COUR D'APPEL D'ORLÉANS
CHAMBRE DES AFFAIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE
GROSSE à :
SARL ARCOLE
SELARL AVELIA AVOCATS
CPAM DE L'INDRE
EXPÉDITION à :
SAS [8]
[H] [Z]
Pôle social du Tribunal judiciaire de CHATEAUROUX
ARRÊT du : 7 MAI 2024
Minute n°175/2024
N° RG 23/01347 - N° Portalis DBVN-V-B7H-GZPD
Décision de première instance : Pôle social du Tribunal judiciaire de CHATEAUROUX en date du 18 Avril 2023
ENTRE
APPELANTE :
SAS [8]
[Adresse 18]
[Adresse 18]
[Localité 5]
Représentée par Me Fabien BOISGARD de la SARL ARCOLE, avocat au barreau de TOURS
D'UNE PART,
ET
INTIMÉS :
Monsieur [H] [Z]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Maria DE SOUSA de la SELARL AVELIA AVOCATS, avocat au barreau de CHATEAUROUX
Dispensé de comparution à l'audience du 20 février 2024
CPAM DE L'INDRE
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Mme [O] [B], en vertu d'un pouvoir spécial
D'AUTRE PART,
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats :
L'affaire a été débattue le 20 FEVRIER 2024., en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant la Cour composée, en double rapporteur, de Madame Nathalie LAUER, Président de chambre et Monsieur Xavier AUGIRON, Conseiller.
Lors du délibéré :
Madame Nathalie LAUER, Président de chambre,
Madame Brigitte RAYNAUD, Président de chambre,
Monsieur Xavier AUGIRON, Conseiller.
Greffier :
Monsieur Alexis DOUET, Greffier lors des débats et du prononcé de l'arrêt.
DÉBATS :
A l'audience publique le 20 FEVRIER 2024.
ARRÊT :
- Contradictoire, en dernier ressort.
- Prononcé le 7 MAI 2024, après prorogation du délibéré, par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Madame Nathalie LAUER, Président de chambre, et Monsieur Alexis DOUET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
M. [H] [Z] a présenté une déclaration de maladie professionnelle établie le 15 octobre 2019 pour une 'surdité bilatérale'. Le certificat médical initial établi le 14 octobre 2019 fait état d'une 'surdité d'origine traumatique'.
La caisse primaire d'assurance maladie de l'Indre a pris cette maladie en charge au titre de la législation professionnelle.
Le médecin conseil de la caisse a fixé la date de consolidation des lésions consécutives à cette maladie au 11 juin 2020 et évalué le taux d'incapacité permanente partielle de [H] [Z] à hauteur de 40 % pour 'hypoacousie de perception par lésion cochléaire irréversible et acouphène sévères'.
Par courrier du 17 juin 2020, [H] [Z] a sollicité la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, la société [8], consécutivement à la maladie professionnelle dont il a été reconnu atteint. Un procès-verbal de non-conciliation a été dressé.
Par requête du 13 juillet 2021, M. [Z] a saisi le Pôle social du tribunal judiciaire de Châteauroux aux fins de voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur dans la survenance de sa maladie professionnelle.
