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09/05/2024 | FRANCE | N°24/01021

France | France, Cour d'appel d'Orléans, Chambre des rétentions, 09 mai 2024, 24/01021


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

Rétention Administrative

des Ressortissants Étrangers



ORDONNANCE du 09 MAI 2024

Minute N°

N° RG 24/01021 - N° Portalis DBVN-V-B7I-G7LL

(1 pages)



Décision déférée : Juge des libertés et de la détention d'ORLÉANS en date du 06 mai 2024 à 11h23



Nous, Nathalie Lauer, président de chambre à la cour d'appel d'Orléans, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Nathalie Fabre, aux déba

ts et au prononcé de l'ordonnance,



APPELANT :

M. [L] [H]

né le 15 Avril 1997 à [Localité 2] (MAROC), de nationalité marocaine,



actuellement en...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

Rétention Administrative

des Ressortissants Étrangers

ORDONNANCE du 09 MAI 2024

Minute N°

N° RG 24/01021 - N° Portalis DBVN-V-B7I-G7LL

(1 pages)

Décision déférée : Juge des libertés et de la détention d'ORLÉANS en date du 06 mai 2024 à 11h23

Nous, Nathalie Lauer, président de chambre à la cour d'appel d'Orléans, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Nathalie Fabre, aux débats et au prononcé de l'ordonnance,

APPELANT :

M. [L] [H]

né le 15 Avril 1997 à [Localité 2] (MAROC), de nationalité marocaine,

actuellement en rétention administrative dans des locaux ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire du centre de rétention administrative d'[Localité 3],

comparant par visioconférence, assisté de Me Rachid Bouzid, avocat au barreau d'ORLEANS,

en présence de M. [F] [K] [X], interpète en langue espagnol, expert près la cour d'appel d'Orléans, qui a prêté son concours lors de l'audience et du prononcé ;

INTIMÉ :

LA PREFECTURE D'EURE-ET-LOIR

non comparante, non représentée,

MINISTÈRE PUBLIC : avisé de la date et de l'heure de l'audience,

À notre audience publique tenue en visioconférence au Palais de Justice d'Orléans, conformément à l'article L. 743-8 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), le 09 mai 2024 à 10 H 00 heures ;

Statuant en application des articles L. 743-21 à L. 743-23 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), et des articles R. 743-10 à R. 743-20 du même code ;

Vu l'ordonnance rendue le 06 mai 2024 à 11h23 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire d'Orléans ordonnant la jonction des procédures de demande de prolongation par la préfecture et de recours contre l'arrêté de placement en rétention administrative par le retenu, rejetant le recours formé par le retenu contre l'arrêté de placement en rétention administrative, et ordonnant la prolongation du maintien de M. [L] [H] dans les locaux non pénitentiaires pour une durée de vingt huit jours à compter du 06 mai 2024 ;

Vu l'appel de ladite ordonnance interjeté le 07 mai 2024 à 8h22 par M. [L] [H] ;

Après avoir entendu :

- Me Rachid Bouzid, en sa plaidoirie,

- M. [L] [H], en ses observations, ayant eu la parole en dernier ;

AVONS RENDU ce jour, publiquement et contradictoirement, l'ordonnance suivante :

Il résulte de l'article 66 de la Constitution et de l'article L. 743-9 du CESEDA que le juge des libertés doit s'assurer que l'étranger est pleinement informé de ses droits et placé en état de les faire valoir lorsqu'il se trouve placé en rétention administrative.

Aux termes de l'article L. 743-12 du CESEDA, en cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, toute juridiction, y compris la Cour de cassation, qui est saisie d'une demande d'annulation ou qui relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la main levée de la mesure de placement en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l'étranger.

Selon l'article L. 741-3 du CESEDA, "un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps nécessaire à son départ, l'administration étant tenue d'exercer toutes diligences à cet effet, dès le placement en rétention".

