COUR D'APPEL D'ORLÉANS
CHAMBRE DES AFFAIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE
GROSSE à :
Me Laurent CARRIÉ
URSSAF CENTRE VAL DE LOIRE
EXPÉDITION à :
SAS [5]
Pôle social du Tribunal judiciaire de TOURS
ARRÊT du : 28 MAI 2024
Minute n°210/2024
N° RG 22/01746 - N° Portalis DBVN-V-B7G-GTXJ
Décision de première instance : Pôle social du Tribunal judiciaire de TOURS en date du 27 Juin 2022
ENTRE
APPELANTE :
SAS [5]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Laurent CARRIÉ, avocat au barreau de PARIS
D'UNE PART,
ET
INTIMÉE :
URSSAF CENTRE VAL DE LOIRE
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par M. [P] [W], en vertu d'un pouvoir spécial
D'AUTRE PART,
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats :
L'affaire a été débattue le 26 MARS 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant la Cour composée, en double rapporteur, de Madame Nathalie LAUER, Président de chambre et Monsieur Xavier AUGIRON, Conseiller.
Lors du délibéré :
Madame Nathalie LAUER, Président de chambre,
Madame Brigitte RAYNAUD, Président de chambre,
Monsieur Xavier AUGIRON, Conseiller.
Greffier :
Monsieur Alexis DOUET, Greffier lors des débats et Madame Emmanuelle PRADEL, Greffier lors du prononcé de l'arrêt.
DÉBATS :
A l'audience publique le 26 MARS 2024.
ARRÊT :
- Contradictoire, en dernier ressort.
- Prononcé le 28 MAI 2024 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Madame Nathalie LAUER, Président de chambre, et Madame Emmanuelle PRADEL, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
La SAS [5] a fait l'objet d'un contrôle de la part de l'URSSAF Centre Val de Loire au titre de la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2018.
Ce contrôle a donné lieu à une lettre d'observations du 26 août 2019 suivie, après réponse du 6 décembre 2019 à observations de l'employeur, d'une mise en demeure du 17 décembre 2019, pour un redressement d'un montant total de 100 396 euros, outre 8 294 euros de majorations de retard.
Par courrier recommandé réceptionné le 24 janvier 2020, la SAS [5] a saisi la commission de recours amiable de l'URSSAF en contestation des chefs de redressement relatifs à :
- forfait social et participation patronale aux régimes de prévoyance : assiette non déclarée en 2018 : chef de redressement n° 1,
- plafond temps partiel : abattement d'assiette plafonnée appliqué à tort : chef de redressement n° 2,
- régularisation annuelle : principes et exclusions : abattement d'assiette plafonnée appliqué à tort : chef de redressement n° 3,
- réduction du taux de la cotisation AF sur les bas salaires : chef de redressement n° 5,
- indemnité compensatrice de congés payés : contrat à durée déterminée : chef de redressement n° 6,
- prise en charge de dépenses personnelles du salarié : remboursements d'achat de matériel informatique de téléphonie et autres dépenses : chef de redressement n°10,
- frais professionnels non justifiés - indemnité de repas versée hors situation de déplacement : chef de redressement n° 11,
- frais professionnels - limites d'exonération : utilisation du véhicule personnel (indemnités kilométriques) : chef de redressement n° 13,
- assiette minimum des cotisations : distorsion entre la rémunération perçue et l'activité réelle du salarié porté : chef de redressement n° 17.
La SAS [5] a saisi également la commission de recours amiable de l'URSSAF en contestation de la décision administrative du 11 décembre 2019 de confirmation d'observations sans redressement, suite à des observations pour l'avenir de l'inspecteur de l'URSSAF relatives à :
- l'assurance chômage et l'assurance garantie des salaires : assujettissement : chef de contrôle n° 4
- l'assiette minimum : accord de mensualisation : chef de redressement, chef de contrôle n°7
- frais professionnels non justifiés : grand déplacement : chef de contrôle n° 12,
- frais professionnels non justifiés - indemnités kilométriques (Trajet domicile / lieu de travail) : chef de contrôle n° 14.
Suivant deux décisions du 26 juin 2020, réceptionnées le 9 juillet 2020, la commission de recours amiable a rejeté l'ensemble des contestations opposées par la SAS [5] et rejeté ses recours.
Par deux requêtes du 2 septembre 2020, la SAS [5] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Tours en contestation de ces deux décisions.
Par jugement du 27 juin 2022, le Pôle social du tribunal judiciaire de Tours a :
- ordonné la jonction des instances n° 20/261 et 20/263 sous le n° 20/261,
- déclaré régulier le contrôle comptable d'assiette des cotisations sociales effectué par l'URSSAF Centre Val de Loire à l'égard de la SAS [5],
- constaté que l'URSSAF Centre Val de Loire a renoncé au chef de redressement n° 11 'Frais professionnels non justifiés - indemnité de repas versées hors situation de déplacement',
- constaté que l'URSSAF Centre Val de Loire a minoré les chefs de redressement n° 10 et n° 13 (abandon de la reconstitution en brut),
- validé la mise en demeure de l'URSSAF Centre Val de Loire en date du 17 décembre 2019 pour son montant restant dû au 16 mai 2022 de 35 474 euros au titre des cotisations et 8 049 euros au titre des majorations de retard,
- condamné la SAS [5] à payer à l'URSSAF Centre Val de Loire la somme restant due au 16 mai 2022 de 35 474 euros au titre des cotisations et 8 049 euros au titre des majorations de retard,
- confirmé l'observation pour l'avenir de l'URSSAF Centre Val de Loire relative au chef n° 12 'Frais professionnels non justifiés : grands déplacements' à l'application de la tolérance selon laquelle, s'agissant des indemnités de grands déplacements, l'entreprise cliente ne devient le lieu habituel de travail du salarié porté seulement lorsque la mission du salarié porté excède une durée de trois mois, cette durée devant être appréciée de date à date, et à la condition que le salarié porté soit empêché le soir de regagner son domicile,
- annulé l'observation pour l'avenir relative au chef n° 14 'frais professionnels non justifiés - indemnités kilométriques - trajet domicile travail',
- confirmé les autres observations pour l'avenir contestées,
- débouté les parties du surplus de leurs prétentions,
- condamné la SAS [5] aux entiers dépens.