Par jugement du 18 avril 2023, le Pôle social du tribunal judiciaire de Châteauroux a :
- dit que la maladie professionnelle désignée comme 'surdité bilatérale' dont souffre [H] [Z] est due à la faute inexcusable de son employeur,
- fixé à son maximum la majoration de l'indemnité servie à [H] [Z] par la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Indre en lien avec cette maladie professionnelle, sur la base d'un taux d'incapacité permanente de 40 %,
- dit que la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Indre versera l'ensemble des sommes allouées à [H] [Z] en conséquence de la faute inexcusable de l'employeur dans la maladie professionnelle déclarée le 15 octobre 2019 et en récupérera le montant auprès de son employeur, la société [8], conformément à l'article L. 452-2 du Code de la sécurité sociale, mais dans la limite d'un taux d'incapacité permanente de 15 % pour ce qui concerne la rente,
- avant dire droit, ordonné une expertise médicale de [H] [Z] et commis pour y procéder le Dr [G] [X], domiciliée au CHU [12] [Adresse 3], expert inscrit sur la liste des experts près la Cour d'appel de Limoges, avec pour mission de :
* prendre connaissance du dossier médical de [H] [Z] ainsi que de tous les éléments médicaux relatifs à la maladie professionnelle déclarée le 15 octobre 2019,
* convoquer et entendre les parties qui pourront se faire assister d'un médecin pour accéder aux informations couvertes par le secret médical,
* décrire les lésions imputables à la maladie professionnelle déclarée le 15 octobre 2019 ; indiquer, après s'être fait communiquer tous documents relatifs aux examens, soins et interventions dont [H] [Z] a été l'objet sur cette période, leur évolution et les traitements appliqués ; préciser si ces lésions sont bien en relation directe et certaine avec cette maladie,
* dans le respect du Code de déontologie médicale, rechercher les antécédents médicaux de [H] [Z], en ne rapportant et ne discutant que ceux qui constituent un état antérieur susceptible de présenter une incidence sur les lésions, leur évolution et leurs séquelles ; dans ce dernier cas, dire :
° si l'éventuel état antérieur aurait évolué de façon identique en l'absence de la maladie,
° si la maladie a eu un effet déclenchant d'une décompensation,
° ou si elle a entraîné une aggravation de l'évolution normalement prévisible en l'absence de la maladie et déterminer une proportion d'aggravation,
* recueillir les dires et les doléances de [H] [Z] en lui faisant préciser notamment les conditions d'apparition et l'importance des douleurs et de la gêne fonctionnelle, ainsi que leurs conséquences sur sa vie quotidienne de la maladie à la date de consolidation ; dégager ainsi, en les spécifiant, les éléments propres à justifier une indemnisation au titre des souffrances physiques et morales endurées avant consolidation, en qualifiant ce préjudice de très léger, léger, modéré, moyen, assez important, important ou très important,
* évaluer le préjudice esthétique temporaire et permanent de la même manière,
* évaluer distinctement le préjudice d'agrément et donner les éléments constitutifs retenus pour ce chef de préjudice,
* donner au tribunal une appréciation sur le déficit fonctionnel temporaire jusqu'à consolidation, à savoir la perte de qualité de vie et celle des joies usuelles de la vie courante qu'a rencontrée [H] [Z] avant la consolidation de son état, en distinguant les périodes de déficit fonctionnel temporaire total et le déficit fonctionnel temporaire partiel et en quantifiant ce dernier par un taux,
* évaluer le déficit fonctionnel permanent,
* dire, compte tenu de son état physiologique, si les conditions de reprise de l'autonomie ont justifié médicalement une aide temporaire humaine ou matérielle jusqu'à la date de sa consolidation ; décrire ces besoins en tierce personne en précisant la nature de cette aide ; dire s'il y a lieu d'aménager ou d'adapter son domicile et/ou son véhicule,
* indiquer si l'incapacité permanente dont la victime a pu éventuellement rester atteinte après sa consolidation a entraîné une perte ou une diminution de ses possibilités de promotion professionnelle et fournir toute précision utile à la détermination du préjudice en résultant,
* dire s'il existe un préjudice sexuel ; le décrire en précisant s'il recouvre l'un ou plusieurs des trois aspects pouvant être altérés séparément ou cumulativement, partiellement ou totalement : la morphologie, l'acte sexuel (libido, impuissance ou frigidité) et la fertilité (fonction de reproduction),
* donner son avis sur l'existence d'un préjudice d'établissement, lequel consiste en la perte d'espoir ou de chance de réaliser un projet de vie familiale en raison de la gravité du handicap,
* dire s'il existe sur le plan médical un préjudice exceptionnel, lequel est défini comme un préjudice atypique directement lié aux séquelles de la maladie dont il reste atteint,
* établir un état récapitulatif de l'ensemble des postes énumérés dans la mission,
- commis le président du Pôle social du tribunal judiciaire de Châteauroux pour surveiller les opérations d'expertise,
- dit que :
* l'expert devra faire connaître sans délai son acceptation au juge chargé du contrôle de l'expertise, et peut immédiatement commencer les opérations d'expertise,
* en cas d'empêchement de l'expert commis il sera procédé à son remplacement par ordonnance du magistrat chargé du contrôle des expertises,
* l'expert devra accomplir sa mission conformément aux articles 232 à 248 et 263 à 284-1 du Code de procédure civile, notamment en ce qui concerne le caractère contradictoire des opérations,
* l'expert établira un pré-rapport qu'il adressera aux parties pour leurs observations éventuelles avant dépôt du rapport définitif,
* l'expert devra tenir le chargé du contrôle de l'expertise informé du déroulement de ses opérations et des difficultés rencontrées dans l'accomplissement de sa mission,
* les frais de l'expertise seront avancés par la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Indre qui en récupérera le montant auprès de l'employeur,
* l'expert déposera l'original de son rapport en double exemplaire au greffe du Pôle social du tribunal judiciaire de Châteauroux dans un délai de cinq mois à compter de la réception de sa mission,
- dit que les parties seront convoquées à la diligence du greffe à la première audience utile postérieure au dépôt du rapport d'expertise,
- condamné la SAS [8] à verser à [H] [Z] 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- rejeté toute autre demande contraire des parties,
- sursis à statuer sur le surplus des demandes des parties,
- réservé les dépens.
