COUR D'APPEL D'ORLÉANS
C H A M B R E C I V I L E
GROSSES + EXPÉDITIONS : le 16/04/2024
Me Laura IZEMMOUR
SARL ARCOLE
ARRÊT du : 16 AVRIL 2024
N° : - 24
N° RG 21/02662 - N° Portalis DBVN-V-B7F-GOMF
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOURS en date du 23 Septembre 2021
PARTIES EN CAUSE
APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265266595192069
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LOIR ET CHER agissant au nom et pour le compte de la CPAM D'INDRE ET LOIRE, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège,
[Adresse 5]
[Localité 4]
représentée par Me Laura IZEMMOUR, avocat au barreau de TOURS
D'UNE PART
INTIMÉES : - Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265266765163908
S.A. CDC HABITAT SOCIAL SOCIETE ANONYME D'HABITATIONS A LOYER MODERE, immatriculée au RCS de PARIS sous le n° 552 046 484, venant aux droits de la Société Anonyme d'Habitations à Loyer Modéré LE NOUVEAU LOGIS CENTRE LIMOUSIN, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège.
[Adresse 3]
[Localité 7]
représentée par Me Fabien BOISGARD de la SARL ARCOLE, avocat au barreau de TOURS
S.A. AXA FRANCE IARD, S.A au capital de 214 799 030,00 €, immatriculée au RCS de NANTERRE sous le n° 722 057 460, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social,
[Adresse 2]
[Localité 8]
représentée par Me Fabien BOISGARD de la SARL ARCOLE, avocat au barreau de TOURS
Société d'économie mixte SDC HABITAT GRAND OUEST, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social,
[Adresse 3]
[Localité 6]
Non représentée, n'ayant pas constitué avocat,
Madame [Z] [O]
[Adresse 1]
[Localité 9]
Non représentée, n'ayant pas constitué avocat,
D'AUTRE PART
DÉCLARATION D'APPEL en date du : 14 octobre 2021.
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 4 décembre 2023
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats à l'audience publique du 13 Février 2024 à 14h00, l'affaire a été plaidée devant M. Laurent SOUSA, Conseiller, en l'absence d'opposition des parties ou de leurs représentants.
Lors du délibéré, au cours duquel M. Laurent SOUSA, Conseiller a rendu compte des débats à la collégialité, la Cour était composée de:
Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de chambre,
Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller,
Madame Laure- Aimée GRUA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
GREFFIER :
Mme Karine DUPONT, Greffier lors des débats et du prononcé.
ARRÊT :
Prononcé publiquement le 16 avril 2024 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
***
FAITS ET PROCÉDURE
Le 12 novembre 2015, Mme [O] a chuté dans l'escalier des parties communes de son logement situé au [Adresse 1] à [Localité 9] appartenant à la société anonyme d'Habitations à Loyer Modéré Le Nouveau Logis Centre Limousin, devenue la société CDC habitat Social, assurée par la société Axa France Iard.
Par actes d'huissier en date des 28 et 31 octobre 2019, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Loir-et-Cher agissant au nom et pour le compte de la CPAM d'Indre-et-Loire a fait assigner la société CDC habitat grand ouest, la société Axa France Iard et Mme [O] devant le tribunal de grande instance de Tours aux fins de solliciter le remboursement de sa créance correspondant aux prestations servies à Mme [O].
La société CDC habitat social, venant aux droits de la société Le nouveau logis Centre Limousin, est intervenue volontairement à l'instance.
Par jugement en date du 23 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Tours a :
- donné acte à la société CDC habitat social de son intervention volontaire ;
- débouté la CPAM du Loir-et-Cher agissant au nom et pour le compte de la CPAM d'Indre-et-Loire de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de la société CDC habitat social et de la société Axa France Iard ;
- dit que chaque partie supportera les frais irrépétibles qu'elle a exposés ;
- condamné la CPAM du Loir-et-Cher agissant au nom et pour le compte de la CPAM d'Indre-et-Loire aux dépens ;
- accordé à Me Fabien Boisgard le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Par déclaration en date du 14 octobre 2021, la CPAM du Loir et Cher a relevé appel de l'intégralité des chefs de ce jugement sauf en ce qu'il a donné acte à la société CDC habitat social de son intervention volontaire.
La déclaration d'appel et les conclusions de la CPAM du Loir-et-Cher ont été signifiées le 29 novembre 2021 à Mme [O] par remise en étude. Mme [O] n'a pas constitué avocat et l'arrêt sera rendu par défaut.
Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 4 novembre 2021, la CPAM de Loir-et-Cher demande à la cour de :
- déclarer recevables et bien fondées ses demandes ;
- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Tours le 23 septembre 2021 ;
En conséquence :
- condamner la société CDC habitat social et la société Axa France Iard solidairement à verser à la CPAM d'Indre-et-Loire la somme de 12 721,27 euros, outre les intérêts au taux légal, au titre du remboursement de la créance de la CPAM ;
- condamner la société CDC habitat social et la société Axa France Iard solidairement à verser à la CPAM d'Indre-et-Loire la somme de 1 080 euros à titre d'indemnité forfaitaire prévue par l'ordonnance n° 96-51 du 24 janvier 1996 ;
- condamner la société CDC habitat social et la société Axa France Iard solidairement à verser à la CPAM d'Indre-et-Loire la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société CDC habitat social et la société Axa France Iard aux entiers dépens ;
- ordonner l'exécution provisoire ;
- accorder à Me Laura Izemmour, conformément à l'article 699 du code de procédure civile, le droit de recouvrer directement contre les parties condamnées, ceux des dépens dont il a fait l'avance sans avoir reçu de provision.
Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 1er février 2022, les sociétés CDC habitat social et Axa France Iard demandent à la cour de :
- déclarer l'appel principal de la CPAM de Loir-et-Cher mal fondé et l'en débouter ;
- confirmer le jugement sauf en ce critiqué par eux ;
- les déclarer recevables en leur appel incident et y faire droit ;
- infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré la société CDC habitat social responsable de la chute de Mme [O] survenue le 12 novembre 2015 et tenue de réparer les préjudices en découlant et dit que la société CDC habitat social et la société Axa France Iard ne rapportaient pas la preuve d'une faute d'imprudence de la victime à l'origine de sa chute ;
Statuant à nouveau :
- dire et juger que la société CDC habitat social n'est pas responsable de la chute de Mme [O] survenue le 12 novembre 2015 ;
- dire et juger que la chute de Mme [O] survenue le 12 novembre 2015 est imputable à la seule faute de celle-ci ;
- débouter la CPAM du Loir-et-Cher de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions ;
Y ajoutant :
- condamner la CPAM du Loir-et-Cher à leur verser la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la CPAM du Loir-et-Cher aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Fabien Boisgard, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions.
MOTIFS
Sur la responsabilité du propriétaire de l'immeuble
Moyens des parties
L'appelante soutient qu'en application de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale, les caisses disposent d'un droit à agir contre le tiers responsable pour obtenir le remboursement des prestations servies à la victime ; qu'afin de tenter de se dédouaner de sa responsabilité, la société CDC habitat social a contesté la matérialité des faits en remettant en cause le témoignage de Mme [N] versé aux débats ; que les dispositions de l'article 202 du code de procédure civile relatives à la forme des attestations n'étaient pas prescrites à peine de nullité ; que si Mme [O] et Mme [N] avaient un quelconque lien de parenté il n'en restait pas moins qu'en matière de réparation du dommage corporel l'existence d'un lien de parenté n'est pas proscrit pour les attestations comme cela peut être le cas en matière d'affaires familiales et il est incontestable que ce témoignage est un commencement de preuve écrite ; que la société CDC habitat social tente de se dédouaner en invoquant le rôle actif de l'escalier dans la chute de Mme [O] et conteste le défaut d'éclairage dans les parties communes ; que quand bien même la partie adverse abreuve les débats de factures sur l'année 2015 de remplacement d'ampoules, il n'en demeure pas moins qu'une pétition a circulé et a été largement signée par les habitants de cet immeuble ; que le 1er novembre ces dysfonctionnements persistaient ; qu'en outre, cette pétition mentionne le manque d'éclairage dans les parties communes ; que la pièce adverse 14 mentionne la recherche d'une panne sur éclairage sous-sol et recherche de panne sur détecteur sous-sol et à chaque fois il est mentionné isolation du défaut et non réparation ; qu'il est donc fort probable que l'éclairage du parking n'était pas celui auquel on pouvait légitimement s'attendre ; qu'après l'accident de Mme [O], l'éclairage était toujours défaillant ; qu'il est totalement incongru pour la société CDC habitat d'insinuer que Mme [O] connaissant la défectuosité de l'éclairage dans l'escalier aurait dû faire preuve de prudence en l'utilisant ; que sur ces éléments il conviendra de reprendre l'argumentation développée par la juridiction de première instance qui a justement reconnu qu'aux termes des articles 1719 et 1720 du code civil le bailleur est tenu d'entretenir la chose louée en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée et que le bailleur est tenu de délivrer la chose en bon état de réparations ; que lorsque le bailleur est propriétaire de l'immeuble dans lequel se trouve l'appartement en location, son obligation d'entretien s'étend aux parties communes accessoires nécessaires à l'usage de la chose ; qu'en l'espèce, le défaut d'entretien de la cage d'escalier est démontré par la matérialité de la chute de Mme [O] dont les déclarations sont corroborées par l'attestation de Mme [N] et d'un appel aux pompiers ; que le tribunal a justement relevé que la défaillance du système d'éclairage était parfaitement acquise.
