COUR D'APPEL D'ORLÉANS
C H A M B R E C I V I L E
GROSSES + EXPÉDITIONS : le 28/05/2024
la SCP GUILLAUMA - PESME - JENVRIN
la SELARL MALLET-GIRY, ROUICHI, AVOCATS ASSOCIES
ARRÊT du : 28 MAI 2024
N° : - 24
N° RG 21/02439 - N° Portalis DBVN-V-B7F-GN4X
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'ORLEANS en date du 16 Décembre 2020
PARTIES EN CAUSE
APPELANTS :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265268019660543
Monsieur [W] [K]
né le 01 Janvier 1952 à [Localité 4] (MAROC)
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Me Christophe PESME de la SCP GUILLAUMA - PESME - JENVRIN, avocat au barreau D'ORLEANS
Madame [D] [Y] épouse [K]
née le 11 Juillet 1957 à [Localité 5] (MAROC)
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Christophe PESME de la SCP GUILLAUMA - PESME - JENVRIN, avocat au barreau D'ORLEANS
D'UNE PART
INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265266327728828
S.A. VALLOIRE HABITAT
(Anciennement VALLOGIS), société anonyme d'HLM,
immatriculée au RCS d'Orléans sous le n° 086 180 387, prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège social
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Sonia MALLET GIRY de la SELARL MALLET-GIRY, ROUICHI, AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau D'ORLEANS
D'AUTRE PART
DÉCLARATION D'APPEL en date du : 15 septembre 2021.
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 22 janvier 2024
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats à l'audience publique du 19 mars 2024 à 14h00, l'affaire a été plaidée devant M. Laurent SOUSA, Conseiller, en l'absence d'opposition des parties ou de leurs représentants.
Lors du délibéré, au cours duquel M. Laurent SOUSA, Conseiller a rendu compte des débats à la collégialité, la Cour était composée de:
Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de chambre,
Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller,
Madame Laure- Aimée GRUA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
GREFFIER :
Mme Karine DUPONT, Greffier lors des débats et du prononcé.
ARRÊT :
Prononcé publiquement le 28 mai 2024 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
***
FAITS ET PROCÉDURE
Suivant contrat préliminaire à une vente en l'état futur d'achèvement en date du 15 février 2011, M. et Mme [K] ont acquis auprès de la société Bâtir Centre, aux droits de laquelle est venue la société HLM Vallogis, une maison à usage d'habitation située [Adresse 1]) pour le prix de 158 000 euros.
Invoquant divers désordres affectant leur habitation, M. et Mme [K] ont, par acte d'huissier en date du 5 septembre 2013, fait assigner la société HLM Vallogis devant le juge des référés du tribunal de grande instance d'Orléans aux fins de solliciter une expertise judiciaire.
Par ordonnance en référé en date du 10 janvier 2014, une expertise judiciaire a été ordonnée et M. [C] a été désigné pour y procéder. L'expert judiciaire a déposé son rapport le 23 septembre 2014.
Par acte d'huissier délivré le 8 décembre 2015, M. et Mme [K] ont fait assigner la société Vallogis, la commune d'[Localité 3] et la société d'économie mixte pour le développement orléanais en référé devant le tribunal de grande instance d'Orléans, aux fins notamment de voir la société Vallogis condamnée à procéder au retrait d'un regard litigieux se trouvant sur leur propriété. Par ordonnance en date du 8 juillet 2016, le juge des référés a rejeté cette demande, constatant que le retrait du regard relevait de la compétence du tribunal administratif d'Orléans.
Par acte d'huissier en date du 14 juin 2018, M. et Mme [K] ont fait assigner la société HLM Vallogis devant le tribunal de grande instance d'Orléans aux fins d'obtenir la réparation de leur préjudice.
Par jugement en date du 16 décembre 2020 assorti de l'exécution provisoire, le tribunal judiciaire d'Orléans a :
- condamné la société HLM Vallogis à payer à M. et Mme [K] ensemble la somme de 5 500 euros à titre de dommages et intérêts ;
- condamné la société HLM Vallogis à payer à M. et Mme [K] ensemble la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté la société HLM Vallogis de sa demande formulée au titre du même article ;
- condamné la société HLM Vallogis aux dépens de l'instance, comprenant l'intégralité des frais d'expertise judiciaire ;
- autorisé, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, la société Guillauma-Pesme, avocats, à recouvrer directement contre la partie condamnée, ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.