Il convient de considérer que c'est par une analyse circonstanciée et des motifs particulièrement pertinents qu'il y a lieu d'adopter que le premier juge a statué sur l'ensemble des moyens de nullité et de fond soulevés devant lui et repris devant la cour, étant observé, au vu des termes de la déclaration d'appel du retenu du 6 mai 2024 et des moyens repris lors des débats de ce jour :

1. Sur la régularité de la procédure précédant le placement en rétention administrative

Sur l'information du procureur de la république de la mesure de placement, le conseil de M. [L] [H] soulève l'irrégularité de la procédure de placement au motif que cette information a eu lieu le 3 mai 2024 à 16h50 alors que le placement n'a pris effet qu'à compter de sa notification, le 4 mai 2024 à 8h30.

Il résulte des dispositions de l'article L. 741-8 du CESEDA que le procureur de la République est informé du placement en rétention du retenu, et ce dès le début de la mesure.

Seule une circonstance insurmontable peut justifier un éventuel retard dans l'information du procureur.

Il est de jurisprudence constante que le défaut d'information du procureur de la république quant au placement en rétention de l'étranger entache la procédure d'une nullité d'ordre public, sans qu'il soit nécessaire de démontrer l'existence d'une atteinte portée à ses droits (1ère Civ. 14 octobre 2020, pourvoi n°19 15.197), et il en est de même pour le retard de cette information (1ère Civ. 17 mars 2021, pourvoi n° 19-22.083).

Toutefois, un tel moyen s'analyse comme une exception de procédure au sens de l'article 74 du code de procédure civile. Il s'en déduit qu'en l'espèce, faute d'avoir été soulevé in limine litis et devant le premier juge, il y a lieu de déclarer ce dernier irrecevable.

De plus, il sera également précisé par la cour que l'avis fait au parquet peut être antérieur au placement, et qu'aucun formalisme n'est exigé dans cette information, pourvu que le magistrat compétent ait été en mesure d'exercer un contrôle effectif sur la procédure.

En l'espèce, les procureurs de la république près le tribunal judiciaire de Chartres et le tribunal judiciaire d'Orléans ont été informés de la mesure de placement par un courriel du 3 mai 2024 à 16h50 informant que l'intéressé sera libéré le samedi 4 mai 2024 du centre de détention de [Localité 1] pour être placé ce même jour à 8h30 avec transfert au centre de rétention administrative d'[Localité 3]. Dans ces conditions, le parquet pouvait contrôler la procédure de placement, en étant informé de l'ensemble des opérations à venir et de la chronologie exacte des événements. Aucune irrégularité ne peut être relevée en ce sens.

Sur l'irrégularité de la notification de l'arrêté de placement, le conseil de M. [L] [H] soulève l'absence de mention sur la qualité et la fonction de l'agent ayant notifié le placement en rétention de l'intéressé, de sorte qu'il n'est pas possible de vérifier s'il s'agit bien d'un OPJ ou d'un APJ sous son contrôle, qui a procédé à cette notification.

Aux termes des dispositions de l'article L741-6 du même code : « La décision de placement en rétention est prise par l'autorité administrative, après l'interpellation de l'étranger ou, le cas échéant, lors de sa retenue aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour, à l'expiration de sa garde à vue, ou à l'issue de sa période d'incarcération en cas de détention. Elle est écrite et motivée.

Elle prend effet à compter de sa notification ».

Les dispositions des articles L. 813-1 et L. 813-8 du CESEDA soulevées par le conseil de M. [L] [H] sont quant à elles applicables à la retenue aux fins de vérification du droit de circulation ou de séjour sur le territoire français et imposent notamment la présence d'un OPJ ou d'un APJ sous son contrôle, notamment pour procéder aux auditions de l'étranger, mais il n'est pas fait mention de la notification d'un arrêté de placement. Il n'y a donc pas lieu d'appliquer de telles dispositions au cas d'espèce.

En outre, il convient de préciser que si le fait, pour la notification d'un arrêté de placement de ne comporter que la signature de l'agent notificateur sans y adjoindre son nom, prénom et/ou matricule entache cette dernière d'une irrégularité, cela ne rend pas pour autant l'acte administratif nul, mais en suspend simplement les voies de recours. En l'espèce, il est observé par la cour que la notification de l'arrêté de placement du 4 mai 2024 mentionne l'identité de l'agent ayant procédé à cet acte, en la personne de [W] [O], sans pour autant préciser sa fonction, mais qu'aucun grief n'est prouvé par l'intéressé, qui ne démontre pas l'atteinte substantielle à ses droits, condition indispensable au sens de l'article L. 742-12 du CESEDA pour entraîner la main levée de la rétention administrative. Le moyen est rejeté.

