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09/05/2024 | FRANCE | N°24/01022

France | France, Cour d'appel d'Orléans, Chambre des rétentions, 09 mai 2024, 24/01022


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

Rétention Administrative

des Ressortissants Étrangers



ORDONNANCE du 09 MAI 2024

Minute N°

N° RG 24/01022 - N° Portalis DBVN-V-B7I-G7LM

(1 pages)



Décision déférée : Juge des libertés et de la détention d'ORLÉANS en date du 05 mai 2024 à 14h27



Nous, Nathalie Lauer, président de chambre à la cour d'appel d'Orléans, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Nathalie Fabre,, aux déb

ats et au prononcé de l'ordonnance,



APPELANT :

M. [R] [I]

né le 30 Juin 1995 à [Localité 3], de nationalité marocaine,



actuellement en rétenti...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

Rétention Administrative

des Ressortissants Étrangers

ORDONNANCE du 09 MAI 2024

Minute N°

N° RG 24/01022 - N° Portalis DBVN-V-B7I-G7LM

(1 pages)

Décision déférée : Juge des libertés et de la détention d'ORLÉANS en date du 05 mai 2024 à 14h27

Nous, Nathalie Lauer, président de chambre à la cour d'appel d'Orléans, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Nathalie Fabre,, aux débats et au prononcé de l'ordonnance,

APPELANT :

M. [R] [I]

né le 30 Juin 1995 à [Localité 3], de nationalité marocaine,

actuellement en rétention administrative dans des locaux ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire du centre de rétention administrative d'[Localité 4],

comparant par visioconférence assisté de Me Mélodie Gasner, avocat au barreau d'ORLEANS,

Mentionnons que M. [R] [I] n'a pas souhaité avoir recours à un interprète.

INTIMÉ :

LA PREFECTURE DE LA MANCHE

non comparante, non représentée,

MINISTÈRE PUBLIC : avisé de la date et de l'heure de l'audience,

À notre audience publique tenue en visioconférence au Palais de Justice d'Orléans, conformément à l'article L. 743-8 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), le 09 mai 2024 à 10 H 00 heures ;

Statuant en application des articles L. 743-21 à L. 743-23 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), et des articles R. 743-10 à R. 743-20 du même code ;

Vu l'ordonnance rendue le 05 mai 2024 à 14h27 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire d'Orléans ordonnant la jonction des procédures de demande de prolongation par la préfecture et de recours contre l'arrêté de placement en rétention administrative par le retenu, rejetant le recours formé par le retenu contre l'arrêté de placement en rétention administrative, et ordonnant la prolongation du maintien de M. [R] [I] dans les locaux non pénitentiaires pour une durée de vingt huit jours à compter du 04 mai 2024 ;

Vu l'appel de ladite ordonnance interjeté le 06 mai 2024 à 19h01 par M. [R] [I];

Après avoir entendu :

- Me Mélodie Gasner, en sa plaidoirie,

- M. [R] [I], en ses observations, ayant eu la parole en dernier ;

AVONS RENDU ce jour, publiquement et contradictoirement, l'ordonnance suivante :

Il résulte de l'article 66 de la Constitution et de l'article L 743-9 du CESEDA que le juge des libertés doit s'assurer que l'étranger est pleinement informé de ses droits et placé en état de les faire valoir lorsqu'il se trouve placé en rétention administrative.

Aux termes de l'article L 743-12 du CESEDA, en cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, toute juridiction, y compris la Cour de cassation, qui est saisie d'une demande d'annulation ou qui relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la main levée de la mesure de placement en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l'étranger.

Selon l'article L 741-3 du CESEDA, "un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps nécessaire à son départ, l'administration étant tenue d'exercer toutes diligences à cet effet, dès le placement en rétention".

Il convient de considérer que c'est par une analyse circonstanciée et des motifs particulièrement pertinents qu'il y a lieu d'adopter que le premier juge a statué sur l'ensemble des moyens de fond soulevés devant lui et repris devant la cour, étant observé, au vu des termes de la déclaration d'appel du retenu du 5 mai 2024 et des moyens repris lors des débats de ce jour :

1. Sur l'irrégularité de la procédure précédant le placement en rétention administrative

Le conseil de M. [R] [I], rappelant les dispositions de l'article 78-2 alinéa 10, estime que le contrôle de police dont l'intéressé a fait l'objet le 1er mai 2024 était irrégulier, en l'absence d'éléments dans la procédure permettant de déterminer sa durée, qui ne peut excéder douze heures en application des dispositions de l'article susmentionné.

