La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/05/2024 | FRANCE | N°24/01188

France | France, Cour d'appel d'Orléans, Chambre des rétentions, 30 mai 2024, 24/01188


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

Rétention Administrative

des Ressortissants Étrangers



ORDONNANCE du 30 MAI 2024

Minute N°

N° RG 24/01188 - N° Portalis DBVN-V-B7I-G7W5

(1 pages)







Décision déférée : Juge des libertés et de la détention d'Orléans en date du 28 mai 2024 à 12h00





Nous, Lionel Da Costa Roma, conseiller à la cour d'appel d'Orléans, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Hermin

e Bildstein, greffier stagiaire en pré-affectation sur poste, aux débats et au prononcé de l'ordonnance,





APPELANT :

M. [O] [L]

né le 27 Mai 1974 à [Localité 2]...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

Rétention Administrative

des Ressortissants Étrangers

ORDONNANCE du 30 MAI 2024

Minute N°

N° RG 24/01188 - N° Portalis DBVN-V-B7I-G7W5

(1 pages)

Décision déférée : Juge des libertés et de la détention d'Orléans en date du 28 mai 2024 à 12h00

Nous, Lionel Da Costa Roma, conseiller à la cour d'appel d'Orléans, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Hermine Bildstein, greffier stagiaire en pré-affectation sur poste, aux débats et au prononcé de l'ordonnance,

APPELANT :

M. [O] [L]

né le 27 Mai 1974 à [Localité 2] (Algérie), de nationalité algérienne,

actuellement en rétention administrative dans des locaux ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire du centre de rétention administrative d'[Localité 3],

comparant par visioconférence, assisté de Me Hélène Chollet, avocat au barreau d'Orléans,

INTIMÉ :

LA PRÉFECTURE DU BAS-RHIN

représentée par Me Roxane Grizon du cabinet Actis Avocats, avocat au barreau de Val-de-Marne ;

MINISTÈRE PUBLIC : avisé de la date et de l'heure de l'audience ;

À notre audience publique tenue en visioconférence au Palais de Justice d'Orléans, conformément à l'article L. 743-8 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), le 30 mai 2024 à 14 heures ;

Statuant en application des articles L. 743-21 à L. 743-23 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), et des articles R. 743-10 à R. 743-20 du même code ;

Vu l'ordonnance rendue le 28 mai 2024 à 12h00 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire d'Orléans ordonnant la jonction des procédures de demande de prolongation par la préfecture et de recours contre l'arrêté de placement en rétention administrative par le retenu, rejetant les moyens de nullité soulevés, rejetant le recours formé contre l'arrêté de placement en rétention administrative, et ordonnant la prolongation du maintien de M. [O] [L] dans les locaux non pénitentiaires pour une durée de vingt huit jours à compter du 28 mai 2024 à 10h20 ;

Vu l'appel de ladite ordonnance interjeté le 29 mai 2024 à 01h17 par Me Hélène Chollet pour le compte de M. [O] [L] ;

Après avoir entendu :

- Me Hélène Chollet, en sa plaidoirie,

- Me Roxane Grizon, en sa plaidoirie,

- M. [O] [L], en ses observations, ayant eu la parole en dernier ;

AVONS RENDU ce jour, publiquement et contradictoirement, l'ordonnance suivante :

Il résulte de l'article 66 de la Constitution et de l'article L. 743-9 du CESEDA que le juge des libertés doit s'assurer que l'étranger est pleinement informé de ses droits et placé en état de les faire valoir lorsqu'il se trouve placé en rétention administrative.

Aux termes de l'article L. 743-12 du CESEDA, en cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, toute juridiction, y compris la Cour de cassation, qui est saisie d'une demande d'annulation ou qui relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la main levée de la mesure de placement en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l'étranger.