Les sociétés CDC habitat social et Axa France Iard répliquent qu'il appartient à la caisse de rapporter la preuve, non seulement de la matérialité de la chute dans l'escalier des parties communes de Mme [O], mais encore d'un défaut d'entretien de la chose louée, à l'origine de la chute ; qu'hormis les pompiers qui sont intervenus sur place après les faits, les seuls témoins qui ont relaté les prétendues circonstances de la chute de Mme [O] sont, la victime elle-même et Mme [N] ; que s'agissant de Mme [N], son homonymie avec la victime directe laisse perplexe et permet de s'interroger sur son lien parenté avec celle-ci, sachant qu'elle n'a pas pris le soin de le préciser dans son témoignage qui, au passage, ne respecte pas le formalisme de l'article 202 du code de procédure civile ; que la caisse, qui ne saurait se contenter d'indiquer qu'elle n'est pas en mesure d'affirmer qu'il n'existe aucun lien de parenté entre Mme [O] et Mme [N], doit au contraire justifier du lien de parenté ou de l'absence d'un tel lien entre l'attestant et la victime, car en cas de lien de parenté, son témoignage devra être considéré comme étant vidé de toute valeur probante et, à tout le moins, apprécié avec la plus grande circonspection et prudence ; qu'il ressort du récit de l'accident établi par Mme [N] n'était pas présente lors de sa chute et n'en a donc pas été le témoin direct et oculaire ; que Mme [N] ne peut donc pas décrire les circonstances de la chute de Mme [O], de sorte que la cour devra infirmer le jugement critiqué sur ce point, en jugeant que la preuve de la matérialité et des circonstances même de la chute de Mme [O] n'est pas rapportée ; qu'il n'est pas démontré objectivement que l'escalier litigieux, au demeurant non précisément localisé dans l'immeuble, dans lequel a chuté Mme [O], était dépourvu d'éclairage et aurait, de ce fait, contribué à sa chute ; qu'en effet, le prétendu défaut d'éclairage de l'escalier emprunté par Mme [O], à la date du 12 novembre 2015, ne repose que sur les allégations de celle-ci et de Mme [N] ; que de même, la pétition des occupants de l'immeuble datée du 22 octobre 2015, ne saurait suffire à établir objectivement et de manière certaine, qu'à la date du 12 novembre 2015, jour de la chute de Mme [O], l'escalier en cause était dépourvu d'éclairage, et ce d'autant plus que cette pétition ne détaille, ni ne précise les parties communes qui auraient été dépourvues d'éclairage ; qu'elles versent aux débats des factures d'entretien, accompagnées de leurs bons de commande, démontrant que l'éclairage des parties communes faisait et fait l'objet de contrôles et d'un entretien réguliers ; qu'enfin, il n'est pas démontré que Mme [O] a chuté, en ratant les trois dernières marches comme elle l'a déclaré, en raison du manque d'éclairage, alors que cette chute peut aussi bien être due à une faute d'inattention ; que si l'on s'en tient aux allégations de Mme [O], celle-ci aurait eu connaissance depuis des mois que l'escalier litigieux aurait été dépourvu d'éclairage, elle aurait alors dû emprunter cet escalier en faisant preuve de prudence et en utilisant, par exemple, la lampe de son téléphone portable, au lieu de le dévaler dans l'obscurité comme elle le prétend ; que dans ce contexte, une faute d'imprudence imputable à Mme [O] à l'origine de sa chute et opposable à la caisse subrogée dans ses droits, ne pourra qu'être retenue ; que la cour
devra infirmer le jugement critiqué en ce qu'il a déclaré la société CDC habitat social responsable de la chute de Mme [O].
