La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/05/2024 | FRANCE | N°24/01084

France | France, Cour d'appel d'Orléans, Chambre des rétentions, 16 mai 2024, 24/01084


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

Rétention Administrative

des Ressortissants Étrangers



ORDONNANCE du 16 MAI 2024

Minute N°

N° RG 24/01084 - N° Portalis DBVN-V-B7I-G7PT

(1 pages)





Décision déférée : Juge des libertés et de la détention d'Orléans en date du 14 mai 2024 à 11h37



Nous, Lionel Da Costa Roma, conseiller à la cour d'appel d'Orléans, agissant par délégation du premier président de cette cour, assisté de Hermine Bildstein, gref

fier stagiaire en pré-affectation sur poste, aux débats et au prononcé de l'ordonnance,





APPELANT :

LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE PRÈS LE TRIBUNAL J...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

Rétention Administrative

des Ressortissants Étrangers

ORDONNANCE du 16 MAI 2024

Minute N°

N° RG 24/01084 - N° Portalis DBVN-V-B7I-G7PT

(1 pages)

Décision déférée : Juge des libertés et de la détention d'Orléans en date du 14 mai 2024 à 11h37

Nous, Lionel Da Costa Roma, conseiller à la cour d'appel d'Orléans, agissant par délégation du premier président de cette cour, assisté de Hermine Bildstein, greffier stagiaire en pré-affectation sur poste, aux débats et au prononcé de l'ordonnance,

APPELANT :

LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE PRÈS LE TRIBUNAL JUDICIAIRE D'ORLÉANS

INTIMÉS :

1) M. [U] [P]

Né le 14 mai 1994 à [Localité 2] (Algérie) de nationalité française

actuellement en rétention administrative dans des locaux ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire au centre de rétention d'[Localité 4]

comparant par visioconférence, assisté de Me Achille Da Silva, avocat au barreau d'Orléans

en présence de Mme [O] [C], interpète en langue arabe, expert près la cour d'appel d'Orléans, qui a prêté son concours lors de l'audience et du prononcé ;

2) LA PRÉFECTURE DE LA LOIRE-ATLANTIQUE

non comparante, non représentée ;

MINISTÈRE PUBLIC : en la personne de Mme Isabelle Pagenelle, avocat général,

À notre audience publique tenue en visioconférence au Palais de Justice d'Orléans, conformément à l'article L. 743-8 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), le 16 mai 2024 à 14 heures,

Statuant publiquement et contradictoirement en application des articles L. 743-21 à L. 743-23 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), et des articles R. 743-10 à R. 743-20 du même code,

Vu l'ordonnance rendue le 14 Mai 2024 à 11h37 par le juge de la liberté et de la détention du tribunal judiciaire d'Orléans ordonnant la jonction des procédures N°RG 24/2013 et N°RG 24/2016, constatant l'illégalité du placement en rétention, et et ordonnance la mainlevée immédiate de la mesure de rétention administrative de M. [U] [P] ;

Vu l'appel de ladite ordonnance interjeté le 14 mai 2024 à 18h32 par le procureur de la République près le tribunal judiciaire d'Orléans, avec demande d'effet suspensif ;

Vu l'ordonnance du 15 mai 2024 conférant un caractère suspensif au recours du procureur de la République ;

Vu les observations :

- de l'avocat général tendant à l'infirmation de l'ordonnance ;

- de M. [U] [P], assisté de son conseil, qui demande la confirmation de l'ordonnance ;

AVONS RENDU ce jour, publiquement et contradictoirement, l'ordonnance suivante :

Il résulte de l'article 66 de la Constitution et de l'article L 743-9 du CESEDA que le juge des libertés doit s'assurer que l'étranger est pleinement informé de ses droits et placé en état de les faire valoir lorsqu'il se trouve placé en rétention administrative.

Aux termes de l'article L. 743-12 du CESEDA, en cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, toute juridiction, y compris la Cour de cassation, qui est saisie d'une demande d'annulation ou qui relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la main levée de la mesure de placement en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l'étranger.

Selon l'article L. 741-3 du CESEDA, « un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps nécessaire à son départ, l'administration étant tenue d'exercer toutes diligences à cet effet, dès le placement en rétention ».