Le jugement lui ayant été notifié, la société [8] en a relevé appel par déclaration du 12 mai 2023.
Par conclusions soutenues oralement à l'audience,, la société [8] demande de :
Vu les articles L. 461-1, L. 452-1 et suivants du Code de la sécurité sociale,
Vu le Tableau 42 des maladies professionnelles,
Vu le Jugement du Pôle social du tribunal judiciaire de Chateauroux du 18 avril 2023 (RG n° 21/00094 ; Minute n° 2023/93),
Vu la déclaration d'appel de la société [8] par lettre RAR du 12 mai 2023, enregistrée le15 mai 2023,
A titre principal,
- déclarer la société [8] recevable et bien fondée en son appel,
- infirmer en toute ses dispositions le jugement du Pôle social du tribunal judiciaire de Chateauroux du 18 avril 2023,
- débouter en conséquence M. [H] [Z] et la caisse primaire d'assurance maladie de l'Indre de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- condamner M. [H] [Z] à verser à la société [8] une indemnité de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner M. [H] [Z] aux dépens,
A titre subsidiaire,
- confirmer le jugement du Pôle social du tribunal judiciaire de Chateauroux du 18 avril 2023, sauf en ce qu'il a donné pour mission à l'expert missionné d'indiquer si indiquer si l'incapacité permanente dont la victime a pu éventuellement rester atteinte après sa consolidation a entraîné une perte ou une diminution de ses possibilités de promotion professionnelle et fournir toute précision utile à la détermination du préjudice en résultant,
Statuant à nouveau,
- dire et juger que l'expert judiciaire n'aura pas pour mission d'évaluer la perte ou diminution des possibilités de promotion professionnelle de M. [H] [Z],
- renvoyer l'affaire devant le Pôle social du tribunal judiciaire de Chateauroux afin qu'il soit statué sur la liquidation des préjudices de M. [H] [Z], après le dépôt du rapport d'expertise médicale définitif,
- réduire à de plus justes proportions l'indemnité sollicitée par M. [H] [Z] en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- débouter M. [H] [Z] et la caisse primaire d'assurance maladie de l'Indre de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires,
- statuer ce que de droit quant aux dépens.
Dispensé de comparution conformément à l'article 946 du Code de procédure civile, par conclusions du 5 février 2024, M. [H] [Z] demande de :
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Châteauroux - Pôle social - en date du 18 avril 2023.
En conséquence,
- voir reconnaître la faute inexcusable de la société [8] comme cause de la maladie professionnelle dont a été victime M. [H] [Z],
- voir ordonner une expertise médicale afin de voir évaluer les préjudices causés par les souffrances physiques et morales ainsi que les préjudices esthétique et d'agrément tels que prévus à l'article L. 453-3 du Code de la sécurité sociale,
- voir condamner la société [8] au paiement d'une indemnité d'un montant de 3 000 euros du chef de l'article 700 du Code de procédure civile,
- voir condamner la même aux entiers dépens.