Réponse de la cour
En application de l'article L376-1 du code de la sécurité sociale, la caisse qui a servi des prestations à l'assuré social victime d'une lésion imputable à un tiers, subrogée dans les droits de la victime, peut demander réparation du préjudice causé, conformément aux règles de droit civil, à l'auteur de l'accident.
Aux termes de l'article 1719 alinéa 2 du code civil, le bailleur est tenu d'entretenir la chose louée en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée. L'article 1720 du même code précise en outre que le bailleur est tenu de délivrer la chose en bon état de réparations de toute espèce. Il doit y faire, pendant toute la durée du bail, toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autres que locatives.
En application de ces textes, il appartient au propriétaire de veiller de façon constante à l'entretien du bien de façon à ce que celui-ci soit conforme à l'usage pour lequel il a été loué et ne présente aucun risque pour la sécurité de ses locataires.
Lorsque le bailleur est également propriétaire de l'immeuble, comme c'est le cas en l'espèce, son obligation d'entretien s'étend aux parties communes dont jouissent les locataires.
La caisse produit aux débats, une attestation établie par Mme [O] le 19 novembre 2015 ainsi rédigée :
« Je soussignée, [Z] [O] demeurant à l'adresse ci-dessus citée, déclare avoir été victime d'une chute dans les escaliers menant du rez-de-chaussée au sous-sol de mon immeuble le 12/11/2015 vers 15h30. J'ai raté les trois dernières marches et la chute a provoqué une double fracture tibia et péroné ainsi qu'une luxation de la malléole.
Cet escalier n'était pas éclairé. Les parties communes de cet immeuble sont trop souvent dans le noir et malgré de nombreuses demandes des locataires il faut attendre plusieurs semaines pour que quelqu'un intervienne. Le problème est tellement récurent qu'une pétition a été signée par les locataires il y a quelques semaines.
[...]
J'étais seule au moment de ma chute mais j'ai immédiatement appelé la personne qui pouvait venir à mon aide le plus vite possible soit : Madame [W] [L]
[...]
Dès son arrivée elle a pu constater l'état de ma cheville et l'absence de lumière. Constat également fait par les 3 pompiers qui sont intervenus pour m'emmener aux urgences de [10]. »
L'appelante produit également une attestation établie par Mme [L] [N], le 7 décembre 2015, ainsi rédigée :
« Je, soussignée [L] [N], certifie que le 12 novembre 2015 vers 15h30, j'ai porté secours à Madame [Z] [O] tombée dans les escaliers de son immeuble menant au garage.
Je souligne qu'il n'y avait pas de lumière dans la cage d'escalier au point que j'ai dû maintenir la porte ouverte avec le sac à main de Madame [O] a'n que les pompiers puissent intervenir ».
Cette attestation n'est pas conforme aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile en ce qu'elle ne mentionne pas le lien de parenté ou d'alliance du témoin avec les parties, de subordination à leur égard, de collaboration ou de communauté d'intérêts avec elles, et n'indique pas qu'elle est établie en vue de sa production en justice et que son auteur a connaissance qu'une fausse attestation de sa part l'expose à des sanctions pénales.
Toutefois, la seule non-conformité d'une attestation aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile ne permet pas de l'écarter, le juge devant apprécier la valeur probante et la portée de la pièce litigieuse, ainsi que l'a d'ailleurs jugé la Cour de cassation (1re Civ., 8 juillet 2020, pourvoi n° 19-12.207).
En l'espèce, l'attestation de Mme [N] confirme la chute de Mme [O] dans l'escalier menant au sous-sol de l'immeuble, ce fait étant en outre établi par l'attestation établie par les pompiers intervenus sur les lieux. La chute de Mme [O] dans l'escalier est donc établie.
S'agissant du défaut d'éclairage, l'attestation de Mme [N] corrobore les déclarations de Mme [O], victime de cette chute dans l'escalier, et la caisse produit aux débats une pétition sur le défaut d'entretien des parties communes.
Ainsi, 24 occupants de l'immeuble situé [Adresse 1] à [Localité 9] ont signé une pétition datée du 22 octobre 2015 mentionnant notamment comme motifs : « Parties communes : + de lumières (remplaçons nous-mêmes les ampoules de notre palier) Parking : aucunes lumières ». Il convient de relever que la dernière signature figurant sur cette pétition est datée du 1er novembre 2015.
Le nombre de signataires de cette pétition établit l'absence d'éclairage dans le sous-sol abritant le parking de l'immeuble, alors que Mme [O] a chuté en bas de l'escalier de celui-ci, quelques jours suivant l'établissement de la pétition. En outre, la pétition témoigne non d'une simple panne ponctuelle d'éclairage, mais de problèmes récurrents relatifs à l'entretien des parties communes.
