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16/04/2024 | FRANCE | N°23/01043

France | France, Cour d'appel d'Orléans, Chambre sécurité sociale, 16 avril 2024, 23/01043


COUR D'APPEL D'ORLÉANS



CHAMBRE DES AFFAIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE







GROSSE à :

SELARL AVELIA AVOCATS

Me Mohamad Raeid MOUSSA

MSA BERRY TOURAINE

EXPÉDITION à :

[W] [R]

[L] [H]

Pôle social du Tribunal judiciaire de CHATEAUROUX





ARRÊT DU : 16 AVRIL 2024



Minute n°163/2024



N° RG 23/01043 - N° Portalis DBVN-V-B7H-GYWY



Décision de première instance : Pôle social du Tribunal judiciaire de CHATEAUROUX en date du 17 Mars 2023



ENTRE



APPELANT :



Monsieur [W] [R]

[Adresse 6]

[Localité 3]



Représenté par Me Philippe BOUGEROL-RAMPALde la SELARL AVELIA AVOCATS, avocat au barreau de POITIERS





D'UNE PART,



ET



...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE DES AFFAIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE

GROSSE à :

SELARL AVELIA AVOCATS

Me Mohamad Raeid MOUSSA

MSA BERRY TOURAINE

EXPÉDITION à :

[W] [R]

[L] [H]

Pôle social du Tribunal judiciaire de CHATEAUROUX

ARRÊT DU : 16 AVRIL 2024

Minute n°163/2024

N° RG 23/01043 - N° Portalis DBVN-V-B7H-GYWY

Décision de première instance : Pôle social du Tribunal judiciaire de CHATEAUROUX en date du 17 Mars 2023

ENTRE

APPELANT :

Monsieur [W] [R]

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représenté par Me Philippe BOUGEROL-RAMPALde la SELARL AVELIA AVOCATS, avocat au barreau de POITIERS

D'UNE PART,

ET

INTIMÉES :

Madame [L] [H]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Mohamad Raeid MOUSSA, avocat au barreau de POITIERS

MSA BERRY TOURAINE

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par M. [Y] [S], en vertu d'un pouvoir spécial

D'AUTRE PART,

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 FEVRIER 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Nathalie LAUER, Président de chambre, chargé du rapport.

Lors du délibéré :

Madame Nathalie LAUER, Président de chambre,

Madame Brigitte RAYNAUD, Président de chambre,

Monsieur Xavier AUGIRON, Conseiller.

Greffier :

Monsieur Alexis DOUET, Greffier lors des débats et du prononcé de l'arrêt.

DÉBATS :

A l'audience publique le 13 FEVRIER 2024.

ARRÊT :

- Contradictoire, en dernier ressort.

- Prononcé le 16 AVRIL 2024 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- Signé par Madame Nathalie LAUER, Président de chambre et Monsieur Alexis DOUET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le Magistrat signataire.

* * * * *

M. [W] [R], exploitant agricole, s'est vu signifier le 5 août 2021 une contrainte émise le 22 juillet 2021 par la mutualité sociale agricole (MSA) Berry Touraine, portant les cotisations sociales, majorations et pénalités pour les années 2016 à 2019 pour un montant total de 14 112,14 euros.

Par requête du 16 août 2022, M. [R] a formé opposition à cette contrainte devant le Pôle social du tribunal judiciaire de Châteauroux.

Par jugement du 17 mars 2023, le Pôle social du tribunal judiciaire de Châteauroux a :

- déclaré l'opposition recevable,

- constaté la mise à néant de la contrainte émise par la mutualité sociale agricole (MSA) Berry Touraine le 22 juillet 2021 et signifiée le 5 août 2021 à [W] [R], pour un montant de 14 122,14 euros correspondant à des cotisations sociales, majorations et pénalités pour les années 2016 à 2019,

- condamné [W] [R] à payer à la mutualité sociale agricole (MSA) Berry Touraine la somme de 14 112,14 euros correspondant à des cotisations sociales, majorations et pénalités pour les années 2016 à 2019,

- condamné [W] [R] à payer à la mutualité sociale agricole (MSA) Berry Touraine les frais de signification de la contrainte d'un montant de 72,88 euros,

- condamné [W] [R] aux dépens,

- rappelé que les frais d'exécution forcée seront à la charge du débiteur,

- s'est déclaré incompétent au profit de la chambre civile du tribunal judiciaire de Châteauroux pour connaître des demandes formulées par [W] [R] à l'encontre de [L] [H] et des demandes formulées par [L] [H] à l'encontre de [W] [R],

- ordonné que le dossier de l'affaire soit transmis par le greffe à la juridiction désignée à défaut d'appel dans le délai,

- rejeté toute autre demande plus ample ou contraire.