La SAS [5] a relevé appel de ce jugement par déclaration adressée au greffe par lettre recommandée avec accusé de réception le 13 juillet 2023.
La SAS [5] demande à la Cour de :
- déclarer l'appel de la SAS [5] recevable et bien fondé,
- donner acte à l'URSSAF qu'elle a :
' renoncé au chef de redressement n° 11 'Frais professionnels non justifiés - Indemnité de repas versée hors situation de déplacement',
' minoré le chef de redressement n° 10 de 12 703 euros à 10 014,37 euros,
' minoré le chef de redressement n° 13 de 2 444 euros à 1 947,53 euros,
- donner acte à [5] qu'elle renonce à contester les chefs de redressement suivants :
' chef de redressement n° 6 : Indemnité compensatrice de congés payés : contrat à durée déterminée,
' chef de redressement n° 13 : Frais professionnels - limites d'exonération : utilisation du véhicule personnel (indemnités kilométriques),
- donner acte à [5] que, sous réserve de sa contestation des chefs de redressement, elle a réglé dans le cadre d'un échéancier à la date du 11 avril 2023, la somme de 86 428 euros en principal et intérêts (sauf à parfaire au jour de l'audience) au titre de la mise en demeure n° 61208511 du 17 décembre 2019, d'un montant de 108 690 euros en principal,
- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Tours le 27 juin 2022 en ce qu'il a :
' validé la mise en demeure de l'URSSAF Centre Val de Loire en date du 17 décembre 2019 pour son montant restant dû au 16 mai 2022 de 35 474 euros au titre des cotisations et 8 049 euros au titre des majorations de retard,
' condamné la SAS [5] à payer à l'URSSAF Centre Val de Loire la somme restant due au 16 mai 2022 de 35 474 euros au titre des cotisations et 8 049 euros au titre des majorations de retard,
' confirmé les autres observations pour l'avenir contestées,
' débouté les parties du surplus de leurs prétentions,
Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
- annuler le chef de redressement n° 1 de la lettre d'observations,
- annuler le chef de redressement n° 2 de la lettre d'observations,
- annuler le chef de redressement n° 3 de la lettre d'observations,
- annuler le chef de redressement n° 5 de la lettre d'observations,
- annuler l'observation pour l'avenir n° 7 de la lettre d'observations,
- annuler le chef de redressement n° 10 de la lettre d'observations,
- annuler le chef de redressement n° 17 de la lettre d'observations,
- annuler les décisions rendues par la commission de recours amiable en date du 26 juin 2020 en ce qu'elles ont rejeté les demandes de [5],
- annuler la mise en demeure du 17 décembre 2019 à hauteur des chefs de redressement contestés qui représentent un montant total de cotisations de 83 134,37 euros et les majorations de retard qui y sont liées,
- inviter l'URSSAF Centre Val de Loire à procéder à un nouveau calcul des majorations de retard sur les cotisations non contestées restant dues,
- ordonner à l'URSSAF Centre Val de Loire de rembourser à [5] la somme de 83 134,37 euros (sauf à parfaire au jour de l'audience), avec intérêt au taux légal à compter de la date de début des paiements,
- condamner l'URSSAF Centre Val de Loire au paiement de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner l'URSSAF du Centre Val de Loire aux entiers dépens.
L'URSSAF Centre Val de Loire demande à la Cour de :
- déclarer l'appel formé par la SAS [5] recevable mais non fondé,
- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Tours du 27 juin 2022, sauf en ce qu'il annulé le chef de redressement concernant l'observation pour l'avenir relative à 'Frais professionnels non justifiés - indemnités kilométriques (trajet domicile / lieu de travail)',
- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Tours du 27 juin 2022 en ce qu'il annulé le chef de redressement concernant l'observation pour l'avenir relative à 'Frais professionnels non justifiés - indemnités kilométriques (trajet domicile / lieu de travail)',
- débouter la SAS [5] de l'ensemble de ses demandes,
Par conséquent,
- prendre acte que l'URSSAF, par mesure de tolérance, renonce au chef de redressement n° 11 d'un montant de 3 289 euros de cotisations 'Frais professionnels non justifiés - indemnité de repas versée hors situation de déplacement',
- prendre acte que l'URSSAF a minoré les chefs de redressement n° 10 et n° 13 en régularisant ces chefs sur la base de la réintégration des sommes pour leur montant net sans reconstitution en brut,
- confirmer la décision de la commission de recours amiable du 26 juin 2020 pour tous les autres chefs de redressement contestés,
A titre de demande reconventionnelle,
- valider la mise en demeure du 17 décembre 2019 pour son montant ramené à 93 922 euros de cotisations
- prendre acte que l'URSSAF, par mesure de tolérance, limite l'observation pour l'avenir relative au chef de redressement n° 12 'Frais professionnels non justifiés : grand déplacement' à l'application de la tolérance selon laquelle, s'agissant des indemnités de grands déplacements, l'entreprise cliente ne devient le lieu habituel de travail du salarié porté seulement lorsque la mission du salarié porté excède une durée de trois mois, cette durée devant être appréciée de date à date, et à la condition que le salarié porté soit empêché le soir de regagner son domicile,
- confirmer la décision de la commission de recours amiable du 26 juin 2020 pour toutes les autres observations pour l'avenir contestées,
Conséquemment et à titre de demande reconventionnelle,
- valider la décision administrative du 11 décembre 2019 de confirmation d'observations suite à contrôle,
- rejeter toutes les prétentions et demandes de la SAS [5].