La société CDC habitat social produit des bons de commande et des factures pour des travaux d'électricité, mais aucune de ces pièces n'établit le dépannage et/ou le remplacement de l'éclairage du sous-sol entre le 1er novembre 2015, date de la dernière signature de la pétition précitée, et le 12 novembre 2015, date de l'accident de Mme [O].
Par ailleurs, aucun élément n'est de nature à démontrer une faute d'imprudence de Mme [O] qui serait à l'origine de sa chute, étant précisé que les occupants de l'immeuble ne sauraient pallier la carence du propriétaire à assurer l'éclairage de l'immeuble, au moyen d'éclairage d'appoint qui ne présentent pas le même confort visuel que l'éclairage fixe sur les parois ou les plafonds.
En conséquence, l'ensemble de ces éléments établit que la chute de Mme [O] est imputable à un défaut d'entretien des parties communes par le propriétaire bailleur. La société CDC habitat social est donc entièrement responsable du préjudice subi par Mme [O], de sorte que le jugement qui ne comporte aucun chef de décision sur ce point dans son dispositif, sera complété en ce sens.
Sur les sommes sollicitées par la caisse
Moyens des parties
La caisse soutient que si la société CDC habitat social conteste les préjudices allégués estimant qu'aucune pièce médicale, aucun arrêt de travail et aucun justificatif de la situation professionnelle de Mme [O] ne sont versés aux débats, il convient de rappeler que le versement des indemnités journalières est régi par les articles L.323-1 du code de la sécurité sociale et suivants, et les décrets d'application ; que la partie adverse ne peut raisonnablement sous entendre qu'elle a versé des indemnités journalières sans avoir la preuve d'une activité professionnelle de la personne alors même que l'article R.313-3 du code de la sécurité sociale fixe les conditions de cotisations pour bénéficier de ces indemnités ; que l'attestation d'imputabilité établie par le médecin conseil est probante ; qu'elle est donc bien fondée à solliciter la condamnation in solidum de la CDC habitat social, et de son assureur à lui verser la somme de 12 721,27 € avec intérêts au taux légal à compter de la première demande, c'est-à-dire au jour de l'assignation devant le tribunal.
Les sociétés CDC habitat social et Axa France Iard font valoir que la cour devra confirmer le jugement en ce qu'il a retenu que la caisse ne justifiait pas que les dépenses engagées sont en lien avec le dommage dont Mme [O] a été victime ; qu'en effet, aucune pièce médicale permettant d'imputer à l'accident du 12 novembre 2015, les prestations en nature exposées par la caisse, n'est versée aux débats ; qu'aucun arrêt de travail en lien avec l'accident du 12 novembre 2015, ni aucun justificatif de la situation professionnelle de Mme [O] au jour de l'accident, justifiant des
indemnités journalières allouées par la caisse, ne sont versés aux débats ; que la production en cause d'appel d'une attestation d'imputabilité du médecin conseil datée du 21 octobre 2021, qui ne s'impose pas au juge de l'indemnisation, ne saurait palier la carence de la caisse dans l'administration de la preuve dont la charge lui incombe ; qu'en définitive, seule une expertise médicale contradictoire de Mme [O] permettrait d'évaluer ses préjudices, au vu des éléments médicaux de son dossier, poste par poste de préjudice et d'imputer sur les postes soumis à recours la créance de la caisse ; qu'une telle expertise n'a pas été mise en 'uvre et n'est pas non plus sollicitée ; que la cour confirmera le jugement querellé en ce qu'il a débouté la caisse de ses demandes aux motifs qu'elle ne justifie pas des préjudices de Mme [O] et de leur imputabilité à l'accident en cause.
Réponse de la cour
L'article L.376-1 du code de la sécurité sociale dispose :
« Les caisses de sécurité sociale sont tenues de servir à l'assuré ou à ses ayants droit les prestations prévues par le présent livre et le livre Ier, sauf recours de leur part contre l'auteur responsable de l'accident dans les conditions ci-après.