Par conclusions soutenues oralement à l'audience, la CPAM de l'Indre demande de :
- décerner acte à la concluante de ce qu'elle s'en remet à la sagesse de la Cour sur le point de savoir si la maladie professionnelle dont a été reconnu atteint M. [H] [Z] est imputable ou non à une faute inexcusable de l'employeur,
- dans l'affirmative, renvoyer le dossier devant le tribunal judiciaire de Châteauroux afin de fixer le montant des préjudices extra-patrimoniaux et de condamner la société [8] à rembourser à la caisse les sommes qu'elle sera amenée à verser au titre des préjudices extra-patrimoniaux, de la majoration de rente et des éventuels frais d'expertise.
SUR CE, LA COUR,
La société [8] poursuit l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il a retenu sa faute inexcusable. À l'appui, elle fait valoir principalement que le caractère professionnel de la maladie n'est pas démontré ; subsidiairement, que la maladie professionnelle ne lui est pas imputable ; très subsidiairement que, si elle avait conscience du danger encouru par le salarié, elle a néanmoins pris les mesures nécessaires à l'en protéger. M. [Z] conclut à la confirmation du jugement déféré. La caisse primaire d'assurance-maladie de l'Indre s'en rapporte à justice sur la demande de reconnaissance de la faute inexcusable et si celle-ci devait être retenue demande le remboursement des sommes qu'elle sera amenée à verser à l'assuré.
- Le caractère professionnel de la maladie
La société [8] rappelle que le caractère définitif de la décision de la caisse de prise en charge de la maladie professionnelle ne fait pas obstacle à ce que l'employeur conteste, pour défendre à l'action en reconnaissance de la faute inexcusable, le caractère professionnel de la maladie (Civ., 2ème 5 novembre 2015, n° 13-28. 373). Elle soutient qu'en l'état des éléments versés aux débats par M. [Z], celui-ci ne justifie pas des conditions imposées par le tableau 42, notamment au regard des conditions dans lesquelles ont été réalisés les examens d'audiométrie (délai de carence de cessation d'exposition au bruit de trois jours minimums-etc.). Elle reproche au jugement d'avoir inversé la charge de la preuve en retenant notamment que l'employeur n'apporte strictement aucun élément pour remettre en cause les avis médicaux de deux médecins différents qui ont tous deux conclu que les conditions prévues au tableau n° 42 étaient remplies alors qu'il appartient au salarié de rapporter la preuve qu'elles l'étaient pour la mise en 'uvre des examens d'audiométrie et que cette preuve n'est pas rapportée en l'état des éléments versés aux débats par M. [Z]. Elle précise à cet effet qu'à la date de l'audiogramme du 3 septembre 2019, M. [Z] était toujours en activité au sein de l'entreprise.
M. [Z] lui oppose que la caisse primaire d'assurance maladie a notifié à la société [8] la prise en charge de sa maladie professionnelle par courrier du 2 mars 2020 ; que si celle-ci a contesté le taux d'IPP, elle n'a pas contesté que la maladie hypoacousie de perception inscrite dans le tableau n° 42 soit d'origine professionnelle ; qu'en vertu du principe d'indépendances des rapports, qu'il y ait reconnaissance ou pas du caractère professionnel de sa maladie, cela n'a aucun effet sur ses droits ; qu'il ne lui appartient pas d'apporter la preuve du caractère professionnel de sa maladie qui a été reconnu à son égard ; que contrairement à ce que prétend la société [8], le premier juge n'a pas opéré un reversement de la charge de la preuve dès lors qu'il a versé aux débats des documents médicaux prouvant que les critères prévus au tableau n° 42 des maladies professionnelles étaient remplis tandis que la société [8] n'apporte aucun élément permettant de les remettre en cause.
Appréciation de la Cour
Il n'est pas contesté que la maladie professionnelle de M. [Z] a été prise en charge au titre du tableau 42 qui prévoit les conditions de prise en charge suivantes :
Désignation des maladies
Délai de prise en charge
Liste limitative des travaus susceptibles de provoquer ces maladies
Hypoacousie de perception par lésion cochléaire irréversible, accompagnée ou non d'acouphènes.