1. Sur la régularité de la procédure précédant le placement

Sur la régularité de l'interpellation, il ressort du procès-verbal d'interpellation du 11 mai 2024 que les services de police de la circonscription de [Localité 3] ont été requis ce même jour à 11h25 pour un vol de sac à dos, la victime ayant précisé que l'I-Pad présent à l'intérieur de ce sac pouvait être géolocalisé. Suite au bornage de l'appareil au [Adresse 6] de [Localité 3], la victime s'est transportée elle-même sur les lieux et a pu donner une description précise des individus en possession de ses effets personnels. C'est donc sur la base de ces éléments que les agents interpellateurs ont retrouvé la trace de M. [U] [P] et de l'individu qui l'accompagnait. Il est également précisé qu'au moment où les agents de police se sont présentés aux deux auteurs supposés du vol, l'un des protagonistes, en la personne de M. [U] [P], a déclaré avoir volé le sac à dos quelques instants auparavant, sans que son ami ne soit au courant.

Il suit que l'interpellation de M. [U] [P], inscrite dans le cadre d'une enquête de flagrance dûment caractérisée par l'existence d'indices apparents d'un comportement délictueux au vu des éléments d'espèce ci-dessus, était tout à fait régulière. Son ami, à l'égard duquel aucun soupçon n'était caractérisé, a été laissé libre à l'issue du contrôle.

La garde à vue qui a suivi pour M. [U] [P], dont l'objectif était, conformément aux dispositions de l'article 62-2 du code de procédure pénale, de permettre l'exécution des investigations impliquant la présence ou la participation de la personne à l'encontre de laquelle il existait une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle ait commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement (en l'espèce un vol, puni de trois ans d'emprisonnement), et de garantir sa représentation devant le procureur de la République, était tout aussi régulière.

2. Sur la légalité de l'arrêté de placement

Sur la compétence du signataire de l'acte de placement, la cour constate qu'a été jointe en procédure la délégation de signature du 15 avril 2024 accordant à M. [Z] [K], signataire de l'arrêté de placement du 11 mai 2024 pris à l'encontre de M. [U] [P], la possibilité de signer ce type de décision. Par conséquent, le moyen est rejeté.

Sur le moyen tiré du défaut de base légale lié à l'expiration de la mesure d'éloignement, le premier juge a repris les dispositions de l'article 2 du code civil aux termes desquelles « la loi ne dispose que pour l'avenir, elle n'a point d'effet rétroactif », et a considéré que si la loi du 26 janvier 2024 n° 2024-42 avait eu pour effet de modifier l'article L. 731-1 du CESEDA en prolongeant le délai exécutoire d'une obligation de quitter le territoire de un à trois ans, elle ne pouvait s'appliquer aux situations définitivement constituées avant son entrée en vigueur. Ainsi, il a été conclu en l'espèce à l'expiration, depuis le 9 décembre 2023, du délai d'exécution de l'obligation de quitter le territoire notifiée le 9 décembre 2022 et, par conséquent, au défaut de base légale de l'arrêté de placement édicté le 11 mai 2024.

Concernant ce point de droit, la cour d'appel rappelle au préalable qu'une obligation de quitter le territoire français n'a pas de limite temporelle dans son existence juridique. Ainsi, un étranger faisant l'objet d'une telle mesure reste tenu de quitter le territoire, même une fois ce délai d'un an ou de trois ans expiré.

Il s'en déduit qu'en l'espèce, l'obligation de quitter le territoire prise à l'encontre de M. [U] [P] le 9 décembre 2022 est toujours en vigueur, et le restera jusqu'à ce qu'elle soit abrogée, suspendue, annulée, ou exécutée.

Se pose ensuite la question du délai durant lequel l'administration est en mesure de procéder à l'exécution de la mesure d'éloignement. Pour cela, il convient de s'en référer aux dispositions de l'article L. 731-1 du CESEDA applicables à l'assignation à résidence et, par renvoi à ce dernier, aux dispositions de l'article L. 741-1 applicables au placement en rétention.

Les dispositions de ces articles ont été modifiées par l'article 72 2° du VI de la loi du 26 janvier 2024 n° 2024-42. Désormais, l'autorité administrative peut placer en rétention administrative l'étranger faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins de trois ans auparavant (et non plus un an), pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé.

Le législateur a prévu le caractère d'applicabilité immédiate de cette disposition. En effet, l'article 76 de la loi du 26 janvier 2024 prévoit pour les dispositions relatives à la visioconférence en zone d'attente, une entrée en vigueur à une date fixée par décret en conseil d'État et au plus tard le premier jour du septième mois suivant celui de l'application de la loi. A contrario, toutes les autres dispositions sont immédiatement applicables.

Or, ce caractère d'applicabilité immédiate doit être distingué de celui de non-rétroactivité. Il convient donc de retenir que la nouvelle norme s'impose aux situations en cours, c'est-à-dire les situations nées dans le passé mais se poursuivant postérieurement à son entrée en vigueur, soit après le 28 janvier 2024.