Le jugement ayant été notifié, M. [W] [R], par son conseil, en a relevé appel par déclaration du 13 avril 2024.

Aux termes de ses conclusions parvenues au greffe le 9 février 2024 et soutenues oralement à l'audience du 13 février 2024, M. [W] [R] demande de :

Vu les pièces,

Vu les dispositions de l'article L. 731-20 du Code rural et de la pêche maritime,

Vu les dispositions des articles 334 et suivants du Code de procédure civile,

Vu l'article 1240 du Code civil,

- réformer en intégralité le jugement rendu le 17 mars 2023 par le Pôle social du tribunal judiciaire de Châteauroux,

- dire et juger recevable et bien fondée l'opposition du 16 août 2021 à la contrainte de la MSA Berry Touraine à son encontre en date du 22 juillet 2021, signifiée le 5 août 2021,

- mettre à néant ladite contrainte,

- condamner la MSA Berry Touraine au paiement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers frais et dépens,

- déclarer recevable et bien fondée sa demande en garantie à l'encontre de Mme [L] [H],

En conséquence,

- condamner Mme [L] [H] à lui garantir toutes condamnations qui pourraient être prononcées par le tribunal judiciaire - pôle social de Châteauroux à son encontre sur les demandes formées par la MSA Berry Touraine tendant à sa condamnation à la somme de 14 112,14 euros outre les majorations de retard supplémentaires restant à courir jusqu'à paiement complet du principal, et des frais de procédure qui s'y rattachent,

- condamner Mme [L] [H] à lui payer la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et ainsi qu'aux entiers frais et dépens de l'instance.

La MSA Berry Touraine, aux termes de ses conclusions telles que visées par le greffe et soutenues oralement à l'audience du 13 février 2024 demande de :

- la recevoir en ses conclusions,

- débouter la partie adverse de toutes ses demandes,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire Pôle social de Châteauroux pour un montant de 14 112,14 euros, sans préjudice des majorations de retard supplémentaires restant à courir jusqu'à complet paiement du principal, et des frais de procédure qui s'y rattachent,

- condamner M. [R] sur le fondement de l'article 700 du Code procédure civile à hauteur de 2 000 euros,

- condamner M. [R] aux entiers dépens.

Mme [H], aux termes de ses conclusions, telles que visées par le greffe à l'audience du 13 février 2024, demande de :

Vu l'article R. 133-3 du Code de la sécurité sociale,

Vu l'article 262-2 du Code civil,

Vu les jurisprudences citées et les pièces versées aux débats,

- déclarer M. [R] [W] mal fondé en son appel et l'en débouter,

- débouter M. [R] [W] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer en conséquence le jugement rendu le 17 mars 2023 par le tribunal judiciaire de Châteauroux, pôle social, en toutes ses dispositions,

Et ajoutant,

- condamner M. [R] [W] à payer à Mme [H] [L] la somme de 2 500 euros, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner M. [R] [W] aux entiers dépens.

Conformément à l'article 455 du Code de procédure civile, il est référé, pour le surplus aux écritures déposées par les parties à l'appui de leurs explications orales devant la cour.

SUR QUOI, LA COUR :

La recevabilité de l'opposition à contrainte n'est pas contestée.

Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

- Sur la qualité d'associé participant aux travaux agricoles de M. [R]

M. [R] poursuit l'infirmation du jugement en ce qu'il lui a reconnu la qualité d'associé participant aux travaux agricoles et qu'il est redevable à ce titre de cotisations, alors qu'aux termes des statuts de l'EARL [7] du 9 février 2011, il a la qualité d'associé non participant aux travaux. La MSA ne justifie pas de la décision de requalification de M. [R] au vu du contrôle effectué le 20 avril 2016 au cours duquel il aurait été aperçu au volant d'un tracteur, travaillant sur une parcelle, pas plus que du procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire de l'EARL du 20 avril 2016 aux termes duquel il aurait décidé de sa qualité d'associé participant aux travaux, la MSA se contentant de produire une synthèse de rapport d'enquête, ainsi qu'un imprimé Cerfa Nsm agricole rempli par son ex-femme, alors gérante. En l'état des éléments produits, la MSA ne justifie pas de la qualité d'association participant aux travaux pour appeler des cotisations sur les revenus de la société et non sur ses revenus personnels, lesquels étaient nuls pour les années 2016 à 2019.