Selon l'article L. 741-3 du CESEDA , « un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps nécessaire à son départ, l'administration étant tenue d'exercer toutes diligences à cet effet, dès le placement en rétention »,

Il convient de considérer que c'est par une analyse circonstanciée et des motifs particulièrement pertinents qu'il y a lieu d'adopter que le premier juge a statué sur l'ensemble des moyens de nullité et de fond soulevés devant lui et repris devant la cour, étant observé, au vu des termes de la déclaration d'appel du retenu du 29 mai 2024 et des moyens repris lors des débats de ce jour :

1. Sur les moyens de nullité

1.1 Sur l'irrégularité de la procédure ayant précédé immédiatement le placement

Sur la consultation du Fichier Automatisé des Empreintes Digitales (FAED), L'article 8 du décret n°87-249 en date du 8 avril 1987 relatif au FAED dispose que :

Les fonctionnaires et militaires individuellement désignés et habilités des services d'identité judiciaire de la police nationale, du service central de renseignement criminel de la gendarmerie nationale ainsi que des unités de recherches de la gendarmerie nationale peuvent seuls avoir accès aux données à caractère personnel et aux informations contenues dans le traitement :

1° Pour procéder aux opérations d'identification à la demande de l'autorité judiciaire, des officiers de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale, ou des agents des douanes habilités à effectuer des enquêtes judiciaires en vertu des dispositions de l'article 28-1 du code de procédure pénale ;

2° Pour procéder aux opérations d'identification à la demande de l'autorité judiciaire, des fonctionnaires de la police ou des militaires de la gendarmerie dans le cadre des recherches aux fins d'identification des personnes décédées prévues aux articles L. 2223-42 du code général des collectivités territoriales et 87 du code civil et du décret n° 2012-125 du 30 janvier 2012 relatif à la procédure extrajudiciaire d'identification des personnes décédées ;

3° Pour procéder aux opérations d'identification à la demande des officiers de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale en vertu des dispositions des articles L. 611-1-1, L. 611-3 et L. 611-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

4° Pour procéder aux opérations d'identification à la demande des officiers de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale en vertu des dispositions de l'article 78-3 du code de procédure pénale.

Le fichier FAED est également utilisé pour vérifier l'identité des personnes retenues en application de l'article 78-3 du code de procédure pénale ou dans les conditions de l'article L. 142-2 du CESEDA. Il permet d'identifier les personnes par comparaison biométrique des traces et empreintes relevées sur les lieux de commission d'infractions et de s'assurer de la véritable identité des personnes mises en cause dans une procédure pénale ou condamnées à une peine privative de liberté. L'enregistrement de traces d'empreintes digitales ou palmaires donne lieu à l'établissement d'une fiche alphabétique qui comporte notamment l'identification de la personne, la nature de l'affaire et la référence de la procédure, l'origine de l'information et les clichés anthropométriques dans le cas d'empreintes.

La CEDH juge que la conservation, dans un fichier des autorités nationales, des empreintes digitales d'un individu identifié ou identifiable constitue une ingérence dans le droit au respect de la vie privée (M. K. c. France du 18 avril 2013) et impose à la législation interne de ménager des garanties appropriées pour empêcher toute utilisation de données à caractère personnel qui ne serait pas conforme aux garanties prévues par l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Au regard de l'ingérence dans le droit au respect de la vie privée que constituent, au sens de cet article 8, la conservation dans un fichier automatisé des empreintes digitales d'un individu identifié ou identifiable et la consultation de ces données, l'habilitation des agents à les consulter est une garantie institutionnelle édictée pour la protection des libertés individuelles.

Par conséquent, s'il ne résulte pas des pièces du dossier que l'agent ayant consulté les fichiers d'empreinte était expressément habilité à cet effet, la procédure se trouve entachée d'une nullité d'ordre public, sans que l'étranger qui l'invoque ait à démontrer l'existence d'un grief (1ère Civ. 14 octobre 2020, pourvoi n° 19-19.234).

Enfin, il ressort des dispositions de l'article 15-5 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 que « seuls les personnels spécialement et individuellement habilités à cet effet peuvent procéder à la consultation de traitements au cours d'une enquête ou d'une instruction.

La réalité de cette habilitation spéciale et individuelle peut être contrôlée à tout moment par un magistrat, à son initiative ou à la demande d'une personne intéressée. L'absence de la mention de cette habilitation sur les différentes pièces de procédure résultant de la consultation de ces traitements n'emporte pas, par elle-même, nullité de la procédure ».