Toutefois, la cour relève que ce moyen n'est pas fondé dans la mesure où le procès-verbal d'interpellation du 1er mai 2024 expose les éléments suivants : « Agissant en application des dispositions de l'article 78-2 alinéa 10 du code de procédure pénale dans le cadre d'une opération de contrôle d'identité pour la prévention et la recherche des infractions liées à la criminalité transfrontière (')

Ce jour, cette opération est exclusivement accomplie de 22 heures à 3 heures ». Ainsi, la durée du contrôle étant en l'espèce de cinq heures, aucune irrégularité ne peut être caractérisée.

De plus, le moyen tiré d'une irrégularité du contrôle de police s'analyse comme une exception de procédure au sens de l'article 74 du code de procédure civile, devant être soulevée avant toute défense au fond. Il y a donc lieu de déclarer ce dernier irrecevable en l'espèce, faute d'avoir été soulevé in limine litis devant le premier juge.

2. Sur l'exercice des droits en rétention

S'agissant du moyen tiré de l'exercice effectif des droits en rétention, il ne s'agit pas d'une exception de procédure au sens de l'article 74 du code de procédure civile, et il s'en déduit qu'il peut être soulevé pour la première fois en cause d'appel.

Ce raisonnement s'applique également à la notification des droits en rétention (1ère Civ. 23 février 2011, pourvoi n° 10-11.862).

Ainsi, la déclaration d'appel du retenu consiste à citer les articles L. 741-9, L. 744-4, et R. 744-16 du CESEDA, ainsi que des décisions de justice portant sur la transmission des coordonnées téléphoniques du consulat à l'intéressé, en affirmant que ce dernier n'a pu être en mesure d'exercer ses droits.

Il résulte des dispositions de l'article L. 744-4 du CESEDA que l'intéressé doit se voir notifier, dans les meilleurs délais et dans une langue qu'il comprend, ses droits en rétention.

La notification des droits porte, en application des dispositions de l'article L. 744-4 du CESEDA, sur le droit de bénéficier d'un interprète, d'un conseil et d'un médecin, et de communiquer avec son consulat et toute personne de son choix.

Il n'est pas imposé de fournir les coordonnées exactes du consulat dont l'intéressé déclare avoir la nationalité.

Dès son arrivée au centre de rétention, conformément aux dispositions de l'article R. 744-16 du CESEDA, un procès-verbal de notification des droits en rétention est établi et signé par l'intéressé, qui en reçoit un exemplaire, le fonctionnaire qui en est l'auteur et, le cas échéant, l'interprète.

L'étranger doit aussi être mis en mesure de communiquer avec toute personne de son choix, avec les autorités consulaires du pays dont il déclare avoir la nationalité et avec son avocat s'il en a un, ou, s'il n'en a pas, avec la permanence du barreau du tribunal judiciaire dans le ressort duquel se trouve le lieu de rétention.

En l'espèce, M. [R] [I] s'est vu notifier un arrêté de placement le 2 mai 2024 à 17h30. La décision était accompagnée d'un document intitulé « vos droits en rétention », l'informant que dès son arrivée au centre de rétention, ses droits lui seront précisés et un règlement intérieur du centre sera mis à sa disposition, et qu'il est d'ores et déjà informé de son droit de prendre attache avec l'OFII (Office Français pour l'Immigration et l'Intégration) pour une évaluation de son état de vulnérabilité, de prendre attache avec l'unité médicale du CRA en tant que de besoin, de demander l'assistance d'un interprète, de communiquer avec son consulat et avec toute personne de son choix, de demander l'asile et de contacter une association. Cela répond en l'espèce aux exigences de l'article L. 744-4 du CESEDA.

M. [R] [I] a ensuite été acheminé au Local de Rétention Administrative de [Localité 2] le 2 mai 2024 à 17h40, et le registre fait mention d'une notification des ses droits en rétention dès son arrivée au local.

Il a enfin été transféré au Centre de Rétention Administrative d'[Localité 4] le 3 mai 2024 à 17h28, ce qui a donné lieu à une nouvelle notification des droits en rétention à 17h35.

Ainsi, il ressort de l'ensemble des pièces du dossier que l'intéressé a été dûment informé de ses droits en rétention et placé en état de les faire valoir, étant ajouté au surplus qu'il n'établit pas avoir tenté sans succès de prendre attache avec le consulat dont il déclare avoir la nationalité. Le moyen est donc rejeté.

3. Sur le placement et la requête en prolongation

Sur l'incompétence du signataire de l'acte de placement, la cour constate que l'arrêté de placement en rétention du 2 mai 2024 a été signé par Madame [M] [X], secrétaire générale de la préfecture de la Manche, et que la délégation de signature du 13 septembre 2023 jointe en procédure lui accorde cette compétence. Le moyen est rejeté.