1 an (sous réserve d'une durée d'exposition d'un an, réduite à 30 jours en ce qui concerne la mise au point des propulseurs, réacteurs et moteurs thermiques)
Exposition aux bruits lésionnels provoqués par : 1. Les travaux sur métaux par percussion, abrasion ou projection tels que : - le décolletage, l'emboutissage, l'estampage, le broyage, le fraisage, le martelage, le burinage, le rivetage, le laminage, l'étirage, le tréfilage, le découpage, le sciage, le cisaillage, le tronçonnage ; - l'ébarbage, le grenaillage manuel, le sablage manuel, le meulage, le polissage, le gougeage et le découpage par procédé arc-air, la métallisation. 2. Le câblage, le toronnage, le bobinage de fils d'acier. 3. L'utilisation de marteaux et perforateurs pneumatiques. 4. La manutention mécanisée de récipients métalliques. 5. Les travaux de verrerie à proximité des fours, Besancones de fabrication, broyeurs et concasseurs ; l'embouteillage. 6. Le tissage sur métiers ou Besancones à tisser, les travaux sur peigneuses, Besancones à filer incluant le passage sur bancs à broches, retordeuses, moulineuses, bobineuses de fibres textiles. 7. La mise au point, les essais et l'utilisation des propulseurs, réacteurs, moteurs thermiques, groupes électrogènes, groupes hydrauliques, installations de compression ou de détente fonctionnant à des pressions différentes de la pression atmosphérique, ainsi que des moteurs électriques de puissance comprise entre 11 kW et 55 kW s'ils fonctionnent à plus de 2 360 tours par minute, de ceux dont la puissance est comprise entre 55 kW et 220 kW s'ils fonctionnent à plus de 1 320 tours par minute et de ceux dont la puissance dépasse 220 kW. 8. L'emploi ou la destruction de munitions ou d'explosifs. 9. L'utilisation de pistolets de scellement.
Cette hypoacousie est caractérisée par un déficit audiométrique bilatéral, le plus souvent symétrique et affectant préférentiellement les fréquences élevées.
Le diagnostic de cette hypoacousie est établi : par une audiométrie tonale liminaire et une audiométrie vocale qui doivent être concordantes ; - en cas de non-concordance : par une impédancemétrie et recherche du réflexe stapédien ou, à défaut, par l'étude du suivi audiométrique professionnel.
Ces examens doivent être réalisés en cabine insonorisée, avec un audiomètre calibré.
Cette audiométrie diagnostique est réalisée après une cessation d'exposition au bruit lésionnel d'au moins 3 jours et doit faire apparaître sur la meilleure oreille un déficit d'au moins 35 dB. Ce déficit est la moyenne des déficits mesurés sur les fréquences 500, 1000, 2000 et 4000 Hertz.
10. Le broyage, le concassage, le criblage, le sablage manuel, le sciage, l'usinage de pierres et de produits minéraux. 11. Les procédés industriels de séchage de matières organiques par ventilation. 12. L'abattage, le tronçonnage, l'ébranchage mécanique des arbres. 13. L'emploi des Besancones à bois en atelier : scies circulaires de tous types, scies à ruban, dégauchisseuses, raboteuses, toupies, Besancones à fraiser, tenonneuses, mortaiseuses, moulurières, plaqueuses de chants intégrant des fonctions d'usinage, défonceuses, ponceuses, clouteuses. 14. L'utilisation d'engins de chantier : bouteurs, décapeurs, chargeuses, moutons, pelles mécaniques, chariots de manutention tous terrains. 15. Le broyage, l'injection, l'usinage des matières plastiques et du caoutchouc. 16. Le travail sur les rotatives dans l'industrie graphique. 17. La fabrication et le conditionnement mécanisé du papier et du carton. 18. L'emploi du matériel vibrant pour l'élaboration de produits en béton et de produits réfractaires. 19. Les travaux de mesurage des niveaux sonores et d'essais ou de réparation des dispositifs d'émission sonore. 20. Les travaux de moulage sur Besancones à secousses et décochage sur grilles vibrantes. 21. La fusion en four industriel par arcs électriques. 22. Les travaux sur ou à proximité des aéronefs dont les moteurs sont en fonctionnement dans l'enceinte d'aérodromes et d'aéroports. 23. L'exposition à la composante audible dans les travaux de découpe, de soudage et d'usinage par ultrasons des matières plastiques. 24. Les travaux suivants dans l'industrie agroalimentaire : - l'abattage et l'éviscération des volailles, des porcs et des bovins ; - le plumage de volailles ; - l'emboîtage de conserves alimentaires ; - le malaxage, la coupe, le sciage, le broyage, la compression des produits alimentaires. 25. Moulage par presse à injection de pièces en alliages métalliques.