Par déclaration en date du 15 septembre 2021, M. et Mme [K] ont relevé appel de ce jugement en ce qu'il a limité la condamnation de la société HLM Vallogis au profit de M. et Mme [K] à la somme de 5 500 euros à titre de dommages et intérêts et débouté M. et Mme [K] de leur demande de condamnation de la société HLM Vallogis à leur verser la somme de 33 600 euros à titre de dommages et intérêts.
Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 14 février 2022, M. et Mme [K] demandent à la cour de :
- les recevoir en leur appel et le déclarer bien fondé ;
Y faisant droit :
- réformer le jugement dont appel et statuant à nouveau :
- condamner la société Valloire habitat à leur verser la somme de 84 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
- la condamner à leur verser la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouter la société Valloire habitat de ses demandes ;
- condamner la société Valloire habitat aux entiers dépens, lesquels comprendront l'intégralité des frais d'expertise judiciaire, dont distraction au profit de la société Guillauma-Pesme, avocats.
Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 31 décembre 2021, la société Valloire Habitat venant aux droits de la société HLM Vallogis demande à la cour de :
- la recevoir en son appel incident :
- réformer le jugement déféré :
Et statuant à nouveau :
A titre principal ;
- constater que la servitude est apparente ;
- débouter M. et Mme [K] de leur demande indemnitaire à son égard ;
Subsidiairement :
- constater que M. et Mme [K] ne démontrent pas qu'ils n'auraient pas acquis le bien s'ils avaient connu l'existence de la servitude lors de la signature de la vente en l'état futur d'achèvement ;
- débouter M. et Mme [K] de leur demande indemnitaire ;
- condamner solidairement M. et Mme [K] à une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner solidairement M. et Mme [K] aux dépens d'instance dont distraction au profit de la société Duplantier Mallet- Giry Rouichi en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions.
MOTIFS
Sur le droit à indemnisation
Moyens des parties
La société Valloire Habitat soutient que le tampon en fonte objet du litige a toujours été visible et est parfaitement apparent ; que M. et Mme [K] reconnaissent eux-mêmes dans leurs conclusions que le regard se trouve au beau milieu de leur jardin ; que pour retenir que la servitude n'était pas apparente, le tribunal s'est fondé sur un constat d'huissier en date du 13 juillet 2012 qui ne fait pas mention du regard litigieux, mais ce constat ne signifie aucunement que le tampon n'était pas visible ; que l'huissier a été mandaté pour relever les désordres et ce tampon ne caractérisait pas un désordre et n'a dès lors pas été mentionné ; qu'au-delà de ce constat, M. et Mme [K] ont produit un rapport d'expertise amiable dressé par l'expert de leur compagnie d'assurances qui mentionne au titre des doléances du propriétaire « supprimer le regard de l'espace vert de l'entrée » ; qu'il est donc démontré que la servitude est apparente de sorte que M. et Mme
[K] ne peuvent pas se prévaloir de la garantie offerte à l'article 1638 du code civil et ils doivent être déboutés de leur demande indemnitaire ; que subsidiairement, pour obtenir une indemnité, l'acquéreur doit démontrer que s'il avait eu connaissance de cette servitude, il n'aurait pas acquis le bien ; que M. et Mme [K] ne démontrent pas les raisons pour lesquelles ils n'auraient pas conclu s'ils avaient eu connaissance de cette servitude ; que si l'existence d'une servitude apparente n'est pas retenue, cette servitude a été portée à leur connaissance lors du dépôt du rapport d'expertise le 22 septembre 2014, et lors de leur action aux fins de reprise des désordres, M. et Mme [K] n'ont pas fait état qu'ils n'auraient pas acquis le bien s'ils avaient connu l'existence de cette servitude ; qu'aucun élément ne vient étayer cette argumentation ; que si la jurisprudence a retenu l'existence d'une présomption simple chaque fois que le projet immobilier n'a pas pu être mené à son terme, tel