Sur l'irrecevabilité de la requête de la préfecture, la déclaration d'appel du retenu se contente de citer les dispositions de l'article R. 743-2 du CESEDA et la jurisprudence applicable en la matière sans préciser quelles pièces seraient manquantes à l'appui de la requête préfectorale du 4 mai 2024. Dans ces conditions, il y a lieu de constater que ladite requête, qui est motivée, datée signée et accompagnée de toutes pièces justificatives utiles est recevable.

Sur le défaut d'examen de la situation personnelle liée à la possibilité d'assigner à résidence, le conseil de M. [R] [I], reprenant les dispositions combinées des articles L731-1, L741-1 et L612-3 8° du CESEDA, conteste la décision du préfet de prononcer un placement en rétention sans envisager une assignation à résidence, alors même qu'il dispose d'un hébergement chez Madame [G] [Z] au [Adresse 1]. L'administration n'aurait pas non plus, selon ses affirmations, visé toutes les dispositions applicables au sein de l'arrêté.

Sur ce point, la cour rappelle au préalable que le préfet n'est pas tenu, dans sa décision, de faire état de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé dès lors que les motifs positifs qu'il retient suffisent à justifier le placement en rétention, qui est la date à laquelle le juge doit se placer pour apprécier la légalité de la décision de placement.

En l'espèce, le préfet de la Manche a notamment justifié sa décision de placement en rétention du 2 mai 2024 par l'absence de document de voyage ou d'identité en cours de validité présenté par l'intéressé, l'absence de domicile fixe, ainsi que la menace qu'il représente pour l'ordre public dans la mesure où il est défavorablement connu des services de police.

La décision de placement vise également les textes applicables en matière de rétention administrative, notamment les articles L. 612-2, L. 612-3, L.731-1, L740-1, L. 741-1, L. 741-6 et L.741-9 du CESEDA, et est donc motivée tant en fait qu'en droit.

La cour observe également que l'intéressé avait déclaré dans son audition du 2 mai 2024 être sans domicile fixe mais disposer d'une adresse postale chez SOS accueil [Localité 5]. Il ne peut donc être reproché au préfet de ne pas avoir pris en compte un hébergement qui n'avait pas été porté à sa connaissance, étant observé que cet élément seul ne suffit pas à caractériser l'existence de garanties effectives de représentation propres à prévenir le risque de soustraction à la mesure d'éloignement.

Enfin, les arguments tenant au temps de présence régulière ou irrégulière sur le territoire français et à l'absence de liens au Maroc sont inopérants devant le juge judiciaire, en ce qu'ils reviennent à contester la mesure d'éloignement prise à l'encontre de M. [I] [R], relevant de la seule compétence du juge administratif. Le moyen est rejeté.

Sur la demande d'assignation à résidence judiciaire, la demande est insusceptible de prospérer, l'intéressé étant dépourvu de document de voyage en cours de validité et ne disposant pas de garanties effectives de représentation propres à prévenir le risque de soustraction à la mesure d'éloignement dont il fait l'objet, ce qui a déjà été développé ci-dessus. Il ne répond donc pas aux exigences de l'article L743-13 du CESEDA. Le moyen est rejeté.

Etant observé qu'en cause d'appel, la requête du préfet tendant à la prolongation motivée tant en droit qu'en fait a été réitérée et en l'absence de toute illégalité susceptible d'affecter les conditions, découlant du droit de l'Union, de la légalité de la rétention et à défaut d'autres moyens présentés en appel, il y a lieu de confirmer l'ordonnance attaquée. 

PAR CES MOTIFS,

DÉCLARONS recevable l'appel de M. [R] [I] ;

DÉCLARONS non fondés l'ensemble des moyens et les rejetons ;

CONFIRMONS l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 5 mai 2024 ayant ordonné la prolongation de la rétention administrative pour une durée de 28 jours.

LAISSONS les dépens à la charge du Trésor ;

ORDONNONS la remise immédiate d'une expédition de la présente ordonnance à la préfecture de la Manche, à M. [R] [I] et son conseil, et au procureur général près la cour d'appel d'Orléans ;

Et la présente ordonnance a été signée par Nathalie Lauer, président de chambre, et Nathalie Fabre, présent lors du prononcé.

Fait à Orléans le NEUF MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE, à heures

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Nathalie FABRE Nathalie LAUER

Pour information : l'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien la rétention et au ministère public. Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification. Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.

NOTIFICATIONS, le 09 mai 2024 :

La préfecture de la Manche, par courriel

Monsieur le procureur général près la cour d'appel d'Orléans, par courriel

M. [R] [I], copie remise par transmission au greffe du CRA

Me Mélodie Gasner, avocat au barreau d'ORLEANS, copie remise en main propre contre récipissé

L'avocat de l'intéressé


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : Chambre des rétentions
Numéro d'arrêt : 24/01022
Date de la décision : 09/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 15/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-09;24.01022 ?
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