Aucune aggravation de cette surdité professionnelle ne peut être prise en compte, sauf en cas de nouvelle exposition au bruit lésionnel.
La société [8] ne critique que les conditions dans lesquelles ont été réalisés les examens d'audiométrie et plus particulièrement, le délai de carence de la cessation d'exposition au bruit de trois jours minimum.
Pour autant, M. [Z] a produit les éléments médicaux nécessaires à prouver que les conditions prévues au tableau étaient réunies, et notamment un examen d'audiométrie. Après instruction de son service médical menée contradictoirement avec l'employeur, la caisse primaire d'assurance maladie a pris en charge la maladie au titre de la législation professionnelle, les conditions du tableau 42 étant jugées réunies. Or, lors de la phase contradictoire de l'instruction, la société [8], qui en avait pourtant la possibilité dans ce cadre contradictoire, n'a contesté ni les conditions de réalisation de l'examen d'audiométrie ni même les conditions du tableau dans leur ensemble. Ainsi, faute de tout élément objectif de nature à remettre en cause les conditions de prise en charge de la maladie professionnelle, le jugement sera confirmé en ce qu'il a jugé qu'elle était démontrée.
- L'imputabilité à la société [8] de la maladie professionnelle
La société [8] rappelle que la présomption d'imputabilité de la maladie professionnelle au dernier employeur de la victime, avant sa constatation médicale, peut être combattue par l'employeur (Soc., 16 novembre 1995, n° 93-18.579) ; que M. [Z] a commencé à travailler dans la société le 18 juillet 2011 alors qu'il ressort de la déclaration de maladie professionnelle qu'avant cette date, il a été exposé au risque d'hypoacousie successivement dans plusieurs établissements d'entreprises différentes, sans qu'il soit possible de déterminer celle dans laquelle l'exposition au risque a provoqué la maladie ; que la date de la première constatation médicale ou éventuellement de l'arrêt de travail a été située au 9 février 1995.
M. [Z] réplique que lorsqu'un salarié a été successivement au service de plusieurs employeurs et qu'il contracte une maladie professionnelle, il peut se retourner contre l'un d'eux pour demander la reconnaissance de sa faute inexcusable (Civ., 2ème 15 juin 2017 n° 16-14.901 P+B) ; qu'il revient à l'employeur mis en cause, s'il entend contester cette mise en cause, de prouver la non imputabilité de la maladie au travail que le salarié a exercé à son service ; que celui-ci peut alors se retourner vers les autres employeurs ; qu'ainsi, la société [8], si elle considère que la maladie professionnelle dont il souffre ne lui est pas imputable, pouvait attraire ses autres employeurs au service desquels il aurait été exposé au même risque selon elle, ce qu'elle s'est bien abstenue de faire, consciente de sa responsabilité.
Appréciation de la Cour
En principe, la maladie doit être considérée comme contractée au service du dernier employeur chez lequel la victime a été exposée au risque, avant sa constatation médicale, sauf à cet employeur à rapporter la preuve contraire en démontrant que la maladie ne lui est pas imputable.
En l'espèce, il n'est pas contesté que M. [Z] a commencé à travailler à la société [8] le 18 juillet 2011.