n'est pas le cas en l'espèce ; que M. et Mme [K] ne subissent aucun préjudice du fait de la présence du tampon en fonte ; que les acquéreurs n'ont jamais donné leur accord pour procéder à l'étêtement du regard, son remblaiement et l'engazonnement du terrain tel qu'elle leur a proposé ; que le retrait du tampon et de la canalisation pouvait fragiliser l'habitation et n'étant pas propriétaire de ce réseau, elle ne dispose pas de la qualité pour le retirer ; qu'il n'y a eu aucun autre engagement à l'égard des époux [K] de retirer le regard ; que M. et Mme [K] ne subissent aucun préjudice, ni aucune gêne quant à l'existence de cette canalisation, et ne sont pas privés de la jouissance pleine et entière de leur maison et de leur terrain ; qu'elle n'a commis aucune faute dolosive et n'a pas sciemment caché cette information ; qu'elle-même, elle n'a pas eu connaissance de la servitude lorsqu'elle a acquis la parcelle ; que c'est donc en toute bonne foi qu'elle a procédé à la vente en état futur d'achèvement aux époux [K], sans faire état de l'existence d'une servitude ; que le jugement déféré sera réformé sur ce point et M. et Mme [K] seront déboutés de leur demande indemnitaire sur le fondement de l'article 1231 du code civil.
M. et Mme [K] répliquent que si la présence de cette servitude ne pouvait évidemment, en aucun cas, échapper à la sagacité d'un professionnel comme Valloire Habitat, il n'en était pas de même pour de simples particuliers qui ne pouvaient se douter un seul instant de son existence que nul ne leur avait signalée ; qu'en ce qui les concerne, il ne peut donc être considéré que cette servitude était apparente au moment de la vente ; que rien ne leur permettait de se douter que ce regard correspondait à deux importantes canalisations, propriété d'un tiers, [Localité 3] Métropole ; qu'aucun arrêté n'a été produit lors de la vente ni postérieurement à celle-ci mais en outre, aucune information n'a été portée à leur connaissance ; que l'existence de ce seul regard laissait plutôt supposer qu'il correspondait à un équipement privé lié à la maison dont ils faisaient l'achat alors que, comme l'expertise judiciaire l'a mis en évidence, il n'existe aucun raccordement de leur maison sur cette canalisation ; qu'il a été jugé que des canalisations enterrées ne pouvaient être considérées comme un ouvrage apparent, même si les
extrémités des canalisations étaient visibles ; que la société Valloire Habitat en sa qualité de vendeur professionnel de l'immobilier, est présumée avoir eu connaissance de l'existence de cette servitude présente sur le terrain où se trouve implantée la maison vendue en VEFA ; qu'ayant volontairement passé l'existence de cette servitude sous silence lors de la vente, celui-ci a commis une faute contractuelle dont il doit pleine et entière réparation et le jugement sera confirmé sur ce point ; que la société Valloire Habitat a commis une faute dolosive, car elle n'ignorait rien de la présence de ces canalisations et de la servitude qui en résulte ; qu'il est bien évident que le constructeur, sauf à être totalement inconséquent, s'est nécessairement préoccupé de savoir à quoi correspondait le regard situé sur la parcelle sur laquelle il construisait, et il a cependant caché cette information déterminante aux acquéreurs ; que le vendeur s'est engagé à réaliser des travaux d'enfouissement de ce regard puis d'engazonnement après travaux mais cet engagement n'a jamais été suivi d'effet ; que cette promesse était tout simplement mensongère puisque la société Valloire Habitat n'avait pas qualité pour entreprendre de tels travaux d'enfouissement sur cet ouvrage ; que postérieurement, la société Valloire Habitat s'est engagée à enterrer le regard, sans que l'on sache quels seraient précisément les travaux mis en 'uvre et quelles conséquences subsisteraient pour eux quant à la restriction de leur droit de propriété ; qu'en réalité, la société Valloire Habitat n'étant pas propriétaire de cet ouvrage et n'ayant aucun droit dessus, elle se trouve dans l'incapacité juridique sinon technique