RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL D'ORLÉANS
Rétention Administrative
des Ressortissants Étrangers
ORDONNANCE du 19 MARS 2024
Minute N° 45/2024
N° RG 24/00599 - N° Portalis DBVN-V-B7I-G6OW
(1 pages)
Décision déférée : Juge des libertés et de la détention d'Orléans en date du 17 mars 2024 à 15h48
Nous, Brigitte Raynaud, président de chambre à la cour d'appel d'Orléans, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Hermine Bildstein, greffier stagiaire en pré-affectation sur poste aux débats et au prononcé de l'ordonnance,
APPELANT :
M. [W] [E]
né le 2 juin 1994 à [Localité 1] (Nigeria), de nationalité nigérienne
actuellement en rétention administrative dans des locaux ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire du centre de rétention administrative d'[Localité 2],
comparant par visioconférence, assisté de Me Bénédicte Greffard-Poisson, avocat au barreau d'Orléans
en présence de M. [J] [K], interpète en langue anglaise, serment préalablement prêté, qui a prêté son concours lors de l'audience et du prononcé.
INTIMÉ :
LA PREFECTURE DU CALVADOS
non comparant, non représenté
MINISTÈRE PUBLIC, avisé de la date et de l'heure de l'audience
À notre audience publique tenue en visioconférence au Palais de Justice d'Orléans, conformément à l'article L743-8 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), le 19 mars 2024 à 10 H 00 heures,
Statuant en application des articles L743-21 à L743-23 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), et des articles R743-10 à R743-20 du même code,
Vu l'ordonnance rendue le 17 mars 2024 à 15h48 par le juge des libertés et de la détention d'Orléans rejetant l'exception de nullité soulevée, rejetant le recour formé par l'intéressé contre l'arrêté de placement en rétention administrative, et ordonnant la prolongation du maintien de M. [W] [E] dans les locaux non pénitentiaires pour un délai maximum de ving-huit jours à compter du 16 mars 2024 à 16h10 ;
Vu l'appel de ladite ordonnance interjeté le 18 mars 2024 à 12h35 par M. [W] [E],
Vu les observations de la préfecture du Calvados reçues au greffe le 18 mars 2024 à 15h38 ;
Après avoir entendu :
- Me Bénédicte Greffard-Poisson, en sa plaidoirie ;
- M. [W] [E], en ses observations, ayant eu la parole en dernier.
AVONS RENDU ce jour, publiquement et contradictoirement, l'ordonnance suivante :
Il résulte de l'article 66 de la Constitution et de l'article L743-9 du CESEDA que le juge des libertés doit s'assurer que l'étranger est pleinement informé de ses droits et placé en état de les faire valoir lorsqu'il se trouve placé en rétention administrative.
Aux termes de l'article L743-12 du CESEDA, en cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, toute juridiction, y compris la Cour de cassation, qui est saisie d'une demande d'annulation ou qui relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la main levée de la mesure de placement en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l'étranger.
Selon l'article L741-3 du CESEDA, "un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps nécessaire à son départ, l'administration étant tenue d'exercer toutes diligences à cet effet, dès le placement en rétention",
Il convient de considérer que c'est par une analyse circonstanciée et des motifs particulièrement pertinents qu'il y a lieu d'adopter que le premier juge a statué sur les moyens de nullité et de fond soulevés devant lui et repris devant la cour, étant observé, au vu des termes de la déclaration d'appel du retenu du 18 mars 2024 et des moyens repris lors des débats de ce jour :
Sur l'incompatibilité du placement en rétention avec la procédure pénale diligentée à l'encontre de M. [W] [E], la déclaration d'appel invoque la violation de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et du citoyen dans la mesure où la rétention en vue de son éloignement le priverait de son droit à comparaitre devant le tribunal correctionnel de Caen le 11 avril 2024. Sur ce point, la cour rappelle d'une part que s'il est constant que les règles du procès équitable, telles qu'elles résultent du droit interne, s'imposent dans toutes les procédures, la Cour européenne des droits de l'homme a clairement refusé d'appliquer l'article 6 § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales aux procédures administratives relatives à l'étranger (CEDH, G.C 5 octobre 2000 Maaouia c. France, Req N° 39652/98 ; CEDH, 2 février 2010, Dalea c. France, Req N° 964/07), de sorte que les litiges concernant la rétention des étrangers n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 6 §1 précité (1ère Civ., 17 octobre 2019, pourvoi n° 18-24.043, publié). En outre, les dispositions des articles L744-10 et L744-11 du CESEDA prévoient expressément la possibilité, pour l'étranger placé ou maintenu en rétention, d'interjeter appel d'une décision prononcée par la juridiction pénale en adressant une déclaration auprès du responsable du lieu de rétention, de sorte qu'une rétention n'est pas, par nature, incompatible avec la poursuite d'une procédure pénale diligentée à l'encontre du retenu, ni avec la possibilité qu'a en l'espèce le retenu convoqué devant le tribunal correctionnel le 11 avril 2024 pour des faits récents de cession de stupéfiants et de rébellion, d'effectuer depuis le CRA les démarches utiles en vue de sa défense. Enfin, la jurisprudence de la cour d'appel de Douai mentionnée dans la déclaration d'appel (5 décembre 2012, n°385/2012) prévoit que la rétention peut être prolongée si cette dernière est susceptible de couvrir la date d'audience, ce qui est le cas en l'espèce puisque la prolongation, prononcée pour une durée de 28 jours, aurait pour effet de porter la fin de la rétention au 13 avril 2024. Le moyen est donc rejeté.