La société [5] expose qu'elle exerce une activité de portage salarial, tel que définie par les articles L. 1254-1 et suivants du Code du travail, instaurant une relation tripartite entre un 'salarié porté' de l'entreprise de portage, effectuant une prestation au bénéfice d'une 'société cliente' : ainsi le salarié prospecte lui-même ses clients et ne travaille que pour eux, la société de portage n'étant pas tenue de lui fournir un travail. Il ne dispose pas d'un lieu de travail habituel et engage des frais professionnels. En l'absence de prestation, le contrat de travail est suspendu. L'entreprise de portage met ainsi en place et gère un compte d'activité sur la base des éléments déclarés par le salarié.
Pour un plus ample exposé des moyens et arguments des parties, il est expressément renvoyé à leurs écritures respectives, exposées oralement devant la Cour, en application de l'article 455 du Code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
- Forfait social et participation patronale aux régimes de prévoyance : assiette non déclarée en 2018 : chef de redressement n° 1
Les employeurs sont soumis à une contribution additionnelle contribuant au financement aux régimes de prévoyance complémentaire. L'article L. 137-15 du Code de la sécurité sociale, dans sa version applicable à l'espèce, prévoit néanmoins que 'ne sont pas assujettis à cette contribution les employeurs de moins de onze salariés'.
L'inspecteur de l'URSSAF a considéré que la société [5] dépassait cet effectif au 31 décembre 2017, pour atteindre 22,17 salariés en équivalent temps plein, ce que conteste celle-ci.
La société [5] présente en effet un tableau selon lequel son effectif était de 7,91 à cette date, et n'a jamais dépassé 11, sur tous les mois de 2017, la plupart ne travaillant pas à temps complet, sachant que chaque salarié est libre de définir son temps de travail. Les contrats de travail mentionnent seulement une durée minimale et maximale de travail exprimée en heures par jour, par mois et par an. Il a donc été procédé à un calcul reprenant pour chaque salarié et pour chaque mois le nombre d'heures et de jours travaillés, avec un tableau récapitulatif traduisant ainsi les ETP correspondant. La société [5] relève par ailleurs l'autonomie dont disposent les salariés dans le cadre du contrat de portage salarial, de sorte qu'ils ne sont pas à la disposition permanente de l'employeur.
L'URSSAF réplique que les contrats de travail ne sont pas conformes aux dispositions d'ordre public de l'article L. 3123-6 du Code du travail, de sorte que ces contrats sont présumés avoir été conclus à temps complet : en effet, ces contrats ne prévoient pas de durée hebdomadaire ou mensuelle du travail, la durée du travail, sur les relevés d'activités rendus par les salariés, est exprimée en jours mais pas en heures et sur les bulletins de salaire, les salariés sont rémunérés en jours et non en heures.
La Cour constate que la société [5] s'attache, pour tenter d'établir que son effectif était inférieur à 11 salariés, à démontrer que ses salariés travaillent effectivement à temps partiel. Or, c'est l'irrégularité des contrats de travail à temps partiel signés entre les parties, au regard des dispositions d'ordre public des articles L. 3123-1 et suivants du Code du travail, qui est opposée par l'URSSAF à l'employeur, entraînant leur requalification en contrats de travail à temps complet, quels que soient les horaires réellement accomplis par les salariés.
A cet égard, il résulte de l'article L. 3123-6 du Code du travail que le contrat écrit du salarié à temps partiel doit mentionner la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ; il en résulte que l'absence d'écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition fait présumer que l'emploi est à temps complet et il incombe à l'employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d'une part de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d'autre part que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur (Soc., 13 janvier 2009, n° 07-42.936).
En l'espèce, les contrats de travail soumis à la signature des salariés de la société [5] prévoyaient une durée minimale journalière de travail de 3,5 heures, une durée minimale hebdomadaire de 7 heures et une durée minimale mensuelle de 84 heures, 'soit 12 jours par an'. Une durée maximale équivalente à 35 heures 'ou bien 218 jours par an' est également prévue. Aucune modalité n'est prévue quant à la répartition du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois.
La Cour constate que, compte tenu des variations d'horaires très importantes qui résultent nécessairement de l'amplitude extrême de la durée du travail prévue aux contrats de travail litigieux, ces contrats ne répondent pas à l'exigence posée par l'article L. 3123-6 du Code du travail, compte tenu de l'impossibilité pour l'employeur de prévoir la durée du travail, et de l'incertitude dans laquelle les salariés sont placés quant aux heures de travail à accomplir.