S'agissant du procès-verbal de notification des droits en rétention, le conseil de M. [L] [H] fait observer que ce dernier n'est pas daté et ne porte ni le nom, ni la fonction de l'agent notificateur et sa signature, ni même la signature de la personne retenue.

Il résulte de la combinaison des articles L744-4 et R744-16 du CESEDA que l'intéressé doit se voir notifier, dans les meilleurs délais et dans une langue qu'il comprend, ses droits en rétention. Dès l'arrivée au centre de rétention, un procès-verbal de notification des droits en rétention est établi et signé par l'intéressé, qui en reçoit un exemplaire, le fonctionnaire qui en est l'auteur et, le cas échéant, l'interprète.

En l'espèce, la cour constate que figure en procédure deux exemplaires du procès-verbal de notification des droits en rétention, l'un d'entre eux étant effectivement vierge, sans aucune signature ni mention sur la date ou l'identité des personnes intéressées. Toutefois, le deuxième document comporte la signature de l'agent notificateur, dûment identifié par son numéro de matricule, et, en lieu et place de la signature du retenu, la mention « refus de signer », l'acte étant daté du 4 mai 2024 à 10h22.

De plus, il ressort de l'acte de notification de l'arrêté de placement, daté du 4 mai 2024 de 8h30 à 8h40, que l'intéressé s'est vu remettre à ce moment-là une copie de la fiche de notification, de l'arrêté portant placement en rétention administrative, des voies et délais de recours, des droits en rétention et du règlement intérieur du CRA d'[Localité 3]. Ce faisant, M. [L] [H] a été immédiatement informé de ses droits, dans le respect des dispositions de l'article L. 744-4 du CESEDA, avant qu'ils lui soient à nouveau notifiés lors de son arrivée au CRA d'[Localité 3], le même jour à 10h22. Le moyen est donc rejeté.

Sur le moyen tiré de l'absence d'interprète, le conseil de M. [L] [H] allègue que ce dernier ne manie pas suffisamment la langue française pour comprendre ses droits.

Il ressort des dispositions des articles L. 141-2 et L. 141-3 du CESEDA que lorsqu'un étranger fait l'objet d'une décision de placement en rétention, il indique au début de la procédure une langue qu'il comprend, en précisant s'il sait la lire ; ces informations doivent être retranscrites dans la procédure et la langue que l'intéressé a déclaré comprendre doit être utilisée jusqu'à la fin de la procédure. Ainsi, l'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas le lire.

En l'espèce, le premier juge a relevé à juste titre que l'acte de notification du placement en rétention précisait que l'intéressé attestait comprendre le français, et qu'il a d'ailleurs répondu aux questions des gendarmes lors de son audition du 19 mars 2024 sans assistance d'un interprète. Il sera donc considéré, au vu de ces éléments, que le retenu comprend suffisamment la langue française pour que cela justifie l'absence d'un interprète, et qu'aucune atteinte à ses droits ne peut être caractérisée en ce sens. Le moyen est rejeté.

2. Sur la légalité de l'arrêté de placement en rétention administrative

Sur le recours en annulation de l'arrêté de placement en rétention administrative, M. [L] [H] n'a pas fait enregistrer par le greffe du tribunal judiciaire un écrit formalisant cette contestation, conformément aux dispositions prévues par l'article R. 743-2 du CESEDA. Ainsi, le moyen portant sur l'illégalité du placement en rétention en raison d'un défaut de base légale n'est pas recevable.

Sur ce point, le conseil de M. [L] [H] affirme qu'il ne ressort d'aucun élément soumis à la cour que la peine d'interdiction judiciaire du territoire français ait été prononcée par le tribunal correctionnel de Tours sur le fondement du second alinéa de l'article 131-30 du code pénal.

Les dispositions de l'article L741-1, par renvoi à l'article L731-1 du CESEDA, prévoient la possibilité d'édicter une mesure de placement en rétention à l'encontre de l'étranger devant être éloigné en exécution d'une peine d'interdiction judiciaire du territoire prononcée en application du deuxième alinéa de l'article 131-30 du code pénal.