d'intervenir ; qu'enterrer le regard ne supprimera pas la servitude qui perdurera ; qu'ils n'ont pas refusé une solution qui aurait consisté dans l'enfouissement du regard, mais ont, au contraire, interrogé à plusieurs reprises la société Valloire Habitat sur les tenants et aboutissants d'une telle solution, sans jamais avoir reçu de réponse ; que si le vendeur a faussement affirmé dans l'acte de vente qu'il n'a constitué sur le fonds aucune servitude et qu'il n'en existe pas à sa connaissance, il a commis une faute contractuelle dont il doit réparation ; que le vendeur s'est rendu coupable d'une man'uvre dolosive pour surprendre le consentement des acquéreurs, et ils ont donc droit à réparation de leur préjudice sur le fondement du droit commun de la responsabilité contractuelle ; que de plus, au regard des dispositions de l'article 1638 du code civil, il doit être considéré que s'ils avaient su qu'ils devraient supporter dans leur minuscule jardin la présence non seulement d'un regard en béton liée mais plus encore les contraintes liées à l'existence d'une servitude portant sur le passage sur leur terrain d'une canalisation d'eaux usées, qui ne les concerne en rien, ils auraient refusé d'acquérir ce lot et en auraient préféré un autre disposant d'un jardin libre de toute servitude.
Réponse de la cour
L'article 1638 du code civil dispose : « si l'héritage vendu se trouve grevé, sans qu'il en ait été fait de déclaration, de servitudes non apparentes, et qu'elles soient de telle importance qu'il y ait lieu de présumer que l'acquéreur
n'aurait pas acheté s'il en avait été instruit, il peut demander la résiliation du contrat, si mieux il n'aime se contenter d'une indemnité ».
Il est établi qu'un regard de canalisation d'eaux usées appartenant à [Localité 3] Métropole, d'un mètre de diamètre de 4 à 6 m de profondeur, existe dans le jardin privatif de M. et Mme [K], étant précisé que leur maison d'habitation n'est pas raccordée à cette canalisation.
Aux termes de l'article 689 du code civil, les servitudes apparentes sont celles qui s'annoncent par des ouvrages extérieurs, tels qu'une porte, une fenêtre, un aqueduc. Les servitudes non apparentes sont celles qui n'ont pas de signe extérieur de leur existence, comme, par exemple, la prohibition de bâtir sur un fonds, ou de ne bâtir qu'à une hauteur déterminée.
En l'espèce, la servitude d'écoulement des eaux usées se matérialise sur la propriété vendue à M. et Mme [K] par un regard en surface recouvert de fonte. La servitude est donc apparente au sens de l'article 689 du code civil, quand bien même M. et Mme [K] soutiennent qu'ils ne pouvaient pas suspecter que le regard était relatif à une canalisation d'eaux usées.
Il s'ensuit que les dispositions de l'article 1638 du code civil précitées ne sont pas applicables dès lors que la servitude litigieuse est apparente.
Aux termes de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
Le contrat de vente conclu entre les parties ne mentionne pas l'existence d'aucune servitude alors que le vendeur a vendu un bien comportant une servitude d'écoulement d'eaux usées présentant en outre un regard dans le jardin des acquéreurs.
La société Valloire Habitat n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'a commis aucune faute au motif que son propre acte d'acquisition ne portait pas mention de cette servitude, alors qu'en faisant construire une maison d'habitation sur la parcelle litigieuse, elle avait connaissance de l'existence du regard en surface de sorte qu'elle était en capacité de se renseigner sur le réseau correspondant à ce regard avant de conclure la vente avec M. et Mme [K].
Si une faute dolosive n'est pas établie en l'absence de preuve du caractère déterminant du consentement des acquéreurs sur ce point, il n'en demeure
pas moins que le vendeur a commis une faute contractuelle engageant sa responsabilité à l'égard des acquéreurs sur le fondement de l'article 1147 ancien du code civil.
En conséquence, M. et Mme [K] sont fondés à obtenir indemnisation des préjudices subis par la faute du vendeur.