Cela crée, au profit du salarié, une présomption de contrat de travail à temps complet qu'il est loisible à l'employeur de renverser.
A cet égard, la société [5] relève que les salariés, dans le cadre du mécanisme de portage salarial, disposent de la plus large autonomie, consacrée par l'article L.1254-2 du Code du travail qui prévoit : 'le salarié porté justifie d'une expertise, d'une qualification et d'une autonomie qui lui permettent de rechercher lui-même ses clients et de convenir avec eux des conditions d'exécution de sa prestation et de son prix', sachant que 'l'entreprise de portage salarial n'est pas tenue de fournir du travail au salarié porté'. Elle relève que dans les faits, ses salariés ne travaillent 'pratiquement jamais' à temps complet. Le contrat de travail prévoit que le compte rendu d'activité 'vaut avenant modificatif du temps de travail'.
La Cour constate néanmoins que le salarié, loin d'avoir la maîtrise de son temps de travail, est tributaire d'une entreprise tierce pour la détermination de son temps de travail.
Cette incertitude impose, à défaut de précisions dans le contrat de travail sur la durée hebdomadaire ou mensuelle du travail et sa répartition entre les jours de la semaine ou du mois, de soumettre à son salarié un avenant lorsqu'il exerce sa mission chez l'entreprise cliente, ce qui en l'espèce fait manifestement défaut.
Certes, l'article 26 de la convention collective de branche des salariés en portage salarial du 22 mars 2017 prévoit : 'Par principe, le salarié porté est autonome dans l'organisation de son emploi du temps pour l'accomplissement de sa mission. Il en résulte qu'il peut modifier sa durée de travail et fixer ses horaires en les adaptant aux exigences de la mission en cours ou de ses nouvelles missions'.
Cependant, cette autonomie n'est autorisée que sous la condition du 'respect des exigences légales et réglementaires', ce qui inclut les dispositions d'ordre public du Code du travail, notamment ses dispositions relatives au travail à temps partiel.
L'article 26 de la convention collective prévoit également : 'Sauf autre écrit ayant valeur contractuelle, le compte rendu mensuel d'activité défini à l'article 20 indique les jours et demi-journées travaillés si la durée du travail est calculée en jours. Si elle est calculée en heures, il précise également les heures travaillées'.
Cependant, le compte-rendu d'activité établi par le salarié ne peut tenir lieu d'avenant fixant la durée du travail, contrairement à ce qu'affirme la société [5], puisqu'il est réalisé a posteriori par le salarié et non a priori, et qu'une incertitude pèse constamment sur ses temps de travail, en fonction des exigences des entreprises clientes et des résultats de ses prospections.
Il a d'ailleurs été jugé que lorsqu'il est prévu au contrat de travail, dans le cadre d'un portage salarial, une durée de travail minimale symbolique, comme en l'espèce, la durée réelle étant variable et dépendant de l'activité déployée par le salarié selon sa propre initiative (et celle de l'entreprise cliente), le contrat doit être requalifié en contrat de travail à temps plein (Soc., 17 février 2010 n° 08-40.671).
La société [5] échoue donc à démontrer quelle est la durée du travail convenue avec ses salariés, ni que ceux-ci ne sont pas placés dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme ils doivent travailler.
La requalification des contrats de travail en contrats de travail à temps plein est donc encourue, permettant à l'URSSAF de retenir un effectif de la société [5] correspondant à 22,17 salariés.
Dans ces conditions, le redressement opéré, sur la base d'un effectif supérieur à 11 salariés, est justifié, et la société [5] doit être déboutée de sa contestation à ce titre.
Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.
- Plafond temps partiel : abattement d'assiette plafonnée appliqué à tort : chef de redressement n° 2
Ce chef de redressement est, comme le précédent, la résultante de l'observation par l'inspecteur de l'URSSAF de ce que les salariés de la société [5] devaient être réputés travailler à temps complet, de sorte que l'abattement d'assiette plafonnée pour le calcul des cotisations sociales afférentes aux salariés à temps partiel, prévu par l'article L. 242-8 du Code de la sécurité sociale, n'est pas applicable.
Il vient d'être jugé que la présomption de travail à temps complet des salariés de la société [5] n'était pas renversée.
Par ailleurs, comme le relève l'URSSAF, les bulletins de salaire de ces salariés établissent que le temps de travail est décompté en jours, laissant apparaître l'application d'une convention de forfait-jours, autorisée par l'article 27 de la convention collective de branche des salariés en portage salarial du 22 mars 2017, prévoyant 218 jours de travail par an. Les contrats de travail prévoyaient d'ailleurs que la durée maximale du travail 'ne pourra pas en tout état de cause dépasser 35 heures ou bien 218 heures par an'.
Or, un arrêt de la Cour de cassation du 12 juillet 2018 (Civ., 2ème n°17-22.511) a considéré que l'abattement d'assiette ne pouvait pas être appliqué en cas de travail à temps partiel sous la forme de convention de forfaits-jours prévoyant un nombre de jours de travail inférieur à 218 jours.
La société [5] oppose le fait que les bulletins de salaire mentionnent, dans un encart, également le temps journalier de travail accompli : il n'en demeure pas moins que le temps de travail journalier est invariablement de 7 heures et que l'unité de base figurant sur le bulletin de salaire est bien le 'salaire journalier'. Les exemplaires de comptes rendus d'activité produits, sur la base desquels sont établis les bulletins de salaire, font d'ailleurs mention de jours de travail et non d'heures. Ce moyen est donc inopérant.