En conséquence, il appartient à la juridiction, saisie d'un moyen en ce sens d'en vérifier la réalité pour s'assurer de la capacité de l'agent concerné à accéder audit traitement, en ordonnant, le cas échéant, un supplément d'information.

En l'espèce, il résulte des pièces de la procédure que M. [O] [L] a fait l'objet d'une signalisation au FAED le 25 mai 2024, pour des faits de maintien irrégulier sur le territoire français après placement en rétention ou assignation à résidence d'un étranger ayant fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire.

Cette signalisation a été réalisée par M. [H], qui a clairement été identifié par le système, sous le numéro de personne suivant : [Numéro identifiant 1]. Il s'en déduit que cet agent disposait nécessairement d'une habilitation spéciale et individuelle pour procéder à un tel acte.

En outre, il n'est pas établi que le brigadier-chef [W] [B] ait procédé lui-même à la consultation du fichier, ce qui ressort de la rédaction du procès-verbal du 25 mai 2024 intitulé « objet : résultat FAED » dans lequel il déclare simplement annexer le résultat positif du fichier FAED concernant M. [O] [L].

Il s'en déduit que la signalisation au FAED a été réalisé par une personne spécialement et individuellement habilitée, qui a ensuite communiqué le résultat aux services enquêteurs. Aucune irrégularité n'est caractérisée et le moyen doit être écarté.

1.2 Sur l'exercice des droits en rétention

Le conseil de M. [O] [L] a soulevé l'absence de visite médicale d'admission pour le retenu dans le cadre des 48 premières heures de son placement en rétention, ce qui contrevient à l'instruction du Gouvernement du 11 février 2022 relative aux centres de rétention administrative -organisation de la prise en charge sanitaire des personnes retenues.

L'article L. 312 -2 du code des relations entre le public et l'administration prévoit que « font l'objet d'une publication les instructions, les circulaires ainsi que les notes et réponses ministérielles qui comportent une interprétation du droit positif ou une description des procédures administratives. Les instructions et circulaires sont réputées abrogées si elles n'ont pas été publiées, dans des conditions et selon des modalités fixées par décret ».

Selon les dispositions de l'article L. 312-3 du même code : « toute personne peut se prévaloir des documents administratifs mentionnés au premier alinéa de l'article L. 312-2, émanant des administrations centrales et déconcentrées de l'Etat et publiés sur des sites internet désignés par décret.

Toute personne peut se prévaloir de l'interprétation d'une règle, même erronée, opérée par ces documents pour son application à une situation qui n'affecte pas des tiers, tant que cette interprétation n'a pas été modifiée.

Les dispositions du présent article ne peuvent pas faire obstacle à l'application des dispositions législatives ou réglementaires préservant directement la santé publique, la sécurité des personnes et des biens ou l'environnement ».

Il résulte de ces dispositions que l'instruction du Gouvernement du 11 février 2022 relative aux centres de rétention administrative sur l'organisation et la prise en charge sanitaire des personnes retenues peut effectivement être soulevée par le justiciable si ce dernier estime que sa prise en charge médicale n'est pas assurée au sein du centre de rétention administrative.

Ainsi, selon les règles établies par la fiche n° 2, I.2 de l'instruction précitée, un rendez-vous doit systématiquement être proposé par l'Unité Médicale du Centre de Rétention Administrative (UMCRA) dès l'arrivée de la personne en rétention, ce dernier devant consister en un entretien conduit par un infirmier diplômé d'Etat (IDE) et éventuellement complété par une consultation médicale.

En l'espèce, M. [O] [L] a été admis dans un premier temps au Local de Rétention Administrative de [Localité 5] le 26 mai 2024 à 12h. Dès son arrivée au LRA, il s'est vu notifier ses droits en rétention, parmi lesquels figure le droit de bénéficier de l'assistance d'un conseil et d'un médecin.

Ces mêmes droits ont été à nouveau notifiés lors de son arrivée au centre de rétention administrative d'[Localité 3] le 27 mai 2024 à 15h35, et l'intéressé savait qu'il pouvait bénéficier d'une visite médicale dès le début de son maintien en rétention.