La MSA soutient que M. [R] a été contrôlé le 20 avril 2016 en train de participer aux travaux, ce qui entraîne ipso facto son affiliation en qualité d'associé participant aux travaux. En outre, M. [R] a adressé à la caisse diverses demandes et documents dans lesquels il justifiait son affiliation comme non salarié agricole depuis le 20 avril 2016.

Mme [H] confirme que M. [R] est exploitant agricole, et redevable en cette qualité, de cotisations sociales à l'égard de la MSA.

Appréciation de la Cour

L'EARL [7] a été constituée le 9 février 2011, composée de deux associés, Mme [L] [H], gérante et associée participante et M. [W] [R], associé non participant aux travaux.

Il ressort de la lettre d'observations du 18 juin 2021 adressée à M. [R], suite à un contrôle effectué par la MSA le 8 février 2021 que 'suite à un contrôle dans une parcelle de l'EARL avec les services de la DIRECCTE, il a été constaté que vous étiez au volant d'un tracteur en train de travailler dans ladite parcelle. Par conséquent, votre participation aux travaux de la société dans laquelle vous êtes associé, a conduit à votre changement de statut social à notre organisme, à la date de constatation des faits, soit au 20 avril 2016, en qualité d'associé participant aux travaux et par conséquent redevable des cotisations correspondantes'.

Il est également produit un formulaire cerfa NSm agricole qui fait apparaître que 'M. [R] [W]' est 'associé exploitant à compter du 20.04.2016', ce document étant signé par Mme [R] [L] alors gérante de l'EARL [7] et daté du 20 avril 2016.

La MSA évoque une 'assemblée extraordinaire au 20/04/2016', à la suite de laquelle 'M. [W] [R] devient associé participant aux travaux'. La MSA ne produit cependant aucun procès-verbal confirmant la tenue de cette assemblée.

Il ressort par ailleurs des formulaires produits par la MSA que M. [R] a présenté une 'demande complémentaire pour les non-salariés' daté du 21 mars 2017, dans laquelle il indique comme date de début de son activité relevant du régime des non-salariés agricoles le 20 avril 2016. Il en est de même pour la demande de RSA qu'il présente le même jour, dans laquelle il se déclare 'exploitant agricole depuis le 20/04/2016' et déclare percevoir des 'revenus non-salariés' précisant être 'exploitant agricole au réel'. De même, la MSA produit la 'Déclaration de situation pour les prestations familiales et les aides logement' que M. [R] a modifiée lui-même le 9/8/2017 pour indiquer son changement d'adresse et qu'il est 'non salarié agricole à partir du 20/04/2016'.

Au regard de l'ensemble de ses pièces, il est dès lors établi que M. [R] est associé participant aux travaux, exploitant agricole, à partir du 20 avril 2016, ce qu'il reconnaît d'ailleurs lui-même faisant valoir ce statut et cette date dans ses démarches administratives. Au regard de ce statut, M. [R] est redevable de cotisations sociales.

- Sur les sommes réclamées par la MSA

M. [R] conteste la taxation d'office opérée sur les revenus de l'année 2019 de la MSA au motif qu'il n'a pas effectué de déclaration de revenus 2018 conforme, et fait valoir que le défaut de conformité de déclaration de revenus de la société agricole ne pouvait entrainer une procédure de taxation d'office, seul le défaut de transmission de déclaration par le chef d'exploitation de la société est susceptible d'entraîner l'application de cette sanction.

La MSA soutient que M. [R] est redevable de cotisations sociales personnelles en sa qualité d'associé participant aux travaux, et même en cas de revenus déficitaires, des cotisations sociales sont appelées sur une assiette minimale. Ces cotisations sont appelées sur les revenus de la société, et non sur les revenus personnels de M. [R]. En l'absence de déclarations des revenus de la société ou de revenus erronés, les cotisations sont appelées, en application de l'article L. 731-16 du Code rural sur une assiette faisant l'objet d'une taxation forfaitaire pour 2019, dont elle justifie le calcul dans ses écritures. La caisse rappelle que les cotisations sociales 2017 ont été appelées sur la base de revenus déclarés déficitaires et que les cotisations sociales 2018 ont été, en l'absence de revenus déclarés de la société, appelées sur la base de l'assiette minimale également. M. [R] reconnaissait en première instance n'avoir jamais pu déclarer les revenus de l'EARL, produisant ses déclarations de revenus personnels et non ceux de la société, de sorte que ces déclarations sont irrecevables, car non conformes en ce qu'elles ne peuvent servir au calcul des cotisations 2018 et, en application de la prescription triennale, ces déclarations auraient dû être produites jusqu'en 2022.

Elle ajoute que, au visa de l'article L. 169 alinéa 1 du livre des procédures fiscales, pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. Les cotisations sociales ont déjà fait l'objet d'un recalcul suite à contrôle et seuls les revenus de 2019 pouvaient être déclarés à la caisse, ceux-ci servant au calcul des cotisations sociales 2020, qui ne sont pas concernées par la contrainte contestée.

Appréciation de la Cour

Il apparaît que les cotisations 2017 et 2018 ont été appelées sur la base d'une assiette minimale et que M. [R] ne les conteste pas. Il ne conteste que les cotisations 2019 appelées sur la base d'une taxation forfaitaire.

L'article L. 731-20 du Code rural et de la pêche maritime dispose :

'I. Lorsque la ou les déclarations des revenus professionnels définis aux articles L.731-14 à L.731-21 ont été transmises par le chef d'exploitation ou d'entreprise agricole postérieurement à la date limite fixée par la caisse de mutualité sociale agricole, la caisse procède au calcul du montant des cotisations et contributions sociales sur la base des déclarations fournies et applique une pénalité égale à 3% de ce montant.

II. Lorsque la ou les déclarations mentionnées au I n'ont pas été transmises par le chef d'exploitation ou d'entreprise agricole :

1° Les cotisations sociales sont calculées provisoirement, sans tenir compte des exonérations auxquelles l'intéressé peut prétendre, sur la base la plus élevée parmi celles énumérées ci-dessous :

a) L'assiette ayant servi de base au calcul des cotisations sociales l'année précédente ou, en cas de début d'activité, l'assiette des cotisations mentionnée à l'article L.731-16 ;

b) Les revenus d'activité déclarés à l'administration fiscale, lorsque la caisse de mutualité sociale agricole en a connaissance.

c) 30% du plafond annuel de la sécurité sociale en vigueur au 1er janvier de l'année au titre de laquelle est calculée la taxation provisoire ;

2° L'assiette retenue est majorée de 25% dès la première année et pour chaque année consécutive non déclarée'.

M. [R] conteste n'avoir pas déclaré ses revenus 2018, produisant ses déclarations de revenus et ses avis d'imposition pour les années 2016, 2018, 2019 et 2020, dont il ressort qu'il a déclaré des revenus à 0 euro et qu'il n'a pas d'impôt à payer. Il reproche à la MSA de ne pas tenir compte de ces documents au motif que ses déclarations ne sont pas conformes.

Or, si les cotisations sociales réclamées à M. [R] sont personnelles, en ce qu'elles lui assurent une couverture maladie et vieillesse attachée à sa personne, ces cotisations sont calculées et appelées, dans le cas d'un associé d'EARL participant aux travaux, sur la base, non des revenus personnels de M. [R], mais sur la base des revenus de la société.

Les revenus déclarés par M. [R] ne sont pas conformes en ce qu'il a déclaré ses revenus personnels et non les revenus de la société. Il lui appartenait, en tant que gérant de la société depuis le 30 décembre 2020 (date du procès-verbal pris par suite du jugement du tribunal judiciaire de Châteauroux du 3 novembre 2020 révoquant Mme [H] de ses fonctions de gérante) de déclarer à la MSA les revenus de la société pour 2019 et 2020, quand bien même du-t-il faire une déclaration à 0 euros.

A défaut de déclaration des revenus de l'EARL [7] pour l'année 2019, la MSA est fondée appeler les cotisations sur la base d'une assiette forfaitaire, en application de l'article L. 731-20 du Code rural précité. M. [R] ne contestant pas, par ailleurs, les modalités de calcul des cotisations 2019, le montant réclamé au titre de l'année 2019 sera validé.

La contrainte du 22 juillet 2021 sera validée pour son entier montant et M. [R] condamné à en payer les causes, ainsi que les frais de signification.

Le jugement du tribunal judiciaire de Châteauroux du 17 mars 2023 sera infirmé en ce qu'il a 'mis à néant la contrainte' et confirmé en ce qu'il a condamné M. [R] à payer la somme de 14 112,12 euros, outre les frais de signification de la contrainte.

- Sur l'appel en garantie dirigée à l'encontre de Mme [L] [H]

M. [R] poursuit l'infirmation du jugement en ce qu'il s'est déclaré incompétent pour statuer sur l'appel en garantie dirigée contre Mme [H]. Il fait valoir qu'un appel en garantie a bien été régularisé selon assignation du 6 octobre 2022, demande visant à condamner Mme [L] [H] à lui garantir toutes condamnations qui pourraient être prononcées par la juridiction à son encontre sur les demandes formées par la MSA Berry Touraine tendant à la condamnation à la somme de 14 112,14 euros, outre les majorations de retard supplémentaires restant à courir jusqu'à complet paiement du principal, et des frais de procédure qui s'y rattachent. Il indique qu'il n'y a aucun contentieux pouvant relever d'une autre juridiction l'opposant à Mme [H] justifiant l'incompétence du tribunal judiciaire de Châteauroux, une partie assignée en justice étant en droit d'appeler une autre en garantie des condamnations qui pourraient être prononcées contre elle, cet appel en garantie se faisant devant la juridiction devant laquelle l'instance principale est en cours. De plus, cet appel en garantie est parfaitement fondé dans la mesure où son ex-épouse était gérante pendant la période pour laquelle la MSA Berry Touraine a fondé son action en recouvrement basée sur l'absence de déclarations des revenus de la société, le mandat de Mme [H] n'ayant été révoqué que le 3 novembre 2020, en raison de manquements graves et répétés, aucune comptabilité n'ayant été tenue par l'ancienne gérante, alors que c'est principalement pour l'absence de déclarations des revenus de la société que les cotisations réclamées ont été appelées sur une base forfaitaire pour l'année 2019. Dès lors, il est parfaitement fondé à appeler en garantie Mme [H], en sa qualité de seule gérante de l'EARL jusqu'à sa révocation et qui avait la charge de tenir les comptes, établir les bilans de la société, mais aussi de communiquer les revenus tirés de l'exploitation aux différents organismes, dont la MSA Berry Touraine. La responsabilité de Mme [H] est donc parfaitement engagée.

Mme [H] soutient que les conditions de l'article 334 du Code procédure civile ne sont pas réunies, l'appel en garantie supposant qu'une personne assignée en justice estime qu'une autre qui doit endosser la responsabilité des fautes commises doit lui être substituée dans les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre. Or, en l'espèce, M. [R] n'a pas été assigné en justice, mais a saisi lui-même la justice aux fins de contestation de paiement des cotisations. De plus, la demande d'appel en garantie de M. [R] n'est pas justifiée en raison d'un défaut de solidarité entre elle-même et M. [R] : elle n'habite plus avec M. [R] depuis décembre 2016, l'ordonnance de non conciliation a été prononcée le 5 juillet 2017 et le divorce a été prononcé le 21 juin 2019 par le juge aux affaires familiales de Châteauroux. Mme [H] n'est pas débitrice solidaire de la dette de M. [R] à l'égard de la caisse de MSA, les cotisations de ce dernier ayant un caractère personnel, la concluante ayant elle-même réglé ses cotisations à la MSA.

De plus, elle n'était plus exploitante agricole en lien avec l'EARL, confisquée par M. [R], et ne tirant aucune ressource de l'EARL, ne peut être concernée par les cotisations MSA en sa qualité d'exploitant agricole ; elle n'est plus exploitante depuis 2018, date à laquelle elle a été radiée de la MSA.

La MSA s'en rapporte sur la responsabilité de Mme [H].

Appréciation de la Cour

L'article 76 du Code de procédure civile dispose : 'L'incompétence peut être prononcée d'office en cas de violation d'une règle de compétence d'attribution lorsque cette règle est d'ordre public'.

L'article 211-16 du Code de l'organisation judiciaire prévoit que :

'Des tribunaux judiciaires spécialement désignés connaissent :

1° Des litiges relevant du contentieux de la sécurité sociale défini à l'article L. 142-1 du code de la sécurité sociale, à l'exception de ceux mentionnés au 7° du même article L. 142-1 ;

2° Des litiges relevant de l'admission à l'aide sociale mentionnés à l'article L. 134-3 du code de l'action sociale et des familles et des litiges relatifs aux décisions prises en application du chapitre Ier du titre VI du livre VIII du code de la sécurité sociale ;

3° Des litiges relevant de l'application de l'article L. 4163-17 du code du travail ;

4° Des litiges relatifs aux décisions individuelles prises par l'organisme mentionné au premier alinéa de l'article L. 133-5-10 du code de la sécurité sociale en application des articles L. 133-5-12 et L. 133-8-5 à L. 133-8-8 du même code'.

L'article L.142-1 du Code de la sécurité sociale dispose :

'Le contentieux de la sécurité sociale comprend les litiges relatifs :

1° A l'application des législations et réglementations de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole ;

2° Au recouvrement des contributions, versements et cotisations mentionnés au 5° de l'article L. 213-1 ;

3° Au recouvrement des contributions, versements et cotisations mentionnés aux articles L. 1233-66, L. 1233-69, L. 3253-18, L. 5212-9, L. 5422-6, L. 5422-9, L. 5422-11, L. 5422-12 et L. 5424-20 du code du travail ;

4° A l'état ou au degré d'invalidité, en cas d'accident ou de maladie non régie par le livre IV du présent code, et à l'état d'inaptitude au travail ;

5° A l'état d'incapacité permanente de travail, notamment au taux de cette incapacité, en cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle ;

6° A l'état ou au degré d'invalidité, en cas d'accidents ou de maladies régies par les titres III, IV et VI du livre VII du code rural et de la pêche maritime, à l'état d'inaptitude au travail ainsi que, en cas d'accidents du travail ou de maladies professionnelles régies par les titres V et VI du même livre VII, à l'état d'incapacité permanente de travail, notamment au taux de cette incapacité ;

7° Aux décisions des caisses d'assurance retraite et de la santé au travail et des caisses de mutualité sociale agricole concernant, en matière d'accidents du travail agricoles et non agricoles, la fixation du taux de cotisation, l'octroi de ristournes, l'imposition de cotisations supplémentaires et, pour les accidents régis par le livre IV du présent code, la détermination de la contribution prévue à l'article L. 437-1 ;

8° Aux décisions de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées mentionnées au premier alinéa de l'article L. 241-9 du code de l'action sociale et des familles ;

9° Aux décisions du président du conseil départemental mentionnées à l'article L. 241-3 du même code relatives aux mentions 'invalidité' et 'priorité'.

En l'espèce, il n'est pas contesté que le contentieux entre la MSA et M. [R], visé à l'article L. 142-1-1° précité, relève bien de la compétence du pôle social, qui est une compétence spéciale, strictement définie. En revanche, le contentieux entre M. [R] et Mme [H], qui touche à la responsabilité de cette dernière dans la gérance de l'EARL, n'est pas visé par l'article L. 142-1 précité et ne relève donc pas de la compétence du pôle social.

Le jugement du Pôle social du tribunal judiciaire de Châteauroux se déclarant incompétent sur l'appel en garantie de Mme [H] au profit de la chambre civile du tribunal judiciaire sera confirmé.

Enfin, il convient, compte tenu de la solution donnée au présent litige, de condamner M. [W] [R] aux dépens d'appel conformément aux dispositions de l'article 696 du Code procédure civile.

En équité, M. [W] [R] sera condamné à payer à la MSA la somme de 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et 500 euros à Mme [H] au titre des mêmes dispositions. La demande de M. [R] à ce titre sera rejetée.

PAR CES MOTIFS:

Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition, contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Châteauroux du 17 mars 2023, sauf en ce qu'il a constaté la mise à néant de la contrainte émise par la mutualité sociale agricole (MSA) Berry Touraine le 22 juillet 2021 et signifiée le 5 août 2021 à M. [W] [R], pour un montant de 14 112,14 euros correspondant à des cotisations sociales, majorations et pénalités pour les années 2016 à 2019 ;

Statuant à nouveau,

Valide la contrainte émise par la mutualité sociale agricole (MSA) Berry Touraine le 22 juillet 2021 et signifiée le 5 août 2021 à M. [W] [R], pour un montant de 14 112,14 euros correspondant à des cotisations sociales, majorations et pénalités pour les années 2016 à 2019 ;

Y ajoutant,

Condamne M. [R] à payer 500 euros à la mutualité sociale agricole Berry Touraine et 500 euros à Mme [H] au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne M. [R] aux dépens d'appel ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : Chambre sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 23/01043
Date de la décision : 16/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-16;23.01043 ?
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