C'est pourquoi le jugement entrepris, qui a validé le redressement opéré par l'URSSAF de ce chef, sera confirmé.
- Régularisation annuelle : principes et exclusions : abattement d'assiette plafonnée appliqué à tort : chef de redressement n° 3
L'article R. 242-2 du Code de la sécurité sociale prévoit un tel abattement d'assiette sur les cotisations d'assurance vieillesse, pour les salariés à temps partiel, au prorata du nombre de jours de la période pendant laquelle les personnes sont employées.
La société [5] oppose les mêmes moyens que ceux développés relativement aux redressements précédents, sur l'emploi à temps partiel de ses salariés.
L'inspecteur de l'URSSAF a retenu que les salariés étaient employés à temps complet, ajoutant qu'au demeurant, il est impossible de déterminer avec certitude le nombre de jours réels de travail sur un mois, ainsi que les jours d'absence, à la lecture des documents produits par l'employeur.
Les moyens de la société [5] sur l'emploi à temps partiel de ses salariés n'ayant pas été retenus, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a validé ce chef de redressement.
- Réduction du taux de la cotisation AF sur les bas salaires : chef de redressement n° 5
Cette réduction est prévue par l'article L. 241-6-1 du Code de la sécurité sociale, dans ses différentes versions applicables à l'espèce, pour les plus bas salaires.
L'inspecteur de l'URSSAF a constaté des écarts entre les calculs effectués par l'entreprise et ceux réalisés par ses soins. Les rémunérations de certains salariés ont dépassé selon lui les plafonds au-delà desquels la réduction n'est plus applicable, soit 1,6 fois le SMIC jusqu'au 31 mars 2016 et 3,5 fois le SMIC au-delà, alors qu'au contraire la réduction n'a pas été appliquée à certains salariés dont le salaire permettait d'appliquer la réduction.
Le redressement opéré est minime, soit 164 euros sur les trois années.
La société [5] réplique en reprenant ses moyens sur l'embauche de salariés à temps partiel, sans répondre au nouveau calcul opéré par l'inspecteur ni fournir aucune autre proposition à ce titre.
Ce chef de redressement sera dès lors validé, par voie de confirmation du jugement entrepris.
- Indemnité compensatrice de congés payés : contrat à durée déterminée : chef de redressement n° 6
La société [5] indique renoncer à sa contestation à ce titre.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
- Assiette minimum : accord de mensualisation : observation pour l'avenir, point n° 7
Les articles L. 1226-1 et D.1 226-1 du Code du travail, applicable comme en l'espèce en l'absence de dispositions plus favorables de la convention collective applicable, prévoient l'obligation pour l'employeur de verser au salarié, en cas d'absence pour maladie ou d'accident, une indemnité complémentaire aux indemnités journalières permettant à ce dernier de percevoir 90 % de son salaire pendant les 30 premiers jours et les 2/3 pendant les 30 jours suivants.
L'inspecteur de l'URSSAF a relevé que la société [5] ne faisait pas figurer sur les bulletins de salaire les périodes de maladie ou d'accident du travail, empêchant ainsi le contrôle du respect par l'employeur de ses obligations en une telle occurrence, à savoir les dispositions sur le maintien du salaire.
La société [5] réplique que seules les absences qui surviennent au cours d'une prestation exécutée par le salarié pour le compte d'une entreprise cliente doivent être mentionnées sur les bulletins de salaire, puisqu'en l'absence d'une telle prestation, le salarié n'est pas rémunéré, comme le prévoit l'article L. 1254-21 II du Code du travail.
La Cour constate que la société [5] n'affirme ni ne justifie avoir pour autant fait figurer sur les bulletins de salaire de ses salariés leurs arrêts de travail pour maladie ou accident, même pour les périodes où ces derniers étaient missionnés au profit d'une société cliente.
L'observation pour l'avenir de l'URSSAF doit donc être confirmée, l'employeur ne pouvant être dispensé en toutes circonstances de ses obligations en la matière, de même que le jugement entrepris qui a statué dans ce sens.
- Prise en charge de dépenses personnelles du salarié : remboursements d'achat de matériel informatique de téléphonie et autres dépenses : chef de redressement n° 10
L'inspecteur de l'URSSAF a réintégré dans l'assiette des cotisations un certains nombre de sommes remboursées aux salariés après qu'ils aient engagés, d'une part, des achats de matériels informatique et de téléphonie ou de bureau, et d'autre part des dépenses diverses (livres, dosettes de café, péages le week-end ou les jours fériés). Il note que les factures sont 'dans la quasi-totalité' au nom du salarié et que ce dernier conserve la propriété des biens achetés.
La société [5] expose que ces biens, compte tenu des remboursements opérés, ont été inscrits en comptabilité en tant que biens amortissables, mais reconnaît qu'ils étaient laissés aux salariés lorsqu'ils quittaient l'entreprise. Il s'agissait de dépenses présentant un caractère professionnel. Elle rappelle que le chapitre 7 du bulletin officiel de la sécurité sociale, pris en application de l'article 6 de l'arrêté du 20 décembre 2002, prévoit l'exclusion de ce type de frais de l'assiette des cotisations sociales dans la limite de 50 % de la dépense, ratio qui n'a pas été appliqué par l'URSSAF. Deux remboursements ont par ailleurs été visés par le redressement alors que le matériel de téléphonie n'a pas été remboursé (Mme [J]) ou pour un montant erroné (M. [C]). S'agissant des autres dépenses remboursées aux salariés, il s'agissait de frais liés à l'éloignement du lieu de travail par rapport à son domicile (notamment location d'appartement, parking, péage, frais de repas). Les frais de café sont liés à l'accueil de clients et les frais d'achat de livres ou magasines sont en lien direct avec l'activité des salariés portés.