En parallèle, si les registres établis respectivement au CRA d'[Localité 3] et au LRA de [Localité 5] ne font état d'aucune visite médicale d'admission, cela ne contrevient pas aux exigences de l'instruction du gouvernement du 11 février 2022 qui impose seulement que cette dernière soit proposée au retenu.

En ce sens l'intéressé, pourtant régulièrement informé de ses droits, n'établit pas avoir sollicité cette visite ni être dans l'impossibilité de bénéficier des services de l'UMCRA et des soins appropriés dans le cadre de son maintien en rétention. Le moyen est donc rejeté.

1.3 Sur l'accès à une aide juridique et administrative

Sur l'absence de personne morale conventionnée en local de rétention, le conseil de M. [O] [L] soutient que l'intéressé n'a pu rencontrer l'association France Terre d'Asile lors de son maintien au LRA de [Localité 5], puisque cette dernière n'intervient qu'au Centre de Rétention Administrative d'[Localité 3].

Aux termes de l'article R. 744-21 du CESEDA, applicable aux locaux de rétention administrative : « pour permettre l'exercice effectif de leurs droits, les étrangers maintenus dans un local de rétention peuvent bénéficier du concours d'une personne morale, à leur demande ou à l'initiative de celle-ci, dans des conditions définies par convention conclue par le préfet ou, à [Localité 4], par le préfet de police.

Dans chaque local de rétention, ce concours est assuré par une seule personne morale ».

S'agissant de la notification des droits en rétention, l'intéressé doit être informé, conformément aux dispositions de l'article L. 744-4 du CESEDA, dans une langue qu'il comprend et dans les meilleurs délais, qu'il bénéficie, dans le lieu de rétention, du droit de demander l'assistance d'un interprète, d'un conseil et d'un médecin, et qu'il peut communiquer avec son consulat et toute personne de son choix. En outre, à son arrivée au lieu de rétention, un procès-verbal de notification des droits en rétention est établi et signé par le retenu qui en reçoit un exemplaire, par le fonctionnaire qui en est l'auteur, et par l'interprète le cas échéant, conformément aux dispositions de l'article R. 744-16 du CESEDA.

Enfin, la directive 2008/11/CE du parlement européen et du conseil du 16 décembre 2008 prévoit en son article 16 § 5 que « les ressortissants de pays tiers se voient communiquer systématiquement des informations expliquant le règlement des lieux et énonçant leurs droits et leurs devoirs. Ces informations portent notamment sur leur droit, conformément au droit national, de contacter les organisations et instances visées au paragraphe 4 ».

En l'espèce, M. [O] [L] a été informé de ses droits dès la notification de son placement au LRA de [Localité 5], le 26 mai 2024 à 10h30. L'acte de notification fournit les coordonnées de France Terre d'Asile à [Localité 4], de Forum Réfugiés Cosi à [Localité 6], de Médecins sans frontières à [Localité 4], et du Défenseur des Droits à [Localité 4], ce qui conduit à considérer que l'intéressé a bénéficié d'informations précises et effectives sur des associations pouvant lui venir en aide.

La cour relève également que l'article R. 744-21 du CESEDA n'impose pas l'intervention physique d'une association puisqu'il est indiqué que « les étrangers maintenus dans un local de rétention peuvent bénéficier du concours d'une personne morale ». En tout état de cause, il n'appartient pas au juge judiciaire d'enjoindre à une administration de modifier ses modalités d'organisation et de prise en charge.

Ainsi, M. [O] [L] avait la possibilité de contacter une association dont les coordonnées lui avaient été renseignées lors de la notification de son placement en rétention et il a pu, 7 minutes après son arrivée au centre de rétention administrative d'[Localité 3] le 27 mai 2024 à 15h35, recevoir un procès-verbal de notification de ses droits en rétention mentionnant la présence physique sur place de l'association France Terre d'Asile.

Enfin, l'intéressé n'allègue pas avoir été privé de son droit de contacter une association ni avoir tenté sans succès de joindre l'une d'elle grâce aux coordonnées lui ayant été fournies, et il sera constaté qu'il a pu prendre attache avec France Terre d'Asile lors de sa rétention au centre d'[Localité 3], pour transmettre ensuite une requête en contestation de l'arrêté de placement du 26 mai 2024.

Il sera donc déduit, au regard de ces éléments, qu'il n'existe pas d'atteinte démontrée à ses droits. Le moyen est rejeté.

1.4 Sur l'absence d'un arrêté de maintien en rétention ou l'erreur de date

Le conseil de M. [O] [L] soutient que l'avis transmis par la préfecture du Bas-Rhin au procureur de la république, dans le cadre du transfert de l'intéressé du LRA de [Localité 5] au CRA d'[Localité 3], est incomplet ou erroné.

Selon les dispositions de l'article L. 741-8 du CESEDA : « le procureur de la République est informé immédiatement de tout placement en rétention ».

Selon les dispositions de l'article L. 744-17 du CESEDA : « En cas de nécessité, l'autorité administrative peut, pendant toute la durée de la rétention, décider de déplacer un étranger d'un lieu de rétention vers un autre, sous réserve d'en informer les procureurs de la république compétents du lieu de départ et d'arrivée, ainsi que, après la première ordonnance de prolongation, les juges des libertés et de la détention compétents ».

Il est de jurisprudence constante que le défaut d'information du procureur de la république quant au placement en rétention de l'étranger entache la procédure d'une nullité d'ordre public, sans qu'il soit nécessaire de démontrer l'existence d'une atteinte portée à ses droits, et il en est de même pour le retard de cette information.

L'avis fait au parquet peut toutefois être antérieur au placement, et aucun formalisme n'est exigé dans cette information, pourvu que le magistrat compétent ait été en mesure d'exercer un contrôle effectif sur la procédure.

En l'espèce, la préfecture du Bas Rhin a joint en procédure le courrier informant les parquets de Strasbourg et de Mulhouse du placement en rétention administrative de M. [O] [L], ainsi que la preuve d'envoi de cet avis par courriel du 26 mai 2024 à 10h05, soit 15 minutes avant la notification du placement, le même jour à 10h20.

L'intéressé a ensuite quitté le LRA de [Localité 5] le 27 mai 2024 à 9h pour être transféré au CRA d'[Localité 3] le même jour à 15h35. Les parquets de Mulhouse, de Strasbourg et d'Orléans en ont préalablement été avisés par courriels du 27 mai 2024 à 8h40. L'avis est rédigé en ces termes : « En application de l'article L. 741-8 précité, je vous informe que, le 26 mars 2024, une décision portant placement en rétention au LRA de [Localité 5] avait été prise à l'encontre de M. [L] [O] (') Il est transféré ce jour au centre de rétention administrative d'[Localité 3] ».

Sur ce point, la cour adopte l'analyse du premier juge qui a considéré que la mention du 26 mars 2024 et non du 26 mai 2024 pour la date du placement en rétention est une erreur matérielle n'ayant pas pour effet d'empêcher le parquet d'effectuer son contrôle sur la procédure.

De plus, le parquet ayant pris connaissance d'un transfert de l'intéressé du LRA de [Localité 5] au CRA d'[Localité 3], il ne pouvait raisonnablement penser que la mesure de placement était datée du 26 mars 2024 puisqu'en application de l'article R. 744-9 du CESEDA, aucun étranger ne peut être maintenu dans un LRA après que le juge des libertés et de la détention ait autorisé une première prolongation de rétention. Le moyen est donc rejeté.

2. Sur le fond

Le conseil de M. [O] [L] soulève à l'audience de ce jour une voie de fait, dans la mesure où l'intéressé fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire sans délai prise et notifiée le 20 juillet 2023, alors qu'il est entré en France à l'âge de quatre ans et y réside habituellement depuis.

Or, à la date du 20 juillet 2023, l'article L. 612-3 du CESEDA était rédigé en ces termes, avant de connaitre une modification par la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 :

« Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français :

1° L'étranger mineur de dix-huit ans ;

2° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ;

3° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " étudiant " ;

4° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de vingt ans ;

5° L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ;

6° L'étranger marié depuis au moins trois ans avec un conjoint de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage et que le conjoint ait conservé la nationalité française ;

7° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans et qui est marié depuis au moins trois ans avec un ressortissant étranger relevant du 2°, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessée depuis le mariage ;

8° L'étranger titulaire d'une rente d'accident du travail ou de maladie professionnelle servie par un organisme français et dont le taux d'incapacité permanente est égal ou supérieur à 20 % ;

9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.

Par dérogation au présent article, l'étranger mentionné aux 2° à 8° peut faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français en application de l'article L. 611-1 s'il vit en France en état de polygamie ».

Le tribunal des conflits, dans un arrêt du 17 juin 2013 (n° 3911), a considéré qu'il n'y a voie de fait de la part de l'administration, justifiant, par exception au principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire pour en ordonner la cessation ou la réparation que dans la mesure où l'administration :

- Soit a procédé à l'exécution forcée dans des conditions irrégulières d'une décision, même régulière, portant atteinte à la liberté individuelle ou aboutissant à l'extinction d'un droit de propriété ;

- Soit a pris une décision qui a les mêmes effets d'atteinte à la liberté individuelle ou d'extinction d'un droit de propriété et qui est manifestement insusceptible d'être rattachée à un pouvoir appartenant à l'autorité administrative.

En l'espèce, il convient d'observer que l'intéressé ne produit aucune preuve de son entrée en France à l'âge de quatre ans, ni de sa résidence habituelle sur le territoire français depuis au plus l'âge de treize ans.

Ainsi, même à supposer que la notification d'une obligation de quitter le territoire au mépris des règles de protection contre l'éloignement puisse constituer une voie de fait, M. [O] [L] ne démontre pas entrer dans l'une des situations de l'article L.612-3 du CESEDA, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 janvier 2024.

La cour se conformera ainsi au principe de séparation des autorités administratives et judiciaires et considèrera que les moyens tenant à la vie privée et familiale du retenu sont inopérants en ce qu'ils reviennent à contester la mesure d'éloignement dont il fait l'objet, cette compétence appartenant seule au juge administratif, qui pouvait notamment être saisi d'un recours adressé dans les 48 heures suivant la notification de l'OQTF du 20 juillet 2023. Le moyen est rejeté.

Étant observé qu'en cause d'appel, la requête du préfet tendant à la prolongation motivée tant en droit qu'en fait a été réitérée et en l'absence de toute illégalité susceptible d'affecter les conditions, découlant du droit de l'Union, de la légalité de la rétention et à défaut d'autres moyens présentés en appel, il y a lieu de confirmer l'ordonnance attaquée.

PAR CES MOTIFS,

DÉCLARONS recevable l'appel de M. [O] [L] ;

DÉCLARONS non fondés l'ensemble des moyens et les rejetons ;

CONFIRMONS l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 28 mai 2024 ayant ordonné la prolongation de la rétention administrative pour une durée de 28 jours ;

LAISSONS les dépens à la charge du Trésor ;

ORDONNONS la remise immédiate d'une expédition de la présente ordonnance à La préfecture du Bas-Rhin et son conseil, à M. [O] [L] et son conseil, et au procureur général près la cour d'appel d'Orléans ;

Et la présente ordonnance a été signée par Lionel Da Costa Roma, conseiller, et Hermine Bildstein, greffier présent lors du prononcé.

Fait à Orléans le TRENTE MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE, à heures

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Hermine BILDSTEIN Lionel DA COSTA ROMA

Pour information : l'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien la rétention et au ministère public. Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification. Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.

NOTIFICATIONS, le 30 mai 2024 :

La préfecture du Bas-Rhin, par courriel

Monsieur le procureur général près la cour d'appel d'Orléans, par courriel

M. [O] [L] , copie remise par transmission au greffe du CRA

Me Hélène Chollet, avocat au barreau d'Orléans, copie remise en main propre contre récépissé

Me Roxane Grizon, avocat au barreau de Val-de-Marne, copie remise en main propre contre récépissé

L'avocat de la préfecture L'avocat de l'intéressé


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : Chambre des rétentions
Numéro d'arrêt : 24/01188
Date de la décision : 30/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 05/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-30;24.01188 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award