Or, il ressort de la déclaration de maladie professionnelle qu'il a exercé de nombreux emplois antérieurs l'ayant exposé au risque :
- établissements [6] et [7] du 21 mars au 19 juillet 1977,
- établissements [9] du 27 mai 1980 au 28 mai 1985,
- société [15] du 10 février 1986 au 19 janvier 1990,
- [16] du 22 janvier 1990 au 30 juin 2002,
- [10] du 21 janvier 2002 au 15 mars 2002,
- [11] du 18 mars 2002 au 30 septembre 2002,
- [14] du 1er octobre 2002 au 9 janvier 2004,
- Société [17] du 5 février 2004 au 12 février 2004,
- [13] du 6 septembre 2004 au 15 juillet 2011.
De plus, la déclaration de maladie professionnelle mentionne une date de première constatation médicale au 9 février 1995.
Toutefois, le fait que, comme cela ressort de la déclaration de maladie professionnelle, cette maladie soit imputable à divers employeurs chez lesquels le salarié a été exposé au risque n'interdit pas à celui-ci, pour demander une indemnisation complémentaire, de démontrer que l'un d'eux a commis une faute inexcusable (Soc., 28 février 2002, n° 99-21. 255). En outre, en cas de cas de maladie professionnelle imputable à divers employeurs chez lesquels le salarié a été exposé au risque, la victime n'est pas obligée de saisir le tribunal des affaires de sécurité sociale d'une demande à l'encontre de tous, il suffit que la victime établisse la faute inexcusable d'un seul pour obtenir une indemnisation complémentaire (Civ., 2ème 8 mars 2005, n° 02-30.998).
Ainsi, étant rappelé qu'il n'est pas contesté que M. [Z] ait toujours été exposé au risque à l'occasion de son emploi auprès de la société [8], la seule circonstance qu'il ait été exposé également chez ses employeurs précédents n'est pas de nature à démontrer que la maladie n'est pas imputable à la société [8].
Le jugement déféré sera donc également confirmé de ce chef.
- La conscience du danger et les mesures propres à protéger le salarié
Au fondement de l'article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale, la société [8] rappelle que la faute inexcusable ne se présume pas et qu'il appartient en premier lieu au salarié de rapporter la preuve cumulative de la réalité des circonstances de l'accident, de la conscience du danger qu'avait ou qu'aurait dû avoir l'employeur auquel il exposait ses salariés, apprécié in abstracto, de l'absence de mise en 'uvre par l'employeur de mesures de prévention et de protection des salariés et du lien de causalité nécessaire entre la faute alléguée et le dommage.
Elle indique ne pas contester avoir eu conscience du risque auquel était exposée son salarié en termes de nuisances sonores mais qu'elle a néanmoins pris toutes les mesures pour l'en préserver ; qu'ainsi, le 18 juillet 2011, lors de son entrée dans la société, M. [Z] a signé une fiche d'accueil mentionnant notamment que lui étaient remis des EPI dont des bouchons d'oreilles, un support utilisé par le service QSE, expliquant le caractère obligatoire du port des bouchons d'oreilles et leur bon usage ; que des affichettes rappelant l'obligation de porter des bouchons d'oreilles étaient présentes dans les ateliers ; que des bouchons d'oreilles modelables étaient en libre-service dans chaque atelier ; qu'elle justifie avoir commandé des bouchons d'oreilles moulés pour M. [Z], tout comme pour d'autres de ses salariés, comme le suggérait la médecine du travail ; que M. [Z] ne peut prétendre n'avoir jamais été doté de bouchons d'oreilles, sauf à vouloir masquer le fait qu'il ne les portait pas tout le temps ou sans respecter les préconisations de leur emploi ; que le premier juge ne pouvait se borner à écarter d'emblée le port de bouchons d'oreilles modelables alors qu'ils constituent une protection efficace utilisée dans de nombreux secteurs d'activité exposés au bruit.
M. [Z], qui affirme avoir toujours respecté les consignes de sécurité comme en attestent nombre de ses collègues, conclut à la confirmation du jugement sur ce point. Il expose que la société [8] fait fi des nombreux avis émis par le médecin du travail ; qu'en effet par plusieurs reprises, depuis 2011, le médecin a indiqué sur les avis d'aptitude qu'il fallait lui fournir des bouchons moulés ; que s'il avait des bouchons, ceux-ci ne l'étaient pas et étaient en conséquence beaucoup moins efficaces ; que les bouchons moulés ne lui ont été fournis que peu de semaines avant qu'il ne parte à la retraite ; qu'en effet, encore le 26 août 2019, le médecin du travail constatait que ces bouchons moulés ne lui étaient toujours pas fournis ; qu'en effet, la société [8] ne s'est préoccupée de les commander que le 27 mars 2019, cet équipement ne lui étant livré que le 19 novembre 2019.