Les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel. »
En l'espèce, la caisse produit un décompte de ses débours définitifs d'un montant total de 12 721,27 euros, se décomposant comme suit :
- frais hospitaliers du 12 au 16 novembre 2015 : 6 439,08 euros ;
- frais médicaux du 17 novembre 2015 au 2 mai 2016 : 873,09 euros ;
- frais pharmaceutiques du 16 novembre 2015 au 7 janvier 2016 : 247,21 euros ;
- frais de transport du 16 novembre 2015 : 45,14 euros ;
- indemnités journalières du 15 novembre 2015 au 24 avril 2016 : 5 181,75 euros ;
dont à déduire une franchise de 65 euros.
Ces débours ont fait l'objet d'une attestation d'imputabilité à l'accident de Mme [O] du 12 novembre 2015, établie par le médecin-conseil de la caisse le 21 octobre 2021. En outre, le décompte des débours mentionne expressément la référence de l'accident du 12 novembre 2015.
La caisse établit donc le lien de causalité entre les prestations servies et le fait dommageable imputable à la société CDC habitat social.
Les prestations étant servies par la caisse à son assurée social dans le cadre et en application des dispositions des livres I et III du code de la sécurité sociale, il ne saurait être exigé, dans le cadre du recours subrogatoire exercé contre le responsable que la caisse produise aux débats les justificatifs de la
situation professionnelle de Mme [O] qui ont fondé le versement des indemnités journalières. De même, aucune expertise judiciaire n'est nécessaire pour admettre le recours subrogatoire de la caisse portant sur les seuls préjudices qu'elle a pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel.
En conséquence, la caisse établit l'existence et le montant de sa créance en lien avec le fait dommageable, de sorte que les sociétés CDC habitat social et Axa France Iard seront condamnées in solidum à lui verser la somme de 12 721,27 euros avec intérêts au taux légal. Elles seront également condamnées in solidum à payer à la caisse la somme de 1 080 euros à titre d'indemnité forfaitaire en application de l'article L.376-1 alinéa 9 du code de la sécurité sociale.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a débouté la CPAM du Loir-et-Cher agissant au nom et pour le compte de la CPAM d'Indre-et-Loire de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de la société CDC habitat social et de la société Axa France Iard.
Sur les dispositions accessoires
Il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision, le pourvoi en cassation n'étant pas suspensif d'exécution.
Le jugement sera infirmé en ses chefs statuant sur les dépens et les frais irrépétibles.
Compte-tenu de la solution donnée au litige, il convient de condamner in solidum la société CDC habitat social et la société Axa France Iard aux entiers dépens de première instance et d'appel avec distraction des dépens au profit de Maître Laura Izemmour.
La société CDC habitat social et la société Axa France Iard seront également condamnées in solidum à payer à l'appelante la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, par arrêt rendu par défaut et en dernier ressort,
INFIRME le jugement en ce qu'il a :
- débouté la CPAM du Loir-et-Cher agissant au nom et pour le compte de la CPAM d'Indre-et-Loire de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de la société CDC habitat social et de la société Axa France Iard ;
- dit que chaque partie supportera les frais irrépétibles qu'elle a exposés ;
- condamné la CPAM du Loir-et-Cher agissant au nom et pour le compte de la CPAM d'Indre-et-Loire aux dépens ;
- accordé à Me Fabien Boisgard le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
CONFIRME le jugement en ses autres dispositions critiquées ;
STATUANT À NOUVEAU sur les chefs infirmés et Y AJOUTANT :
DIT que la société CDC habitat social est entièrement responsable du préjudice causé à Mme [O] suite à l'accident du 12 novembre 2015 ;
CONDAMNE in solidum la société CDC habitat social et la société Axa France Iard à payer à la caisse primaire d'assurance maladie du Loir-et-Cher agissant au nom et pour le compte de la caisse primaire d'assurance maladie d'Indre-et-Loire, la somme de 12 721,27 euros avec intérêts au taux légal ;
CONDAMNE in solidum la société CDC habitat social et la société Axa France Iard à payer à la caisse primaire d'assurance maladie du Loir-et-Cher agissant au nom et pour le compte de la caisse primaire d'assurance maladie d'Indre-et-Loire, la somme de 1 080 euros à titre d'indemnité forfaitaire ;
CONDAMNE in solidum la société CDC Habitat Social et la société Axa France Iard à payer à la caisse primaire d'assurance maladie du Loir-et-Cher agissant au nom et pour le compte de la Caisse Primaire d'assurance Maladie d'Indre-et-Loire, la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
DIT n'y avoir lieu à exécution provisoire ;
CONDAMNE in solidum la société CDC habitat social et la société Axa France Iard aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
DIT que Maître Laura Izemmour pourra recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.
Arrêt signé par Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de Chambre et Mme Karine DUPONT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT