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23/04/2024 | FRANCE | N°19/03511

France | France, Cour d'appel d'Orléans, Chambre sécurité sociale, 23 avril 2024, 19/03511


COUR D'APPEL D'ORLÉANS



CHAMBRE DES AFFAIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE







GROSSE à :

SELARL [8]

CPAM DE HAUTE CORSE

EXPÉDITION à :

[X] [W]

Pôle social du Tribunal de Grande Instance de TOURS





ARRÊT du : 23 AVRIL 2024



Minute n°166/2024



N° RG 19/03511 - N° Portalis DBVN-V-B7D-GBU6



Décision de première instance : Pôle social du Tribunal de Grande Instance de TOURS en date du 14 Octobre 2019



ENTRE



APPELANT :

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Monsieur [X] [W]

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représenté par Me Maryline SIMONNEAU de la SELARL MS SIMONNEAU, avocat au barreau de TOURS



D'UNE PART,



ET



INTIMÉE :



CPAM DE HAUTE CORSE

[Adresse 4]

[L...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE DES AFFAIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE

GROSSE à :

SELARL [8]

CPAM DE HAUTE CORSE

EXPÉDITION à :

[X] [W]

Pôle social du Tribunal de Grande Instance de TOURS

ARRÊT du : 23 AVRIL 2024

Minute n°166/2024

N° RG 19/03511 - N° Portalis DBVN-V-B7D-GBU6

Décision de première instance : Pôle social du Tribunal de Grande Instance de TOURS en date du 14 Octobre 2019

ENTRE

APPELANT :

Monsieur [X] [W]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Maryline SIMONNEAU de la SELARL MS SIMONNEAU, avocat au barreau de TOURS

D'UNE PART,

ET

INTIMÉE :

CPAM DE HAUTE CORSE

[Adresse 4]

[Localité 2]

Dispensée de comparution à l'audience du 30 janvier 2024

D'AUTRE PART,

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats et du délibéré :

Madame Nathalie LAUER, Président de chambre,

Madame Brigitte RAYNAUD, Président de chambre,

Monsieur Xavier AUGIRON, Conseiller.

Greffier :

Monsieur Alexis DOUET, Greffier lors des débats et du prononcé de l'arrêt.

DÉBATS :

A l'audience publique le 30 JANVIER 2024.

ARRÊT :

- Contradictoire, en dernier ressort.

- Prononcé le 23 AVRIL 2024, après prorogation du délibéré, par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Nathalie LAUER, Président de chambre, et Monsieur Alexis DOUET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Le 29 novembre 2017, M. [X] [W], médecin urgentiste au CH de [Localité 2], a établi une déclaration de maladie professionnelle portant sur un 'burn out - épuisement professionnel - syndrome dépressif'.

Un certificat médical initial a été établi le 24 août 2017 constatant un 'burn out sur souffrance au travail - surmenage - gardes répétitives, reconnaissance d'un état dépressif lié aux souffrances professionnelles en AT'.

Après instruction, le dossier a été transmis par la caisse primaire d'assurance maladie au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) de [Localité 7].

Par lettre du 4 juin 2018, la CPAM de Haute-Corse a notifié à M. [X] [W] une décision de refus de prise en charge de la maladie au titre de la législation professionnelle au motif que l'avis du CRRMP de [Localité 7] ne lui était pas parvenu.

Le 24 septembre 2018, le CRRMP de [Localité 7] a émis un avis défavorable à la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée en ces termes : 'le Comité est interrogé au titre du 4ème alinéa pour affection non inscrite dans un tableau de maladies professionnelles et entraînant un taux prévisible d'incapacité permanente au moins égal à 25 %. L'intéressé a été en arrêt de travail du 31 mai 2017 au 1er octobre 2017. Il a ensuite été muté à sa demande. Le syndrome dépressif a été traité par Effexor Xanax et Imovane. La profession exercée est celle de médecin urgentiste depuis 2005, d'abord à [Localité 5] (2005 à 2013) puis à [Localité 2] (2013 à 2017) et actuellement sur [Localité 11]. Le poste consisterait en Corse à des gardes de 24 heures aux urgences/ Smur tous les 2 ou 3 jours. L'intéressé travaillait à la fois sur [Localité 6] et sur [Localité 2] et effectuait aussi des tâches en dehors des urgences, cumulant 44 à 48 heures/semaine de travail. Il signale un divorce conflictuel avec 4 enfants de 21 à 27 ans pour lesquels il paie une pension importante et serait en situation de surendettement. Il effectuerait des déplacements fréquents sur le continent pour voir ses enfants. L'enquête administrative met en évidence des relations tendues avec des collègues en Corse suite à des difficultés organisationnelles et le cumul de 2 activités. Cependant, les problèmes personnels évoqués par l'intéressé lui-même jouent un rôle important dans le développement de sa pathologie qui n'est pas essentiellement liée à des problèmes professionnels. En conséquence, le comité ne retient pas un lien direct et essentiel entre la pathologie déclarée et la profession exercée'.

Par lettre du 25 septembre 2018, la CPAM de Haute-Corse a notifié à M. [W] le refus de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie compte tenu de l'avis défavorable du CRRMP du 24 septembre 2018.

Par requête du 23 octobre 2018, M. [X] [W] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Tours d'une contestation de la décision de refus de prise en charge de sa maladie au titre de la législation professionnelle.

Par jugement du 14 octobre 2019, le Pôle social du tribunal de grande instance de Tours a :

Vu les dispositions de l'article R. 142-18 du Code de la sécurité sociale,

- déclaré le recours de M. [W] irrecevable.

Par déclaration du 13 novembre 2019, M. [W] a relevé appel du jugement du 14 octobre 2019.

Par arrêt du 22 février 2022, la chambre des affaires de sécurité sociale de laCd'appel Orléans a :

- infirmé le jugement rendu le 14 octobre 2019 par le Pôle social du tribunal de grande instance de Tours,

Statuant à nouveau,

- déclaré M. [W] recevable en son recours tendant à voir contester les décisions de refus de prise en charge des 4 juin et 25 septembre 2018,

Avant dire droit pour le surplus,

- ordonné la saisine du CRRMP de la région [Localité 9] - Centre Val de Loire afin de voir si la pathologie déclarée par M. [W] est essentiellement et directement causée par son travail habituel,

- dit que ce comité devra rendre son avis motivé dans le délai prévu à l'article D. 461-35 du Code de la sécurité sociale et l'adresser au greffe de la Cour ainsi qu'à chacune des parties,

- ordonné le renvoi de l'affaire à l'audience de la chambre de la sécurité sociale de la Cour d'appel d'Orléans du mardi 28 juin 2022 à 9 heures pour s'assurer de la réception de l'avis du CRRMP de la région [Localité 9] - Centre Val de Loire,

- dit que la notification du présent arrêt vaut convocation régulière des parties à ladite audience.

Par avis du 22 novembre 2023, le CRRMP de la région [Localité 9] Centre Val de Loire a émis un avis favorable selon les termes suivants : 'Compte-tenu des éléments médico-administratifs présents au dossier, après avoir pris connaissance du questionnaire de l'assuré et de celui de l'employeur, le Comité retient l'existence d'un lien de causalité direct et essentiel entre la pathologie déclarée et les activités professionnelles exercées par l'assuré'.

Après deux renvois de l'affaire à l'audience du 13 décembre 2022 puis à celle du 26 septembre 2023, l'affaire a été plaidée à l'audience du 30 janvier 2024.

Moyens soulevés et prétentions des parties

Par conclusions du 23 janvier 2024, M. [W] fait valoir :

' L'absence d'antécédant ;

' L'origine professionnelle de la maladie en raison :

' D'un rythme de travail très élevé, à raison de 50 heures par semaine et 10 gardes de 24 heures par mois, depuis son arrivée, le 1er juillet 2015, au Pôle soins continus ([10]) au centre hospitalier de [Localité 2] et au centre hospitalier de [Localité 6] dans le cadre d'une activité multi-sites ;

' De l'exécution de tâches à haute responsabilité, l'exercice de fonctions stressantes, un climat tendu au centre hospitalier de [Localité 6] en raison de problèmes organisationnels et de relations difficiles entre collègues ;

' Ces difficultés ayant généré :

' La dégradation de son état de santé liée aux difficultés mentionnées l'ayant contraint à demander sa mutation hors de Corse, avec une affectation le 1er janvier 2018 en tant que médecin urgentiste à [Localité 11] ;

' Des arrêts du 30 mai au 2 octobre 2017, soit pendant 5 mois ;

' La prescription de soins jusqu'au 31 décembre 2018, dès sa reprise de fonctions le 2 octobre 2017, avec, pour ce qui concerne les arrêts de travail, les mentions suivantes : 'état dépressif caractérisé', 'burn out avec souffrance au travail - surmenages - gardes répétitives', 'reconnaissance d'une état dépressif lié aux souffrances professionnelles'. Les prescriptions de soins ont donné lieu aux mentions suivantes : a repris le travail le 2 octobre 2017 - pas de guérison pas de consolidation à ce jour (au 30 août 2018) et 'toujours en psychothérapie - trouble d'alimentation -prise de poids (au 31 décembre 2018)'.

Il fait valoir aussi le caractère déraisonnable de la durée de la procédure, de 5 ans en l'espèce, démarrée avec la déclaration de la maladie professionnelle du 29 novembre 2017, et les frais de procédure ainsi engendrés.

Il demande ainsi à la Cour, au vu de l'arrêt rendu le 22 février 2022 par la Cour d'appel d'Orléans et de la décision rendue par le CRRMP de la région Centre Val de Loire en date du 22 novembre 2023, de :

- reconnaître l'origine professionnelle de la maladie déclarée par M. [W] le 29 novembre 2017,

- condamner la CPAM de Haute-Corse à la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la CPAM de Haute-Corse aux dépens d'instance.

Par conclusions du 15 janvier 2024 suivies d'un mail en date du 25 janvier 2024 en réponse aux demandes exprimées par l'appelant au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, la CPAM de Haute Corse, actant de sa soumission aux avis du CRRMP, tout en relevant l'avis peu motivé du CRRMP de la région Centre Val de Loire, sollicite l'homologation de l'avis du CRRMP de la région Centre Val de Loire qui reconnaît l'origine professionnelle de la pathologie de M. [W] au titre de l'article L. 461-1 du Code de la sécurité sociale. Toutefois, la caisse argue du fait qu'elle n'a commis aucune faute dans la gestion du dossier de M. [W] en contrepoint de la demande de condamnation présentée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile par ce dernier.

Elle demande ainsi à la Cour de :

- homologuer l'avis du CRRMP du Centre Val de Loire,

- dire à la caisse primaire de prendre en charge l'affection de M. [W] au titre de la législation sur les risques professionnels,

- rejeter ou minorer la demande de condamnation à la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Par application des dispositions de l'article L. 461-1 sont réputées imputables au travail les maladies figurant au tableau des maladies professionnelles lorsque sont remplies les conditions visées par ces mêmes tableaux.

Aux termes de l'article L. 461-1 alinéa 4 du Code de la sécurité sociale, peut être reconnue d'origine professionnelle une maladie non désignée dans un tableau de maladies professionnelles, lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne :

- Le décès de celle-ci ;

- Ou une incapacité permanente d'un taux au moins égal à 25 % (articles L. 461 alinéa 4 et R. 461-8 du Code de la sécurité sociale).

Les pathologies psychiques peuvent être reconnues comme maladies d'origine professionnelle, dans les conditions prévues aux septième et avant-dernier alinéa de l'article L. 461-1 du Code de la sécurité sociale, après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. L'avis du comité s'impose à la caisse dans les mêmes conditions que celles fixées à l'article L. 315-1 du même code.

Le juge du contentieux général de la sécurité sociale n'est pas lié par les avis des CRRMP dont il apprécie souverainement la valeur et la portée (Civ., 2ème 12 février 2009, pourvoi n° 08-14.637 ; civ.2e., 10 décembre 2009, pourvoi n° 08-21.812 ; Civ., 2ème 6 mars 2008, pourvoi n° 07-11.469 ; Civ., 2ème 4 juillet 2007, pourvoi n° 06-15.741 ; Civ., 2ème 19 avril 2005, pourvoi n° 03-30.423, Bull. 2005, II, n° 103 ; Soc., 18 mars 2003, pourvoi n° 01-21.357 ; Soc., 31 octobre 2002, pourvoi n° 01-20.021).

En l'espèce, la Cour prend acte des dernières demandes exprimées par la CPAM des Bouches du Rhône telles que rappelées précédemment par lesquelles elle sollicite, contrairement à ce qui est écrit dans les dernières conclusions de l'appelant, l'homologation par la Cour du second avis, c'est-à-dire celui rendu par le CRRMP de la région Centre Val de Loire, ayant reconnu le caractère professionnel de la maladie de M. [W], avis qui s'impose à la caisse.

Si l'avis du CRRMP ne s'impose pas au juge et que l'avis du CRRMP de la région Centre Val de Loire, produit dans le cadre de l'arrêt rendu par la Cour en date du 22 février 2022, peut apparaître peu motivé comme le souligne la caisse dans ses dernières conclusions, pour autant, la Cour observe que l'ensemble de éléments médicaux produits par l'appelant en faveur de la reconnaissance professionnelle de la maladie déclarée s'inscrivent dans cet avis et le confortent, en ce qu'ils attestent de la lente dégradation de l'état de santé de l'appelant lors de son affectation en Corse, corrélée à des conditions de travail difficiles dans le milieu hospitalier et manifestement dégradées en l'espèce ; que si le fait de travailler dans le milieu hospitalier, et notamment dans les services d'urgence, implique, par là-même un haut niveau de responsabilité mais aussi un climat de stress et de tension, pour autant, ces conditions de travail, mêmes intégrées et anticipées comme faisant partie de certains métiers de la médecine hospitalière, n'excluent pas, par nature, les hypothèses de souffrances au travail, de burn out et d'état dépressif ; qu'en l'espèce, les pièces médicales et des attestations produites, notamment celle du docteur [P] [B] (pièce 24) faisant état concernant M. [W] 'd'une situation d'isolement dans la structure avec mise en danger de lui-même et possiblement de ses patients' ne font référence à aucun élément extérieur au milieu professionnel venant interférer dans la dégradation de l'état de santé de ce dernier ; que la Cour observe que cet état de santé s'est amélioré depuis son affectation en Indre et Loire, le suivi psychologique ayant pris fin, ce qui tend à démontrer que la maladie déclarée par Monsieur [W] est circonstanciée à son affectation en Corse ; que par ailleurs, Monsieur [W] soutient qu'aucun antécédant médical n'est venu interférer dans l'apparition de la maladie déclarée, ce qui n'est pas contesté.

La Cour observe que les arguments retenus par le premier CRRMP pour écarter la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée par Monsieur [W], tenant aux difficultés financières et personnelles qu'il rencontrait en raison d'une procédure de divorce et de la nécessité d'aller visiter ses enfants majeurs sur le continent, quand bien même ils ne seraient pas contestés ou contestables, sont un élément de contexte général mais ne peuvent suffire à remettre en cause tant la réalité de la souffrance décrite que le lien de causalité avec la profession exercée dans les conditions de travail décrites, ainsi que cela résulte des pièces produites, notamment médicales.

Sur la demande présentée par l'appelant du versement par la caisse de la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en raison de la longueur de la procédure, la Cour observe que la procédure de reconnaissance de maladie professionnelle a été conduite en respectant les diverses étapes tant administratives que judiciaires prévues par les textes et qu'il ne peut être reproché à la caisse d'assurance maladie des Bouches du Rhône un quelconque retard abusif ; qu'en conséquence, la demande exprimée par l'appelant au titre de l'article 700 du Code de procédure civile sera minorée à hauteur de 2 000 euros.

PAR CES MOTIFS:

Statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Vu l'arrêt partiellement avant dire droit de cette Cour du 22 février 2022,

Fait droit aux de demandes de M. [W] ;

Reconnaît l'origine professionnelle de la maladie déclarée par M. [W] le 29 novembre 2017 ;

Condamne la CPAM de Haute-Corse à verser à M. [W] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne la CPAM de Haute-Corse aux dépens d'instance.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : Chambre sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 19/03511
Date de la décision : 23/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-23;19.03511 ?
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