Sur l'indemnisation des acquéreurs
Moyens des parties
Les appelants soutiennent que l'évaluation du préjudice faite par le tribunal est tout à fait dérisoire au regard du préjudice subi ; qu'ils entendent solliciter le versement d'une indemnité qu'ils entendent porter en cause d'appel à l'équivalent de 50 % du prix de vente, soit en l'espèce 84 000 € ; que l'emprise de la servitude s'étendra sur une surface de 105 m² correspondant à une bande de 2,50 m de large de part et d'autre des deux canalisations ; que l'accès au terrain devra demeurer libre en permanence, afin de permettre d'assurer la maintenance et l'entretien des réseaux et l'emprise de la servitude devra être dégagée de toutes nouvelles constructions, végétations et mobiliers, outre d'autres obligations imposées par [Localité 3] Métropole ; qu'ils devront, de plus, intégrer ces restrictions à l'acte de vente lorsqu'ils envisageront de céder leur bien ; qu'il leur est désagréable de savoir que deux importantes canalisations dont une d'eaux usées traversent le sous-sol de leur jardin et de leur maison ; qu'il y aura donc lieu de condamner la société Valloire Habitat à leur verser la somme de 84 000 € à titre de dommages et intérêts.
La société Valloire Habitat réplique que tout en retenant que le regard situé dans le jardin des époux [K] prend une place significative, le tribunal précise qu'il n'est pas démontré que la présence de cette canalisation constitue un préjudice qui empêcherait les époux [K] de pleinement profiter de leur bien ; que de même, le tribunal relève qu'aucun trouble de jouissance n'a été subi depuis l'acquisition du bien et qu'aucune odeur nauséabonde en provenance du regard n'est relevée ; qu'en application de l'article 1638 du code civil, l'acquéreur doit démontrer que s'il avait eu connaissance de la servitude, il n'aurait pas acquis le bien, et c'est à cette seule condition qu'une indemnisation peut être allouée ou une résiliation prononcée ; que M. et Mme [K] ne démontrent pas les raisons pour lesquelles ils n'auraient pas conclu s'ils avaient eu connaissance de cette servitude ; que si l'existence d'une servitude apparente n'est pas retenue, cette servitude a été portée à leur connaissance lors du dépôt du rapport d'expertise le 22 septembre 2014 ; que les éléments soumis aux débats ne laissent pas penser que M. et Mme [K] n'auraient pas contracté s'ils avaient eu connaissance de cette servitude ; que le regard litigieux et le réseau attenant ne créent aucune nuisance à M. et Mme [K], qui ne
subissent aucune nuisance olfactive et n'ont jamais été importunés par le fonctionnement de cette canalisation et ce tampon depuis leur entrée dans les lieux en 2013 ; que M. et Mme [K] peuvent parfaitement aménager leur jardin et l'engazonner et ne sont nullement privés de l'usage normal de leur terrain ; que M. et Mme [K] n'ont jamais donné leur accord pour procéder à l'étêtement du regard, son remblaiement et l'engazonnement du terrain ; qu'en l'absence de préjudice, jugement déféré sera réformé sur ce point.
Réponse de la cour
L'indemnisation du préjudice subi par M. et Mme [K] est fondée sur l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et non sur l'article 1638 du code civil ainsi qu'il a été précédemment exposé.
La société Valloire Habitat ayant commis une faute contractuelle, elle est tenue à indemniser l'entier préjudice qui était prévisible lors de la conclusion du contrat.
Le préjudice subi par M. et Mme [K] est double puisqu'une servitude d'écoulement des eaux usées grève leur fonds et qu'il existe un regard d'un mètre de diamètre de 4 à 6 m de profondeur dans leur jardin.
S'agissant de ce regard, [Localité 3] Métropole, propriétaire du réseau, a indiqué que la suppression simple de ce regard n'est pas possible sans risque, mais que son enterrement pouvait être réalisé à ses frais. Toutefois, l'enfouissement du regard ne fait pas disparaître le préjudice lié à la servitude non révélée lors de la vente, et de l'accès au regard en cas de besoin par les servies d'[Localité 3] Métropole.