Appréciation de la Cour
Il résulte des articles L. 452-1 du Code de la sécurité sociale, L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail que le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver (Civ., 2ème 8 octobre 2020, pourvoi n° 18-25.021 ; Civ., 2ème 8 octobre 2020, pourvoi n° 18-26.677). Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de la maladie survenue au salarié mais qu'il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes auraient concouru au dommage (Cass. Ass plen, 24 juin 2005, pourvoi n° 03-30.038).
Il est de jurisprudence constante qu'il appartient au salarié de rapporter la preuve que l'employeur avait conscience du danger auquel il était exposé et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver (Civ., 2ème 8 juillet 2004, pourvoi n° 02-30.984, Bull II n° 394 ; Civ., 2ème 22 mars 2005, pourvoi n° 03-20.044, Bull II n° 74). Cette preuve n'est pas rapportée lorsque les circonstances de l'accident dont il a été victime sont indéterminées. (Soc., 11 avril 2002, pourvoi n° 00-16.535).
En l'espèce, la société [8] affirme elle-même dans ses écritures qu'elle avait conscience du risque auquel était exposé M. [Z] tenant à une exposition au bruit mais prétend qu'elle a pris les mesures nécessaires pour l'en préserver. Ce dernier ne conteste pas avoir été équipé de bouchons d'oreilles modelables. Pour autant, il résulte des pièces produites aux débats que sur la période d'emploi de M. [Z] par la société [8], du 2 septembre 2011 au 26 août 2019, la médecine du travail a émis pas moins de quatre recommandations de fournir des bouchons moulés à M. [Z], rendant par ailleurs des avis d'aptitude avec restrictions à compter du 6 novembre 2013 et précisant avoir signalé cette nécessité à plusieurs reprises.
Le certificat médical initial, qui fait état d'une 'surdité d'origine traumatique', a été établi le 14 octobre 2019 tandis que la société [8] ne justifie avoir commandé des bouchons moulés que le 27 mars 2019 (sa pièce n° 10), lesquels ne lui ont été livrés que le 12 novembre 2019 (sa pièce n° 11), soit après le certificat médical et la déclaration de maladie professionnelle du 15 octobre 2019.
Dans ces conditions et malgré les préconisations répétées de la médecine du travail de fournir à M. [Z] un équipement de protection précis, la société [8] ne peut sérieusement soutenir avoir pris les mesures nécessaires à la protection de son salarié de sorte que le jugement déféré sera également confirmé de ce chef.
- La mission d'expertise
La société [8] demande à la Cour de retrancher de la mission d'expertise l'incidence de la maladie sur les possibilités de promotion professionnelle qui ne sont pas selon elle une notion médicale. Toutefois, la mission de l'expert étant de se prononcer sur toutes les conséquences de l'incapacité permanente qui est elle-même une notion médicale, il n'est pas pertinent d'en extraire la perte ou la diminution éventuelle des possibilités de promotion professionnelle étant précisé de plus que ce chef de préjudice est expressément visé par l'article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale.
- Les demandes accessoires
Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement déféré en ce qu'il a exactement statué sur l'application de l'article 700 du Code de procédure civile et réservé les dépens et a débouté la société [8] de sa demande d'indemnité de procédure à hauteur de Cour.
En tant que partie perdante, la société [8] supportera les dépens d'appel et versera à M. [Z], sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, une indemnité complémentaire de 3 000 euros en indemnisation de ses frais irrépétibles d'appel.
PAR CES MOTIFS:
Statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 18 avril 2023 par le Pôle social du tribunal judiciaire de Châteauroux ;
Et, y ajoutant,
Déboute la société [8] de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
La condamne à payer à ce titre à M. [Z] une indemnité complémentaire de 3 000 euros ;
Condamne la société [8] aux dépens d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,