Sur le défaut d'examen de la situation personnelle du retenu, l'intéressé n'expose aucun argument pertinent de contestation de la motivation retenue par le premier juge relevant de la compétence du juge judiciaire, aucune mesure moins coercitive n'étant applicable en l'absence total de garanties, étant observé que si l'intéressé détient effectivement un passeport nigérien en cours de validité jusqu'au 9 janvier 2030 actuellement conservé par le greffe du centre de rétention, ce dernier ne l'a pas remis de son propre chef car le document a été trouvé au cours d'une perquisition, la cour observant que le retenu a manqué de loyauté à cet égard, alors même qu'il bénéficiait d'une assignation à résidence. De plus, il a également refusé de se présenter à une audition consulaire aux fins d'identification le 29 février 2024, en raison, selon le retenu, d'épreuves universitaires dont il n'est pas justifié, le retenu faisant ainsi obstacle à la mise en 'uvre de son éloignement.
La cour considère par ailleurs, comme l'a fait à bon droit le premier juge, que le retenu ne présente pas de garanties de représentations suffisantes au regard de du manque de loyauté à l'égard des autorités relevé ci-dessus, pour avoir tu l'existence d'un passeport en cours de validité, traduisant la réalité du risque de fuite devant la concrétisation de la mise en 'uvre de la mesure d'éloignement, l'hébergement en résidence universitaire ne pouvant constituer une adresse stable, effective et pérenne, sa volonté de poursuivre ses études universitaires confirmant son souhait de rester en France à ce jour.
Les conditions d'une nouvelle assignation à résidence ne sont pas réunies. Le moyen est rejeté.
S'agissant des diligences, la cour observe que l'administration justifie des diligences nécessaires au stade de la première prolongation de la rétention, la découverte du passeport en cours de validité lors de la perquisition accréditant, à terme, les perspectives d'éloignement, la première prolongation ne connaissant pas l'exigence du bref délai. Le moyen est rejeté.
Étant observé qu'en cause d'appel, la requête du préfet tendant à la prolongation motivée tant en droit qu'en fait a été réitérée et en l'absence de toute illégalité susceptible d'affecter les conditions, découlant du droit de l'Union, de la légalité de la rétention et à défaut d'autres moyens présentés en appel, il y a lieu de confirmer l'ordonnance attaquée.
PAR CES MOTIFS,
DÉCLARONS recevable l'appel interjeté par Monsieur [W] [E] ;
DÉCLARONS non fondés l'ensemble des moyens et les rejetons ;
CONFIRMONS l'ordonnance déférée du juge des libertés et de la détention qui ordonne la prolongation du maintien en rétention administrative de Monsieur [W] [E] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ;
LAISSONS les dépens à la charge du Trésor ;
ORDONNONS la remise immédiate d'une expédition de la présente ordonnance au retenu, et son conseil, à la préfecture du Calvados et au procureur général près la cour d'appel d'Orléans,
Et la présente ordonnance a été signée par Brigitte Raynaud, président de chambre, et Hermine Bildstein, greffier présent lors du prononcé.
Fait à Orléans le DIX NEUF MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE, à heures
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Hermine BILDSTEIN Brigitte RAYNAUD
Pour information : l'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien la rétention et au ministère public. Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification. Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
NOTIFICATIONS, le 19 Mars 2024 :
LA PREFECTURE DU CALVADOS, par courriel
Monsieur le procureur général près la cour d'appel d'Orléans, par courriel
M. [W] [E] , copie remise par transmission au greffe du CRA
Me Bénédicte GREFFARD-POISSON, avocat au barreau d'ORLEANS, copie remise en main propre contre récépissé
L'interprète L'avocat de l'intéressé