C O U R D ' A P P E L D ' O R L É A N S
CHAMBRE SOCIALE - A -
Section 2
PRUD'HOMMES
Exp +GROSSES le 26 MARS 2024 à
la SELARL 2BMP
la SCP THAUMAS AVOCATS ASSOCIES
XA
ARRÊT du : 26 MARS 2024
MINUTE N° : - 24
N° RG 22/00754 - N° Portalis DBVN-V-B7G-GRPT
DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE TOURS en date du 08 Mars 2022 - Section : COMMERCE
APPELANTE :
Madame [J] [T]
née le 01 Mai 1981 à [Localité 3]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Guillaume PILLET de la SELARL 2BMP, avocat au barreau de TOURS
ET
INTIMÉE :
S.A.S. ROCHALLARD
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Sofia VIGNEUX de la SCP THAUMAS AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de TOURS
Ordonnance de clôture : le 22 décembre 2023
Audience publique du 23 Janvier 2024 tenue par Monsieur Xavier AUGIRON, Conseiller, et ce, en l'absence d'opposition des parties, assisté/e lors des débats de Monsieur Jean-Christophe ESTIOT, Greffier,
Après délibéré au cours duquel Monsieur Xavier AUGIRON, Conseiller a rendu compte des débats à la Cour composée de :
Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre, présidente de la collégialité,
Monsieur Xavier AUGIRON, conseiller,
Madame Anabelle BRASSAT-LAPEYRIERE, conseiller,
Puis le 26 Mars 2024, Mme Laurence DUVALLET, présidente de Chambre, présidente de la collégialité, assistée de Monsieur Jean-Christophe ESTIOT, Greffier a rendu l'arrêt par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
Mme [J] [T], née [E], a été engagée, à compter du 8 septembre 2000, par la société Rochallard (SAS), qui gère un magasin Intermarché, dans le cadre d'un contrat à durée déterminée puis par contrat à durée indéterminée, en qualité d'employée commerciale.
En arrêt de travail pour maladie non professionnelle le 5 juillet 2018, elle a été déclarée inapte à tout poste par le médecin du travail selon un avis du 17 septembre 2018, avec la mention " inapte au poste d'employée commerciale. L'état de santé de la salariée ne permet pas de suggérer une affectation sur un quelconque poste dans l'entreprise. Etude de poste et des conditions de travail effectuée le 14 septembre 2018. La salariée pourrait bénéficier d'une formation en vue d'une reconversion professionnelle. Article R.4624-42 du code du travail ".
Mme [T] a été convoquée à un entretien préalable à licenciement fixé au 2 novembre 2018. Par lettre du 7 novembre 2018, la société Rochallard lui a notifié son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Par requête enregistrée au greffe le 11 mars 2019, Mme [T] a saisi le conseil de prud'hommes de Tours aux fins de requalification de son licenciement en licenciement nul, en raison d'un harcèlement moral, ou subsidiairement sans cause réelle et sérieuse, en raison d'une violation par l'employeur de son obligation de sécurité, sollicitant diverses indemnités à ce titre.
Par jugement du 8 mars 2022, le conseil de prud'hommes de Tours a :
- débouté Mme [T] de l'ensemble de ses demandes,
- débouté la société Rochallard de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Mme [T] aux dépens.
Par déclaration formée par voie électronique le 25 mars 2022, Mme [T] a relevé appel de cette décision.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions remises au greffe le 10 juin 2022 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles Mme [T] demande à la Cour de :
- Infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Tours du 8 mars 2022.
Statuant à nouveau,
- A titre principal, dire et juger le licenciement intervenu nul et condamner la société Rochallard au paiement des sommes de :
- 10 000 euros de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
- 30 000 euros d'indemnité pour licenciement nul.
- A titre subsidiaire, dire et juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner la société Rochallard au paiement des sommes de :
- 10 000 euros de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,
- 19 427 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
- En tout état de cause, condamner la société Rochallard au paiement des sommes de :
- 1.376,62 euros de rappel d'indemnité de licenciement
- 2.679,62 euros d'indemnité de préavis,
- 267,62 euros de congés payés afférents,
- 199,89 euros de rappel de salaire sur mise à pied,
- 19,98 euros de congés payés afférents.
- Ordonner sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir la remise des bulletins de paie afférents aux créances salariales ainsi qu'un certificat de travail et une attestation destinée à Pôle Emploi.
- Condamner la société Rochallard aux entiers dépens qui comprendront les frais éventuels d'exécution et au paiement d'une somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions remises au greffe le 17 août 2022 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société Rochallard demande à la Cour de :
- Confirmer le jugement rendu le 08 mars 2022 par le Conseil de Prud'hommes de Tours en toutes ses dispositions ;
- Débouter en conséquence Mme [T] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions tant au principal qu'au subsidiaire ;
- À titre subsidiaire réduire à de plus justes proportions les demandes indemnitaires de Mme [T] ;
- Condamner Mme [T] au paiement d'une somme de 2500€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel ;
- Condamner Mme [T] aux entiers dépens d'appel et qui comprendront notamment les émoluments des officiers ministériels en application de l'article 696 du Code de Procédure Civile, dont distraction au profit de Maître Sophie Vigneux, membre de la SCPA Thaumas, avocat aux offres de droit.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 22 décembre 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
- Sur le harcèlement moral :
Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En vertu de l'article L. 1154-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-1088 du 8 août 2016, applicable en la cause, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de laisser supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il appartient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Mme [T] expose qu'après avoir tenu le rayon poissonnerie du magasin avec son mari, elle a été affectée à son retour de congé parental le 31 octobre 2015 au rayon charcuterie, où elle avait également, pendant plusieurs années auparavant, déjà été affectée, et où elle a dû collaborer avec Mme [R], chef de rayon, qui a adopté à son encontre un comportement harcelant. On lui a ensuite refusé qu'elle occupe elle-même le poste de chef de rayon, l'employeur préférant promouvoir une salariée arrivée récemment, Mme [G], alors pourtant qu'on lui demandait régulièrement de former les salariés de ce rayon et qu'elle en exerçait les fonctions effectives. Le 2 mai 2017, elle est mise à pied à titre conservatoire puis disciplinaire pour des manquements à l'hygiène et à la traçabilité des produits, qu'elle conteste, arguant d'une part, de ce qu'elle n'était pas responsable du rayon et d'autre part que les manquements qui lui étaient reprochés étaient plutôt du fait de la direction. Le 12 avril 2018, elle a découvert la présence de rats au sein de l'établissement, l'employeur tardant à intervenir de manière drastique avant le 18 juin 2018, cette situation causant chez elle un stress générant un arrêt de travail. Elle considère que ses conditions de travail ont eu des répercussions sur son état de santé.
La société Rochallard ne conteste pas la chronologie des faits.
La cour constate en premier lieu que Mme [T] est demeurée au poste d'employée commerciale pendant de nombreuses années. Il n'est pas contesté par l'employeur que néanmoins, elle disposait de certaines responsabilités, notamment lorsque le chef de rayon était absent. Mme [G] atteste qu'on lui a proposé la responsabilité de la gestion du rayon à peine 6 mois après son arrivée, alors que Mme [T], plus ancienne, connaissait et tenait très bien ce rayon, de sorte qu'elle s'en est trouvée gênée. Ces éléments confirment une forme de stagnation de Mme [T] au sein de l'entreprise.
S'agissant de ses relations avec la responsable du rayon Mme [R], elle ne produit aucun élément particulier, mais l'employeur produit lui-même une attestation de cette dernière qui retrace la mésentente existante entre elle, cette dernière se plaignant de ce que Mme [T] n'écoutait pas ses consignes, " notamment lors de (ses) congés ". Une autre salariée, Mme [D] [T], sans lien de parenté avec Mme [J] [T], indique que Mme [R] l'aurait harcelée en la pistant et la piégeant, et en l'humiliant devant le gérant du magasin, mentionnant " c'est encore arrivé à d'autres ". M.[U] indique par ailleurs que "l'ambiance avec la direction n'était pas bonne ".
S'agissant de la mise à pied disciplinaire qui a été infligée à Mme [T] le 16 mai 2017, la société Rochallard invoque avec raison la prescription biennale prévue par l'article L.1471-1 du code du travail, dans la mesure où son annulation n'a jamais été réclamée par la salariée dans le délai de deux ans après cette date : en effet, une telle annulation ne faisait pas partie des demandes qu'elle a formées devant le conseil de prud'hommes, telles que rappelées en tête du jugement, pas plus qu'elle n'est d'ailleurs mentionnée au dispositif de ses conclusions d'appel, déposées en tout état de cause après l'expiration de ce délai.
Dans ces conditions, la validité de la sanction ne pouvant être remise en cause, la demande de Mme [T] visant au paiement d'un rappel de salaire afférent sera, par voie de confirmation, rejetée.
Cependant, cette prescription ne fait pas obstacle à ce qu'à l'appui d'une demande visant à la reconnaissance d'un harcèlement moral, elle invoque le caractère éventuellement injustifié de cette sanction disciplinaire.
Il lui était reproché des manquements à l'hygiène, la sécurité et la traçabilité des dates limites de consommation du rayon charcuterie traiteur.
Il résulte de plusieurs attestations , dont celles de Mme [D] [T] et de Mme [G], que l'hygiène et le non-respect des «dates limite de consommation» n'étaient pas respectées du fait de l'employeur plutôt que de Mme [T]. Mme [G] relate également le fait que la plonge devait être faite dans la chambre froide, d'où des moisissures, et qui indique n'avoir jamais rencontré de problèmes avec Mme [T] au niveau de l'hygiène et du nettoyage.
La présence de nuisibles est confirmée par l'employeur lui-même. Mme [Y] et Mme [G] attestent de ce que Mme [T] en avait la phobie et il résulte clairement des pièces produites que le traitement de cette situation a duré plusieurs semaines, Mme [G] indiquant qu'elle a perduré même après le départ de Mme [T] en arrêt de travail pour maladie.
Enfin, Mme [T] produit des éléments médicaux : son médecin traitant a constaté une dépression lors de la délivrance de l'arrêt de travail initial du 5 juillet 2018, qui serait lié, selon les constatations qu'il a opérées sur la foi des déclarations de l'intéressée, " aux conditions de travail et aux relations patronales ". Son psychiatre constate le 27 août 2018 " une tristesse de l'humeur avec anxiété, crises d'angoisse, troubles du sommeil, idées noires, pleurs fréquents. Ce trouble constituant un épisode dépressif majeur qui est à mettre en lien direct avec les conditions de travail actuelles, notamment les relations patronales ". Enfin, son dossier de médecine du travail fait état des plaintes de Mme [T] qui indique le 27 juin 2018 : " j'ai un gros conflit avec mon patron qui date du 2 mai 2017 ", mentionnant la mise à pied, et qu'elle " n'avait plus envie de faire le travail des autres. La salariée a demandé à évoluer et cela lui a toujours été refusé. C'est une histoire de périmés qui ont été retrouvés dans le rayon". Elle évoque ensuite le fait qu'elle adore son métier mais qu'elle ne peut plus supporter de travailler en présence de rats.
Ces éléments, pris dans leur ensemble, démontrant l'existence d'un conflit entre Mme [T] et son employeur en lien avec les critiques qui ont été émises sur son travail, sa stagnation professionnelle et l'exacerbation d'un mal-être au travail lorsque le magasin a subi la présence de nuisibles, en tenant compte des documents médicaux produits, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail.
La société Rochallard fait état de relations de travail saines, Mme [T] ayant bénéficié à sa demande de passage à temps partiel, de congés parentaux et d'adaptation de son planning. Elle indique que Mme [T] a, lors de son retour de congés parental en 2015, demandé une modification de rythme de travail en ne travaillant pas les mercredis et vendredis après-midi, ce qui a été accepté. Elle soulève l'existence d'un état médical antérieur, l'intéressée ayant selon l'employeur fait l'objet de nombreux arrêts de travail liés à des évènements de sa vie personnelle qui se seraient cristallisés lors du décès de son père en octobre 2017. Elle souligne que les éléments médicaux qu'elle produit sont sans lien avec les faits dénoncés et que son dernier arrêt maladie suivait immédiatement un congé pour son mariage. Elle affirme que Mme [T] compte tenu de ce qu'elle travaillait à temps partiel, ne pouvait occuper le poste de chef de rayon, mais aussi qu'elle ne disposait pas des compétences techniques et humaines pour cela. Elle n'aurait pas été " constante dans l'exercice de ses fonctions " et considère la mise à pied disciplinaire qui lui a été infligée comme justifiée. Elle affirme enfin que tout a été immédiatement fait pour venir à bout de l'invasion de nuisibles, sur la présence desquelles Mme [T] plaisantait.
La société Rochallard produit plusieurs attestations qui font état de remarques sur la qualité de son travail : M.[X], ancien boucher avant 2017, indique qu'il " n'a jamais réussi à la faire travailler correctement ". Deux salariés attestent de plaintes de clients sur l'hygiène ou des problèmes de produits périmés au rayon charcuterie. Son ancienne responsable de rayon, Mme [R], évoque un " rayon désordonné " à ses retours de congés et un " cahier de DLC négligé voire des périmés ".
Ces témoignages sont certes contredits par ceux des salariés ayant attesté en faveur de Mme [T], et notamment par celui de Mme [G], qui a pris la suite de Mme [R], lesquels évoquent l'implication de l'employeur dans ce manque d'hygiène, comme déjà indiqué.
Il n'en demeure pas moins qu'une sanction disciplinaire pour de tels faits lui a été infligée, non contestée à l'époque, même si elle a été mal vécue, comme cela résulte d'un certificat médical produit, et qu'elle est aujourd'hui définitive.
Mme [R] note également ses difficultés à " accepter des remarques sur sa méthode de travail " et qu'elle quittait son poste pour " bavarder avec ses collègues ou se balader dans le magasin ".
Ces éléments peuvent expliquer que Mme [T] ait stagné dans sa carrière, n'ait pu accéder au poste de chef de rayon et qu'une ses collègues, moins ancienne qu'elle, ait été promue rapidement. Elle ne justifie d'ailleurs en rien qu'elle ait sollicité à un quelconque moment une telle promotion, la société Rochallard produisant au contraire un courrier qu'elle a rédigé lors de son retour de congé parental, dans lequel elle se contente de solliciter des facilités pour ne pas travailler les mercredis et vendredis après-midi, pour des raisons familiales bien compréhensibles, mais ce qui pouvait justifier qu'on ne la choisisse pas pour devenir chef de rayon.
La cour relève en outre que la supérieure hiérarchique de Mme [T] au moment de son arrêt de travail décrit un relationnel harmonieux avec elle, de sorte que les difficultés qu'elle avait pu rencontrer avec Mme [R] étaient terminées lorsqu'elle a été arrêtée pour maladie. Aucun témoignage n'évoque par ailleurs des difficultés relationnelles avec le gérant du magasin, et plusieurs salariés viennent constater l'absence de fait de caractère harcelant commis à l'encontre de Mme [T], décrite par l'un d'eux comme refusant " toujours de reconnaître sa responsabilité " et rejetant " les erreurs sur les autres ".
S'agissant de la présence de nuisibles, elle n'est pas contestée par l'employeur, mais ce dernier justifie avoir, dès leur signalement en avril 2018, avisé une entreprise spécialisée et souscrit un contrat d'abonnement de lutte contre les nuisibles et produit un courrier de plainte sur le fait que le dispositif mis en place n'a pas été dans un premier temps satisfaisant, ce qui explique la persistance, en tout cas jusqu'aux congés de Mme [T] en juin 2018 et son arrêt de travail qui a suivi, en juillet 2018, de ce délicat problème.
Il résulte des témoignages produits que Mme [T] a développé une véritable phobie de ces rongeurs, ce dont l'employeur ne peut être tenu pour responsable et il apparaît que cette situation est concomitante à l'arrêt de travail de Mme [T], décrite comme sujette à dépression par certains de ses collègues.
L'ensemble de ces éléments établissent que les agissements invoqués par la salariée sont justifiés par des éléments objectifs et ne sont pas constitutifs d'un harcèlement moral compte tenu de la justification par l'employeur de l'absence d'évolution professionnelle de Mme [T], de ce qu'au dernier état des relations contractuelles, Mme [T] travaillait sereinement avec sa cheffe de rayon et de ce que le traitement par la société Rochallard du problème créé par la présence de nuisibles est exempt de critiques.
C'est pourquoi le jugement du conseil de prud'hommes, qui n'a pas retenu l'existence d'un tel harcèlement moral, doit être confirmé.
Mme [T] sera, également par voie de confirmation, déboutée de sa demande visant à la nullité de son licenciement et de ses demandes en paiement de dommages-intérêts pour licenciement nul et pour préjudice moral au titre du harcèlement moral.
- Sur le respect par l'employeur de l'obligation de sécurité
Ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.
En vertu des articles L.4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, l'employeur est tenu à l'égard de son salarié d'une obligation de sécurité. Il doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs (actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail, actions d'information et de formation, mise en place d'une organisation et de moyens adaptés) en respectant les principes généraux de prévention suivants : éviter les risques, évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités, combattre les risques à la source, adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé, tenir compte de l'état d'évolution de la technique, remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux, planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle, donner les instructions appropriées aux travailleurs. Il lui appartient de justifier qu'il a satisfait à ses obligations.
Mme [T] invoque la lenteur avec laquelle, selon elle, la société Rochallard a réagi pour contrer l'invasion de rats et remédier aux problèmes d'hygiène.
Cependant, comme déjà indiqué, la société Rochallard apparaît avoir réagi avec diligence à ce problème.
Aucun manquement de l'employeur à ce titre ne peut donc lui être reproché.
Dans ces conditions, la décision du conseil de prud'hommes qui a débouté Mme [T] de sa demande visant à ce que le licenciement soit déclaré sans cause réelle et sérieuse sur ce fondement, de sa demande de dommages-intérêts afférente, ainsi que de l'ensemble de ses demandes pécuniaires au titre du licenciement, sera confirmée.
- Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
La solution donnée au litige commande de condamner Mme [T] à payer à la société Rochallard la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de la débouter de sa propre demande au même titre.
Mme [T] sera condamnée aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme en toutes ses dispositions de jugement rendu le 8 mars 2022 par le conseil de prud'hommes de Tours ;
Y ajoutant,
Condamne Mme [J] [T] à payer à la société Rochallard la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la déboute de sa propre demande au même titre ;
Condamne Mme [J] [T] aux dépens d'appel.
Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre, président de la collégialité, et par le greffier
Jean-Christophe ESTIOT Laurence DUVALLET