Il convient de relever que le jardin de M. et Mme [K] est petit de sorte que l'emprise de la servitude couvre une partie importante du jardin.
Orléans Métropole a proposé à M. et Mme [K] la signature d'une convention destinée à régulariser la servitude de canalisations passant sous leur propriété. Il y est mentionné que l'emprise de la servitude est de 105 m² sur une parcelle d'une superficie de 173 m², et que l'emprise de la servitude présente une longueur de 23 mètres. Ce projet de convention prévoit des obligations à la charge de M. et Mme [K] :
- l'accès au terrain doit demeurer libre en permanence, a'n de permettre d'assurer la maintenance et l'entretien des réseaux, et si cet accès est fermé, les modalités d'accès à la parcelle devront être dé'nies avec le propriétaire du fonds servant, pour permettre au personnel d'[Localité 3] Métropole ou son représentant d'assurer ses missions, en particulier dans le cas d'une intervention d'entretien non programmée et à réaliser en urgence ;
- l'emprise de la servitude devra être dégagée de toutes nouvelles constructions, végétations et mobiliers, le propriétaire du fonds servant s'engageant à la maintenir en l'état ;
- entretenir l'accès et le maintenir en bon état a'n de permettre le passage exclusivement des véhicules d'entretien ou d'intervention des ouvrages d'assainissement ;
- ne planter aucun végétal à fort développement, et ne pas construire d'édi'ce à l'aplomb et dans les abords immédiats de la canalisation ; les végétaux présents rendant dif'cile l'accès aux réseaux, pourraient être abattus ;
- maintenir l'installation en place et renoncer à demander l'enlèvement ou la modi'cation de l'ouvrage ;
- ne pas réaliser de travaux, et plus généralement à s'abstenir de tout fait de nature à nuire ou qui soit préjudiciable à l'établissement, au bon fonctionnement, à l'entretien, l'accès, l'exploitation, la solidité et la conservation des ouvrages ainsi qu'à la sécurité des biens et des personnes.
Il s'ensuit que la servitude de canalisations limite les droits des propriétaires qui ne peuvent user et aménager leur jardin comme il leur semble, outre qu'en cas de revente, M. et Mme [K] devront indiquer aux acquéreurs éventuels l'existence de cette servitude limitant l'exercice du droit de propriété. Toutefois, le préjudice subi résultant de canalisations souterraines, et le regard pouvant être enfoui, M. et Mme [K] ne sont pas fondés à solliciter une indemnité équivalant à la moitié du prix de leur maison.
Au regard des éléments précités, il convient d'indemniser intégralement M. et Mme [K] du préjudice subi en leur allouant une somme de 15 000 euros. La société Valloire Habitat sera donc condamnée à leur verser cette somme et le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a condamné la société HLM Vallogis à payer à M. et Mme [K] ensemble la somme de 5 500 euros à titre de dommages et intérêts.
Sur les frais de procédure
Le jugement sera confirmé en ses chefs statuant sur les dépens et les frais irrépétibles.
La société Valloire Habitat sera condamnée aux dépens d'appel avec distraction des dépens, ainsi qu'à payer à M. et Mme [K] la somme complémentaire de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel.
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
INFIRME le jugement en ce qu'il a condamné la société HLM Vallogis à payer à M. et Mme [K] ensemble la somme de 5 500 euros à titre de dommages et intérêts ;
CONFIRME le jugement en ses autres dispositions critiquées ;
STATUANT À NOUVEAU sur le chef infirmé et Y AJOUTANT :
DIT que la société Valloire Habitat a commis une faute engageant sa responsabilité contractuelle à l'égard de M. et Mme [K] ;
CONDAMNE la société Valloire Habitat à payer à M. et Mme [K] la somme de 15 000 euros en réparation de leur préjudice ;
CONDAMNE la société Valloire Habitat à payer à M. et Mme [K] la somme complémentaire de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société Valloire Habitat aux entiers dépens d'appel ;
AUTORISE les avocats de la cause à recouvrer directement et à leur profit, contre la partie condamnée aux dépens, ceux dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision.
Arrêt signé par Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de Chambre et Mme Karine DUPONT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT