

L'article 1341 du code civil dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable au litige, dispose qu'il doit être passé acte devant notaires ou sous signatures privées de toutes choses excédant la somme de 1 500 euros, et il n'est reçu aucune preuve par témoins contre et outre le contenu aux actes, ni sur ce qui serait allégué avoir été dit avant, lors ou depuis les actes, encore qu'il s'agisse d'une somme ou valeur moindre.

L'article 1348 du code civil dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, prévoit que cette règle reçoit exception lorsque l'une des parties n'a pas eu la possibilité matérielle ou morale de se procurer une preuve littérale de l'acte juridique.

En l'espèce, le prêt allégué étant d'un montant supérieur à 1 500 euros, il est soumis à l'exigence d'une preuve littérale de l'acte. Mme [K] ne produit aucun contrat de prêt écrit et se prévaut de l'impossibilité morale de s'en procurer un au regard des relations des parties.

Elle allègue l'existence d'un prêt consenti le 12 juillet 2013 à M. [D] [U] alors qu'ils entretenaient une relation sentimentale, ce qui est admis par l'appelant. Dans le cadre de cette relation, il est établi que Mme [K] a souscrit un crédit à la consommation d'un montant de 14 860 euros auprès de la société Natixis France, dont les fonds lui ont été remis le 9 juillet 2013, avant qu'elle ne les transfère sur le compte bancaire de M. [D] [U] le 12 juillet 2013. Il est établi que Mme [K] a souscrit ce prêt dans l'intérêt personnel de M. [D] [U] qui ne s'explique pas sur la destination des fonds, et à la demande de celui-ci. L'endettement de Mme [K] dans l'intérêt personnel de son compagnon, et au détriment de ses propres intérêts, démontre l'existence d'une influence prédominante de celui-ci quant aux actes qu'elle pouvait réaliser. Si les infractions pour lesquelles M. [D] [U] a été pénalement condamné (appels téléphoniques malveillants, menaces de mort, harcèlement, injure au préjudice de Mme [K]) sont postérieurs à la conclusion du contrat de prêt, elles témoignent du fait que Mme [K] pouvait disposer d'une crainte légitime à l'égard de M. [D] [U] du temps de la vie commune.

Pour ces raisons, il est donc établi, ainsi que le tribunal l'a retenu, que Mme [K] était dans l'impossibilité morale de se procurer un écrit au titre du contrat de prêt allégué au profit de M. [D] [U].

La preuve de la remise de fonds à une personne ne suffit pas à justifier l'obligation pour celle-ci de les restituer (1re Civ., 8 avril 2010, pourvoi n° 09-10.977, Bull. 2010, I, n° 89). Il ne peut incomber à celui qui a reçu les fonds la preuve que ceux-ci ne procédaient pas d'une intention libérale de son auteur.

En outre, l'application de l'article 1348 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ne dispense pas celui qui en bénéficie de rapporter la preuve de l'obligation qu'il invoque, conformément à l'article 1315 du code civil, devenu l'article 1353 du code civil, ainsi que l'a jugé la Cour de cassation (1re Civ., 19 octobre 2016, pourvoi n° 15-27.387).

Mme [K] produit les relevés de compte bancaire ouvert à la Banque populaire à son nom, sur lequel figure la remise des fonds par son prêteur le 9 juillet 2013, soit la somme de 14 860 euros, qu'elle a intégralement reversée à M. [D] [U] le 12 juillet 2013.

Il apparaît que ce compte a été spécifiquement ouvert et affecté au prêt souscrit par Mme [K] et à son remboursement. Ainsi, le premier relevé de compte est en date du 5 août 2013, et il apparaît un solde nul au 29 juin 2013 soit quelques jours avant le versement du capital prêté par le banquier. Seuls apparaissent sur les relevés de compte bancaire les prélèvements opérés par le banquier au titre des mensualités du prêt, et les virements réalisés par M. [D] [U], outre les frais prélevés par l'établissement bancaire teneur du compte. En outre, alors que les mensualités du prêt souscrit par Mme [K] s'élevaient à la somme de 293,21 euros, M. [D] a procédé à des dépôts sur le compte bancaire ouvert à la Banque populaire d'un montant entre 295 et 320 euros chaque mois, à l'exception de quelques sommes d'un montant supérieur lorsque le compte était en position débitrice et qu'une mensualité n'avait pas été réglée. Les versements réguliers de M. [D] [U] couvraient donc la mensualité du prêt souscrit par Mme [K] qui n'alimentait elle-même pas le compte ouvert auprès de la Banque populaire sauf à compter de la fin de l'année 2014 lorsque M. [D] [U] était moins régulier dans ses versements. Il convient en outre de constater que la Banque populaire prélevait régulièrement des frais sur le compte ouvert par Mme [K] de sorte que si les sommes versées par M. [D] [U] au crédit du compte étaient strictement identiques au montant de la mensualité du prêt due à la société Natixis France, le compte aurait été en permanence en position débitrice et aurait fini par être clôturé par la Banque populaire.

Si M. [D] [U] soutient que les versements effectués correspondaient à sa contribution aux charges du couple, il n'en justifie pas outre le fait que cette version est contredite par le fait que Mme [K] avait ouvert un compte dédié au remboursement du prêt Natixis sur lequel l'essentiel des sommes créditées résultait des versements de M. [D] [U], de sorte que celles-ci n'étaient nullement destinées à couvrir les besoins de la vie courante, mais à régler le prêt souscrit par Mme [K].

Il résulte de ces éléments que Mme [K] rapporte la preuve que la remise de la somme de 14 860 euros à M. [D] [U] était assortie de l'obligation pour celui-ci de procéder à son remboursement, obligation qu'il a d'ailleurs exécutée partiellement jusqu'au 6 janvier 2015. L'existence d'un

prêt de 14 860 euros consenti par Mme [K] à M. [D] [U] est donc établie, les parties ayant convenu du remboursement de la somme à hauteur des mensualités du prêt souscrit par Mme [K].

M. [D] [U] ayant cessé de procéder au remboursement régulier du prêt consenti par Mme [K], à compter du 7 janvier 2015, et ne justifiant pas s'être acquitté du solde dû depuis cette date, il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il l'a condamné à payer à Mme [K] la somme de 10 460 euros au titre du solde dû, avec intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 2019 et capitalisation des intérêts.

S'agissant des frais bancaires sollicités par Mme [K], il convient de constater qu'aux termes de ses conclusions récapitulatives, l'intimée demande de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, mais en y ajoutant de condamner M. [D] [U] à lui payer la somme de 1 640 €, alors que le tribunal a rejeté cette demande.

Il résulte des articles 542 et 954 du code de procédure civile que lorsque l'appelant ne demande, dans le dispositif de ses conclusions, ni l'infirmation ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement (2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n° 18-23.626).

En l'espèce, Mme [K] ne sollicitant pas, dans le dispositif de ses conclusions récapitulatives l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande formée au titre des frais bancaires, la cour ne peut que confirmer le jugement sur ce point.

Sur les frais de procédure

Le jugement sera confirmé en ses chefs statuant sur les dépens et les frais irrépétibles.

M. [D] [U] sera condamné aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à Mme [K] une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;

Y AJOUTANT :

DÉCLARE IRRECEVABLE l'exception de nullité de l'assignation soulevée par M. [D] [U] devant le tribunal ;

CONDAMNE M. [D] [U] à payer à Mme [K] la somme complémentaire de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [D] [U] aux entiers dépens d'appel.

Arrêt signé par Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de Chambre et Mme Karine DUPONT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/01628
Date de la décision : 11/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 17/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-11;21.01628 ?
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