Dans sa version en vigueur au 28 janvier 2024, cet article du code pénal prévoit en ses deux premiers alinéas :

« La peine d'interdiction du territoire français peut être prononcée, à titre définitif ou pour une durée de dix ans au plus, à l'encontre de tout étranger coupable d'un crime, d'un délit puni d'une peine d'emprisonnement d'une durée supérieure ou égale à trois ans ou d'un délit pour lequel la peine d'interdiction du territoire français est prévue par la loi. Sans préjudice de l'article 131-30-2, la juridiction tient compte de la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français ainsi que de la nature, de l'ancienneté et de l'intensité de ses liens avec la France pour décider de prononcer l'interdiction du territoire français.

L'interdiction du territoire entraîne de plein droit la reconduite du condamné à la frontière, le cas échéant, à l'expiration de sa peine d'emprisonnement ou de réclusion ».

Mais en l'espèce, M. [L] [H] a été condamné par jugement du tribunal judiciaire de Tours en date du 12 juillet 2023 pour des faits de détention et transport non autorisés de stupéfiants, et détention de marchandises dangereuses pour la santé publique.

L'ITN a donc été prononcée en application des dispositions de l'article 131-30 du code pénal, dans sa version antérieure au 28 janvier 2024 :

« Lorsqu'elle est prévue par la loi, la peine d'interdiction du territoire français peut être prononcée, à titre définitif ou pour une durée de dix ans au plus, à l'encontre de tout étranger coupable d'un crime ou d'un délit.

L'interdiction du territoire entraîne de plein droit la reconduite du condamné à la frontière, le cas échéant, à l'expiration de sa peine d'emprisonnement ou de réclusion ».

C'est donc en application de cet article que le juge pénal a pris la décision de prononcer une interdiction du territoire français à l'encontre de M. [L] [H]. Toutefois, il n'appartient pas au juge des libertés et de la détention de se prononcer sur le bien-fondé de cette interdiction du territoire français, mais seulement de vérifier l'existence d'une base légale pour l'arrêté de placement. Or, en l'espèce, l'arrêté de placement vise cette décision de justice en application des dispositions des articles L.731-1 et L.741-1 du CESEDA, et ne peut donc être déclaré illégal. Le moyen est rejeté.

Etant observé qu'en cause d'appel, la requête du préfet tendant à la prolongation motivée tant en droit qu'en fait a été réitérée et en l'absence de toute illégalité susceptible d'affecter les conditions, découlant du droit de l'Union, de la légalité de la rétention et à défaut d'autres moyens présentés en appel, il y a lieu de confirmer l'ordonnance attaquée. 

PAR CES MOTIFS,

DÉCLARONS recevable l'appel de M. [L] [H] ;

DÉCLARONS non fondés l'ensemble des moyens et les rejetons ;

CONFIRMONS l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 6 mai 2024 ayant ordonné la prolongation de la rétention administrative pour une durée de 28 jours.

LAISSONS les dépens à la charge du Trésor ;

ORDONNONS la remise immédiate d'une expédition de la présente ordonnance à la préfecture d'Eure-et-Loir, à M. [L] [H] et son conseil, et au procureur général près la cour d'appel d'Orléans ;

Et la présente ordonnance a été signée par Nathalie Lauer, président de chambre, et Nathalie Fabre, présent lors du prononcé.

Fait à Orléans le NEUF MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE, à heures

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Nathalie FABRE Nathalie LAUER

Pour information : l'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien la rétention et au ministère public. Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification. Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.

NOTIFICATIONS, le 09 mai 2024 :

La préfecture de l'Eure-et-Loir, par courriel

Monsieur le procureur général près la cour d'appel d'Orléans, par courriel

M. [L] [H] , copie remise par transmission au greffe du CRA

Me Rachid Bouzid, avocat au barreau d'ORLEANS, copie remise en main propre contre récépissé

L'interprète L'avocat de l'intéressé


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : Chambre des rétentions
Numéro d'arrêt : 24/01021
Date de la décision : 09/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 15/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-09;24.01021 ?
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