En l'espèce, M. [U] [P] fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire en date du 9 décembre 2022. A partir de cette décision est née une situation juridique imposant à l'intéressé de quitter le territoire.

Cette situation juridique est restée inchangée jusqu'à aujourd'hui, puisque l'OQTF n'a jamais été remise en cause ni exécutée.

L'applicabilité immédiate de la loi du 26 janvier 2024 permettait donc l'application des articles L. 741-1 et L. 731-1, dans leur nouvelle rédaction, à cette situation.

Il s'en déduit qu'en l'espèce l'arrêté de placement litigieux, ayant été notifié le 11 mai 2024 à un étranger faisant l'objet d'une OQTF prise moins de trois ans auparavant, en la personne de M. [U] [P], contraint de quitter le territoire depuis le 9 décembre 2022, n'était pas dépourvu de base légale. L'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 14 mai 2024 sera donc infirmée sur ce point.

Sur le défaut de motivation de l'arrêté de placement, le conseil de M. [U] [P] reproche à l'administration d'avoir privilégié la décision de placement à l'assignation à résidence, malgré l'hébergement dont dispose l'intéressé au [Adresse 1] à [Localité 5].

Sur ce point, la cour rappelle au préalable que le préfet n'est pas tenu, dans sa décision, de faire état de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé dès lors que les motifs positifs qu'il retient suffisent à justifier le placement en rétention, qui est la date à laquelle le juge doit se placer pour apprécier la légalité de la décision de placement.

En l'espèce, le préfet de la Loire-Atlantique a notamment justifié sa décision de placement en rétention du 11 mai 2024 par le maintien de M. [U] [P] en situation irrégulière sur le territoire français malgré l'obligation de quitter le territoire français prise et notifiée à son encontre le 9 décembre 2022, par ses déclarations explicites quant à sa volonté de ne pas se conformer à cette mesure d'éloignement, par la soustraction aux obligations de pointage de l'assignation à résidence lui ayant été notifié le 21 avril 2024, ce qui est établi par le procès-verbal de carence du 27 avril 2024, et par la menace qu'il représente à l'ordre public au regard de ses antécédents judiciaires et des faits pour lesquels il est défavorablement connu des services de police.

Il suit que le préfet de la Loire-Atlantique a parfaitement motivé sa décision au regard du risque de soustraction à la mesure d'éloignement de M. [U] [P], étant précisé qu'il n'avait pas connaissance, à la date du 11 mai 2024, du justificatif d'hébergement de l'intéressé : ce document étant daté du 13 mai 2024.

En tout état de cause, l'intéressé n'est pas fondé à soulever qu'une assignation à résidence serait suffisante dans son cas, alors qu'il n'a jamais déféré aux obligations de pointage de celle qui lui a été notifiée le 21 avril 2024. Ainsi, la présence d'un passeport et d'une attestation d'hébergement ne sont pas, dans ce cas d'espèce, des éléments de nature à caractériser l'existence de garanties effectives de représentation. Le moyen ne peut qu'être rejeté.

C'est donc à tort que le premier juge a rejeté la requête en prolongation adressée par le préfet de la Loire-Atlantique et mis fin à la rétention administrative de M. [U] [P]. Etant observé qu'en cause d'appel la requête du préfet tendant à la prolongation motivée tant en droit qu'en fait a été réitérée, il convient, après avoir infirmé la décision de première instance, de statuer comme précisé au dispositif ;

PAR CES MOTIFS,

DÉCLARONS recevable l'appel du parquet ;

INFIRMONS l'ordonnance ;

STATUANT À NOUVEAU :

DÉCLARONS recevable la requête en prolongation du préfet de la Loire-Atlantique ;

ORDONNONS la prolongation de la rétention de M. [U] [W] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée de 28 jours à compter du 13 mai 2024 à 18h45 ;

ORDONNONS la remise immédiate au procureur général d'une expédition de la présente ordonnance ;

LAISSONS les dépens à la charge du Trésor.

Le SEIZE MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE, à Orléans, à heures

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Hermine BILDSTEIN Lionel DA COSTA ROMA

Pour information : L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien la rétention et au ministère public. Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification. Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.

NOTIFICATIONS, le 16 mai 2024 :

La préfecture de la Loire-Atlantique, par courriel

Monsieur le Procureur Général, par courriel

M. [U] [P] , copie remise par transmission au greffe du CRA

Me Achille Da Silva, avocat au barreau d'Orléans, copie remise en main propre contre récépissé

L'avocat de l'intéressé L'interprète L'avocat général


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : Chambre des rétentions
Numéro d'arrêt : 24/01084
Date de la décision : 16/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-16;24.01084 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award