L'URSSAF réplique que l'utilisation de ces biens ne se limite pas à l'usage professionnel, d'autant que le salarié en conserve la propriété après la rupture du contrat de travail. Elle ajoute que si ces dépenses sont portées au débit du compte du salarié, aucun mouvement n'est porté au crédit.
L'article 6 de l'arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, dans sa version applicable à l'espèce, prévoit que 'les frais engagés par le travailleur salarié ou assimilé en situation de télétravail, régie par le contrat de travail ou par convention ou accord collectif, sont considérés comme des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l'emploi, sous réserve que les remboursements effectués par l'employeur soient justifiés par la réalité des dépenses professionnelles supportées par le travailleur salarié ou assimilé.
Trois catégories de frais de ce type peuvent être identifiées :
1° Les frais fixes et variables liés à la mise à disposition d'un local privé pour un usage professionnel ;
2° Les frais liés à l'adaptation d'un local spécifique ;
3° Les frais de matériel informatique, de connexion et de fournitures diverses'.
L'article 7 de cet arrêté, dans sa version applicable à l'espèce, prévoit que 'les frais engagés par le travailleur salarié ou assimilé à des fins professionnelles, pour l'utilisation des outils issus des nouvelles technologies de l'information et de la communication qu'il possède, sont considérés comme des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l'emploi conformément au contrat de travail. Les remboursements effectués par l'employeur doivent être justifiés par la réalité des dépenses professionnelles supportées par le travailleur salarié ou assimilé. Lorsque l'employeur ne peut pas justifier la réalité des dépenses professionnelles supportée par le travailleur salarié ou assimilé, la part des frais professionnels est déterminée d'après la déclaration faite par le salarié évaluant le nombre d'heures à usage strictement professionnel, dans la limite de 50 % de l'usage total'.
Le BOSS prévoit un même taux pour les meubles de bureau.
La société [5] produit aux débats de nombreuses factures établissant que, comme l'a constaté l'inspecteur de l'URSSAF, elles ont été pour la plupart établies au nom du salarié porté.
Il n'est pas contesté que ces factures ont été remboursées au salarié dans leur intégralité par la société [5].
La société aurait dû évaluer, en fonction des déclarations faites par ses salariés, qui auraient dû être interrogés sur ce point, quelle était la part d'utilisation personnelle ou professionnelle des matériels acquis et déterminer le ratio applicable à l'utilisation personnelle susceptible d'être réintégrée dans l'assiette des cotisations sociales, dans la limite de 50 %.
L'inspecteur a été placé dans l'impossibilité de procéder à une vérification à cet égard.
Dès lors, les dépenses engagées au titre des remboursements d'achat de matériel informatique et de téléphonie, ainsi que les meubles de bureau, ont lieu d'être réintégrées en totalité dans l'assiette des cotisations.
La société [5] forme des remarques sur les dépenses attribuées à M. [C] et Mme [J], mais l'inspecteur de l'URSSAF, dans sa réponse à observations, a constaté que la dépense attribuée à Mme [J] concernait Mme [M], ce qui n'a donc aucune incidence sur le montant du redressement. L'erreur de montant de l'ordre de 20 euros concernant l'achat d'une tablette par M. [C] n'apparaît pas avoir été signalée à l'inspecteur de l'URSSAF : la pièce justificative produite par la société [5] doit être écartée des débats dès lors que le contrôle est clos après la période contradictoire, telle que définie à l'article R. 243-59 du Code de la sécurité sociale et que la société n'a pas, pendant cette période, apporté des éléments contraires aux constatations de l'inspecteur.
S'agissant des autres dépenses, notamment les frais de transport, de logement, l'URSSAF produit en produit un décompte précis mentionnant les raisons pour lesquelles elles ont été réintégrées dans l'assiette des cotisations (notamment pour avoir été engagées le week-end, ou pour des motifs personnels - déménagement, 'appartement perso'), la société [5] n'a produit aucun élément susceptible de contredire cette appréciation de l'inspecteur de l'URSSAF, sauf diverses pièces afférentes à des frais engagés par M. [N], M. [O], M. [B], Mme [D] ou Mme [I], dont la situation n'est pas spécifiquement évoquée dans les observations de l'employeur adressées à l'inspecteur de l'URSSAF : ces pièces n'ont pas été produites avant la fin du contrôle à ce dernier, et doivent donc être rejetées des débats.
L'ensemble des dépenses visées à ce chef de redressement doivent être réintégrées dans l'assiette des cotisations.
Enfin, l'URSSAF a procédé à la minoration de ce chef de redressement en raison de la modification, en net et non en brut, des sommes redressées, les faisant passer de 12 703 euros à 10 014,37 euros, comme l'ont constaté les premiers juges.
Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.
- Frais professionnels non justifiés - indemnité de repas versée hors situation de déplacement : chef de redressement n° 11
L'URSSAF a indiqué renoncer à sa contestation à ce titre.
Le jugement, qui l'a constaté, sera confirmé sur ce point.
- Frais professionnels non justifiés : grand déplacement : observation pour l'avenir, point n° 12
Le jugement entrepris a confirmé l'observation pour l'avenir de l'URSSAF Centre Val de Loire relative au chef n° 12 'Frais professionnels non justifiés : grands déplacements', et à l'application de la tolérance selon laquelle, s'agissant des indemnités de grands déplacements, l'entreprise cliente ne devient le lieu habituel de travail du salarié porté seulement lorsque la mission du salarié porté excède une durée de trois mois, cette durée devant être appréciée de date à date, et à la condition que le salarié porté soit empêché le soir de regagner son domicile.
Ni l'URSSAF, ni la société [5], ne conteste ce chef du jugement, qui sera confirmé sur ce point.
- Frais professionnels - limites d'exonération : utilisation du véhicule personnel (indemnités kilométriques) : chef de redressement n° 13
La société [5] indique renoncer à sa contestation à ce titre.
Par ailleurs, comme l'a constaté le jugement entrepris, l'URSSAF a minoré ce chef de redressement pour la même raison que le chef n° 10.
- Frais professionnels non justifiés - indemnités kilométriques (Trajet domicile / lieu de travail) : observation pour l'avenir, point n° 14
Le jugement entrepris a annulé cette observation pour l'avenir, ce sur quoi l'URSSAF a formé appel incident.
L'URSSAF conteste que les déplacements opérés par les salariés entre leur domicile et leur lieu de travail, puisse être pris en charge au titre de frais professionnels, puisque le lieu de travail est nécessairement le site de l'entreprise chez qui le salarié est missionné.
La société [5] n'a pas formé d'observation à ce titre.
La Cour constate que l'inspecteur de l'URSSAF s'est contenté de demander à l'entreprise 'de justifier de la contrainte professionnelle des indemnités kilométriques liées aux trajets domicile / travail', après avoir rappelé que la prise en charge par l'employeur des trajets domicile / travail est possible à la condition que le salarié porté soit contraint d'utiliser son véhicule personnel 'à des fins professionnelles' et non 'à des fins personnelles', ce qui résulte de l'application stricte des dispositions de l'article 4 de l'arrêté du 20 décembre 2022.
C'est pourquoi, sans qu'il apparaisse nécessaire, comme l'a fait le tribunal, de recourir à la tolérance de 3 mois pour l'appréciation du lieu de travail habituel circonscrite aux seuls salariés des sociétés de service en ingénierie informatique ou aux entreprises de travail temporaire, prévue par la circulaire 2015-0034, puisque ce texte n'est pas applicable aux entreprises de portage salarial, convient-il de valider cette observation pour l'avenir et d'infirmer le jugement entrepris sur ce point.
- Assiette minimum des cotisations : distorsion entre la rémunération perçue et l'activité réelle du salarié porté : chef de redressement n° 17
L'article R. 243-59-4 du Code de la sécurité sociale prévoit :
'I.Dans le cadre d'un contrôle effectué en application de l'article L. 243-7, l'agent chargé du contrôle fixe forfaitairement le montant de l'assiette dans les cas suivants :
1° La comptabilité de la personne contrôlée ne permet pas d'établir le chiffre exact des rémunérations, ou le cas échéant des revenus, servant de base au calcul des cotisations dues ;
2° La personne contrôlée ne met pas à disposition les documents ou justificatifs nécessaires à la réalisation du contrôle ou leur présentation n'en permet pas l'exploitation.
Cette fixation forfaitaire est effectuée par tout moyen d'estimation probant permettant le chiffrage des cotisations et contributions sociales. Lorsque la personne contrôlée est un employeur, cette taxation tient compte, dans les cas mentionnés au 1°, notamment des conventions collectives en vigueur ou, à défaut, des salaires pratiqués dans la profession ou la région considérée. La durée de l'emploi est déterminée d'après les déclarations des intéressés ou par tout autre moyen de preuve'.
En l'espèce, l'inspecteur de l'URSSAF a eu recours à la taxation forfaitaire après avoir analysé les comptes de gestions des salariés porté sur les comptes-rendus d'activité et les notes de frais produites. Il a relevé des incohérences, le ratio entre les salaires et les remboursements de frais étant très important (frais représentant 606 % des rémunérations perçues sur la même année pour M. [T], 525 % puis 303 % pour Mme [Y], 209 % puis 348 % pour M. [C]). La comparaison entre les notes de frais et les jours de travail déclarés ne permettent pas d'en conclure à si peu d'activité, alors que pour des périodes précédentes, les intéressés avaient pu déclarer un travail à temps complet sans générer de frais. L'inspecteur en conclut que les rémunérations versées ne correspondent pas à l'activité réelle des salariés, d'où la taxation forfaitaire.
Dans sa réponse à observations, l'inspecteur constate que 'durant les opérations de contrôle, nous avons longuement évoqué ces situations (') pour obtenir des explications sur les incohérences identifiées. Aucune réponse légitimant ces situations n'a pu être apportée, ni aucun justificatif n'a pu les expliquer, tels que les agendas des salariés concernés'.
La société [5] souligne que ce n'est pas en raison d'une comptabilité mal tenue ou d'un défaut de remise de documents justificatifs que la taxation forfaitaire a été appliquée. Les éléments transmis permettaient selon elle à l'inspecteur de déterminer précisément l'assiette des cotisations, et notamment les comptes-rendus d'activité, les bulletins de salaire, les relevés de compte des salariés portés, les notes de frais et la comptabilité. Ce que l'inspecteur considère comme des incohérences n'est qu'une illustration des spécificités de l'activité de portage salarial, les missions de prospection nécessitant d'engager de nombreux frais professionnels, alors que lorsque la mission est en cours d'accomplissement, les frais sont moindres, voire nuls. Enfin, la société [5] conteste le mode de calcul de la taxation forfaitaire.
L'URSSAF, en réponse, s'en tient à une sous-déclaration de l'activité réelle des salariés sur les années considérées, opposant que l'employeur n'apporte pas d'explications précises sur les incohérences relevées par son inspecteur.
La Cour rappelle qu'il est constant que les salariés de la société [5] effectuaient des missions partout en France, comme cela résulte notamment des nombreuses notes de frais que l'inspecteur de l'URSSAF a examinées, ce qui pouvait légitimement entraîner des frais de déplacement importants, et que ces derniers engageaient par ailleurs des frais d'équipement en matière de téléphonie, d'informatique et de mobilier de bureau puisqu'ils ne travaillaient pas au siège de l'entreprise de portage.
Ces éléments expliquent l'importance des remboursements de frais engagés par l'employeur.
La Cour ajoute que si des frais professionnels ont paru trop importants, compte tenu de leur utilisation mixte, et notamment ceux afférents à la téléphonie, à l'informatique et au mobilier de bureau, ou des frais de déplacement engagés le week-end, visés au chef de redressement n° 10, ils ont fait l'objet d'une réintégration dans l'assiette des cotisations.
Par ailleurs, l'article L. 1254-21 du Code du travail prévoit que 'les périodes sans prestation à une entreprise cliente ne sont pas rémunérées', étant rappelé que ce sont les salariés qui eux-mêmes recherchent les clients, comme le mentionne l'article L. 1254-2 du Code du travail.
C'est pourquoi les salariés portés alternaient des périodes pendant lesquelles ils recherchaient des clients, et pendant lesquelles ils n'étaient pas payés, ce qu'autorise le Code du travail, avec les périodes pendant lesquelles ils accomplissaient leur mission, pour un montant non négligeable égal, selon les bulletins de salaire produits, à 133 ou 172 euros par jour.
Ces éléments expliquent que l'inspecteur de l'URSSAF ait constaté à certaines périodes des frais importants engagés alors que les salariés n'étaient pas payés, et des frais moins importants, voire nuls si les intéressés travaillaient non loin de leur domicile, lorsqu'ils étaient en mission.
L'inspecteur de l'URSSAF ne peut y voir aucune incohérence, alors qu'il disposait de tous les éléments nécessaires à une appréciation éclairée de la situation, y compris des explications convaincantes contenues dans la lettre de réponse à observations adressées par la société [5], de sorte que la taxation forfaitaire à laquelle il a procédé n'avait pas lieu d'être.
Le jugement entrepris sera dès lors infirmé sur ce point.
Le chef de redressement n° 17 sera annulé.
- Sur la mise en demeure et la demande de remboursement formée par la société [5]
La société [5] justifie avoir payé à l'URSSAF la somme de 114.011 euros.
La mise en demeure délivrée à la société [5] le 17 décembre 2019, est soldée, de sorte que la validation de cette mise en demeure par le tribunal judiciaire est aujourd'hui sans objet. Le jugement entrepris sera dès lors infirmé sur ce point, de même qu'il a condamné la société [5] à payer à l'URSSAF la somme de 35 474 euros.
L'URSSAF sera condamnée à rembourser à la société [5] la somme de 76 507 euros correspondant à la différence entre 114 011 euros, que la société [5] indique avoir réglée, n'étant en cela pas contredite par l'URSSAF, et 37 504 euros, qui était due après défalcation des minorations opérées par l'URSSAF (chefs de redressement n° 10 et n° 13), de son renoncement au chef de redressement n°11 et de l'annulation par la Cour du chef de redressement n° 17.
- Sur l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens
La solution donnée au litige ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'URSSAF, aujourd'hui débitrice de la société [5], sera condamné aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS:
Statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Infirme le jugement rendu le 27 juin 2022 par le Pôle social du tribunal judiciaire de Tours, en ce qu'il a :
- validé la mise en demeure de l'URSSAF Centre Val de Loire en date du 17 décembre 2019 pour son montant restant dû au 16 mai 2022 de 35 474 euros au titre des cotisations et 8 049 euros au titre des majorations de retard,
- condamné la SAS [5] à payer à l'URSSAF Centre Val de Loire la somme restant due au 16 mai 2022 de 35 474 euros au titre des cotisations et 8 049 euros au titre des majorations de retard,
- débouté la société [5] de sa demande d'annulation du chef de redressement n° 17 (Assiette minimum des cotisations : distorsion entre la rémunération perçue et l'activité réelle du salarié porté),
- annulé l'observation pour l'avenir relative au point n° 14 (Frais professionnels non justifiés - indemnités kilométriques (Trajet domicile / lieu de travail) ;
Confirme ce jugement pour le surplus ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et ajoutant,
Valide l'observation pour l'avenir relative au point n° 14 (Frais professionnels non justifiés - indemnités kilométriques (Trajet domicile / lieu de travail) ;
Annule le chef de redressement n° 17 (Assiette minimum des cotisations : distorsion entre la rémunération perçue et l'activité réelle du salarié porté) ;
Condamne l'URSSAF Centre Val de Loire à rembourser à la société [5] la somme de 76 507 euros ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamne l'URSSAF Centre Val de Loire aux dépens d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,